Stendhal - Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, 1928, éd. Martineau/Mozart II

Texte établi par Henri MartineauLe Divan (p. 281-284).

CHAPITRE II

suite de l’enfance de mozart


De Rome, les Mozart allèrent à Naples, où Wolfgang joua du piano au Conservatorio alla pietà. Comme il était au milieu de sa sonate, les auditeurs s’avisèrent de croire qu’il avait un charme dans son anneau ; il fallut comprendre ce que signifiaient leurs cris, et enfin ôter cet anneau prétendu magique. On conçoit l’effet sur de telles gens lorsqu’ils virent que, la bague ôtée, la musique n’en était pas moins belle. Wolfgang donna un second grand concert chez le comte de Kaunitz, ambassadeur de l’empereur, et retourna ensuite à Rome. Le pape désira le voir, et lui conféra à cette occasion la croix et le brevet de chevalier de la Milice dorée (auratæ Militiæ eques). À Bologne, il fut nommé, à l’unanimité, membre et maître de l’Académie philharmonique. On l’avait enfermé seul, suivant l’usage, et en moins d’une demi-heure il avait composé une antiphone à quatre voix.

Mozart père se hâta de revenir à Milan, pour que son fils pût travailler à l’opéra dont il s’était chargé. Il se faisait tard. Ils n’arrivèrent que vers la fin du mois d’octobre 1770. Sans la promesse qu’il avait faite, Mozart eût pu obtenir ce qui est regardé en Italie comme le premier honneur pour un musicien, l’engagement de composer un opera seria pour le théâtre de Rome.

Ce fut le 26 décembre qu’on donna pour la première fois, à Milan le Mithridate, composé par Wolfgang, âgé alors de quatorze ans. Cet opéra eut plus de vingt représentations de suite. On peut juger du succès par cette circonstance : l’entrepreneur fit aussitôt avec lui un accord par écrit pour le charger de la composition du premier opéra pour l’année 1773. Mozart quitta Milan, qui retentissait de sa gloire, pour aller passer, avec son père, les derniers jours du carnaval à Venise. À Vérone, qu’il ne fit que traverser, on lui présenta un diplôme de membre de la Société philharmonique de cette ville. Partout où il allait en Italie, on le recevait de la manière la plus distinguée On ne l’appelait plus que il cavaliere filarmonico.

Lorsque, au mois de mars 1771, Mozart revint avec son père à Salzbourg, il y trouva une lettre du comte Firmian, de Milan, qui le chargeait, au nom de l’impératrice Marie-Thérèse, de composer une cantate théâtrale pour le mariage de l’archiduc Ferdinand. L’impératrice avait choisi le célèbre Hasse, comme le plus ancien des maîtres de chapelle, pour composer l’opéra, et elle voulut que le plus jeune compositeur fût chargé de la cantate, dont le sujet était Ascanio in Alba. Il promit d’entreprendre ce travail, et partit au mois d’août pour Milan, où, pendant les solennités du mariage, on exécuta alternativement l’opéra et la sérénade.

En 1772 il composa, pour l’élection du nouvel archevêque de Salzbourg, la cantate intitulée le Songe de Scipion ; il passa l’hiver de l’année suivante à Milan, où il composa Lucio Silla, opéra séria, qui eut vingt-six représentations de suite. Au printemps de l’année 1773, Mozart était de retour à Salzbourg. Quelques voyages qu’il fit avec son père cette année et la suivante, à Vienne et à Munich, lui donnèrent occasion de faire différentes compositions excellentes, telles qu’un opéra buffa, intitulé la Finta Giardiniera, deux grand’messes pour la chapelle de l’électeur de Bavière, etc. En 1775, l’archiduc Maximilien s’arrêta quelque temps à Salzbourg, et ce fut à cette occasion que Mozart composa la cantate intitulée Il Re Pastore.

La partie la plus extraordinaire de la vie de Mozart, c’est son enfance ; le détail peut en être agréable au philosophe et à l’artiste. Nous serons plus succincts sur le reste de sa trop courte carrière.