Traité des aliments de carême/Partie 2/Moyens d’adoucir l’usage du maigre

Jean-Baptiste Coignard (Tome IIp. 80-111).


MOYENS D’ADOUCIR
l’usage du Maigre
.



Il y a des personnes délicates que l’abstinence exacte incommode considérablement, quelques précautions qu’elles apportent dans le choix des viandes, & des assaisonnemens. On ne peut douter que celles-là ne méritent quelque indulgence ; or le seul adoucissement qu’on puisse leur accorder, lorsque la viande ne leur est pas absolument nécessaire, c’est l’usage des œufs. La plûpart des alimens maigres, pourvû qu’on ne les pervertisse point par l’excés des assaisonnemens, ne peuvent incommoder que parce qu’ils sont ou trop aqueux, ou trop terrestres. Or on trouve dans les œufs une nourriture exempte de ces deux vices ; & le moïen, par conséquent, de corriger ce que les alimens de Carême peuvent avoir de moins convenable pour certains tempéramens. Les œufs sont composez de deux parties principales, qui sont, le jaune, & le blanc. Le jaune contient beaucoup de parties huileuses, & un sel acide volatil. Le blanc renferme un acide plus fort, des parties huileuses, & une quantité modérée de flegme. Le jaune a les principes plus divisez & plus exaltez.

On peut mêler les œufs avec les légumes, & les légumes alors en seront moins lourds sur l’estomac : on les peut mêler avec le poisson, & le poisson en sera moins flegmatique, & plus nourrissant : on peut enfin les mêler dans les boüillons & dans les potages, & suppléer en partie par ce moïen, aux bouillons & aux potages à la viande. On peut même, s’il est nécessaire, faire des repas d’œufs ; & plûtôt que de se réduire à rompre tout-à-fait l’abstinence, varier cette nourriture de tant de manieres, que l’estomac ne puisse si-tôt s’en rebuter. Mais comme les diverses sortes de mets qui se préparent avec les œufs, ne sont pas toutes également convenables à la santé, il est important d’apporter là-dessus beaucoup de choix, afin qu’en cherchant le moïen de se passer de viande, on ne se mette pas dans le besoin de recourir à la viande même. Nous remarquerons donc à ce sujet, que les meilleures sortes d’œufs dont on puisse user en Carême, pour se dispenser d’en venir à l’usage de la viande, sont les œufs à la coque, les œufs au miroir, les œufs pochez à l’eau, les œufs broüillez, les omelettes à la crême ; & que pour ce qui est de la plûpart des autres, comme sont, les œufs au beurre noir, les œufs perdus, les œufs fricassez en tranches, autrement dits à la tripe ; les œufs à la Portugaise, à la neige, au lait ; les œufs mignons, les œufs filez : ce sont des mets fort mal-faisans. Entrons dans le détail.


DES DIFFERENTES
préparations d’Œufs ;

Et premièrement,
DES ŒUFS A LA COQUE.



Les œufs a la coque bien frais, & cuits dans l’eau, de maniere que le blanc ni le jaune n’aient point trop de consistance, sont les plus sains de tous. Ils se digérent facilement, ils produisent un sang doux & laiteux ; & comme ils embarrassent toutes les parties acres qui peuvent faire des irritations, ils appaisent la toux, & éclaircissent la voix. On remarque de plus, qu’ils aident à la respiration[1], qu’ils séparent les esprits, qu’ils purifient les humeurs, qu’ils fortifient ; & comme l’observent de sçavans Medecins, il n’y a point d’aliment qui soit plus propre que celui-là, à nourrir la plûpart des infirmes[2], sans charger leur estomac : l’expérience confirme leur sentiment. Nous avertirons à ce sujet, que c’est une mauvaise coûtume, d’avaler le jaune de l’œuf sans le blanc[3], comme font quelques personnes qui croïent par-là se nourrir davantage. Le jaune tout seul s’enflamme aisément dans un estomac trop chaud, & quand il y rencontre trop d’humeurs impures, il s’y corrompt bien-tôt. Au lieu que quand il est accompagné du blanc, il a un correctif qui le modére, & qui lui sert comme de frein : ce qui fait dire à un Sçavant Moderne, que les œufs sont trés-tempérez, & qu’il ne faut point imiter ceux qui les croïant trop chauds, n’osent les permettre aux fébricitans[4]. Les œufs qu’on veut prendre à la coque ne sçauroient être trop frais : c’est un usage assez commun de les faire tremper dans de l’eau pour les conserver, & on retarde effectivement par ce moïen la fermentation secrette qui désunit peu à peu les principes de l’œuf, & qui au bout d’un certain tems le rend si malsain ; mais on introduit aussi dans la substance de l’œuf, des parties aqueuses, qui en noïent, pour ainsi dire, les esprits, & qui le rendent plus insipide. On dit qu’à Tunquin on conserve les œufs pendant deux ou trois ans, par le moïen d’une pâte dont on les enveloppe, laquelle est faite de cendre & de saumure. Il y a lieu de croire que des œufs d’un mois, conservez de cette maniere, doivent être plus sains & de meilleur goût que d’autres d’une semaine, conservez dans de l’eau.

