« Don Sanche d’Aragon » : différence entre les versions
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DONA ELVIRE, princesse d’Aragon.
*''CARLOS'', cavalier inconnu qui se trouve être Don Sanche, roi d'Aragon. ▼
*''DOM RAYMOND de MONCADE'', favori du défunt roi d'Aragon. ▼
*''DOM MANRIQUE de LARE'', grand de Castille. ▼
*''DOM ALVAR de LUNE '', grand de Castille. ▼
*''Un garde.'' ▼
DOM LOPE de GUSMAN, grand de Castille.
}}
<poem>
{{acte|I}}
{{Scène|I}}
Après tant de malheurs, enfin le ciel propice
Notre Aragon, pour nous presque tout révolté,
Enlève à nos tyrans ce
Brise les fers honteux de leurs injustes chaînes,
Se remet sous nos lois, et reconnaît ses reines ;
Et par ses députés,
Rend
Comme nous, la Castille attend cette journée
Qui lui doit de sa reine assurer
Nous
Que ne puis-je, ma fille, en dire autant de vous !
Nous allons en des lieux sur qui vingt ans
Nous laissent une faible et douteuse puissance :
Le trouble règne encore où vous devez régner ;
Le peuple vous rappelle, et peut vous dédaigner,
Si vous ne lui portez, au retour de Castille,
Que
Sauraient bien mieux que nous assurer vos états,
Et par des actions nobles, grandes et belles,
Dissiper les mutins, et dompter les rebelles.
Vous ne pouvez manquer
On aime votre sceptre, on vous aime ; et sur tous,
Du comte Dom Alvar la vertu non commune
Vous aima dans
Qui vous aima sans sceptre et se fit votre appui,
Quand vous le recouvrez, est bien digne de lui.
Ce comte est généreux, et me
Aussi le ciel pour moi
Puisque les Castillans
Dont à leur grande reine ils demandent le choix ;
Et comme ses rivaux lui cèdent en mérite,
Un espoir à présent plus doux le sollicite ;
Il régnera sans nous. Mais, madame, après tout,
Savez-vous à quel choix
Et quels troubles nouveaux
Montons, de grâce, au trône ; et de là beaucoup mieux
Sur le choix
Vous les abaissez trop ; une secrète flamme
A déjà malgré moi fait ce choix dans votre âme :
De
Aux mérites du comte a fermé votre cœur.
Tout est illustre en lui, moi-même je
Mais son sang, que le ciel
Et dont il cache exprès la source
Vous pourriez en juger plus favorablement ;
Sa naissance inconnue est peut-être sans tache :
Vous la présumez basse à cause
Mais combien a-t-on vu de princes déguisés
Signaler leur vertu sous des noms supposés,
Dompter des nations, gagner des diadèmes,
Sans
Quoi ?
Voilà donc enfin de quoi vous vous flattez !
Il
Et
Que doit toute la terre aux belles actions,
En cette qualité, je
En cette qualité, ses devoirs assidus
Me rendent les respects à ma naissance dus.
Il fait sa cour chez moi comme un autre peut faire :
Il a trop de vertus pour être téméraire ;
Et si jamais ses vœux
Je sais ce que je suis, et ce que je me dois.
Daigne le juste ciel vous donner le courage
De vous en souvenir et le mettre en usage !
Vos ordres sur mon cœur sauront toujours régner.
Cependant ce Carlos vous doit accompagner,
Doit venir
Vous rendre ces respects dus à votre naissance,
Vous faire, comme ici, sa cour tout simplement ?
De ses pareils la guerre est
Accoutumés
Ils cherchent en tous lieux les dangers et la gloire,
La prise de Séville, et les Mores défaits,
Laissent à la Castille une profonde paix :
Veut bien de Dom Garcie achever la défaite,
Et contre les efforts
De toute sa valeur hâter nos bons destins.
Mais quand il vous aura dans le trône affermie,
Et jeté sous vos pieds la puissance ennemie,
Chercher tout de nouveau la gloire et les dangers ?
Madame, la reine entre.
{{Scène| 2}}
Vous allez
Et
Que poussent vers le ciel vos fidèles sujets.
Dites, dites plutôt
Je
Et fais dessus moi-même un illustre attentat
Pour me sacrifier au repos de
Que
De ne pouvoir régner que sous les lois
Et
Que pour le soutenir il nous faille un époux !
À peine ai-je deux mois porté le diadème,
Que de tous les côtés
Si toutefois sans crime et sans
Je puis nommer amour une ardeur de régner.
Semble pour
Et pour trancher le cours de leurs dissensions,
Il faut fermer la porte à leurs prétentions ;
Il
Mon peuple
Et même par mon ordre ils
Dont mon cœur à leur gré peut faire un digne choix.
Don Lope de Gusman, Dom Manrique de Lare,
Et Dom Alvar de Lune, ont un mérite rare ;
Mais que me sert ce choix
Si pas un
On vous les a nommés, mais sans vous les prescrire ;
On vous obéira, quoi
Si le cœur a choisi, vous pouvez faire un roi.
Madame, je suis reine, et dois régner sur moi.
Le rang que nous tenons, jaloux de notre gloire,
Souvent dans un tel choix nous défend de nous croire,
Jette sur nos désirs un joug impérieux,
Et dédaigne
Et ce que je dois faire, et ce que je dois dire.
{{Scène| 3}}
Avant que de choisir je demande un serment,
Comtes,
Que les deux méprisés, et tous les trois peut-être,
De ma main, quel
Car enfin je suis libre à disposer de moi ;
Le choix de mes états ne
Et
Mais sans nécessité de
Vous
Mais quoique mon dessein soit
Le ciel en un moment quelquefois nous éclaire.
Je veux, en le faisant, pouvoir ne le pas faire,
Et que vous avouiez que pour devenir roi,
Quiconque me plaira
Votre état avec vous
Et ne vous a pour nous fait voir ses sentiments
Que par obéissance à vos commandements.
Ce
Qui me font, grande reine, espérer cette grâce :
Je
Comme on attend un bien
Et dont, sans regarder service, ni famille,
Vous pouvez faire part au moindre de Castille.
Mais vous nous permettrez toutefois
Que vous ne ferez choir cette faveur insigne,
Ce bonheur
Et que votre vertu vous fera trop savoir
Voilà mon sentiment.
Parlez, vous, Dom Manrique.
