« Notice sur les titres et les travaux scientifiques de Louis Lapicque » : différence entre les versions

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Dans le milieu d'avril 1873, la Sémiramis arrivait à Poulo-Pinang et j'entrepris une exploration systématique de la Péninsule Malaise. Il s'agissait de combler une lacune essentielle dans la théorie du Négrito. Crawfurd, lors du travail qui a ouvert cette question en 1848, avait vu à la côte un petit nègre amené de l'intérieur et avait entendu parler d'un autre; dans le demi-siècle écoulé depuis lors, je ne connais que deux observations analogues, tout aussi sommaires. Au contraire, les études de Logan sur les aborigènes de l'intérieur de la Péninsule montraient toute autre chose que des nègres; et, d'autre part, Miklukho-Maklay, en 1873, avait étudié des tribus à caractère de mulâtres, mais son étude le conduisait à considérer l'élément noir de ce métissage comme dolichocéphale. Or, nous sommes ici au coeur du domaine hypothétique
 
 
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des Négritos, entre les deux seules stations incontestées, les Philippines au Nord-Est, les Andaman à l'Ouest. C'est la notion même du petit
nègre brachycéphale qui est en cause.
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Je pris comme premier objectif de trouver les tribus vraiment négroïdes signalées par les rares échantillons venus de la côte. Partant des renseignements notés par les auteurs sur les provenances de ces échantillons, je les cherchai dans les montagnes de l'axe de la Péninsule, vers la frontière entre le Siam et les colonies anglaises, et je réussis, après quelque temps, à les
trouver sur les flancs d'un petit massif montagneux, le Gounong-Inas, qui sépare le bassin de la rivière Krian de la haute vallée du Perak. Là, à peu de distance, dans la forêt vierge au delà des derniers villages malais, je visitai deux tribus, comprenant ensemble environ 150 individus, qui étaient, sinon des nègres tout à fait purs, du moins des mulâtres à élément noir nettement prédominant. La couleur de la peau est chocolat ; les cheveux sont franchement crépus chez presque tous les individus. Les traits rappellent beaucoup ceux des Andamanais (surtout des indigènes de l'Andaman du Nord), avec une tête arrondie et un visage camard sans prognathisme. La taille (moyenne des deux sexes) est de 149 centimètres, supérieure de 4 centimètres à la moyenne des Andamanais; l'indice céphalométrique moyen s'élève à 79,5, inférieur de trois unités et demie à l'indice moyen des Andamanais. Ces petits nègres sont restés au stade sauvage, sans cultures, demi-nomades en pleine jungle, n'ayant que des abris rudimentaires, et vivant de chasse. Ils sont eux-mêmes considérés comme des singes par les Malais qui leur donnent la chasse par sport; en malais le même mot, Orang-outan, hommes des bois, sert à désigner indifféremment ces sauvages et les singes anthropoïdes. Depuis on a retrouvé et étudié des tribus semblables en des points voisins du point où j'avais opéré moi-même; les photographies, les mesures et les observations diverses n'ont guère fait que confirmer les miennes, qui restent les premières. Les désignations multiples et contradictoires des tribus sauvages n'ont aucune valeur ethnologique; j'ai proposé pour le type noir le nom que se donne à elle-même la première tribu observée: Méniks. L'existence de nègres dans l'intérieur de la Péninsule Malaise étant reconnue, il faut classer ces nègres, et, à défaut de spécimens tout à fait purs, discuter l'ensemble des éléments ethniques combinés dans les diverses tribus de montagne qui représentent les populations anciennes de la contrée.
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Ces éléments ethniques sont complexes; j'ai étudié, en diverses excursions réparties sur un total de cinq mois, une série de tribus échelonnées du Nord au Sud depuis le Gounong-Inas jusqu'au détroit de Johor, près de Singapour. Voici les conclusions que j'en ai tirées et qui me paraissent confirmées par les observations ultérieures quand même leurs auteurs en ont tiré des conclusions différentes. Toutes ces tribus résultent d'un métissage entre trois races très distantes:
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L'un ou l'autre de ces éléments prédomine dans certaines tribus, le type Négrito chez les Méniks (pages 5 et 6); le type jaune chez les Jakouns, tout au sud de la Péninsule (page 7), le type indonésien, que je suis aussi le premier à avoir signalé dans cette région, chez les Sakaies du Datong-Padang, entre les deux. Le mélange avec Indonésiens dolichocéphales explique l'abaissement de l'indice céphalique observé chez les Méniks, et on peut faire rentrer l'élément noir primitif dans le cadre du Négrito classique.
 
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* La Malaisie orientale.
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* Béloutchistan et golfe Persique.
 
Quand revint l'hiver boréal, je repris mon programme sur le point que je n'avais pu réaliser l'hiver précédent: chercher dans le golfe persique la limite ouest de l'aire des Négritos. Je visitai tous les points habités de l'aride côte du Béloutchistan, où l'on retrouve toujours les Ichthyophages d'Hérodote; j'allai à quelques journées de chameau dans l'intérieur examiner la population des oasis. A la frontière du Béloutchistan et de la Perse, je trouvai les ruines d'une assez grande ville abandonnée, dont je fouillai les cimetières; je visitai trois ports persans, et, partant de l'un d'eux, une série de villages jusqu'au pied du haut plateau. Partout j'ai observé du nègre africain importé comme esclave, mais point de signe d'un élément noir autochtone. Comme le pays est nu, que les lieux habitables sont rares, je crois pouvoir penser que de la zone de l'Indus au Chott-el-Arab, au moins sur une bande de vingt lieues de largeur bordant la mer, il n'existe pas de population montrant l'existence d'un tel élément. Le cimetière de la ville ruinée était musulman, d'après la disposition des tombes,
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mais relativement ancien, puisque certaines tombes, creusées dans une butte gréseuse, avaient subi une érosion atmosphérique d'environ un mètre. Les quelques crânes, d'ailleurs incomplets, que j'ai pu y recueillir, ne montrent pas une différence sensible avec la population actuelle de la région.
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Je rentrai en Europe au mois de janvier 1895, et je me mis à l'étude de mes documents. Outre les notes et mémoires ci-dessus, j'ai commencé une publication plus complète et plus systématique; grâce à la générosité encore de Mme J. Lebaudy, j'ai pu faire tirer 60 planches en phototypie. Mais en avançant dans mon travail, je me suis trouvé, entre les doctrines classiques dont j'étais imbu et les faits que j'avais observés, dans l'impossibilité de comprendre. Je ne pouvais publier dans ces conditions. Il a fallu, pour m'éclairer, un voyage ultérieur et le travail qui l'a suivi. J'espère maintenant pouvoir rapidement mettre au jour cette publication.
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Quatrefages, et surtout Hamy, avaient corrigé une série de renseignements sur l'existence, en divers points de l'Inde, dans des régions montagneuses et boisées, des tribus plus ou moins noires, toujours plus noires et de plus petite taille que les populations de la plaine environnante; ils en avaient déduit que l'élément noir primitif de l'Inde était le Négrito. Mais, mesurées récemment, par Risley dans le Bengale et le Centre, par Thurston dans le Sud, ces tribus de jungle ont montré, au lieu de la brachycéphalie ou de la sous-brachycéphalie attendue par Quatrefages, la même dolichocéphalie sensiblement que les populations de plaine alentour. D'autre part, les frères Sarrazin avaient reconnu en 1893 que les Veddas de Ceylan, admis aussi comme Négritos, étaient en réalité dolichocéphales. Y avait-il donc lieu, comme le veulent ces derniers auteurs, d'admettre une nouvelle race de petits noirs, la race veddaïque, race qui tiendrait dans l'Inde et Ceylan la même place que les Négritos en Malaisie? Mais les petits noirs de Risley, de Thurston et des frères Sarrazin étaient décrits comme pourvus de cheveux ondés et non pas crépus ; les auteurs insistent sur ce point. Il était possible qu'il s'agit là, comme chez les aborigènes de la Péninsule Malaise jadis décrits par Mikluko-Maklay, de métis, de mulâtres, ayant perdu à la fois le caractère de leur crâne et celui de leurs cheveux par l'influence d'un ancêtre dolichocéphale et lissotriche. C'est ce qu'il s'agissait de vérifier.
 
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* Les tribus des monts d'Anémalé
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Je m'étais proposé, suivant la même méthode que dans la Péninsule Malaise, de rechercher la tribu la plus négroïde et la plus primitive. Les gisements les plus remarquables des petits noirs de l'Inde ont été signalés dans les deux massifs de montagne qui forment les points culminants de la Péninsule et se disposent symétriquement au nord et au sud de la passe de Palghat. Après examen des documents que M. Thurston me communiqua obligeamment à Madras, je fis choix pour commencer de la tribu des Kader, dans les monts d'Anémalé, du massif sud. C'est la seule, probablement dans toute l'Inde, qui vive d'une vie purement sauvage, en pleine jungle, sans aucune culture ni défrichement. Sur place, après avoir passé plus de vingt jours en deux campements, et observé un nombre relativement considérable de Kader (plus d'une centaine), je dus reconnaître que, s'ils présentent certains types de figure très négritiques, il y a là un mélange de races manifeste; d'ailleurs, contrairement à leurs traditions et à l'opinion acceptée par mes prédécesseurs, leur ethnographie me parait indiquer qu'ils sont des réfugiés de la plaine ayant rétrogradé comme état social; et leur langage, quoi qu'on en ait dit, diffère très peu du tamoul. Ils sont tous dolichocéphales (moyenne de 32 mâles adultes, 73,3; indices individuels extrêmes, 69 et 77), et petits (moyenne de la taille des mêmes, 156 centimètres; taille maxima, 166), chiffres voisins de ceux donnés par Thurston sur une série moins nombreuse. Mais la répartition des cas individuels est loin de présenter une courbe de fréquence régulièrement décroissante autour de la moyenne. Dès lors, il était impossible de prendre une telle tribu pour type de la race noire primitive. Je cherchai vainement un témoin resté plus pur plus avant dans la montagne.
 