Les Œufs au miroir sont fort nourrissans ; & pourvû qu’ils soient faits au bain-marie, qu’ils ne soient point trop cuits, & qu’on n’y mêle que d’excellent beurre, ils peuvent convenir aux estomacs même les plus délicats.

Les Œufs au lait, quoi-que plus légers en apparence, ne sont pas, à beaucoup prés, si sains ; ils renferment une grande quantité d’air, qui venant à se rarefier dans l’estomac, gonfle ce viscere, & cause beaucoup de vents. De plus, ces sortes d’œufs sont ordinairement rôtis par dessus, avec une paile rouge, ce qui, avec le sucre qu’on y mêle, ne peut les rendre que fort bilieux. À la vérité, ils flattent le goût ; mais comme le remarque un sçavant Auteur, ils n’en sont pas pour cela moins mal-faisans : Etiamsi suavissima sint, salubritate carent[5]. Ajoûtons que les œufs, par l’acide qu’ils renferment, coagulent les soufres du lait, ce qui ne peut que nuire à la digestion.

Les Œufs perdus ou brulez contractent, par la violence du feu, une acreté & une sécheresse qui les rend dangereux à la santé ; ils ne se digérent qu’à peine, ils resserrent le ventre, & fournissent un suc qui n’est propre qu’à allumer le sang.

Il n’en est pas de même des Œufs pochez à l’eau, la chaleur douce & humectante qui les a cuits, fait qu’ils n’ont rien que de tempéré, qu’ils sont faciles à digérer, & qu’ils produisent un suc innocent[6].

Ces tranches d’œufs durs, qu’on fait racornir dans la poele, & qu’on appelle vulgairement œufs à la tripe, sont peut-être ce qu’on peut manger de plus indigeste. On y mêle quelquefois du fromage ; & alors, selon l’expression judicieuse d’un célebre Medecin, c’est un mets capable de mettre à l’épreuve l’estomac du plus robuste fossoïeur[7].

Les Œufs au beurre noir ne sont pas plus sains ; l’ardeur du feu qui les a durcis, le beurre roux où ils ont cuit, le vinaigre brûlé qu’on a jetté dessus, tout cela ne peut faire qu’un fort mauvais mets pour la santé.

Les Œufs en omelette ne sont pas absolument mal sains, pourvû qu’on n’y mêle ni oignon, ni ciboule, ni aucunes herbes : les omelettes à la créme sont les plus saines.

Les Œufs au verjus ou broüillez sont trés-innocens, & c’est une des meilleures sortes d’œufs qu’on puisse conseiller aux infirmes & aux valétudinaires, aprés les œufs à la coque, ou pochez dans l’eau.

Les Œufs à la Portugaise, les œufs au pain, les œufs filez, les nulles, &c. toutes ces préparations où entrent le sucre, le citron, les eaux-rose & de fleurs d’orange, ne sont propres qu’à flatter le goût, & ne conviennent ni à l’esprit du Carême, ni au dessein qu’on se propose de ménager sa santé.

Nous ne finirons point cet article, sans remarquer ce que l’Auteur du Traité des Dispenses observe en général sur l’usage des œufs en Carême, & sur quelques précautions qu’il croit absolument nécessaires pour faire maigre, sans interesser sa santé. On trouve des personnes, nous dit-il, qui ont besoin de viandes plus succulentes que celles de Carême. A ceux-là les œufs deviennent nécessaires. « D’autres ont un sang grossier, pesant & mélancholique, lesquels seroient obligez de manger de la viande, si on n’avoit ce secours à leur accorder. »

Nous ferons ici une réflexion en passant. Le grand principe de nôtre Auteur, c’est que les alimens de Carême se broïent mieux dans l’estomac ; qu’ils passent plus aisément en une crême fine & délicate, à peu prés semblable à celle qui se forme sous le porphyre ; qu’ils se changent en un sang plus coulant & plus affiné, au lieu que la viande étant grasse, onctueuse, & pleine de filamens, car c’est ainsi qu’il la décrit, se dissout imparfaitement, se digére à peine, & produit une liqueur plus inégale & moins affinée : ce sont ses propres termes. Comment donc à présent s’avise-t-il d’avancer, que la viande convient mieux que le maigre à ceux qui ont le sang pesant & mélancholique ? Mais voïons comment il poursuit.

« Dans tous ces cas, dit-il, on voit les raisons de dispenses, aussi en faut-il pour les obtenir ; car de croire que ce soit peu de se permettre les œufs, comme le pense le commun du monde, & Messieurs les Directeurs eux-mêmes[8], qui les permettent souvent, un peu légérement, c’est s’abuser soi-même & les autres. Les œufs donnent une pourriture trés-abondante, trés-succulente, & fort semblable à celle de la viande. Le crime de l’œuf seroit d’avoir quelque chose de trop bon, & par-là peu conforme à la nature & à l’intention du Carême. Car aucune nourriture, suivant la pensée d’un sçavant Auteur[9], n’est ni plus abondante, ni plus légere que celle de l’œuf. Il passe presque tout entier & tout d’un coup dans la sorte de sang la plus pure & la plus parfaite, c’est-à-dire, en sang arteriel. Sa perfection paroît encore, en ce qu’il passe dans les veines, sans presque laisser ni crasse, ni superflus, car tout en est bon, rien ne s’en perd. Mais tant de perfections exposent cette nourriture à de fâcheux inconvéniens pour les personnes sages. Elle remuë & agite les esprits, & rappelle ou produit de honteux penchans qui pourroient salir l’imagination. »