Madame,
Quoique votre discours nous ait fait des leçons
Capables
Je vous dirai pourtant, comme à ma souveraine,
Que pour faire un vrai roi vous le fassiez en reine,
Que vous laisser borner,
La dignité du rang qui le doit ennoblir ;
Et
Le roi que vous feriez vous devrait peu de chose,
Du choix de vos états aussi bien que de vous.
Pour moi, qui vous aimai sans sceptre et sans couronne,
Qui
Que même le feu roi daigna considérer
De cet aveu
Et sur ce doux espoir dussai-je me trahir,
Puisque vous le voulez, je jure
Je ne vous ferai point de harangue importune.
Choisissez hors des trois, tranchez absolument :
Je jure
Sous les profonds respects de cette déférence
Vous nous cachez peut-être un peu
Et comme votre cœur
Vous savez des deux parts faire bien votre cour.
Ici les trois reines prennent chacune un fauteuil, et après que les trois comtes et le reste des grands qui sont présents se sont assis sur des bancs préparés exprès, Carlos, y voyant une place vide,
Tout beau, tout beau, Carlos !
Et quel titre en ce rang a pu vous établir ?
Un soldat bien remplir une place de comte !
Seigneur, ce que je suis ne me fait point de honte.
Depuis plus de six ans il ne
Qui ne
Madame ; et par trois
Nous vous avons vu faire,
Et savons mieux que vous ce que peut votre bras.
Vous en êtes instruits, et je ne la suis pas :
Laissez-le me
Qui veulent aux vertus rendre de dignes marques,
De les savoir connaître, et ne pas ignorer
Ceux
Je ne me croyais pas être ici pour
Comte, encore une fois, laissez-le me
Nous aurons temps pour tout. Et vous, parlez, Carlos.
Je dirai qui je suis, madame, en peu de mots.
On
Au feu roi par trois fois je le fis bien paraître.
Des mains des ennemis par moi seul fut sauvé :
Cette seule action rétablit la bataille,
fit rechasser le More au pied de sa muraille,
Et rendant le courage aux plus timides cœurs,
Rappela les vaincus, et défit les vainqueurs.
Ce même roi me vit dedans
Dégager sa personne en prodiguant ma vie,
Quand tout percé de coups, sur un monceau de morts,
Je lui fis si longtemps bouclier de mon corps,
Celles qui
Et le même escadron qui vint le secourir
Le ramena vainqueur, et moi prêt à mourir.
Je montai le premier sur les murs de Séville,
Et tins la brèche ouverte aux troupes de Castille.
Je ne vous parle point
Qui
Tel me voit et
Qui gémirait sans moi dans les prisons du More.
Nous parlez-vous, Carlos, pour Dom Lope et pour moi ?
Je parle seulement de ce
Seigneur ; et qui voudra parle à sa conscience.
Voilà dont le feu roi me promit récompense ;
Mais la mort le surprit comme il la résolvait.
Il se fût acquitté de ce
Et moi, comme héritant son sceptre et sa couronne,
Je prends sur moi sa dette, et je vous la fais bonne.
Seyez-vous, et quittons ces petits différends.
Souffrez
Nous ne contestons point
Madame ; et
Nous avouerons tous deux
Mais enfin la valeur, sans
Se pare qui voudra des noms de ses aïeux :
Moi, je ne veux porter que moi-même en tous lieux ;
Je ne veux rien devoir à ceux qui
Et suis assez connu sans les faire connaître.
Mais pour en quelque sorte obéir à vos lois,
Seigneur, pour mes parents je nomme mes exploits :
Ma valeur est ma race, et mon bras est mon père.
Vous le voyez, madame, et la preuve en est claire :
Sans doute il
Eh bien ! Je
Quelle que soit sa race et de qui
Encore un mot, de grâce.
Don Manrique, à la fin,
Ne puis-je
Oui, mais ce rang
Tout autre
Eh bien ! Seyez-vous donc, marquis de Santillane,
Comte de Pennafiel, gouverneur de Burgos.
Don Manrique, est-ce assez pour faire seoir Carlos ?
Vous reste-t-il encore quelque scrupule en
Dom Manrique et Dom Lope se lèvent, et Carlos se sied.
Achevez, achevez ; faites-le roi, madame :
Par ces marques
Ce préambule adroit
Et ces nouveaux serments
Montraient bien dans votre âme un tel choix préparé.
Enfin vous le pouvez, et nous
Je suis prêt
Je laisse entre ses mains et vous et votre empire.
Je sors avant ce choix, non que
Mais de peur que mon front
Arrêtez, insolent : votre reine pardonne
Ce
Et pour la démentir, veut bien vous assurer
Que vous tenez encore même rang dans son âme ;
Et
Sur un crime
Madame, excusez donc si quelque
Ne faites point ici de fausse modestie :
Et sais bien les moyens de vous humilier.
Soit que
Je rende à ses vertus un honneur légitime,
Vous devez respecter, quels que soient mes desseins,
Ou le choix de mon cœur, ou l’œuvre de mes mains.
Je
Sachez
Je veux
Il sait quelle est la vôtre, et connaît vos mérites,
Et jugera de vous avec plus de raison
Que moi, qui
Marquis, prenez ma bague, et la donnez pour marque
Au plus digne des trois, que
Je vous laisse y penser tout ce reste du jour.
Rivaux, ambitieux, faites-lui votre cour :
Qui me rapportera
Recevra sur-le-champ ma main et ma couronne.
Allons, reines, allons, et laissons-les juger
De quel côté
{{Scène| 4}}
Eh bien ! Seigneur marquis, nous direz-vous, de grâce,
Ce que, pour vous gagner, il est besoin
Vous êtes notre juge, il faut vous adoucir.
Vous y pourriez peut-être assez mal réussir.
Quittez ces contre-temps de froide raillerie.
Il
Ne raillons, ni prions, et demeurons amis.
Je sais ce que la reine en mes mains a remis ;
Et pas un de vous trois
Je
Qui mérite le mieux le nom de son époux :
Je serais téméraire, et
Et peut-être
Je
Un juge que sans honte on ne peut soupçonner ;
Ce sera votre épée et votre bras lui-même.
Comtes, de cet anneau dépend le diadème :
Il vaut bien un combat ; vous avez tous du cœur,
Et je le
À qui, Carlos ?
À mon vainqueur.
Qui pourra me
Ce sera du plus digne une preuve certaine.
Prenez entre vous
Je
{{Scène| 5}}
Vous voyez
Ainsi les grands courages
Savent en généreux repousser les outrages.