Les Kader vivent entre 600 et 1000 mètres d'altitude; à 1200 mètres, dans une vallée d'accès difficile de toute part, j'ai visité une tribu de Moudower, caste peu ou point connue des anthropologistes. Les Moudower sont à un état social beaucoup plus avancé que le Kader; ils ont des cultures régulières, du bétail et ils ont des serfs, qu'ils appellent Poulayer et qu'ils considèrent comme impurs. Ils affirment, avec des détails d'une précision probablement légendaire, que leurs ancêtres sont venus de la plaine à la suite d'une guerre. Leur langue est tamoulique. Quelques Moudower se rapprochent du type nègre, d'autres s'en éloignent beaucoup. Par contre, leurs serfs forment un ensemble bien plus uniformément
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nègre que les Kader. Les uns et les autres sont d'ailleurs dolichocéphales (Moudower, 73; Poulayer, 74,5) et de petite taille (Moudower et Poulayer, 159, à quelques millimètres près). La montagne est donc ici, comme en général dans les pays où la civilisation a longuement évolué, non l'asile inviolé des premiers habitants, mais le refuge de tous les vaincus. L'anthropologie de la montagne ne peut plus légitimement être séparée de celle de la plaine, si l'on en veut tirer des déductions ethnogéniques. Même la dolichocéphalie constatée ne permettrait pas à elle seule de conclure à la dolichocéphalie de tous les types ancestraux, dans l'état de nos connaissances sur la valeur spécifique de la forme crânienne. Il me fallait changer de méthode, et, au lieu de l'étude approfondie d'un groupe, entreprendre une esquisse de toute l'ethnologie de la contrée; je dus renoncer à prendre des mensurations complètes, et je m'en tins, quant aux chiffres, à trois caractères: taille, indice nasal, indice céphalique (soit cinq mesures par individu). Les conclusions qui suivent sont fondées sur les mesures de plus de huit cents sujets choisis.
 
 
* Relations anthropologiques des tribus de la montagne et des populations de la plaine.
 
Les gens de la plaine, tout autour des montagnes en question, sont des Dravidiens, mais appartenant à des divisions assez nettes de ce groupe. Au Nord, ce sont les Tamouls. Les Tamouls, qui ont été les plus étudiés comme type des Dravidiens, ont subi de nombreuses vicissitudes; les formes sociales anciennes ne survivent que très altérées. La plupart des auteurs les ont décrites en partant de conceptions aryennes et ont été conduits ainsi à les méconnaître (122). Les Parias constituent une caste nettement délimitée, dont les Brahmanes ne tiennent pas compte; les Brahmanes ont, au contraire, accepté dans leur cadre social et religieux, en les assimilant aux Sudras, c'est-à-dire à la plus basse caste hindoue, la caste dravidienne des Vellalas, cultivateurs propriétaires que certains vestiges non douteux indiquent comme une ancienne noblesse territoriale. A la marge même de la forêt, vivent les Malasser, tribu extérieure au système social des habitants de la plaine, mais en relation continuelle avec eux; ces Malasser sont au moins aussi nègres que les Kader; ils sont manifestement métissés, mais c'est chez eux que j'ai vu, dans cette région, le plus de chevelures quasi crépues. Il n'y a pas de différence bien tranchée comme aspect physique entre les diverses castes de la plaine, non plus qu'entre elles et les tribus de la montagne. La plupart des Vellalas, comme un grand nombre de Parias, et aussi bien certains montagnards, ont, en
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même temps qu'un teint très foncé, des cheveux lisses et des traits fort peu négritiques, ou des traits de mulâtre. Mais, quand on a sous les yeux des ensembles, on perçoit une gradation manifeste qui apparaît en chiffres dans les moyennes (1). Voici les moyennes de mes mesures sur les Parias et les Sudras tamouls, et sur les Malasser (2):
 
* Indice nasal
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(2) Dans ce qui suit, comme précédemment, il n'est question que des hommes; les chiffres des femmes, quand j'ai pu en avoir, suivent les mêmes variations avec un écart systématique.
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Du côté opposé, c'est-à-dire au Sud-Ouest, se trouve un autre pays dravidien, le Malabar. De ce côté, dans les collines boisées qui forment le dernier gradin au revers des monts d'Anémalé, vivent, sur des défrichements sommaires, de petites tribus, non divisées en castes, et extérieures au système social de la plaine. Ce sont les Malayer (ou Malarayas); leur physique est assez semblable à celui des Malasser ou des Kader, dont ils sont le pendant, c'est-à-dire qu'au milieu du mélange ordinaire de types, on distingue certains individus très négritiques. Dans la plaine, le pays malabar offre une société restée plus archaïque, où les vieilles formes dravidiennes sont plus faciles à saisir, que du côté tamoul. On trouve là une caste nombreuse de serfs attachés à la glèbe, qu'on appelle Poulayer ou Cheroumas; ils me paraissent représenter l'état primitif des Parias tamouls. La terre et les Poulayer appartiennent en général aux Nayer, qui sont historiquement connus comme une noblesse, une classe dominante de propriétaires fonciers portant l'épée, mais sont acceptés dans la religion brahmanique seulement au titre de Sudras. A la lisière même de la forêt, les Oullader sont des tribus de jungle passant à l'état servile. Enfin les Ijawer sont des ouvriers agricoles, libres, mais impurs pour les Brahmanes. Au point de vue physique, les Ijawer, les Poulayer, à part la petite taille de ces derniers, n'ont rien qui les caractérise dans la masse des Dravidiens. Les Nayer sont souvent mulâtres, mais quelques-uns d'entre eux peuvent se comparer, comme traits, aux plus beaux types de l'Europe; leurs habitudes marquent une certaine crainte du grand soleil.
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* 14 Nayer: 75; 73,2; 163.
 
Comme du côté tamoul, les tribus et castes, rangées dans un ordre à la fois géographique et social, présentent une variation systématique des moyennes. L'indice nasal va en s'abaissant des montagnards aux hommes libres de la plaine (1), les serfs tenant le milieu; l'indice céphalique a une variation plus régulière encore, mais, cette fois, la dolichocéphalie augmente à mesure qu'on s'éloigne du type négroïde. On voit ainsi les populations platyrhiniennes, libres ou serves, en contact
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et en pénétration réciproques avec deux populations leptorhiniennes, l'une un peu plus dolichocéphale, l'autre moins dolichocéphale qu'elles-mêmes; entre ces deux influences, leur indice moyen n'oscille que de 74 à 77. L'examen d'un autre massif montagneux, au nord de la passe de Palghat, m'a donné des chiffres presque identiques.
 
(1) L'indice nasal obtenu pour les Nayer est vraisemblablement trop élevé; la série est à tout point de vue insuffisante; les recherches sur les hautes castes exigent des précautions diplomatiques et critiques que je n'avais pas le temps de réaliser dans ce voyage.
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L'indice nasal et l'indice céphalique moyens présentent donc des valeurs très voisines dans des groupes homologues malgré la séparation géographique, et des variations bien systématiques entre groupes contigus, suivant le degré du métissage. Ce qui conduit à leur attribuer une grande importance comme caractères ancestraux. La taille, qui est influencée par les conditions de vie, suit la gradation des deux autres caractères avec quelques irrégularités dues à cette influence. Cette gradation des caractères anthropologiques me parait très remarquable; son étude systématique conduirait, il me semble, à la meilleure méthode d'ethnogénie. Je me propose de développer ultérieurement cette étude pour elle-même. Dans le cas particulier de l'Inde, le régime des castes rend le phénomène très apparent et la déduction relativement facile. Je pense avoir obtenu de cette manière la détermination de l'élément noir primitif de l'Inde, élément dont on ne peut plus espérer trouver de représentants purs. La solution de ce point important pour la question des races noires donne en même temps la définition ethnique de quelques cent millions d'hommes jusqu'ici fort ballottés dans la classification des races humaines.
 