Voilà de quoi effraïer bien des consciences. Mais l’Auteur aussi sçavant que zelé sçait un merveilleux moïen pour prévenir ces fâcheux inconvéniens ; c’est de boire devant & aprés un œuf. « Pour rassurer, dit-il, ceux qui craindroient d’intéresser leur vertu par cette dispense qu’on jugeroit leur être nécessaire, on doit les avertir que l’usage des œufs est sûr, avec celui des légumes & du poisson simplement apprêtez, & par l’usage des boissons simples. C’est pourquoi on recommande de boire devant & aprés un œuf. »

Il reste néanmoins une difficulté, c’est de sçavoir si on peut en sûreté de conscience mettre du sel dans un œuf ; car l’Auteur remarque plus haut que le sel a aussi ses inconvéniens sur l’article en question, & que c’est pour cela que les Prêtres d’Egypte, zélateurs comme ils étoient de la continence, s’interdisoient l’usage du sel. Comment donc se conduire dans cette incertitude ? Humer un œuf sans sel, peut rebuter l’estomac : le prendre avec du sel, peut rendre inutile la précaution de boire devant & aprés. Quel dommage que l’Anonyme n’ait pas prévû cette difficulté ! Le cas étoit digne de lui. Mais aprés tout, que seroit-ce, si on lui prouvoit par lui-même, que le conseil qu’il donne de boire devant & aprés un œuf, doit avoir un effet tout opposé à celui qu’il prétend ? C’est pourtant ce qui suit directement de certains principes qu’il établit dans la suite, & ce qu’on lui montrera sur la fin en rapportant ce qu’il dit de l’eau.

Il ajoûte, pour rendre les Directeurs plus circonspects à l’avenir, quand il s’agira d’accorder à leurs pénitens la permission de manger des œufs, que « les Anciens avoient si bonne opinion de l’œuf, qu’il y concevoient[10] comme l’abregé de tout le monde, dont il représente le globe par sa figure, & que sa partie jaune, sur tout, lui paroissoit un feu concentré. » Un mets pareil, conclut-il, ne peut certainement passer pour indifférent, ou pour un mets méprisable. Qui ne se rendra à une raison si forte ? L’œuf, au sentiment des Anciens, représente le globe du monde par sa figure, & en renferme comme l’abregé. Cela seul doit faire regarder l’œuf comme la chose la moins permise en Carême, puisqu’en avalant un œuf, on n’avale pas moins que le monde en abregé, ainsi que la figure même de l’œuf le fait voir. Certainement un mets pareil ne peut passer pour indifférent, ou pour un mets méprisable : l’Auteur a raison. Nous venons de remarquer que, selon lui, le crime de l’œuf, c’est d’avoir quelque chose de trop bon, qu’aucune nourriture n’est plus légere, qu’il passe dans les veines sans presque laisser ni crasse ni superflus ; qu’il se change presque tout entier & tout d’un coup dans la sorte de sang la plus pure & la plus parfaite, & qu’à cause de cela même, étant sujet à exciter les passions, on doit boire devant & aprés. Il faut à présent comparer ces paroles avec le langage qui suit, car voici comme nôtre Auteur continuë, aprés avoir dit qu’il faut boire devant & aprés un œuf.

« C’est ici le cas, dit-il, où il est de l’adresse d’un Medecin habile de retarder la digestion. Car un œuf est un soufre, un volatil, un feu prêt à s’allumer. Le développement s’en fera donc d’abord & trop promptement dans l’estomac qui se trouvera fatigué de gonflemens, de tensions, & de plénitude. Il s’en formera enfin, un suc moins laiteux que vineux, propre du moins à porter le trouble dans toute l’œconomie du corps, par les feux, les étourdissemens, les saignemens de nez, les maux de tête, les lassitudes, parce qu’il mettra tout le sang en mouvement & en effervescence. Le rémede naturel à tant de maux, c’est de fixer en partie le volatil de cet aliment, de lui fournir un vehicule qui l’affoiblisse & qui le porte tranquillement dans le sang, or c’est ce que fait la boisson. »

A une telle peinture, qui ne prendroit l’œuf pour un poison ? Mais comment une nourriture, qui est la plus légere de toutes, une nourriture dont le crime n’est autre que d’avoir quelque chose de trop bon, une nourriture qui passe presque toute entiere & tout d’un coup dans la sorte de sang la plus parfaite, c’est-à-dire, en un sang simple, doux & laiteux, car c’est ainsi que l’Auteur définit le bon sang, comment une nourriture de cette sorte peut-elle produire tant de maux ? Mais comment, sur tout, peut-il être vrai que le sang dans sa perfection étant une liqueur simple, douce, laiteuse ; l’aliment qui se changera en ce sang parfait, se changera néanmoins en un suc moins laiteux que vineux ? quoiqu’il en soit, nous avoüons que les œufs sont une trop bonne nourriture pour devoir être permis en Carême sans nécessité ; mais si nous les croïons si nourrissans, ce n’est point parce qu’ils représentent le globe du monde par leur figure, ni que nous y voïons avec l’antiquité l’abregé du monde ; c’est parce que l’expérience fait voir qu’effectivement, ils nourrissent beaucoup.