Il se méprend pourtant,
Nous daignions mesurer notre épée avec lui.
Refuser un combat !
Des généraux
Jaloux de leur honneur et de leur renommée,
Ne se commettent point contre un aventurier.
Ne mettez point si bas un si vaillant guerrier :
Il doit être pour nous ce
La reine qui nous brave, et sans égard au sang,
Ose souiller ainsi
Les rois de leurs faveurs ne sont jamais comptables ;
Ils font, comme il leur plaît, et défont nos semblables.
Envers les majestés vous êtes bien discret.
Voyez-vous cependant
Dites, si vous voulez,
Et se rendre avec gloire au vainqueur de tous trois,
Vous la respectez fort ; mais y prétendez-vous ?
On dit que
Pouvoir de mon pays désavouer
Et
Je soutiendrai partout
Je vais donc disputer, sans que rien me retarde,
Au marquis Dom Carlos cet anneau
Et si sur sa valeur je le puis emporter,
Le champ vous sera libre.
À la bonne heure, comte ;
Nous vous irons alors le disputer sans honte :
Nous ne dédaignons point un si digne rival ;
Mais pour votre marquis,
{{Acte| I}}
{{Scène| 1}}
Blanche, as-tu rien connu
Tu vois tous mes désirs condamnés à se taire,
Mon cœur faire un beau choix sans
Et nourrir un beau feu sans
Vois par là ce que
Comptable de moi-même au nom de souveraine,
Et sujette à jamais du trône où je me vois,
Je puis tout pour tout autre et ne puis rien pour moi.
Ô sceptres !
Pourquoi ne pouvez-vous rendre un cœur insensible ?
Pourquoi permettez-vous
Ou que
Je présumais tantôt que vous les alliez croire :
Ce
Au choix de Dom Carlos semblait tout préparer :
Je le nommais pour vous. Mais enfin par
Ma crainte
Vous
Et satisfait ensemble, en trompant mon attente,
La grandeur
Dis que pour honorer sa générosité,
Mon amour
Et
Le pouvoir de la reine au courroux de
Je voulais seulement essayer leur respect,
Soutenir
Et comme enfin ce choix me donnait de la peine,
Perdre quelques moments, choisir un peu plus tard :
Mais tu sais quel orgueil ont lors montré les comtes,
Combien
Certes, il est bien dur à qui se voit régner
De montrer quelque estime, et la voir dédaigner.
Sous ombre de venger sa grandeur méprisée,
À
Il agit
Et
Que ce change de nom ne fasse méconnaître.
Il doit à ses jaloux tous ces titres
Ce torrent grossissait, rencontrant cette digue :
Par ces profusions
Et
Mais, hélas ! En mon cœur il avait tant
Que je
Et
Qu’affin de
Ainsi, pour apaiser les murmures du cœur,
Mon refus a porté les marques de faveur ;
Et revêtant de gloire un invisible outrage,
De peur
Outre
Et que le moindre
Recevrait de sa main la qualité
Voilà, Blanche, où
Voilà les vrais motifs dont tu voyais
Car mon âme pour lui, quoique ardemment pressée,
Ne saurait se permettre une indigne pensée ;
Et je mourrais encore avant que
Ce
Mais enfin je vois bien que je me suis trompée
De
Et trouve occasion, dessous cette couleur,
De venger le mépris
Je devais par mon choix étouffer cent querelles ;
Et
Et jette entre les grands, amoureux de mon rang,
Une nécessité de répandre du sang.
Mais
Que les lois ont réglé, que les rois vos aïeux
Daignaient assez souvent honorer de leurs yeux :
On ne
Et
Je sais ce que tu dis, et
faire un commandement
Lorsque le déshonneur souille
Les rois peuvent douter de leur toute-puissance :
Qui la hasarde alors
Et qui veut pouvoir tout ne doit pas tout oser.
Je romprai ce combat feignant de le permettre,
Et je le tiens rompu si je puis le remettre.
Les reines
Voici déjà Carlos que je viens de mander :
Demeure, et tu verras avec combien
Ma gloire de mon âme est toujours la maîtresse.
{{Scène| 2}}
Vous avez bien servi, marquis, et
Vos armes ont pour nous dignement réussi :
Je pense avoir aussi bien payé vos services.
Malgré vos envieux et leurs mauvais offices,
Ne vous a pas coûté seulement un souhait.
Si cette récompense est pourtant si petite
Parlez, et donnez-moi moyen de
Après tant de faveurs à pleines mains versées,
Dont mon cœur
Surpris, troublé, confus, accablé de bienfaits,
Que
Vous êtes donc content ; et
De moi ?
De vous, marquis. Je vous parle sans feindre :
écoutez. Votre bras a bien servi
Tant que vous
Dès que je vous fais grand, sitôt que je vous donne
Le droit de disposer de ma propre personne,
Ce même bras
Comme si le marquis cessait
Ou que cette grandeur ne fût
Qui dût à sa ruine armer votre courage.
Les trois comtes en sont les plus fermes soutiens :
Vous attaquez en eux ses appuis et les miens ;
Et vous pouvez juger
Puisque ce même état, me demandant un roi,
Les a jugés eux trois les plus dignes de moi.
Peut-être un peu
Vous en avez suivi la première chaleur ;
Mais leur mépris va-t-il
Ils ont fait peu
Ils ont douté
Quand un doute si juste aurait dû vous toucher,
Remettre entre vos mains le don du diadème,
Ce
Je vous ai fait leur juge, et non leur ennemi,
Et si sous votre choix
Et
Vous pouvait sur tous trois donner quelque avantage,
On dirait que
Ah ! Si je vous croyais si vain, si
Madame, arrêtez là votre juste colère ;
Je suis assez coupable, et
Sans choisir pour me perdre un crime supposé.
Je ne me défends point des sentiments
Que vos moindres sujets auraient pour vous sans crime.
Lorsque je vois en vous les célestes accords
Des grâces de
Je puis, de tant
Sur
Je puis contre le ciel en secret murmurer
De
Et les yeux éblouis de cet éclat suprême,
Baisser soudain la vue, et rentrer en moi-même ;
Mais que je laisse aller
Un ridicule espoir, de criminels désirs !
Je vous aime, madame, et vous estime en reine ;
Et quand
Si votre âme, sensible à ces indignes feux,
Se pouvait oublier
Si par quelque malheur que je ne puis comprendre,
Du trône
Commençant aussitôt à vous moins estimer,
Je cesserais sans doute aussi de vous aimer.