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* Élément noir primitif de l'Inde.
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On admettait généralement que l'élément noir primitif de l'Inde était le Dravidien. Mais les Dravidiens ne sont définis qu'au point de vue philologique; s'ils forment une race, les caractères de cette race, et à plus forte raison ses affinités anthropologiques, ont donné lieu aux appréciations les plus contradictoires. Hoeckel lui attribuant un nez saillant et étroit en faisait une espèce, Homo Dravida, proche parent des blancs méditerranéens; Huxley les rapprochait des Australiens. Risley après avoir insisté sur ce point que le caractère essentiel est un nez large et plat, laissait, à regret, les Dravidiens parmi les Caucasiens mélanochromes de Flower. Le plus récent des auteurs qui se sont occupés de la question avant moi, M. Thurston, qui avait poussé le plus avant les études de fait, et qui est le spécialiste le plus autorisé en la matière, avait ajouté que la taille diminue régulièrement à mesure que l'indice nasal s'élève; il avait appelé archidravidien le sauvage de la jungle, petit, noir, platyrhinien, dolichocéphale, à cheveux ondés. Quant à la place de cet archidravidien dans la classification, M. Thurston, en 1899, dans un mémoire intitulé "The Dravidian problem", passait en revue les diverses opinions pour montrer qu'elles sont toutes insoutenables, et, sans conclure lui-même, terminait malicieusement par cette citation de C. Johnston : « Il faut nous contenter pour le moment de dire qu'il parait assez certain qu'il existe dans le sud de l'Inde une grande famille ethnique, sans relation avec aucune autre famille de l'Asie, de sorte qu'il faut chercher ses affinités dans quelque direction à présent indéterminée. »
 
La série que nous venons de passer en revue comprend à une extrémité les Nayer, presque blancs; à l'autre extrémité, les Panyer, presque nègres; entre les deux, tous les intermédiaires; les deux types ethniques extrêmes sont eux-mêmes métissés, mais, par extrapolation, on est en mesure de reconstituer les types primitifs, au moins quant aux caractères observés. Mes documents sont suffisants pour fixer les traits distinctifs de ces types et en indiquer les affinités réelles. Il y a un type nègre, qui peut être défini tel, parce qu'il avait la peau noire, le nez large et plat, la bouche épaisse, les cheveux crépus. Ce dernier caractère est généralement nié, même par ceux qui considèrent l'élément dravidien comme essentiellement platyrhinien (Risley). En effet, les cheveux sont le plus souvent lisses, même dans des castes où l'aspect négroïde est déjà prédominant; chez les Panyer, les cheveux sont généralement frisés sans plus. Des mulâtres de nègre africain présenteraient, pour des traits du visage également négritiques, une forte proportion de chevelures incontestablement crépues. Voici les faits sur lesquels je me fonde pour affirmer les cheveux crépus du type primitif aujourd'hui introuvable dans la péninsule: 1) Le caractère de la chevelure se modifie graduellement dans ce sens avec les autres caractères négroïdes; les castes serviles de la plaine ayant les cheveux généralement
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lisses ou ondulés, les Malasser sont frisés huit fois sur dix, les Panyer le sont presque tous. J'ai observé et photographié dans ces castes de montagne quelques individus, exceptionnels il est vrai, dont les cheveux décrivaient des spires de 8 à 10 millimètres de diamètre; c'est la limite conventionnelle entre le frisé et le crépu; 2) Dans mon voyage précédent, aux îles Andaman, j'ai observé une femme Négrito pure dont les cheveux étaient, comme tous ceux de sa race, crépus à l'extrême (diamètre moyen des spires, 2 millimètres); d'un père inconnu, probablement Hindou, elle avait deux enfants, une petite fille (quatre ans), dont les cheveux fins, soyeux, étaient à peine ondulés, et un petit garçon (dix-huit mois) dont les cheveux frisés (diamètre des boucles, 15 millimètres) ressemblaient plus à des cheveux frisés d'Européens qu'à des cheveux de mulâtre. On a noté (Montano) aux Philippines, et j'ai noté moi-même dans la Péninsule Malaise, que les métis de Négritos incontestables ont généralement des cheveux ondulés. J'en conclus que le caractère du cheveu Négrito n'est pas aussi marqué dans la descendance en cas de croisement que pour le cheveu du nègre africain. C'est un caractère qu'on peut appeler récessif, bien qu'il ne s'agisse pas d'un caractère proprement disjonctif. Si donc on admet, comme j'y suis conduit pour diverses autres raisons, à rapprocher le nègre indien primitif du Négrito, il est facile de comprendre que les métis n'aient pas les cheveux vraiment crépus, même quand le sang noir est prédominant. Par les caractères que nous venons d'indiquer, le type en question rentre dans le type nègre général, mais il est petit; d'autre part, il n'est pas prognathe. Ces deux caractères le séparent des nègres africains et océaniens et le rapprochent du type Négrito. De celui-ci, il ne diffère que par un caractère, mais très net: il est dolichocéphale.
 
 
* Dravidien primitif.
 
Le type qui s'indique chez les Nayer apparaît comme clair de peau, leptorhinien, avec des cheveux lisses sans raideur (euplocame); c'est donc un blanc. Il est grand et très dolichocéphale; de plus, il a le système pileux du visage et du corps très développé. Malgré le nombre trop petit d'individus que j'avais pu observer, et malgré le métissage assez considérable de la caste, ce type s'était dessiné dans mon esprit avec tous les caractères que je viens de citer, mais aussi avec toutes les réserves que comporte une reconstruction. Lorsque j'en reconnus un spécimen isolé et sensiblement pur, un véritable témoin, chez les Todas des Nilghirris. Les Todas ont beaucoup attiré l'attention depuis trois quarts de siècle; le plateau élevé qui constitue leur gisement étant devenu le grand sanatorium de l'Inde, un grand nombre d'Européens ont eu l'occasion de les voir et ont signalé avec étonnement leur beau type caucasique ou sémitique. Ils tranchent en effet sur le Dravidien ordinaire, encore plus sur les populations noires du Wainaad, telles que les Panyer, qui sont leurs voisins
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sur la carte, mais avec une dénivellation de mille mètres ou davantage. Voici côte à côte les moyennes de ces deux groupes au point de vue des trois mesures que j'ai prises:
 
* Indice nasal
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Bien que les différences soient facilement visibles (elles correspondent à deux apparences, à deux physionomies dont la dissemblance a frappé tous les voyageurs sans culture scientifique), la plupart des ouvrages anthropologiques, notamment le Census of lndia, si consciencieusement documenté en ethnologie, classent les Panyer et les Todas sous la même étiquette de Dravidiens, les uns et les autres étant dolichocéphales, parlant un idiome dravidien. D'ailleurs la dissemblance apparaît moins nettement si, au lieu de
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les comparer entre eux, on les compare à la prétendue race dravidienne, dont la diagnose, toujours intermédiaire à ces deux types, se rapproche de l'un ou de l'autre, suivant les auteurs.
 
Dans la série des groupes que j'ai étudiés, s'indique en outre un troisième type, leptorhinien et tendant à la brachycéphalie; il faut le considérer comme adventice, relativement récent. Entre Bombay et Madras, Risley a relevé une zone continue de mésaticéphales qu'il appelle Scytho-Dravidiens. Plus au Sud, j'ai pu noter que le crâne d'indice élevé se propage avec les castes brahmaniques, qui précisément ne sont pas réellement dravidiennes.
 
Il reste donc deux races fondamentales; voici comment j'ai précisé la relation de ces races entre elles, et la dénomination qu'il convient de leur appliquer. Les Vellalas et les Nayer sont, d'après la discussion approfondie faite par Caldwell lui-même, le créateur du mot, les vrais Dravidiens; ils refusent à leurs esclaves le droit de s'appeler des noms nationaux dravidiens, Tamouls ou Malabares. Des éléments de cette discussion (malgré les conclusions opposées de Caldwell qui manquait d'information anthropologique), comme de toutes les considérations topographiques, il résulte que le type, nègre maintenant démontré, est prédravidien. Les Dravidiens primitifs, les Protodravidiens, peuvent être considérés comme des Blancs, et en somme très peu différents des Indo-Aryens; venus avant ceux-ci dans l'Inde, ils se sont mélangés
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profondément aux Noirs qu'ils avaient réduits en esclavage, de la même façon que les créoles des Antilles se sont mélangés à leurs esclaves nègres, et c'est ainsi que s'est formée la population dravidienne actuelle. Les Todas, souvent considérés comme une énigme, mais incontestablement Dravidiens, constituent un témoin protodravidien resté pur, parce que resté pasteur et n'ayant ainsi pas eu besoin de serfs agricoles. J'ai donné au noir prédravidien, caractérisé par le type particulier que j'ai reconstitué, et qui est l'origine des castes serviles dravidiennes, la dénomination de Nègre Paria. L'hypothèse d'une population primitive formée de véritables nègres avait été tout à fait abandonnée, parce qu'elle avait été conçue à partir du Négrito brachycéphale. La notion d'un Dravidien blanc et non autochtone est contraire à toutes les idées reçues. Seul A. H. Keane, dans son "Ethnology", avait formulé, brièvement et sans la justifier, une théorie se rapprochant de la mienne. J'attends la discussion de pied ferme. En réponse à l'envoi de mes publications,
M. Thurston m'a fait savoir qu'il n'avait rien à objecter à mes propositions essentielles. D'ailleurs, j'ai en préparation très avancée une publication d'ensemble où je présenterai, avec le détail de mes observations, des documents complémentaires, notamment l'étude de squelettes et de crânes intéressants.
 