Nous avoüons aussi, qu’il est bon de boire aprés un œuf ; mais ce n’est point non plus que nous nous imaginions que sans cela il pourroit être dangereux à la vertu, c’est parce qu’étant composé d’une substance visqueuse & gluante, il se digéreroit moins facilement si on ne le délaïoit par la boisson. Nec omittendum quod post ova singula semel bibendum est, ad diluendam ovorum visciditatem, juvandamque distributionem[11], dit un célébre Medecin.

L’Auteur du Traité des Dispenses ne se contente pas de proposer aux personnes délicates, pour adoucir l’abstinence, l’usage des œufs, il propose encore à tout le monde en général, certaines regles qu’il croit absolument nécessaires d’observer pour pouvoir faire maigre sans intéresser sa santé.

Ces regles sont entr’autres, de concilier ensemble les différentes qualitez des alimens, ensorte que ces alimens concourent à une entiere & parfaite digestion. Cette adresse, poursuit l’Auteur, consiste le plus souvent à associer les alimens crûs avec les cuits ; les gras avec les acides qui les brident & en arrêtent l’effervescence. L’art de donner à chaque aliment la sorte de cuisson qui lui convient, & à l’estomac, pare bien des inconvéniens. L’Auteur entre ici dans un detail que nous laissons, de peur d’ennuïer. Nous remarquerons seulement que, selon lui, ce détail ne regarde pas moins que la sûreté de la vie & l’observance des regles de l’Eglise. Que cette matiere est si grave, qu’il ne seroit pas indigne d’un bon esprit & d’un bon cœur pour sa Religion, d’entreprendre exprés un Traité là-dessus : Qu’on a donné au public le Cuisinier Catholique, pour apprendre aux Catholiques à faire maigre sans incommoder leur santé : Que ce dessein est si peu méprisable, qu’il demanderoit la main d’un bon Physicien, & d’un habile Medecin parfaitement instruits de cette partie de la Medecine qui traite des alimens.

S’il falloit s’en tenir à ce que dit cet Auteur, il faudroit conclurre, contre ce qu’il pense lui-même, qu’il n’y a rien de si difficile que de faire maigre sans intéresser sa santé. Car il demande tant de conditions pour empêcher le maigre d’incommoder, que s’il avoit raison, il n’y a personne qui ne dût regarder le Carême comme l’ennemi mortel de la santé. Il faut, selon, le Traité des Dispenses, pour pouvoir faire maigre impunément, sçavoir concilier les différentes qualitez de ce que l’on mange ; sçavoir combiner les alimens de telle sorte, qu’ils concourent à une entiere & parfaite digestion ; sçavoir associer avec adresse les alimens cruds avec les cuits, les gras avec les acides, de maniere que les uns puissent brider l’effervescence des autres. Et de peur qu’on ne se figure que ce sont-là des choses faciles à pratiquer, l’Auteur nous avertit que comme on a donné au public le Cuisinier François, le Cuisinier Roïal, il faudroit qu’un bon Physicien & un habile Medecin, parfaitement instruits de cette partie de la Medecine qui traite des alimens, voulussent travailler à un Cuisinier Catholique, pour apprendre aux Catholiques à faire maigre sans incommoder leur santé. En même tems pour empêcher qu’on ne croïe que si cette science est difficile, elle n’est pas absolument nécessaire, l’Auteur déclare que le détail où elle engage, ne regarde pas moins que la sûreté de la vie & l’observance des regles de l’Eglise. Comment a-t-on donc fait jusqu’ici, & que feront donc à l’avenir ceux qui ne seront ni assez bons Physiciens, ni assez bons Medecins pour pouvoir se passer de ce Livre si nécessaire, le Cuisinier Catholique ? L’Eglise, sans doute, s’est trop pressée d’avoir enjoint le Carême à ses enfans avant qu’ils eussent entre les mains ces regles importantes d’une cuisine Catholique, sans lesquelles il est si difficile, selon nôtre Auteur, d’observer l’abstinence sans être malade. Quoiqu’il en soit, lorsque avec l’usage des œufs, & nonobstant tous les ménagemens convenables, on ne peut tirer de péril sa vie ou sa santé, il est de la prudence de recourir à l’usage de la viande ; mais il n’en faut user qu’avec de certaines précautions, & c’est de quoi nous allons parler dans l’article suivant.


COMMENT ON DOIT SE
conduire en Carême, lorsqu’on est obligé de faire gras.