Je ne vous prétends point pour fruit de ma victoire ;
Je combats vos amants, sans dessein
Que
Et tiendrais mon destin assez digne
Serait-ce à vos faveurs répondre pleinement
Que hasarder ce choix à mon seul jugement ?
Il vous doit un époux, à la Castille un maître :
Je puis en mal juger, je puis les mal connaître.
Je sais
Peut donner au moins digne et vous et vos états ;
Mais du moins, si le sort des armes journalières
En laisse par ma mort de mauvaises lumières,
Elle
Et même si votre âme en aime un en secret,
Et que ce triste choix rencontre mal le vôtre,
Je ne vous verrai point, entre les bras
Reprocher à Carlos par de muets soupirs
Ne cherchez point
Marquis ; je puis aimer,
Mais, si
Et toute votre ardeur se serait modérée
À
Je le veux éclaircir, et vous mieux éclairer,
Afin de vous apprendre à me considérer.
Je ne le cèle point ;
Mais
Cherche, au lieu de
Le plus digne héros de régner en ces lieux ;
Et craignant que mes feux osassent me séduire,
Mais je crois
Perde le trône et moi sans perdre encore le jour ;
Et mon cœur
Sans que sa mort pour moi me demande des larmes.
Ah ! Si le ciel tantôt me daignait inspirer
En quel heureux amant je vous dois révérer,
Que par une facile et soudaine
Ne pensez
Quel
Lui donneraient un prix
Et céder à mes feux plutôt
Ne serait que me rendre au juge que
Je
Pour défendre un combat entre vous résolu ;
Je blesserais par là
Les lois vous
Dites-moi, cependant, qui montre plus de cœur ?
Qui des trois le premier éprouve la fortune ?
Don Alvar.
Don Alvar !
Oui, Dom Alvar de Lune.
On dit
On le dit ; mais enfin
Lui seul
Je devine à peu près quel intérêt
Et nous verrons demain quel sera son courage.
Vous ne
Madame, son cartel marque cette journée.
Je vais pour vos combats faire tout préparer.
Adieu : souvenez-vous surtout de ma défense ;
Et vous aurez demain
{{Scène| 3}}
Consens-tu
Cet ordre
Que
Tu murmures, ce semble ? Achève ; explique-toi.
La reine a-t-elle droit de te faire la loi ?
Tu
Ô ciel ! Je
Et je puis, sous les noms de comte et de marquis,
Honteuse obscurité, qui seule me fais craindre !
Injurieux destin, qui seul me rends à plaindre !
Plus on
Et crois ne
Ton cruel souvenir sans fin me persécute ;
Du rang où
Lasse-toi désormais de me faire trembler ;
Je parle à mon honneur, ne viens point le troubler.
Laisse-le sans remords
Et ne viens point
Je
Tout cet indigne sang dont tu
Et ne
{{Scène| 4}}
Ah ! Carlos, car
Non
Non
Mais parce
Et que je présumais
Je me consolerais toutefois avec joie
Des faveurs que sans moi le ciel sur vous déploie,
Et verrais sans envie agrandir un héros,
Si le marquis tenait ce
Je venais à la reine en demander justice ;
Mais puisque je vous vois, vous
Je vous accuse donc, non pas de trahison,
Pour un cœur généreux cette tache est trop noire,
Mais
Moi, madame ?
écoutez mes plaintes en repos.
Je me plains du marquis, et non pas de Carlos :
Carlos de tout son cœur me tiendrait sa parole ;
Mais ce
Et prodigue son bras quand il
Carlos se souviendrait que sa haute vaillance
Doit ranger Dom Garcie à mon obéissance,
Mais ce Carlos
Et qui du même bras que
Entreprend trois combats pour une autre que moi.
Hélas ! Si ces honneurs dont vous comble la reine
Réduisent mon espoir en une attente vaine ;
Si les nouveaux desseins que vous en concevez
Vous ont fait oublier ce que vous me devez,
Rendez-lui ces honneurs
Rendez-lui Pennafiel, Burgos, et Santillane ;
L’Aragon a de quoi vous payer ces refus,
Et vous donner encore quelque chose de plus.
Et Carlos, et marquis, je suis à vous, madame :
Le changement de rang ne change point mon âme ;
Mais vous trouverez bon que par ces trois défis
Carlos tâche à payer ce que doit le marquis.
Vous réserver mon bras noirci
Attirerait sur vous la fortune ennemie,
Et vous hasarderait, par cette lâcheté,
Au juste châtiment
Quand deux occasions pressent un grand courage,
Et lui fait préférer, sans le rendre inconstant,
Celle qui se présente à celle qui
Ce
Mais bien que je vous doive immoler Dom Garcie,
Que
Pour
Et ne puis
Sinon que son service est préférable au mien,
Et
Ce
Peut-être suis-je né dedans quelque autre état ;
Mais par un zèle entier et pour
Et les plus grands périls
Que
Quoique engagé demain à combattre pour elle,
Tout ce que je lui dois ne
De
Je voudrais toutes deux pouvoir vous satisfaire,
Vous, sans manquer vers elle ; elle, sans vous déplaire :
Cependant je ne puis servir elle ni vous
Sans de
Je plaindrais un amant qui souffrirait mes peines,
Et tel pour deux beautés que je suis pour deux reines,
Se verrait déchiré par un égal amour,
Tel que sont mes respects dans
Sur
Et ne pouvant résoudre à quels vœux se borner,
Il
Tout ce
Ses hommages partout ont de fausses couleurs,
Et son plus grand service est un grand crime ailleurs.
Aussi sont-ce
Que partager son âme est le plus grand des crimes.
Un cœur
Aussitôt
Ce
Le rend vers
Et comme il
Qui
Il ne peut mériter
En servant, un regard ; en mourant, une larme.
Vous seriez bien sévère envers un tel amant.
Allons voir si la reine agirait autrement,
Cependant Dom Alvar le premier entre en lice ;
Et vous savez
Je sais combien sur lui vous avez de pouvoir.
Quand vous le combattrez, pensez à ce que
Et ménagez son sang comme le vôtre même.
Quoi ?
Je vous dis seulement que vous pensiez à moi.
{{Acte| III}}
{{Scène| 1}}
Vous pouvez donc
Entreprendre un combat pour acquérir la reine !
Quel astre agit sur vous avec tant de rigueur,
Ou cet honneur se trompe, ou cet amour
Et je ne comprends point, dans un si mauvais tour,
Ni quel est cet honneur, ni quel est cet amour.