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Je possédais des documents personnels sur toutes ces races; documents insuffisants par eux-mêmes en ce qui concerne les grands groupes extrêmes, Africains et Mélanésiens (1), mais ceux-ci ont été les plus étudiés, et mon information directe était suffisante pour me permettre d'user de la bibliographie avec une critique assurée. J'ai examiné en outre les squelettes des collections de Paris et quelques autres.
 
(1) J'ai étudié à Florès et à Timor des populations où se montre une forte proportion de sang mélanésien. Comme Nègres africains, j'ai eu quelques Nègres nilotiques en Abyssinie, puis des
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Sénégalais (Ouolofs, Toucouleurs, etc.) mesurés dans des exhibitions en Europe. Cette série, peu importante par elle-même, m'a été fort utile comme contrôle, en m'assurant des mesures de la même main que sur les Nègres asiatiques.
 
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* 3) Il n'est pas étonnant que dans une aire aussi étendue une race ne reste pas d'un bout à l'autre identique à elle-même. Les différences observées sont d'ailleurs assez faibles. Les Papous et les Mélanésiens sont manifestement infiltrés d'éléments étrangers; la forme du nez et l'allure de la chevelure, souvent diverses dans un même village, paraissent ne s'écarter du type nègre général que sous l'influence du métissage. La divergence la plus profonde est la brachycéphalie relative des Négritos (leur petite taille a beaucoup moins de signification spécifique). Mais si l'indice céphalique est un caractère héréditaire stable, sa valeur comme base de classification est plus ou moins conventionnelle. Les Nègres africains ne sont pas tous dolichocéphales; d'ailleurs, entre la sous-brachycéphalie des Andamanais et la dolichocéphalie des autres Nègres, les Parias, sous-dolichocéphales, empêchent de tracer une démarcation.
(1) J'ai fait une étude de cette race sur 53 mensurations complètes de sujets des deux sexes, mensurations prises dans le pays sur le vivant, et, en outre, sur les 37 crânes existant au Muséum, dont 29 rapportés par moi (ce dernier travail en collaboration avec le Dr Verneau). Cette étude est restée inédite pour les raisons que j'ai dites. M. Verneau en cite les résultats dans le tome II du Compte-rendu de la mission Duchesne-Fournet, Paris, 1908.
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Conclusion: Les Noirs se présentent comme une espèce unique avec des variétés locales. Cette conclusion est fondée sur l'examen des caractères suivants: peau noire, cheveux crépus, visage camard; si elle est exacte, c'est-à-dire si elle répond à la classification naturelle, elle doit être vérifiée par l'examen de caractères non considérés; j'ai fait cette vérification en examinant les proportions du corps. Un Nègre typique, africain, possède des caractères somatiques tels qu'il
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serait facile de reconnaître comme lui appartenant un squelette privé de tête, dépourvu par conséquent de tous les traits que nous avons considérés jusqu'à présent. Ces caractères somatiques, en premier lieu la grande longueur relative des membres, puis l'étroitesse transversale du bassin, lui donnent une forme de corps particulière, reconnaissable sur une simple silhouette; ils sont, d'autre part, faciles à exprimer par des rapports (Exemple, l'indice anti-brachial de Broca.) J'ai examiné spécialement les caractères de ce genre chez les hommes à peau noire en général, et j'ai trouvé régulièrement qu'ils marchent de pair avec la pigmentation, la platyrhinie et la frisure des cheveux. Il faut observer toutefois, que dans une race humaine quelconque, dans un groupe homogène, les individus petits ont les membres relativement courts, et les diamètres du tronc relativement grands; cette modification systématique de la forme corporelle
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suivant la taille se retrouve quand on compare comme ici des grandes races nègres à des petites races nègres. Néanmoins, le caractère nègre du corps est assez marqué pour rester nettement visible dans ces conditions (1). J'ai trouvé une expression numérique qui rend bien cette forme du corps. En rapprochant, sous forme d'un rapport, les deux traits les plus accusés du corps nègre, avant-bras long et bassin étroit, on obtient l'indice radio-pelvien. Ce rapport (multiplié par 100) est, en valeur approchée, de 86 chez le Français, et de 112 chez le Nègre africain (les mâles seulement). Voici maintenant les chiffres que j'ai obtenus pour les autres races noires, soit sur le vivant, soit sur le squelette (dans ce dernier cas, l'indice est un peu plus élevé que dans le premier): Négritos andamanais, 100 à 104. Meniks de la Péninsule Malaise, 95. Nègre paria métissé (Kader et Malasser), 100 à 102. Australiens (squelette exclusivement), 103. Mélanésiens (idem), 98. Ethiopiens (vivants), 96. Pour les autres races, quelques chiffres sur des squelettes m'ont donné les valeurs provisoires suivantes: Japonais, 86. Indonésiens, 95. Maoris, 91. Péruviens anciens, 85. Eskimos, 82. Chez les Négritos purs, comparés aux Africains, l'indice parait encore très élevé si l'on veut bien tenir compte que les africains sont grands et que les Négritos sont très petits. Chez les Négritos métissés de la Péninsule Malaise, le chiffre de 95 parait très caractéristique si on le rapproche de la valeur présentée par une tribu voisine formée des mêmes éléments ethniques, mais où domine l'élément mongolique; chez les Jakouns, j'ai trouvé 84. Il y a donc une conformation particulière du corps, résumée en un chiffre par l'indice radio-pelvien qui se retrouve chez tous les Noirs et rien que chez les Noirs; elle suit les caractères sur lesquels nous nous sommes basés, s'atténuant comme eux par le métissage. C'est donc une preuve, en quelque sorte cruciale, que la race des hommes à peau noire est fondamentalement une.
(1) Il faut, pour comparer de cette façon les Noirs aux Européens, faire attention à considérer chez ces derniers la forme réelle et non la forme conventionnelle des artistes qui se rapproche de la forme nègre, par l'allongement des jambes. Toutefois, pour les femmes, notre vision artistique conserve, un peu stylisé, le galbe des hanches; à ce point de vue, la silhouette des négresses, à quelque groupe qu'elles appartiennent, est particulièrement frappante.
 
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* '''Chapitre II: Recherches sur l'évolution quantitative du système nerveux'''
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L'encéphale d'une souris pèse 0 gr. 40; celui d'un hippopotame, 600 grammes. Lequel de ces deux animaux doit être considéré comme le mieux doué en organes nerveux? Lequel possède, relativement, le plus d'encéphale? Relativement, car on ne peut évidemment pas négliger la différence de grandeur des animaux. Mais comment faut-il calculer cette relation? La réponse à cette question doit être donnée avant toute tentative de comparaison entre la grandeur du cerveau et le degré de l'intelligence. Cuvier calculait simplement le rapport entre le poids de l'encéphale et le poids du corps; c'est ce qu'on a appelé jusqu'à ces dernières années le poids relatif de l'encéphale; un tel calcul fait accorder aux petits animaux un poids relatif d'encéphale plus élevé qu'aux grands. On a discuté à perte de vue sur ce résultat; il doit s'interpréter simplement comme une erreur systématique: l'encéphale considéré comme fonction de poids du corps,
e = f(p), croit moins vite que e = k*p (k = constante). Il est impossible, d'autre part, d'accepter pour cette fonction l'expression e = k*p+m (m, nouvelle constante) qui a eu en France une certaine vogue depuis 1885; cette expression conduit en effet à une conséquence
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absurde (e = m pour p = 0) et à d'autres conséquences non vérifiées par les faits. En 1897, E. Dubois (de la Haye) a fourni pour les mammifères une expression purement empirique, mais numériquement satisfaisante, en écrivant: e = k*(p^(0,56)). La valeur de l'exposant de relation a été obtenue de la manière suivante: soient deux espèces semblables (exemple, chat et tigre) donnant respectivement p et p' comme poids du corps, e et e' comme poids de l'encéphale; on pose e/(e') = (p/(p'))^(x) et on en tire x; dans toutes les familles, on trouve des valeurs de x très voisines de 0,56. Les familles diffèrent entre elles par la valeur k, coefficient céphalique. C'est ce coefficient céphalique qui représente le véritable poids relatif de l'encéphale. Dans l'exemple schématique sur lequel j'ai posé la question, il vient, pour la souris (avec un poids du corps de 20 grammes), 0,08; pour l'hippopotame (pesant 1.800 kilogrammes), 0,18. Le poids relatif de Cuvier donnerait un cinquantième pour la souris, un trois millième pour l'hippopotame; soit une valeur 60 fois plus petite pour le second que pour la première. Le coefficient céphalique de Dubois ne montre aucune erreur importante des plus petits aux plus grands animaux (158).
 