L’usage de la Viande n’étant permis en Carême, que lorsqu’on ne peut autrement se guérir ou se préserver de maladies considérables, ce seroit visiblement abuser de cette permission, que de s’en servir pour contenter son goût. On doit donc tâcher alors de s’en tenir à la viande la plus commune, & même, s’il se peut, de ne la manger que boüillie, pour ne rien donner à la sensualité ; mais il faut aussi prendre garde de pousser ce zele trop loin, & de se rendre inutile, par une sevérité mal entenduë, le secours même qu’on s’accorde. Un malade qui commence à guérir, dont l’appétit est vif, l’estomac bon, & dont les forces reviennent sensiblement, doit s’en tenir à la viande ordinaire, & ne la manger que boüillie ; mais un malade languissant, que les remèdes, ou la longueur de son mal, ont épuisé ; un malade dont l’appétit ne se réveille point, dont l’estomac foible & délicat ne peut presque rien supporter ; un malade que la pituite accable, & à qui les nourritures trop grossieres ou trop humides sont contraires ; un tel malade, sans doute, seroit plus imprudent que zelé, s’il n’osoit substituer le rôti au boüili, ou la chair de quelque oiseau, à celle du veau ou du bœuf. Il faut en tout de la vérité ; & comme il n’est pas permis d’être lâche, sous prétexte qu’il ne faut pas être excessif, il n’est pas permis non plus d’être excessif, sous prétexte qu’il ne faut pas être lâche. On doit mesurer ses forces, consulter son tempérament, ses infirmitez, & se rendre enfin aux besoins du corps, lorsqu’ils sont pressans.

La viande boüillie est préférable dans les maladies où il y a trop de sécheresse ; mais si l’on est attaqué de catharres, si l’on a quelque cours de ventre, il vaut mieux, comme le remarque Mundius aprés tous les Medecins, user de rôti : Elixæ carnes eis qui calidis & siccis morbis afficiuntur, quibus alvus nimis astricta est, maximè prosunt[12].

L’Auteur du Traité des Dispenses voudrait que la plûpart des malades qui sont dispensez de faire maigre, & qui mangent de la viande, ne mangeassent que du boüilli ; & pour les encourager à tenir ce régime, il soûtient que le boüilli est beaucoup plus sain & plus nourrissant. Il dit, pour raison, que la viande rôtie a perdu toute son humidité à la broche ; que le feu en a desséché les fibres ; que ce même feu aïant concentré les sucs qu’il n’a pû dissiper, les a fermentez & exaltez, au point d’en développer tous les sels, & d’en former un suc salin & spiritueux, propre à fermenter le sang, à exalter la bile, & à dessécher les visceres, &c. Aprés quoi il demande, si on reconnoît à ces qualitez quelque préférence à donner au rôti par dessus le bouïlli ? Non, sans doute, lui répondra-t-on ; mais aussi ce ne sont nullement là les qualitez de la viande rôtie. Où a-t-il appris que cette viande, quand elle est rôtie à propos & qu’elle n’est point brûlée, n’a plus d’humidité ? Que veut-il dire par ces sucs que le feu concentre & exalte tout ensemble ? Qu’entend-il avec son suc salin & spiritueux, lui qui quelques pages plus haut, en parlant de l’échalotte, prétend que le spiritueux est l’opposé du salin. « L’échalotte, dit-il, a quelque chose de plus fin que l’oignon dans son volatil, qui est plus spiritueux, moins matériel par conséquent & moins salin. »

Aprés avoir déclamé contre la viande rôtie, il fait l’éloge de la viande boüillie. Cette derniere, dit-il, ne reçoit l’action du feu qu’à travers l’eau qui la modére & la corrige ; c’est une sorte de bain-marie, ce n’est donc pas un feu sec & ardent qui brûle ; c’est une chaleur molle & tempérée qui cuit sans durcir, & pénetre sans dessécher. Or rien, continuë-t-il, ne ressemble mieux aux digestions qui se font dans le corps, & n’y dispose mieux les nourritures qu’on lui prépare.

Si on objecte à l’Auteur que le boüilli, par lui-même, fortifie moins que le rôti ; il répond que le boüilli fortifie assez, puisque les Carmelites n’usent que de boüilli quand elles sont malades. Si on lui objecte encore que le rôti nourrit davantage ; il répond que le rôti fournit au contraire moins de sucs nourriciers, parce que l’ardeur immédiate du feu lui en a enlevé davantage.

On ne s’arrêtera point ici à montrer que rien n’est plus capable que l’eau, de dépouiller la viande de son suc, la chose parle d’elle-même. L’eau est le plus puissant dissolvant, le vuide de ses pores la rend propre à se charger de toutes sortes de sels, & à se remplir de ce qu’il y a, soit de plus spiritueux, soit de plus huileux, soit de plus terrestre dans les corps. Les plus habiles Maîtres ont reconnu, qu’on dissout plus de mixtes, & qu’on en tire plus de sucs par les dissolvans aqueux, que par les autres : cela étant, comme nôtre Auteur le reconnoît lui-même, puisque ce sont ses propres paroles que nous venons de copier, comment la viande, lorsqu’elle sera long-tems dans l’eau bouillante, n’y perdra-t-elle pas la meilleure partie de son suc ? Elle l’y perd si fort, que le boüillon en tire, comme l’on sçait, toute la gelée. C’est donc une erreur, de prétendre que la viande boüillie soit plus nourrissante, & il faut demeurer d’accord avec Mundius que ce qui fait que le rôti a plus de goût que le boüilli, c’est qu’il a encore tout son suc, au lieu que la viande boüillie a perdu une partie du sien, par le moïen de l’eau : Asssatæ carnes sunt sapidæ succo intus detento, elixæ verò alieno humore sunt humidæ, suo elixatione aliquatenus evocato[13].