Tout
Si vous
Et si vous
Aurez-vous droit alors de lui manquer de foi ?
La mépriserez-vous quand vous
Que me voulez-vous donc ? Vaincu par Dom Carlos,
Aurez-vous quelque grâce à troubler mon repos ?
En serez-vous plus digne ? Et par cette victoire,
Répandra-t-il sur vous un rayon de sa gloire ?
Que
Que me veut donc enfin ce cœur ambitieux ?
Que vous preniez pitié de
Où votre long refus réduit un misérable.
Mes vœux mieux écoutés, par un heureux effet,
Et
De manquer à ma gloire, ou
Votre refus
Et le moyen aussi que
Ni vaincu, ni vainqueur, je ne puis être à vous :
Vaincu,
Et le destin
Que son plus beau succès me tient lieu de supplice.
Aussi, quand mon devoir ose la disputer,
Je ne veux
Que pour montrer
Et me pouvais ailleurs promettre une couronne.
Fasse le juste ciel que
Ou ne la mériter que pour vous acquérir !
Ce sont vœux superflus de vouloir un miracle
Où votre gloire oppose un invincible obstacle ;
Et la reine pour moi vous saura bien payer
Du temps
Ma couronne est douteuse, et la sienne affermie ;
Allez ;
Poursuivez-la sans honte et sans confusion.
La légèreté même où tant
Est moins légèreté que grandeur de courage ;
Mais gardez que Carlos ne me venge de vous.
Ah ! Laissez-moi, madame, adorer ce courroux.
Mais je suis trop heureux
Et si, quand de vos lois
Vous
De ce crime vers vous quels que soient les supplices,
Du moins il
Que vous daignez en moi prendre quelque intérêt.
Le crime, Dom Alvar, dont je semble irritée,
Et pour vous dire encore quelque chose de plus,
Je me fâche
Je suis reine sans sceptre, et
Le pouvoir
Si vous
Quand
Que pouvait en attendre un cœur si magnanime.
Pouvais-je en cet exil davantage sur moi ?
Je ne veux point
Et je
Pour en faire un appui de ma triste fortune.
Que me le doit choisir le bien de mon état.
Il fallait arracher mon sceptre à mon rebelle,
Le remettre en ma main pour le recevoir
Je vous aurais peut-être alors considéré
Plus que ne
Mais une occasion plus prompte et plus brillante
A surpris cependant votre amour chancelante ;
Et soit que votre cœur
Soit
Je ne vous blâme point de
De plus constants que vous
Quelle
Vous pouviez
Combattre le dernier, et par quelque apparence,
Témoigner que
De cette illusion
Mais courir au-devant, et vouloir bien
Que vos vœux mal reçus
Vous auriez donc voulu que
Eût montré votre amant le plus lâche des trois ?
Que pour lui cette gloire eût eu trop peu
Vous achèverez au sortir du combat,
Si toutefois Carlos vous en laisse en état.
Voilà vos deux rivaux avec qui je vous laisse,
Et vous dirai demain pour qui je
Hélas ! Pour le bien voir je
{{Scène| 2}}
Qui vous traite le mieux, la fortune ou
La reine charme-t-elle auprès de Dona Elvire ?
Si
Carlos vous nuit partout, du moins à ce
Il fait plus
Il devrait par pitié vous céder
Plaignant mon intérêt,
De vrai, la presse est grande à qui le fera roi.
Je vous plains fort tous deux,
Mais si vous le vainquez, serons-nous fort à plaindre ?
Quand je
Oui, de vous voir longtemps hors de combat pour nous.
Nous aurons essuyé les plus dangereux coups.
On pourra vous guérir de cette impatience.
De grâce, faites donc que ce soit promptement.
{{Scène| 3}}
Laissez-moi, Dom Alvar, leur parler un moment :
Je
Et mon dessein ne va
Je ne sais
{{Scène| 4}}
Comtes, je ne veux plus donner lieu
Que choisir par autrui
Et puisque de ma main le choix sera plus beau,
Je veux choisir moi-même, et reprendre
Je ferai plus pour vous : des trois
Je ne veux point gêner un cœur plein
Et vous ôte un rival pour le rendre à ses vœux.
Qui
Et mon refus du moins autant que vous
Vous êtes donc les seuls que je veux regarder ;
Mais avant
Je voudrais voir en vous quelque preuve certaine
Et je tiendrais des deux celui-là mieux épris
Qui favoriserait ce que je favorise,
Et ne mépriserait que ce que je méprise,
Qui prendrait en
Si vous ne
Aux vertus de Carlos
Je voudrais en tous deux voir une estime égale,
Car ne présumez pas que je prenne un époux
Pour
Suive de votre part ce que pour lui
Et que par cet aveu je demeure assurée
Que tout ce qui
Toujours Carlos, madame ! Et toujours son bonheur
fait dépendre de lui le nôtre et votre cœur !
Mais puisque
Vous-même apprenez-nous ce que nous pouvons faire.
Nous
À qui jamais la guerre ait donné des lauriers ;
Notre liberté même est due à sa vaillance ;
Et
Dont nous a dû piquer
Vous avez suppléé
Ce
Nous lui devons beaucoup, et
Mais après vos faveurs nous ne pouvons plus rien :
Qui pouvait pour Carlos ne peut rien pour un comte ;
Il
Et vous avez pris soin de le payer pour nous.
Il en est en vos mains, des présents assez doux,
Qui purgeraient vos noms de toute ingratitude,
Et mon âme pour lui de toute inquiétude ;
Il en est dont sans honte il serait possesseur :
En un mot, vous avez
Et je veux que le roi
En recevant ma main, le fasse son beau-frère ;
Et que par cet hymen son destin affermi
Ne puisse en mon époux trouver son ennemi.
Ce
Je sais
Et
Ne sera sous ce nom que mon premier sujet ;
Mais je ne me plais pas à contraindre personne,
Et moins que tous un cœur à qui le mien se donne.
Répondez donc tous deux :
Oui, madame, aux plus longs et plus cruels trépas,
Plutôt
Ternir en un moment
Ne cherchez point par là cette union
Votre sceptre, madame, est trop cher à ce prix ;
Et
Ainsi donc vous me faites connaître
Que ce que je
Que je puis suppléer
Oui, bien pour
Jamais un souverain ne doit compte à personne
Des dignités
Comme il le fait lui seul, la honte est toute à lui.