 
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La moyenne de ces nombres est 0,558; elle concorde remarquablement avec la valeur 0,56 donnée par M. E. Dubois pour les mammifères.
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Si maintenant, pour diverses espèces d'oiseaux, formant des séries naturelles bien nettes et présentant une échelle de grandeur suffisante, on calcule le quotient du poids de l'encéphale par la puissance 0,56 du poids du corps, on trouve que ce rapport classe les oiseaux en respectant les familles naturelles; en outre, il met en tête et en queue du tableau ceux que tout le monde s'accorde à considérer comme les plus intelligents et les moins intelligents.
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J'ai eu l'idée de construire un graphique, en représentant chaque espèce animale par un point dont l'ordonnée est le logarithme de son poids cérébral, et l'abscisse, le logarithme de son poids corporel. J'ai obtenu ainsi un tableau qui permet d'avoir une vue d'ensemble assez claire sur des relations qui ont généralement paru embrouillées. L'avantage ordinaire des coordonnées logarithmiques, qui donnent des distances égales pour des rapports égaux et non pour des différences égales, est ici très appréciable; on peut, sur un seul tableau de dimension restreinte, comparer le rat et la souris, aussi facilement que l'éléphant et la baleine.
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En outre, la formule de Dubois, e = k*(p^(0,56)), prend la forme de la courbe la plus facile à tracer, à suivre et à extrapoler; elle doit s'écrire, en effet:
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* y = ax + b.
 
L'encéphale en fonction du poids du corps chez les mammifères et les oiseaux, dans une famille où k est constant, est exprimé par une droite. Les droites des diverses familles sont toutes parallèles entre elles (pente constante de 0,56) et placées les unes au-dessus des autres, suivant la différence présentée par le logarithme de k. Ces droites qui représentent des niveaux d'égalité dans l'organisation nerveuse, abstraction faite de la masse du corps, j'ai proposé de les appeler isoneurales. Les lignes qui représenteraient une proportion constante au poids du corps, un vingtième, un centième, sont ici des droites inclinées à 45°; elles coupent les isoneurales, de façon à bien montrer l'erreur systématique du poids relatif de Cuvier. Une espèce isolée, portée au tableau sous forme d'un point suivant ses coordonnées, est alors immédiatement repérée quant au degré de son évolution nerveuse. Pour les animaux à sang chaud, on peut saisir d'un coup d'oeil le sens de cette évolution; il est en gros conforme à ce que nous savons des animaux, au point de vue psychique comme au point de vue phylogénique. Par exemple, l'homme dont la supériorité cérébrale, incontestable, a été longtemps d'une expression si difficile, apparaît nettement au-dessus de toute la série; assez loin au-dessous, la première isoneurale est celle des singes anthropoïdes; et la baleine, malgré son encéphale de 7 kilogrammes, est facilement ramenée dans le gros des mammifères, l'oeil étant guidé par la série des parallèles. Seul, l'éléphant occupe une position un peu choquante dont l'explication est encore à chercher. A titre simplement de première indication (car la relation du poids de l'encéphale au poids du corps semble ici très différente), j'ai posé les points de quelques vertébrés à sang froid, et même de deux invertébrés, le poulpe et le homard, en prenant la somme des ganglions sus et sous-oesophagiens comme l'équivalent de l'encéphale. Un tableau graphique a l'avantage de faire apparaître aux yeux des relations qui peuvent échapper sous la forme abstraite de la formule algébrique.
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relations qui peuvent échapper sous la forme abstraite de la formule algébrique.
 
* 1° Je remarque que, vers la gauche, la rencontre des lignes isoneurales avec la ligne de proportion 1/20 parait marquer la limite inférieure du poids du corps dans une famille donnée. Il n'y a pas de très petits animaux à fort coefficient céphalique, et l'on comprend facilement qu'il ne peut y en avoir (1).
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Il fallait se demander si la formule de Dubois, fort bien vérifiée entre espèces, parmi tous les animaux à sang chaud, est valable aussi entre individus d'une même espèce.
 
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* Loi chez le Chien domestique.
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A peu près tous les chiens dont j'ai pu avoir les chiffres, soit par moi-même, soit en les empruntant à d'autres auteurs, étaient des chiens livrés aux laboratoires par la fourrière; ce sont toujours, comme les règlements l'exigent, des animaux sans valeur; autrement dit, jamais des chiens de race, rien que des bâtards le plus souvent indéterminables. J'ai donc été obligé de traiter tous les chiens comme appartenant à une seule et même espèce, ce qui ne parait pas nécessairement a priori créer des erreurs dans le cas où nous sommes placés, quand même les chiens proviendraient de plusieurs souches distinctes, et quand même les races artificielles posséderaient des caractères spéciaux dans leur développement encéphalique. A posteriori, ayant construit le graphique de la répartition des cas individuels, je n'ai vu apparaître aucune distribution systématique des points. La courbe de fréquence s'écarte beaucoup de la loi de Gauss, loi des écarts probables, qui s'applique aux groupes naturels monomorphes; mais elle ne présente pas plusieurs maxima distincts caractérisant d'emblée un polymorphisme. Je pense qu'avec les documents dont nous disposons actuellement, il est inutile de chercher à analyser une telle complexité. Si on avait affaire à des chiens de races bien définies, on verrait probablement la série globale se décomposer en séries partielles dont les relations seraient intéressantes. J'ai essayé de rassembler des matériaux pour cette étude, mais je n'ai encore rien obtenu d'utilisable.
Si le poids de l'encéphale peut, chez nos chiens, être traduit par une expression de la forme E = k*(P^r), c'est avec une valeur de l'exposant égale
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environ à 0,25 qu'il faut l'essayer. Voici les valeurs de k calculées dans dix groupes au moyen de cet exposant; si la loi s'applique, k doit être sensiblement le même pour tous les groupes:
 
* Nombre de cas
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* Loi dans l'espèce humaine.
 
Aucune autre espèce que le chien ne présente une aussi large variation de poids du corps. A mesure que cette variation diminue, on est tenu à une précision de plus en plus grande, car lorsque les poids du corps sont peu écartés, une très petite différence sur le chiffre de ce poids ou celui de l'encéphale modifie sensiblement la valeur qui serait trouvée pour l'exposant de relation. L'espèce humaine, qui présente une variation du poids corporel relativement peu étendue, est susceptible néanmoins d'être étudiée à ce point de vue, en raison du nombre énorme d'observations. J'estime à 17000 au moins le nombre de poids encéphaliques publiés. Il est donc possible de constituer des groupes assez nombreux pour réduire à très peu de chose les variations individuelles (en regard desquelles les erreurs de pesées sont négligeables s'il s'agit de pesées de la même main). Néanmoins, l'influence du poids du corps est si faible, par rapport à ces variations
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individuelles, qu'elle a d'abord été niée; aujourd'hui, on peut considérer comme admis par les anthropologistes en général que, suivant une règle formulée pour la première fois par John Marshall en 1875, le poids encéphalique croit un peu moins vite que la taille. Or, la taille c'est, en première approximation, une fonction de la racine cubique du poids du corps; la relation admise après Marshall par Bischoff en Allemagne, Broca et Manouvrier en France, peut donc se traduire, dans la notation employée plus haut: k*(p^(0,33)) > e > k*(p^0). D'autre part, M. Dubois, après avoir trouvé sa formule relative aux espèces de mammifères, a essayé de l'appliquer à l'intérieur de l'espèce humaine (1898); à son grand étonnement, il a constaté, par une détermination d'ailleurs indirecte et assez peu sûre, que l'exposant de relation était dans ce cas sensiblement 0,125 et non 0,56. Il n'avait pas eu connaissance de la note où j'avais, quelques mois auparavant, indiqué exactement la même valeur pour l'espèce canine, et il considéra le fait relatif à l'homme comme une exception, attribuable au développement des circonvolutions (?).
Les pesées suffisamment nombreuses d'encéphales humains étant toujours faites sur des sujets morts de maladie, le poids du corps, quand il a été noté, n'a pas grande valeur. Mais on peut se servir de la taille comme mesure de la grandeur du corps, et, pour comparer aux animaux, revenir de là au poids si on établit la relation entre la taille et le poids chez l'homme normal.
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* a et c: 1,84;
* a et b: 2,41;
* b et c: 1,55.
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On trouve une valeur voisine de 1,9 quand on compare entre elles, soit les plus grandes et les plus petites tailles, soit deux tailles voisines de la moyenne, l'une au-dessus, l'autre
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* 55,2; 58,5; 61,8; 65,2; 69; 73,1; 77,1.
 
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* Loi dans une espèce sauvage.
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* C) Sciurus hudsonius: 6 individus; P =160; E = 4,1.
 
En faisant le calcul de l'exposant de relation entre les moyennes des espèces, on trouve: A à C: 0,60; B à C: 0,56. En faisant le même calcul entre les grands et les petits individus de B, on trouve 0,20. Il s'agit de trois espèces franchement distinctes. Les deux premières habitent à peu près la même région, dans les États-Unis, mais elles sont assez différentes pour avoir été classées dans deux sous-genres distincts; la troisième habite la région subpolaire du Canada et appartient, d'ailleurs, à un autre sous-genre encore que les deux premières. Non seulement nous trouvons pour l'exposant de relation des valeurs très différentes suivant que nous comparons les moyennes de deux espèces, ou les
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moyennes des petits et des grands individus dans une même espèce, mais encore ces valeurs sont très voisines de celles auxquelles nous sommes arrivés dans les autres groupes: 0,56 dans un cas, 0,25 dans l'autre. Si l'on tient compte du petit nombre des individus d'une part, du faible écartement des poids corporels de l'autre, la concordance apparaît comme très remarquable. Nous pouvons maintenant généraliser la loi intérieure de l'espèce, constatée chez le chien, l'homme et l'écureuil. DANS UNE ESPÈCE DONNÉE, abstraction faite des variations individuelles, LE POIDS ENCÉPHALIQUE VARIE SENSIBLEMENT COMME LA RACINE QUATRIÈME DU POIDS DU CORPS.
 