Mais supposons que le boüilli ait plus de suc, il s’ensuivra qu’on le devra défendre à la plûpart des malades, puisqu’aïant plus de suc que le rôti, il en aura trop sans doute pour leur pouvoir convenir ; car, comme l’Auteur lui-même l’avouë, il ne faut pas emploïer pour la nourriture des malades ce qu’il y a de plus succulent ; une médiocrité bien entenduë étant plus sûre à la santé. Il ajoûte que cette médiocrité de nourriture se trouve dans la viande boüillie, ce qu’il ne sçauroit soûtenir, puisque selon lui-même, la viande boüillie nourrit plus que le rôti, qu’il ne peut nier qui ne nourrisse beaucoup. Mais laissant à part cette discussion, il faut convenir qu’effectivement la plûpart de ceux qui obtiennent la permission de faire gras en Carême, s’accordent avec un peu trop de facilité l’usage de la viande rôtie, & qu’ils ne consultent pas assez ce que l’esprit du Carême exige d’eux en cette occasion. Plût à Dieu néanmoins, que ce fût-là le plus grand mal, & qu’on ne rompît pas souvent l’abstinence sans besoin ; car on peut dire qu’il n’y eut jamais là-dessus plus de relâchement qu’aujourd’hui. Nous ne croïons pas cependant avec l’Auteur du Traité des Dispenses, que ce relâchement soit monté si haut, qu’il n’y ait pas moins de difference entre l’indulgence qu’on s’accordoit il y a quatre-vingt ans sur l’usage de la viande pendant le Carême, & celle qu’on s’accorde aujourd’hui sur cet article, qu’il y en a entre le nombre de six, tout petit qu’il est, & celui de cinq cens.

Graces au Ciel, quelque lieu qu’on ait de se plaindre du relâchement de nôtre Siécle, les choses n’en sont point encore venuës à cet excés, & la proposition de l’Anonyme est des plus outrées, comme nous l’allons voir en examinant les preuves qu’il apporte pour la démontrer ; car ce n’est pas moins qu’une démonstration qu’il prétend nous donner là-dessus.


DE L’ABSTINENCE DE LA
Viande, selon qu’elle se pratiquoit il y a 80. ans,
& qu’elle se pratique aujourd’hui.



L’Auteur du Traité des Dispenses prétend prouver, mais prouver démonstrativement & sans replique, qu’il y a autant de disproportion entre l’indulgence qu’on s’accordoit il a 80. ans sur l’usage de la Viande, & celle qu’on s’accorde aujourd’hui sur ce sujet, qu’il y en a entre le nombre de six, & celui de cinq cens. Pour le faire toucher au doigt, il dit qu’on ne tuoit il y a 80. ans, que six bœufs en Carême à l’Hôtel-Dieu de Paris, au lieu qu’aujourd’hui on y en tuë cinq cens. A ce sujet il se jette dans des calculs infinis, pour prouver qu’il n’y avoit pas à Paris, il y a 80. ans, plus de quatre cens cinquante personnes qui fissent gras en Carême, & qu’il faut qu’il y en ait aujourd’hui 37000. Là-dessus il crie que tout est perdu : Que les dispenses n’auront bien-tôt plus de bornes, si on les laisse aller de même pas : Qu’on doit tout craindre pour la pieté Chrêtienne, si le zele des Pasteurs & la sagesse des Magistrats n’arrêtent promptement ces abus.

Nous ne prétendons pas nier que l’observance du Carême, ne soit fort négligée aujourd’hui, & qu’il ne fût fort à propos que les Pasteurs & les Magistrats renouvellassent leurs soins pour empêcher le relâchement d’aller plus loin : mais de prétendre, comme fait l’Auteur, que parce qu’on ne tuoit, il y a 80. ans, que six bœufs à l’Hôtel-Dieu de Paris pendant le Carême, & qu’aujourd’hui on y en tuë cinq cens, il s’ensuive qu’il y ait entre le nombre de ceux qui se dispensoient autrefois du Carême, & le nombre de ceux qui s’en dispensent aujourd’hui, la même différence qui se trouve entre 450. & 37000. comme l’Auteur le soûtient[14], c’est une erreur toute visible ; & sans entrer là-dessus dans ses calculs, qui ne vont point au fait, on ne veut que deux refléxions pour détruire tous ses prétendus raisonnemens.

La premiere, c’est qu’il suppose qu’à Paris, pendant le Carême, il ne se consommoit point autrefois de viande, qui n’eût été fournie par l’Hôtel-Dieu, ce qui est constamment faux ; car les Religionnaires, qui étoient alors à Paris, aïant la liberté d’en faire venir de Charenton, il n’y avoit presque point de Catholique malade, qui ne profitât de cette occasion. C’est un fait certain sur lequel on peut encore interroger plus d’un témoin. Outre cette facilité, on avoit celle de faire venir de la viande de plusieurs autres endroits, n’y aïant point alors, comme aujourd’hui, de Police exacte sur cet article. Ajoûtons qu’en ce tems-là, c’étoit une erreur presque généralement répanduë, que la viande de l’Hôtel-Dieu étoit moins saine qu’une autre, à cause du mauvais air des malades, ce qui engageoit presque tout le monde à en faire venir d’ailleurs.