Mais disposer
Avant que le souiller il faut
À toute leur famille, à la postérité.
Et moi, Manrique, et moi, qui
Mais quelle extravagance a pu vous figurer
Que je me donne à vous pour vous déshonorer,
Que mon sceptre en vos mains porte quelque infamie ?
Si je suis jusque-là de moi-même ennemie,
En quelle qualité, de sujet, ou
Ah ! Si vous
Madame, pardonnez à
Il devait
Nous avons, en effet,
Mais, si
À
À qui, Dom Lope ?
À moi, madame.
Et
À moi.
Allez, heureux amants, allez voir vos maîtresses ;
Et parmi les douceurs de vos dignes caresses,
Que vous faites du trône un généreux mépris.
Je vous
Et rends grâce à
écoutez-nous, de grâce.
Et que me direz-vous ?
Que la constance est belle au jugement de tous ?
Quelques autres que vous
Et si cette vertu ne se doit point forcer,
Peut-être
Exercez-la, madame, et souffrez
Vous connaîtrez du moins Dom Lope et Dom Manrique,
Ne pouvant rendre heureux sans en faire un jaloux,
Porte à tarir ainsi la source des querelles
Ils se sont
Qui
Il me devra sa sœur,
Et si je suis à vous, je lui devrai la mienne.
Celui qui doit vous perdre, ainsi, malgré son sort,
À
Ainsi, pour consoler
Nous ignorons laquelle ; et vous la choisirez,
Jugez donc si Carlos en peut être beau-frère,
Et si vous devez rompre un nœud si salutaire,
Hasarder un repos à votre état si doux,
Et ne savez-vous point
Vos sœurs, par conséquent, mes premières sujettes,
Les donner sans mon ordre, et même malgré moi,
Agissez donc enfin, madame, en souveraine,
Et souffrez
Nous vous obéirons, mais sans y consentir ;
Et pour vous dire tout avant que de sortir,
Carlos est généreux, il connaît sa naissance ;
Et
Nous
Mettre en un tel hasard le choix de leur époux,
Mais, encore une fois, que Carlos y regarde,
Et pense à quels périls cet hymen le hasarde.
Vous-même gardez bien, pour le trop dédaigner,
Que je ne montre enfin comme je sais régner.
{{Scène| 5}}
Quel est ce mouvement qui tous deux les mutine,
Lorsque
Est-ce orgueil ? Est-ce envie ? Est-ce animosité,
Défiance, mépris, ou générosité ?
Cette triste union
Et jette un prompt obstacle aux plus aisés desseins
Qui laissent choir mon sceptre en leurs indignes mains ?
Mes yeux
Que pour
Quel destin à ma gloire oppose mon ardeur ?
Quel destin à ma flamme oppose ma grandeur ?
Si ce
Ciel, laisse-moi donner ce que je
Et
Souffre de mes sujets le moins indigne choix.
{{Scène| 5}}
Blanche,
Je
Les comtes à ce prix fuient le diadème.
Et Carlos ne veut point de fortune à ce prix.
Rend-il haine pour haine, et mépris pour mépris ?
Non, madame ; au contraire, il estime ces dames
Dignes des plus grands cœurs et des plus belles flammes.
Et qui
Quelque secret obstacle arrête son désir.
Tout le bien
Charmantes
Il ne
Il semble plutôt craindre une infidélité ;
Et ses discours obscurs, sous un confus mélange,
Comme une aversion qui
Que les secrets liens
Il aimerait ailleurs !
Oui, si je ne
Il aime en lieu plus haut que
Et si je ne craignais votre juste courroux,
Ah ! Ce
Tantôt dans ses respects
Si
Il ne
Il doit
Et fait à mes amants ces défis généreux,
Non pas pour
Je
Et
Ce
Non,
Je saurai par sa mort à quels vœux
Et
Que vous peut offenser sa flamme ou sa retraite,
Puisque vous
Je ne sais pas
Mais je ne comprends point ce mouvement jaloux.
Tu ne le comprends point ! Et
Je veux donner son cœur, non que son cœur le donne ;
Je veux que son respect
Non des flammes
Je veux bien plus :
fasse à des feux pareils pareille violence ;
Que
Que par le seul dessein
Et non point par amour, il se donne à
Que par mon ordre seul il
Que ce soit
Et que voyant ma flamme à
Il
Car enfin il
Mais il aspire au trône, et ce
Il me préfère une autre, et cette préférence
forme de son respect la trompeuse apparence :
faux respect qui me brave, et veut régner sans moi !
Pour aimer Dona Elvire, il
Elle est reine, et peut tout sur
Si ce
Don Sanche
Avec les députés
Blanche,
Me forçait
Ne voyant point de prince égal à ma naissance,
Qui ne fût sous
Mais
Comtes, je
Et devenant par là reine de ma rivale,
Et ne souffrirai pas
Que ne
La belle occasion que votre jalousie,
Douteuse encore
Allons
Quelle juste espérance on peut en concevoir.
{{Acte| IV}}
{{Scène| 1}}
Quoique
Soient des biens que jamais on ne céda sans peine,
Nous cessons de prétendre où nous voyons un roi.
Dans notre ambition nous savons nous connaître ;
Et bénissant le ciel qui nous donne un tel maître,
Ce prince
Trouve en nous des sujets et non pas des rivaux :
Heureux si
Du sang de deux grands rois ne fait
Nous vous en conjurons, loin
Comme étant
Et tous impatients
Des Mores, nos voisins, dompter la tyrannie,
Nous renonçons sans honte à ce choix glorieux,
Qui
La générosité de votre déférence,
Comtes, flatte trop tôt ma nouvelle espérance :
Et ce grand bruit enfin peut-être
Mais jugez-en tous deux, et me daignez apprendre
Ce
Les troubles
Je vous en ai souvent tous deux entretenus,
Et ne vous redis point quelles longues misères
Chassèrent Dom Fernand du trône de ses pères.
Il y voyait déjà monter ses ennemis,
Ce prince malheureux, quand
On le nomma Dom Sanche ; et pour cacher sa vie
Aux barbares fureurs du traître Dom Garcie,
À peine eus-je loisir de lui dire un adieu,
Et je
Pour reconnaître un jour le sang de nos monarques.
Trop inutiles soins contre un si mauvais sort !
Lui-même au bout
Quatre ans après il meurt et me laisse une fille
Dont je vins par son ordre accoucher en Castille.