 
* Application au cas de variation dans une espèce.
 
Puisqu'il y a une différence considérable dans la relation du poids de l'encéphale au poids du corps suivant qu'il s'agit d'espèces différentes ou d'individus d'une même espèce, il en résulte que l'on ne peut pas comparer, même approximativement, deux individus ou groupes d'individus pris chacun dans deux espèces différentes, sans s'être assuré que chacun des groupes ou individus s'écarte peu, par la grandeur du corps, de la normale de son espèce. C'est ce qui est toujours réalisé pratiquement dans les cas où les variations individuelles du poids du corps sont négligeables par rapport à l'écart entre les deux espèces; par exemple, la différence entre un grand chat et un petit chat (je ne dis pas un jeune chat), la différence entre un grand tigre et un petit tigre, ne sont rien auprès de la différence de taille qui existe entre n'importe quel chat et n'importe quel tigre. Mais quand les tailles des espèces sont moins éloignées l'une de l'autre, la comparaison devient inexacte si la taille du sujet ou du groupe de sujets représentatif d'une espèce est notablement au-dessus ou au-dessous de la taille normale. L'erreur peut être considérable si l'une des deux espèces, sous l'influence de la domestication et de la sélection artificielle, a donné naissance à des races de tailles très diverses. Ainsi, les chiens de 38 kilogrammes donneraient, suivant la formule de Dubois, un coefficient céphalique de 0,29; les chiens de 3 kilogrammes, un coefficient de 0,67. Or, ce coefficient doit représenter le niveau de l'espèce dans l'échelle de supériorité d'organisation; avec une des valeurs, les chiens seraient au-dessous des félins; avec l'autre, presque au niveau des singes anthropoïdes. Nous avons malheureusement très peu de chiffres pour les canidés sauvages; Hrdlicka mentionne un loup américain (Canis nubilus) pesant 29,030 gr., avec un encéphale de 115 gr.5; le coefficient céphalique s'établit à 0,365. J'ai recueilli les chiffres de quatre renards; un poids moyen de 8500 grammes pour le corps, de 46 gr. 73 pour l'encéphale, donne un coefficient de 0,383, voisin du précédent; en attendant que nous ayons des chiffres plus nombreux, on peut les admettre comme représentant le niveau normal du genre Canis. Mais quel est le coefficient qu'il faut adopter pour le chien domestique? Nous avons vu que, dans la complexité actuelle de nos races, il n'y a pas de raison objective d'établir plusieurs étages de développement cérébral. Pour toutes les races, et pour toutes les tailles, on exprime la moyenne en écrivant E = (7,6)*(P^(0,25)); mais
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cela ne permet de comparer les chiens qu'entre eux, nullement de les comparer avec les autres mammifères ni même avec les autres espèces du même genre.
 
Les origines du chien, qui ont donné lieu à une littérature considérable, sont loin d'être éclaircies; nous ne savons pas si l'homme a fait dériver toutes les races d'une seule espèce, ou bien s'il a domestiqué, en des lieux divers, des espèces différentes qui se sont ensuite croisées. Mais ayant pu exprimer pour toutes les grandeurs de corps, la grandeur moyenne de l'encéphale au moyen de la formule de l'espèce, je crois être en droit de traiter mathématiquement cette série comme une espèce, qu'elle provienne en fait d'une souche unique ou de plusieurs. La nécessité de traiter la comparaison des individus d'une même espèce autrement que la comparaison de deux espèces, apparaît ici sans qu'il soit nécessaire de faire intervenir aucun calcul. Les renards, pesant de 5 à 6 kilogrammes, ont un encéphale de 46 à 47 grammes; les chiens domestiques de 5 à 6 kilogrammes, ont un encéphale qui varie de 55 à 75 grammes, moyenne 64 gr. 3. La comparaison directe donnerait donc une grande supériorité au chien. Le loup américain pesé par Hrdlicka a un encéphale de 115 gr. 5 pour un corps de 29 kilogrammes. Les chiens qui pèsent de 28 à 31 kil. 5 ont un encéphale moyen de 94,9, chiffres extrêmes, 80 et 105; à la comparaison directe, l'infériorité des chiens serait non moins évidente que leur supériorité tout à l'heure. Il est certain que par l'action de l'homme, la taille des chiens a été accrue d'une part, et diminuée de l'autre; le ou les ancêtres de nos chiens, à l'état de nature, n'étaient ni si grands qu'un loup, ni si petits qu'un renard. Si nous admettons, pour le raisonnement, qu'il n'y ait eu qu'une espèce souche, sa taille originelle était quelque part dans le milieu de l'échelle de tailles des chiens; admettons encore que par l'effet de la domestication, le degré de céphalisation du chien n'ait pas changé; l'ancêtre type est alors représenté par les chiens d'un certain poids qui doivent avoir en moyenne le même poids cérébral que lui; faisons la troisième hypothèse que cet ancêtre avait sensiblement le même degré de céphalisation que les espèces sauvages actuelles du genre Canis, nous avons alors le moyen de déterminer par le calcul le poids de son corps et le poids de son encéphale. En effet, en tant qu'espèce du genre Canis, il répond à la formule E = (0,37)*(P^(0,56)); en tant qu'individu de l'espèce Canis familiaris, il répond à la formule E = (7,6)*(P^(0,25)); E et P ont
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nécessairement une seule et même valeur dans ces deux expressions, qui deviennent par conséquent un système de deux équations à deux inconnues; il est facile d'obtenir les valeurs numériques: on trouve 17 kilogrammes pour le poids du corps, et 87 grammes pour le poids de l'encéphale (1). On peut suivre moins abstraitement le raisonnement sur un graphique, où la loi des Canidés, et celle de l'espèce Chien, sur coordonnées logarithmiques, prennent la forme d'une droite; les deux lois se coupent; le point de croisement représente l'ancêtre type supposé. Il est bien entendu que ce calcul est donné à titre d'exemple schématique. La valeur obtenue est très vraisemblable, et il est possible qu'elle soit ultérieurement confirmée; mais en l'état actuel de la question, il y aurait d'abord trois hypothèses à démontrer; ensuite, la loi des Canidés est insuffisamment établie. Mais voici un autre cas où, certaines hypothèses étant remplacées par des faits connus, le raisonnement permet de juger une hypothèse restante.
* (1) Voici le détail du calcul qui donne P; égalant les deux valeurs de E, on a
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P = 17060.
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* Régression cérébrale des animaux domestiques. — 1° Lapins.
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* Lièvre: 3.833; 10,70.
 
Entre les lièvres et les lapins domestiques qui sont à peu près du même poids corporel, la différence de poids encéphalique est frappante. C'est ce qu'avait déjà vu Darwin. Inversement, du lapin de garenne au lapin domestique, pour un poids de corps plus que double, le poids de l'encéphale n'est accru que de très peu.
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Si on calculait sur ces chiffres l'exposant de relation dans l'espèce Lepus cuniculus, on trouverait la valeur extrêmement faible 0,07.
 
Ces faits m'avaient d'abord suggéré une théorie que j'ai dû rejeter, car elle est en désaccord avec d'autres faits, mais que je veux indiquer néanmoins, car elle me paraît contenir une part de vérité qui devra peut-être retrouver sa place dans une théorie plus complète. Entre deux espèces affines, le poids de l'encéphale varie toujours comme la puissance 0,56 du poids du corps. Ces deux espèces peuvent être considérées comme dérivant d'un ancêtre commun extrêmement reculé dans les temps, à travers un nombre de générations extrêmement grand; même si l'évolution a donné à ces deux espèces des tailles très différentes, elles ont eu le temps d'arriver chacune à son équilibre. Mais quand a commencé à se produire la variation, brusque ou lente, cette variation peut avoir porté d'abord sur la grandeur du corps, grandeur relativement sensible, comme nous savons, aux influences extérieures. Le système nerveux central n'est point une masse d'éléments homologues simplement additionnés, comme une glande ou un muscle; c'est un réseau d'éléments individuellement spécialisés, assemblés suivant un plan absolument précis, quoique d'une complexité au-dessus de notre imagination: il est très difficile de concevoir qu'un tel organe s'accroisse ou se réduise aussi facilement qu'un muscle, qu'une glande, ou qu'un os; il faut faire intervenir une sorte d'adaptation interne, une évolution du système nerveux nécessairement lente. Soit un individu possédant un corps plus petit ou plus grand que celui de ses parents; il serait possible que son cerveau ne soit accru ou diminué que suivant une progression extrêmement faible, c'est-à-dire suivant un exposant de relation voisin de zéro; si sa variation de taille se fixe chez ses descendants, alors le cerveau va s'adapter peu à peu aux nouvelles dimensions du corps, tendant vers la limite d'équilibre représentée par l'exposant de relation 0,56. Ainsi, on comprendrait que les diverses races d'une même espèce présentent pour l'exposant de relation une valeur intermédiaire entre 0 et 0,56, par exemple 0,25 comme je l'ai trouvé chez le chien, domestiqué, artificiellement sélectionné et varié depuis l'époque néolithique. Dans cette hypothèse, l'exposant de relation plus faible 0,07 trouvé chez le lapin aurait correspondu à une variation plus récente. Mais en étendant le champ de mes observations, j'ai trouvé, comme je l'ai dit plus haut, la valeur 0,25 (ou très voisine de 0,25), pour l'exposant de relation dans une même espèce, trois fois sur trois. Il y a donc là, semble-t-il, une règle fixe, un équilibre particulier, et non une variation en marche, car alors on trouverait vraisemblablement dans les divers cas des valeurs diverses entre 0 et 0,56. De plus, j'ai constaté sans doute possible, sur d'autres espèces, une réduction du poids de l'encéphale par l'effet de la domestication.
 