La seconde refléxion, c’est que si l’Anonyme soutient qu’il n’y avoit pas dans tout Paris, plus de 450. personnes qui fissent gras en Carême, il y a 80. ans ; il ne sçauroit néanmoins disconvenir qu’aujourd’hui, dans le seul Hôtel-Dieu de Paris, il n’y en ait, sans comparaison, plus que cela, qui font gras légitimement : d’où il faut qu’il concluë, malgré ses principes, qu’il y avoit donc alors dans la même Ville, ou moins de monde, ou moins de malades, ce qui rend inutiles tous ses calculs, & renverse toutes ses conséquences. Il a senti la difficulté, & pour s’en tirer, il fait une réponse qui le met dans son tort d’un autre côté.

« Le fait, dit-il, est constant, qu’il ne se tuoit, il y a 80. ans, que six bœufs, & environ soixante veaux en Carême, ce qui ne produit que six mille six cens livres de viande pour les quarante jours de Carême : ce seroit de quoi nourrir à peine 450. personnes. Reste à conclurre que ceux-là seuls qui étoient vraiment malades, se faisoient dispenser, & que les valétudinaires, qui sont aujourd’hui le plus grand nombre par rapport aux dispenses, n’y étoient pas compris. Ajoûtez qu’il n’y a pas 80. ans que les Anglois ne donnoient que des crêmes d’orge & de ris à leurs malades, apparemment parce que les boüillons à la viande étoient moins communs qu’aujourd’hui en Europe, aprés quoi on sera moins surpris du petit nombre de malades qui faisaient gras en Carême, il y a 80. ans. »

Nous disons que l’Auteur se met visiblement dans son tort par cette réponse. En effet, puisque la raison pourquoi il se consommoit il y a 80. ans si peu de viande en Carême, vient de ce que les valétudinaires n’étaient pas compris dans les dispenses, & qu’on ne donnoit aux malades, que des crêmes d’orge & de ris, les boüillons à la viande n’étant pas encore communs en Europe, l’abus des dispenses du maigre n’est donc pas si grand aujourd’hui, & ne mérite pas qu’on crie que tout est perdu, si le zele des Pasteurs & la sagesse des Magistrats, n’y mettent ordre promptement. Car enfin, est-ce un usage si criant, que de donner aux malades des boüillons à la viande, au lieu des crêmes d’orge & de ris qu’on leur donnoit autrefois ?

L’autre raison, qui est une raison devinée, sçavoir qu’autrefois les valétudinaires n’étoient pas compris, comme aujourd’hui, dans les dispenses du maigre, n’autorise guéres plus les plaintes de l’Auteur. Car enfin la coûtume de dispenser du maigre certains valétudinaires, est-elle si véritablement opposée aux intentions de l’Eglise, qu’on puisse regarder cet usage comme un abus scandaleux, contre lequel il faille implorer le zele des Pasteurs & l’autorité des Magistrats ? Nous ne faisons pas difficulté de le dire. Le relâchement de nôtre siécle, sur le fait de l’abstinence, ne seroit pas bien excessif, s’il n’y avoit que des malades & des valétudinaires, qui fissent gras en Carême. Et plût à Dieu que sur ce point, la Religion n’eût pas de plus grands sujets de plainte.

Deux autres abus scandalisent nôtre Auteur ; l’un, que quiconque veut acheter de la viande à l’Hôtel-Dieu en Carême, y est bien venu ; l’autre, qu’on y trouve de la volaille si l’on en veut. « Il falloit il y a 80. ans, dit-il, porter à l’Hôtel-Dieu des attestations du Curé & d’un Medecin. Ces attestations définissoient la nature de la maladie, & la qualité de la viande qui y convenoit. C’était du veau quand il y avoit de la fiévre, & du bœuf quand il y avoit cours de ventre. Car, reprend-il, ce n’étoit que de la grosse viande, qui se permettoit ou se débitoit alors. L’usage de la volaille étoit inconnu, bien différent de celui d’aujourd’hui qui fournit des ressources aux impies & aux libertins, qui trouvent pour de l’argent, de quoi satisfaire leur sensualité & leurs débauches. Car ils ont à discrétion des perdrix, des bécasses, des faisans, des lapins, &c. tous mets qu’il est aussi rare que dangereux d’accorder à des infirmes. »

