Vie de Mohammed/Pèlerinage d’adieu

Traduction par Adolphe-Noël Desvergers.
Imprimerie royale Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 88-89).

Pèlerinage d’adieu.

Le 25 du mois de dhoul-kaada, le prophète se mit en route pour un nouveau pèlerinage. On n’est pas d’accord pour savoir s’il voulait faire le pèlerinage qu’on appelle kiran (156), P ou celui qu’on nomme temettou, ou celui qui s’appelle ifrad ; mais l’opinion la plus généralement admise, c’est qu’il voulait faire le kiran. Tandis qu’il accomplissait son pèlerinage, accompagné des Musulmans, il rencontra Ali (157), revêtu de l’ihram, et lui dit : « Ote ce vêtement, ainsi que l’ont ôté les compagnons. » « J’ai formé, répondit Ali, les mêmes vœux que le prophète de Dieu (158). » En conséquence, il resta revêtu de l’ibram, et le prophète offrit les victimes à sa propre intention et à celle du fils d’Abou-Taleb. Le prophète fit ensuite connaître aux hommes les cérémonies et les rites du pèlerinage, puis descendít du ciel ce verset : Aujourd’hui les infidèles désespèrent de triompher de votre religion ; ne les craignez pas, mais craignez-moi. J’ai achevé l’œuvre de votre loi religieuse, les gráces que j’ai répandues sur vous sont accomplies, et l’Islamisme est la foi que j’agrée de votre part (159). Abou-Bekr pleura lorsqu'il entendit ces paroles, car il pensait qu’après l’accomplissement de la grâce elle ne pouvait plus que décroître, et que le ciel annonçait ainsi au prophète que sa mort était proche. Le prophète, s’étant rendu sur le mont Arafa (160), fit une al- locution dans laquelle il donna aux hommes divers préceptes et leur dit : « O vous qui m’écoutez, sachez que la remise de « l’observation des mois sacrés est un surcroît d’infidélité (161). « Le temps, ayant accompli sa révolution, est revenu tel qu’il w était lorsque Dieu créa le ciel et la terre. Dieu a voulu que « les mois fussent au nombre de douze. » C’est ainsi que le prophète termina ce pèlerinage, qui fut nommé le pèlerinage d’adieu, car c’est le dernier qu’il ait fait. Il revint ensuite à Médine et y resta jusqu’à la fin de l’année ; puis on entra dans la dixième année de l’hégire.


(156) By à, à proprement parler, quatre espèces de pèlerinages : le premior, que l’on appelle Kiran, est celui où le pèlerin fait tout à la fois avec le même ihram, sans le quiller, et la visite du sanctuaire et celle de l’Omra. Le second se nomme Temetion : c’est celui où le pèlerin fail d’abord la visite de l’Omra, et après avoir abandonné son ihram, le reprend aux approches de la fête pour s’acquitter avec les autres pèlerins en corps de la visite de la Caaba. Le troisième est celui où l’on ne va qu’à la Caaba, et qu’on appelle par cette raison Ifrad bil-Hadj. Le quatrième enfin, qu’on désigne sous le nom d’Ifrad bil-Omra, c’est celui où le fidèle se borne à la visite de l’Omra. (Voyez d’Ohsson, t. III, p. 110.)

(157) Il rencontra Ali. Le Sirat-er-Reçoul ajoute ici : Ali revenait alors de son expédition dans l’Yemen,.

(158) Tout ce récit de la rencontre d’Ali avec le prophète, qui veut lui faire quitter le manteau appelé ihram, est rapporté par Ahon’lféde d’une manière trop concise pour être claire. Les passages suivants du Sirat-er Repoul et du Delail-el-Ahkam serviront de commentaire. On lit dans le Sirat, fol. 257

[texte en Arabe]

« Le prophète partit à la tête des Musulmans pour le pèlerinage, arrivé à « Serou (compement des himyarites, non de plusieurs lieux : il y a près de la Mecque un gros bourg nommé Serou. Merac-el-Itt.), il ordonna, kui qui avait emmené des animaux destinés aux sacrifices, que tous les Musnimans qui n’avaient point avec eux de victimes déposeraient l’inram après avoir accompli la visite Oure… On entra à la Mecque ; ceux qui n’avaient pas emmené de victimes ainsi que les femmes mêmes du prophète se dépouillèrent de l’ihram, n’ayant accompli que l’Omrá, Le même récit se retrouve avec plus de détails dans le Delail-el-Ahkam : en voici quelques passages : Joi