Il me souvient toujours de ses derniers propos ;
Il mourut en mes bras avec ces tristes mots :
"Je meurs, et je vous laisse en un sort déplorable :
Le ciel vous puisse un jour être plus favorable !
Don Raymond a pour vous des secrets importants,
Et vous les apprendra quand il en sera temps :
Fuyez dans la Castille." À ces mots il expire,
Et jamais Dom Raymond ne me voulut rien dire.
Je partis sans lumière en ces obscurités
Mais le voyant venir avec ces députés,
Et que
(voyez
Et que Dom Sanche était ce mystère inconnu ;
Hélas ! Que
À ma confusion ce bruit
Bien loin de
Voyez quelle apparence, et si cette province
A jamais su le nom de ce malheureux prince.
Si vous croyez au nom, vous croirez son trépas,
Et
Mais si vous en voulez croire la voix publique,
Et que notre pensée avec elle
Ou le ciel pour jamais a repris ce héros,
Ou cet illustre prince est le vaillant Carlos.
Nous le dirons tous deux, quoique suspects
Cette haute vertu qui charme tant
Cette fière valeur qui brave nos mépris,
Ce port majestueux, qui tout inconnu même,
A plus
Deux reines
Et qui peut-être ont peine à ne le pas aimer
Ce prompt consentement
Madame, après cela
Ou le ciel pour jamais a repris ce héros,
Ou cet illustre prince est le vaillant Carlos.
Nous avons méprisé sa naissance inconnue ;
Mais à ce peu de jour nous recouvrons la vue,
Et verrions à regret
Céder notre espérance à tout autre
Il en a le mérite et non pas la naissance ;
Et lui-même il en donne assez de connaissance,
Abandonnant la reine à choisir parmi vous
Un roi pour la Castille, et pour elle un époux.
Et ne voyez-vous pas que sa valeur
À faire sur tous trois cette illustre conquête ?
Oubliez-vous déjà
Son grand cœur se dérobe à ce haut avantage,
Pour devoir sa grandeur entière à son courage
Dans une cour si belle et si pleine
Avez-vous remarqué
Le voici : nous saurons ce que lui-même en pense.
{{Scène| 2}}
Madame, sauvez-moi
Un peuple opiniâtre à
Veut que je sois Dom Sanche, et prince
Puisque par sa présence il faut que ce bruit meure,
Dois-je être, en
Ou si
Souffrez-vous
Quoi que vous présumiez de la voix populaire,
Par de secrets rayons le ciel souvent
Vous apprendrez par là du moins les vœux de tous,
Et quelle opinion les peuples ont de vous.
Prince, ne cachez plus ce que le ciel découvre ;
Ne fermez pas nos yeux quand sa main nous les ouvre.
Vous devez être las de nous faire faillir.
Nous ignorons quel fruit vous en vouliez cueillir,
Mais nous avions pour vous une estime assez haute
Pour
Et notre honneur, au vôtre en aveugle opposé,
Méritait par pitié
Notre orgueil
Ou
Et
Si
Nous respectons Dom Sanche, et
Sitôt
Et sans doute son cœur nous en avouera bien.
Hâtez cette union de votre sceptre au sien,
Seigneur, et
Recevez, comme roi, notre premier hommage.
Comtes, ces faux respects dont je me vois surpris
Sont plus injurieux encore que vos mépris.
Je pense avoir rendu mon nom assez illustre
Pour
Reprenez vos honneurs où je
Et doutais
Pour ériger Carlos en roi de comédie ;
Mais puisque
Sachez que les vaillants honorent la valeur,
Et que tous vos pareils auraient quelque scrupule
À faire de la mienne un éclat ridicule.
Si
Quand vous
La raillerie est belle après une victoire ;
On la fait avec grâce aussi bien
Mais vous précipitez un peu trop ce dessein :
La bague de la reine est encore en ma main ;
Et
Vous sert encore
Ce bras, qui vous sauva de la captivité,
Peut
Pour
Et tranchez bien du prince en déniant de
Si nous avons tantôt
Nous saurons bien encore
Mais ce que nous devons, nous aimons à le rendre.
Que vous soyez Dom Sanche, ou
Pour le nouveau marquis, quoique
Mais que, pour nous combattre, il faut que le bon sang
Aide un peu sa valeur à soutenir ce rang.
Non que nous demandions
Nous le verrons tous deux comme un digne rival ;
Et si Dom Sanche enfin
Nous lui disputerons cet anneau de la reine.
Que notre bras dédaigne un simple aventurier.
Nous vous laissons, madame, éclaircir ce mystère.
Le sang a des secrets
Et dans les différends
Nous craignons
{{Scène| 3}}
Madame, vous voyez comme
Pour me faire un honneur, on veut que je
Mais
Cet anneau dans mes mains pourra briller longtemps.
Laissons là ce combat, et parlons de Dom Sanche.
Ce bruit est grand pour vous, toute la cour y penche :
De grâce, dites-moi, vous connaissez-vous bien ?
Plût à Dieu
Si
Livré dans un désert à la merci des bêtes,
Exposé par la crainte ou par
Rencontré par hasard et nourri par pitié,
Mon orgueil à ce bruit prendrait quelque espérance
Sur votre incertitude et sur mon ignorance ;
Je me figurerais ces destins merveilleux,
Qui tiraient du néant les héros fabuleux,
Et me revêtirais des brillantes chimères
Car enfin je suis vain, et mon ambition
Ne peut
Je ne puis regarder sceptre ni diadème,
Inutiles élans
Que pousse vers le ciel un cœur présomptueux,
Que soutiennent en
Et
Je ne suis point Dom Sanche, et connais mes parents ;
Ce bruit me donne en vain un nom que je vous rends ;
gardez-le pour ce prince : une heure ou deux peut-être
Avec vos députés vous le feront connaître.
Laissez-moi cependant à cette obscurité
Qui ne fait que justice à ma témérité.
En vain donc je me flatte, et ce que
Mon cœur vous en dédit : un secret mouvement,
Qui le penche vers vous, malgré moi vous dément ;
Mais je ne puis juger quelle source
Si
Si la nature agit, ou si
Si
Je veux bien toutefois étouffer ce murmure
Comme de vos vertus une aimable imposture,
Condamner, pour vous plaire, un bruit qui
Mais où sera mon fils
On veut
On connaît, hormis vous, quiconque en serait digne ;
Et le vrai sang des rois, sous le sort abattu,
Peut cacher sa naissance et non pas sa vertu :
Il porte sur le front un luisant caractère
Qui parle malgré lui de tout ce
Et celui que le ciel sur le vôtre avait mis
Pouvait seul
Vous ne
Mais vous êtes à craindre avec tant de mérites.