Il faut comparer la race domestique à la souche au moyen de l'exposant de relation 0,25. Suivant ce calcul du lapin de garenne au lapin domestique, celui-ci devrait avoir 13 gr. 03 d'encéphale; le poids constaté est de 11 gr. 20; le déficit est de 2 gr. 10, soit environ 15 p. 100. Voilà la mesure de la réduction de l'encéphale par la domestication.
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La comparaison directe, comme le faisait Darwin, avec le lièvre, donnerait 5 gr. 50 pour la réduction qui paraîtrait ainsi deux fois et demie trop forte.
 
 
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Parmi nos autres mammifères domestiques, l'étude des ruminants conduit, avec moins de précision, à admettre pour eux aussi une diminution du poids de l'encéphale. Divers ruminants sauvages, la girafe, le mouflon, le chevreuil, une grande et une petite antilope (Oryx Beïsa et Cephalophus Maxwelli) présentent, chiffres de divers auteurs, pour des poids corporels, échelonnés de 3 à 500 kilogrammes, une loi assez régulière, qui est figurée (toujours en coordonnées logarithmiques) dans la figure. Les ruminants domestiques, boeufs et moutons, se placent bien au-dessous de cette ligne. Si l'on veut supposer que l'élevage a accru leurs poids corporels, leurs poids encéphaliques ne s'accroissant que suivant la racine quatrième de ce poids, on peut, en faisant passer par leurs points des lignes de pente 0,25, reconnaître approximativement sur le graphique le poids corporel que devrait avoir présenté l'espèce souche pour qu'il n'y ait pas eu régression cérébrale. La souche de nos boeufs aurait dû peser à peine 150 kilogrammes; celle des moutons, 15 kilogrammes. Ces chiffres sont invraisemblables; c'est la régression qui est probable. Les équidés paraissent s'être comportés autrement, l'homme ayant traité le cheval autrement que le boeuf et le mouton. Malheureusement, je n'ai pu, sur les équidés sauvages, exprimer que des désiderata.
 
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* 3° Oiseaux de basse-cour.
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** (152). Différence sexuelle dans le poids de l'encéphale chez les animaux: rat et moineau, Société de Biologie, 21 décembre.
 
La femme a un encéphale moins pesant que celui de l'homme. Mais elle a aussi un corps moins grand et moins pesant. A-t-elle un poids relatif
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d'encéphale plus petit, plus grand, ou égal? On voit que cette question, passionnément discutée, dépend de la définition du poids relatif. J'ai été naturellement amené à la reprendre à la suite des études que je viens d'exposer. Les poids corporels et encéphaliques de l'homme et de la femme, chez les Européens, sont connus avec une bonne approximation. En tenant compte de tous les résultats des auteurs, j'arrive aux valeurs rondes que voici:
 
* P
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Pour l'encéphale, ces chiffres sont peu différents de la moyenne brute calculée par Vierordt sur toutes les séries européennes (1357 et 1235); ils diffèrent très peu aussi des chiffres calculés par Topinard sur les meilleures séries anciennes, Broca, Bischoff, Boyd (1361 et 1211); ils sont confirmés par les séries récentes de Retzius (Suédois, 1399 et 1248) et de Marchand (Hessois, 1388 et 1252); car si ces derniers chiffres sont un peu plus élevés, ils proviennent de races plus grandes que la moyenne de l'Europe, et le rapport de l'homme à la femme reste sensiblement le même. Les poids du corps sont les poids physiologiques, résultant des pesées à l'état vivant; les moyennes prises en considération sont, pour les hommes, celles de Krause, de Quetelet et de Hassing; pour les femmes, celles de Krause, de Hofmann, de Quetelet et de Kobylin. Ces nombres, dont je vais me servir, je les avais établis sans idée préconçue, avant le calcul qui m'a conduit à une conclusion imprévue pour moi. D'ailleurs, l'incertitude qu'ils peuvent présenter n'est pas d'un ordre suffisant pour entacher cette conclusion. Le poids absolu donne une différence en moins pour la femme de 140 grammes, soit 11 pour 100 de l'encéphale de l'homme.
 
Le poids relatif de Cuvier donne, pour l'homme, 1/(48,4), pour la femme, 1/(44,2); soit, en plus pour les femmes, 8 p. 100 de l'encéphale de l'homme. C'est-à-dire que l'on trouve dans la comparaison de l'homme à la femme le même fait que dans la comparaison des grands animaux aux petits: le plus grand a le cerveau le plus lourd, mais le poids relatif (de Cuvier) donne l'avantage au petit. C'est ce que l'on avait constaté depuis longtemps, et c'est là-dessus que l'on a discuté, bien que ces relations soient dépourvues de signification physiologique. Pour comparer entre eux deux groupes d'animaux de tailles différentes, il faut diviser le poids de l'encéphale par la puissance 0,56 du poids du corps si ces êtres appartiennent à deux espèces distinctes, par la puissance 0,25 de ce poids s'ils appartiennent à la même espèce. Il semble donc, à première vue, que le procédé de comparaison s'impose: de la moyenne de l'homme à la moyenne de la femme, il faut calculer le coefficient de céphalisation avec l'exposant de relation 0,25.
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Pourtant, si l'on serre ce raisonnement, on voit qu'il n'est pas justifié. Nous avons affaire ici à un cas particulier.
 
Quand nous comparons des grands chiens à des petits chiens, ou des grands Sciurus carolinensis à des petits écureuils de la même espèce, nous pouvons arbitrairement limiter nos groupes, parce que nous les avons découpés dans une série continue. Ici les moyennes de l'homme et les moyennes de la femme, corps ou encéphale, nous sont donnés par la nature même des choses; nous avons affaire à deux catégories objectivement distinctes, et chacune de ces catégories a sa loi propre unissant la grandeur encéphalique à la grandeur corporelle, tandis que pour les grands ou les petits chiens, les petits ou les grands écureuils, c'est la même loi, avec seulement une valeur différente de la variable. Cette différence est si profonde qu'elle est sentie intuitivement même quand les lois auxquelles je fais allusion sont inconnues ou ne se présentent pas expressément à l'esprit. Par exemple, il est facile de constituer des séries soit de même taille, soit de même poids corporel, en prenant d'une part des hommes relativement petits, d'autre part, des femmes relativement grandes. A-t-on le droit ensuite de comparer en valeur absolue les moyennes encéphaliques de ces deux séries? Bien qu'il ait été donné une réponse affirmative à cette question, il semble que les naturalistes sentiront en général quelque chose de choquant à un tel procédé. Sexe à part, des femmes ayant en moyenne l m 60 ne seront pas identiques à des hommes de même taille ou de même poids moyen. Quand même il n'y aurait pas, comme cela existe en fait, un canon différent pour l'homme et pour la femme, de sorte que ces tailles, longueurs globales, ne correspondent pas à une même somme de parties; quand même il n'y aurait pas, comme cela existe en fait, une composition différente pour les tissus de l'homme et de la femme, de sorte qu'un même poids global correspond pour l'un et pour l'autre à des quantités différentes d'eau, de sels, de carbone, etc.; il suffit que l'un des groupes soit au-dessous pour que la comparaison directe soit discutable, sinon illégitime.
 