[texte en Arabe]

Aiescha a dit : Nous partimes de Médine avec le prophète l’année du pèlerinage d’adieu. Parmi nous, les uns (en prenant l’ikram), s’engagèrent à faire la visite omra, les antres à faire le pèlerinage, d’autres enfin à accomplir le pèlerinage et l’omra… Quand nous .fumes près de la Mecque, le prophète ordonna que ceux qui n’avaient pas amené avec eux des victimes quitteraient l’ikram après avoir fait « les tournées (tougfs) autour du temple, et la marche (sa) entre les collines de Safa et de Méroua… Djaber a dit : Nous partimes de Médine avec le prophète. Notre intention était de faire le pèlerinage, nous ne pensions pas qu’il fut question d’autre chose. Lorsque nous eâmes accompli les tournées autour du temple, au moment où nous étions près de la colline de Meroua, le propliète nous dit : Musulmans, que ceux d’entre vous qui n’ont point amené avec eux de victimes dépo-

  • sent l’ikrum, et fassent de leur voyage une simple visite Omru. » (Delail

el-Ahkum, fol. 85 v.)

On voit dans d’Olsson que, lorsqu’un Musulman prend le mantean de laine blanche ihram, nécessaire pour accomplir le pèlerinage ou la visite emra, il prononcé ordinairement cette prière : O mon Dieu, je « suis dans l’intention de m’acquitter du pèlerinage (ou de l’omra, an du pèlerinage et de l’omra rèunis) ; accorde-moi cette grâce et que mon raction te soit agréable. Ensuite il entonne à haute voix la prière Tel- biyè. (D’Ohsson, L. III, p. 66.) C’est là ce qu’indique l’expression Jat E, dont le nom d’action est al, c’est-à-dire prendre l’en-

  • gagement, exprimer l’intention de faire le pèlerinage ou l’omra.

On conçoit aisément que l’intention d’Ali, ou revétant l’ihram, ayant élé d’accomplir les mêmes cérémonies auxquelles le prophète se serait obligé par son vau, Mabomet ne pouvait plus exiger que ce chef quittát le manteau pénitentiel tant que lui-même le garderail pour remplir tous les rites du pèlerinage.

L’auteur du Delail-el-Ahkam, dans une section du chapitre d intitulée, JM Joi Jall, rapporte le même trait de Mahomet et d’Ali raconté par Abou’lféda. Il en conclut que le Musulman, en prenant l’ikram, peut ne point préciser son intention et la porter en suite à son choix sur le pèlerinage ou l’omra, ou l’un et l’autre réunis.

[texte en Arabe]

(159) Voyez le Coran, sour. vers. 4.

(160) Le mont Arafa, appelé aussi di Jala montagne de la « miséricorde s’élève à l’extrémité nord-est d’une plaine séparée de la Mecque par une distance de six heures de route. C’est une masse grani- tique d’environ un mille de circuit. Ses Blancs s’abaissent en pente douce et son sommet s’élève à près de deux cents pieds au-dessus du niveau de la plaine. Suivant les croyances des Musulmans, Adam y apprit de l’ange Gabriel comment il devait adorer son créateur, et la visite de ce lieu saint est une des obligations du pèlerinage. (Voyez Burckhardt, tome I, pag. 368 et suiv.)

(161) D’après les recherches de M. de Sacy (Mém. de l’Acad. des Insc. t. XLVIII, p. 613), le mot gw dilatio est employé pour indiquer la remise de l’observation d’un mois sacré que l’on rejette sur un autre. Ce savant orientaliste prouve, d’après Djelal-eddin, Beidhawi, Djewbari et Firouzabadi, que, malgré l’opinion émise par quelques écrivains arabes, la vraie signification du mot nari est celle qu’il a adoptée, et qu’elle n’a rien de commun avec l’intercalation d’un treizième mois dans l’année. exprimée en arabe par le mot كبس.