Nous ne dirons rien sur le premier article, qui paroît assez impraticable ; mais pour le second, nous remarquerons que c’est se tromper, de croire qu’il ne faille permettre en Carême que de la grosse viande. Rien n’égale en certaines maladies, les gelées qui se font avec certaines volailles. Rien n’est si bon en d’autres, que les eaux de poulet. Il y a des maladies de consomption, où les boüillons de perdrix sont d’un grand secours. La chair de bœuf se digere difficilement[15] dans l’estomac de la plûpart des malades[16], & entr’autres dans l’estomac de ceux qui ont des dévoïements. Celle de perdrix est la meilleure qu’on puisse choisir alors ; c’est une chair tempérée qui se digère facilement, qui fait peu d’excremens, qui se tourne presque toute en nourriture, qui fortifie la digestion[17] ; qui répare les esprits, qui fait du bien au cerveau, & qui corrige les cruditez des intestins[18]. Il y a même, selon le docte Cardan, des maladies dangereuses, que le seul usage de la perdrix est capable de guérir[19]. Le bœuf au contraire produit dans plusieurs infirmes, des humeurs grossieres & mélancholiques, peu convenables par conséquent dans les dévoïemens. Enfin s’il falloit qu’il n’y eût que la grosse viande de permise en Carême, ce seroit un inconvénient considérable pour bien des malades, à moins que leurs maux n’eussent la complaisance d’attendre jusqu’à Pâques. Mais en débitant de la volaille en Carême, on fournit une occasion de débauche aux libertins. C’est un mal, on l’avouë ; mais faut-il, à cause des libertins, que les malades soient moins secourus ? D’ailleurs, quand il ne se vendroit que de la grosse viande en Carême, qui a dit à l’Anonyme que les libertins ne s’en accommoderoient pas ? il y a des pieces de boucherie qui valent bien les meilleures volailles. Nous retranchons plusieurs autres refléxions, pour venir à la troisiéme Partie.



  1. Horst. de escul. & potal.
  2. Ova sorbilia copiosè nutriunt… certum est ab iis corrigi humorum acrimoniam, adeoque in gratiam ægrorum vix excogitari posse commodius alimentum. Præsertim si lubricandus sit venter. Si enim alvi fluxio contigerit, satius erit vitella exhibere ad duritiem cocta cum tantillo macis nucisve moschatæ… Moneo tamen, si bilis abundaverit, ab omni ovotum esu abstinendum esse. Augusti Quirin. Rivini. Dissertat. disput. vj. de Medicinâ in alimentis. cap. 2.
  3. Petr. Gont. lib. undec. cap. 45.
  4. Meritò à Galeno scriptum 11. de Simpl. Med. Facult. cap. 27. Ovum temperaturâ symmetro est frigidius, quia scilicet albumen ad frigidum inclinat : vitellus verò temperatus parumque ad calorem vergit. Hinc fit quod totum potius ovum dum quàm calidum. Oribasius, etiam, Euporist. lib. 2. Ovum temperaturâ sitâ paulo esse frigidius dixit, quâ de causâ non decet nos esse adeò sollicitos in febricitantibus, ut formidemus illis aliquando ova exhibere, quòd aliquibus pene piaculum est. Ludov. Nonn. de re cibar. lib. 1. cap. 36.
  5. Petr. Gont. lib. xi. p. 45.
  6. Petr. Gont. ibid.
  7. Si caseus simul liquetur cum ovis, & butyro, gula quidem commendat, sed vix fossorum ilia conficiundis paria sunt. Petr. Gont. ibid.
  8. pag. 259. de la 1e. édit. & p. 450. de la 2e. tom. 1.
  9. pag. 260. de la 1e. édit. & p. 451. de la 2e. tom. 1.
  10. Il y a dans l’original, parce qu’ils concevoient en lui…
  11. Petr. Gont. de sanitat. tuend. lib. xi. cap. xiv.
  12. Mundius de Zoophagiâ in Prolegom.
  13. Mundius de Zoophagiâ.
  14. pag. 581. de la 1e. édit. & p. 518. de la 2e. tom. 2.
  15. Βόεια κρέα ἰσχυρὰ καὶ στάσιμα, καὶ δύσπεπτα τῆσι κοιλίησι. Hipp. de vict. rar. lib. 2.
  16. Bubula caro stomacho sano convenit, difficilius digeritur, digesta tamen præbet alimentum sanitate constanti præditis conveniens. Horstius de Escul. & Potul.
  17. Perdix temperatam habet naturam, ad siccitatem quodammodo inclinantem. Optime nutrit, & pauci excrementi est, quam ob causam non tantùm nutrire, sed etiam primam concoctionem optimè corroborare creditur, si annuo spatio, quotidiè usurpetur. Horst. ibid.
  18. Perdicis caro temperata est, quæ succi bonitate, & coctionis facilitate præstat, ut Galenus author, & ipsa experientia confirmat. Non modo valenter nutrit, sed & impinguat, subtiles spiritus creat, cerebrum corroborat… imbecillis quoque atque his quibus alvus fluit auxiliatur.
  19. Carnes perdicum sunt facillimæ concoctionis, boni alimenti excrementi pene nullius, & perquàm siccæ, quæ dotes Cardano ansam dederunt afferendi in lib. 3. de sanitate tuenda tractat. 19. quemvis lue venereâ correptum, si solis perdicibus totum annum victitarit, sine alio remedio convaliturum. Mundius de volucrium carnibus esculentis cap. 2. τὰ μὲν γὰρ μελαγχολικὰ παθήματα, καὶ παροξυνθείη ἂν ὐπὸ Βοείων κρεῶν Hip. de vict. rat. in morbis acutis. Bovis, caro sanguinem generat crassiorem, undè melancholicis obesse certum est, quia melancholicum humorem huicque humori morbos congeneres generat. Petr. Gont. lib. x. cap. iii. de bubulo genere, art. ii. de carne bubulâ.