J'ai montré que chaque sexe, séparément de l'autre, suit pour la relation de l'encéphale au poids du corps, la loi intérieure d'une espèce, la proportionnalité à la racine quatrième. Par conséquent, nous voyons que la comparaison directe entre hommes et femmes de même poids constitue la même erreur que la comparaison du loup ou du renard à des chiens de même poids. Pour comparer la céphalisation du loup ou du renard à celle du chien, il faut faire le rapport du poids de l'encéphale à la puissance 0,56 du poids du corps avec les moyennes spécifiques, c'est-à-dire appliquer la formule propre aux espèces distinctes. J'étais ainsi amené, mathématiquement, à traiter de même l'homme et la femme, comme deux espèces distinctes. La forme inadmissible de cette proposition disparaît si on l'énonce de la façon suivante: dans le cas de dimorphisme sexuel qui nous occupe, la relation d'un sexe
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à l'autre, au point de vue du caractère différentiel, doit être traitée comme la relation d'une espèce à une autre au point de vue de la différence spécifique. On pourrait, inversement, reprendre les propositions générales que j'ai appelées loi d'espèce à espèce, loi intérieure de l'espèce et les formuler d'une façon plus abstraite, telle que le dimorphisme sexuel puisse y entrer sans difficulté. C'est donc le calcul avec l'exposant 0,56 qui s'impose. Voici le résultat, que non seulement je ne cherchais pas, mais qui m'a surpris :
 
* Homme: ((66.000)^(0,56)) = 498; 1360/498 = 2,73;
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Les formules qui expriment le poids du cerveau par la proportionnalité à la puissance 0,56 ou à la racine quatrième du poids du corps ne présentent pas par elles-mêmes un sens intelligible. J'ai essayé d'analyser la complexité du fait que traduisent de telles formules empiriques.
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* Variation des divers organes de l'encéphale.
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* Corneilles: 524; 77,6; 8,1; 5,4;
 
Bien que l'écart dans le poids du corps soit relativement faible, il est
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facile de voir que les hémisphères croissent avec ce poids plus vite que l'ensemble, et les lobes optiques beaucoup moins vite. C'est-à-dire que l'expression E = K*(P^(0,56)) paraît devoir être décomposée en une somme E = a*(P^x) + b*(P^y) + c*(P^z) ou en une autre somme de fonctions propres à chacun des organes encéphaliques. On conçoit que de cette façon, on puisse constituer une relation globale empiriquement exprimable par cette puissance bizarre 0,56. Le fait suivant doit être pris en sérieuse considération.
 
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En comparant le mouton au bœuf, on trouve une augmentation de myéline, conformément aux raisonnements géométriques que j'ai rappelés. Mais en passant de l'encéphale d'un bœuf (poids, 425 grammes) à l'encéphale d'un homme (poids, 1.450 grammes), au lieu d'une augmentation progressive, il y a, au contraire, une diminution des substances solubles dans l'éther. L'examen anatomique des deux organes montre, en effet, que chez l'homme la substance blanche, laciniée par des replis plus profonds de l'écorce, ne s'accroit pas suivant une loi de similitude géométrique par rapport au cerveau du bœuf. La proportion de centres et de conducteurs (ou de substance grise et de substance blanche) dans un cerveau donné dépend à la fois de la grandeur et du degré d'évolution de l'organe.
M. Dhéré appliquant la même recherche aux chiens de tailles diverses a trouvé une
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variation bien systématique, mais faible; la proportion d'extrait éthéré varie de 38 à 41 quand on passe des plus petits aux plus gros chiens. M. Girard a repris la question sur diverses espèces d'oiseaux, en substituant, sur mes propres conseils, l'épuisement par l'alcool bouillant à l'épuisement par l'éther. Il a obtenu des chiffres très significatifs, tout à fait dans le sens de mes premières constatations.
 
* Espèces
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Sur 36 sujets, nous avons déterminé, pour le corps et pour la moelle épinière, le poids et la longueur. Le poids de la moelle varie à peu près comme la racine carrée du poids du corps mais les chiens de poids moyen donnent pour ce rapport une valeur un peu plus forte que les petits et les grands chiens. Ces animaux ne sont d'ailleurs pas géométriquement semblables entre eux; le rapport du poids du corps au cube de sa longueur est plus faible chez les chiens de taille moyenne que chez les petits et les grands. La moelle est donc fonction à la fois de la masse et de la longueur du corps. Si on calcule la section moyenne de la moelle (quotient de son poids par sa longueur), on obtient la meilleure mesure de la puissance fonctionnelle d'une moelle; cette section moyenne varie presque exactement comme la racine quatrième du poids du corps. La moelle suit donc la même loi que toutes les parties des centres nerveux (71).
 
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* Relation entre la forme du cerveau et la grandeur du sujet chez le chien.
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* Influence de la grandeur oculaire sur le poids encéphalique
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* 1908
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Chez les vertébrés inférieurs, j'ai trouvé, avec M. Laugier, qu'il existe entre la grandeur de l'œil et le poids de l'encéphale une relation évidente sans calcul. Exemples: Rana esculenta et Rana fusca présentent à peu près le même poids du corps; elles ne paraissent pas se distinguer l'une de l'autre quant à la complexité de leur vie de relation; or l'encéphale de R. esculenta est plus lourd que l'encéphale de R. fusca, de 20 p. 100 environ; le diamètre transversal de l'œil varie de l'une à l'autre à peu près dans le même rapport. L'encéphale de Lacerta viridis est presque triple (en poids) de celui d'Anguis fragilis; le diamètre de l'œil du premier est un peu plus que double de celui du second. Une Dorade, Pagellus centrodontus, se distingue parmi les Sparidoe par les dimensions considérables de ses yeux; son encéphale l'emporte d'un tiers (toujours à poids du corps égal) sur celui d'une espèce voisine à œil plus petit. Réciproquement, Alytes obstetricans et Hyla arborea, avec des poids du corps dont l'un est presque le double de l'autre, ont des yeux à peu près égaux; leurs poids encéphaliques sont aussi à peu près égaux. La surface rétinienne a donc, sur le poids de l'encéphale, une influence prépondérante par rapport aux autres surfaces somatiques. Cette prépondérance se retrouve chez les mammifères; mais ici, pour s'en rendre compte, il faut d'abord déterminer la loi suivant laquelle la grandeur de l'œil varie avec la grandeur du corps entre animaux semblablement organisés. On sait (depuis Haller) que les dimensions de l'œil varient
moins que les dimensions homologues du corps en général; on n'a jamais formulé une relation précise. Le chat domestique, pour un poids corporel de 3 kilogrammes, présente un diamètre oculaire transversal de 20 millimètres; la panthère, pour un poids de 40 kilogrammes, un diamètre oculaire de 28 millimètres. En calculant sur ces chiffres, on trouve que la surface rétinienne varie moins vite que la racine carrée et plus vite que la racine cubique de la racine corporelle. Une telle relation n'a pas de signification géométrique; d'autre
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part, les données expérimentales sont généralement le poids du corps et le diamètre oculaire; il est donc préférable d'établir la relation directement entre ces données. On trouve alors que les diamètres oculaires sont entre eux sensiblement comme les racines huitièmes des poids corporels. Cette relation, essayée sur tous les chiffres que j'ai pu me procurer, m'a paru convenable au moins comme première approximation.
 
J'ai appelé coefficient oculaire d'un animal le quotient de son diamètre oculaire moyen (en millimètres) par la racine huitième de son poids corporel (en grammes). Ceci, pour comparer des espèces; dans l'intérieur d'une espèce, ainsi que je l'ai reconnu chez le chien, il faut prendre, comme pour l'encéphale, un exposant de relation deux fois plus petit. Si maintenant l'on compare ce coefficient oculaire au coefficient céphalique (quotient du poids encéphalique par la puissance 0,56 du poids corporel), voici quelques exemples chez les mammifères (tous les chiffres, sauf ceux de l'homme, d'après mes déterminations personnelles):
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* Homme: 66000; 1360; 23;273; 5,7.
 
La famille des rongeurs est particulièrement significative; dans ce groupe, en effet, le coefficient céphalique présente de grandes divergences que E. Dubois a signalées comme une énigme. Pour les espèces citées ici, on voit que ces divergences suivent presque exactement les différences dans les dimensions relatives de l'œil. Le coefficient céphalique extrêmement bas des insectivores coïncide avec un extrêmement petit coefficient oculaire. Inversement, au grand œil des herbivores, nettement
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exprimé par le coefficient oculaire, correspond un encéphale relativement très pesant; la liaison des deux grandeurs est soulignée par le cas du chameau dont le coefficient oculaire un peu moindre est accompagné d'un coefficient céphalique moins élevé. La considération de ce facteur rétinien modifie notablement la signification du coefficient céphalique. Assurément, l'acuité sensorielle est un élément non négligeable de l'intelligence; il est même remarquable, à ce propos, de voir, dans un groupe où les hémisphères cérébraux ont pris un tel développement, la relation quantitative entre l'œil et l'encéphale total restée aussi étroite que chez les poissons, où les lobes optiques font le quart et même le tiers de l'encéphale. Mais ce qu'on avait espéré trouver dans le coefficient céphalique, c'était la mesure de la coordination nerveuse supérieure, abstraction faite de toute question de grandeur somatique. Le coefficient de Dubois donnait cette mesure, à la condition que la richesse relative de chaque espèce d'innervation, sensorielle ou motrice, resterait constante en passant d'un animal à un autre. Cette condition n'est pas réalisée, puisque la richesse relative en innervation visuelle varie beaucoup, et, a posteriori, influe considérablement sur le développement quantitatif total de l'encéphale. Il y a donc, de ce fait, une correction parfois importante à introduire avant que d'apprécier la supériorité intellectuelle par le coefficient en question. Je n'ai pas encore trouvé le moyen d'effectuer numériquement cette correction. Mais la simple comparaison sans calcul des chiffres reproduits dans les deux dernières colonnes du tableau permet de rétablir une appréciation plus juste du niveau des espèces. Le lapin, par exemple, n'est pas deux fois et demie plus intelligent que le rat; il perçoit seulement les objets de plus loin; sa supériorité est visuelle, non intellectuelle. La supériorité de l'homme, avec son coefficient oculaire médiocre, n'en devient que plus considérable.
 
=== no match ===