Souffrez que
Je ne condamne point votre témérité ;
Mon estime, au contraire, est pour vous si puissante,
Votre sang avec moi
Et je vous donne après liberté
Que si même à ce prix vous cachez votre race,
Ne me refusez point du moins une autre grâce :
Ne vous préparez plus à nous accompagner ;
Nous
La mort de Dom Garcie a puni tous ses crimes,
Et rendu
Ne me contraignez point à plus que je ne veux.
Le prix de la valeur doit avoir ses limites ;
Et je vous crains enfin avec tant de mérites.
Et faites-vous connaître, ou
{{Scène| 4}}
Qui ne vous craindra point, si les reines vous craignent ?
Elles se font raison
Dédaigner un héros
Blanche, et si tu te plais à seconder sa haine,
Du moins respecte en moi
La reine même en vous ne voit plus
Mais
Ce silence vers elle est une ingratitude :
Ce
Méritait de Dom Sanche une civilité.
Ah ! Nom fatal pour moi, que tu me persécutes,
Et prépares mon âme à
{{Scène| 5}}
Madame, commandez
Je ne veux que celui de votre créature ;
Et si le sort jaloux, qui semble me flatter,
Veut
Souffrez
À
Je le vois de trop loin pour
Souffrez que je
Quoi ? Ce grand cœur redoute une couronne !
Quand on le croit monarque, il frémit, il
Il veut fuir cette gloire, et se laisse alarmer
De ce que sa vertu force
Ah ! Vous ne voyez pas que cette erreur commune
Que déjà mes secrets sont à demi trahis.
Je lui cachais en vain ma race et mon pays ;
En vain sous un faux nom je me faisais connaître,
Pour lui faire oublier ce
Elle a déjà trouvé mon pays et mon nom.
Je suis Sanche, madame, et né dans
Et je crois déjà voir sa malice funeste
Détruire votre ouvrage en découvrant le reste,
Et faire voir ici, par un honteux effet,
Quel comte et quel marquis votre faveur a fait.
Pourrais-je alors manquer de force ou de courage
Pour empêcher le sort
Ne me dérobez point ce
Et la main qui
Mais vous vous en formez une vaine menace
Pour faire un beau prétexte à
Je ne demande plus
Quand
Allez dans
Mais allez-y du moins sans feindre une faiblesse ;
Et puisque ce grand cœur
Montrez, en la suivant, que vous ne fuyez pas.
Ah ! Madame, plutôt apprenez tous mes crimes ;
Ma tête est à vos pieds,
Tout chétif que je suis, je dois vous avouer
Il
Et depuis que mon cœur est capable
À moins que
Voilà mon premier crime, et je ne puis vous dire
Qui
Mais je sais que ce cœur, des deux parts engagé,
Se donnant à vous deux, ne
Toujours prêt
Toujours prêt à mourir et pour
Pour
Et ce choix eût été du moins quelque désir,
Quelque espoir outrageux
Et
Qui
Et perdre en plus
Voilà mon second crime ; et quoique ma souffrance
Jamais à ce beau feu
Je ne puis, sans mourir
Voir dans les bras
Voyant que votre choix
Je voulais
Et languir auprès
Par un semblable hymen
Depuis,
Ce trouble a quelque temps amusé ma douleur ;
Le coup de votre perte est devenu moins rude,
Lorsque
Et que
Que ma mort vous donnât un plus vaillant que moi.
Mais je
Je vois pour vous Dom Sanche un époux nécessaire ;
Car ce
Les raisons de
Leur sévère grandeur jamais ne se ravale,
Ayant devant les yeux un prince qui
Et puisque le saint nœud qui le fait votre époux
Arrête comme sœur Dona Elvire avec vous,
Que je ne puis la voir sans voir ce qui me tue,
Permettez que
Et que je porte ailleurs les criminels soupirs
Vous
Si je laissais agir les sentiments de reine ;
Par un trouble secret je les sens confondus ;
Partez, je le consens, et ne les troublez plus.
Mais non : pour fuir Dom Sanche, attendez
Ce bruit peut être faux, et me rendre ma joie.
Que dis-je ? Allez, marquis,
Mais avant que partir donnez-lui mon anneau ;
Si ce
Que pour tant de faveurs une reine demande.
Vous voulez que je meure, et je dois obéir,
Dût cette obéissance à mon sort me trahir :
Je recevrai pour grâce un si juste supplice,
Et souffre que Carlos, en donnant cet anneau,
Emporte ce faux nom et sa gloire au tombeau.
Que
Adieu : ne croyez pas ce soupir indiscret.
Il
{{Acte| V}}
{{Scène| 1}}
Enfin, après un sort à mes vœux si contraire,
Je dois bénir le ciel qui vous renvoie un frère ;
Puisque de notre reine il doit être
Cette heureuse union me laisse tout à vous.
Je me vois affranchi
Je
Plus à craindre le prix
Et
Consent que mon amour, de ses lois dégagé,
Vous rende un inconstant qui
Vous êtes généreux, mais votre impatience
Sur un bruit incertain prend trop de confiance ;
Et cette prompte ardeur de rentrer dans mes fers
Me console trop tôt
Ma perte
Qui du nom de Carlos, malgré Carlos, abuse ;
Et vous ne savez pas, à vous en bien parler,
Par quelle offre et quels vœux on
Plus que vous ne pensez la couronne
Je perds plus
Attendez les effets que produiront ces bruits ;
Attendez que je sache au vrai ce que je suis,
Si le ciel
Si par
Ou si
Ah ! Ce
Madame,
Et mon propre bonheur
Si je
Pourrais-je de ce frère implorer la puissance,
Pour ne vous obtenir que par obéissance,
Et par un lâche abus de son autorité,
Avec peu de raison vous craignez
Le digne sang des rois
Et leurs premiers sujets obéissent le mieux.
Mais vous êtes étrange avec vos déférences,
Dont les submissions cherchent des assurances.
Vous ne craignez
Que pour tirer de moi que
Et vous obstineriez dans ce respect extrême
Jusques à me forcer à dire :
Ce mot est un peu rude à prononcer pour nous ;
Souffrez
Je vous dirai beaucoup, sans pourtant vous rien dire.
Je sais depuis quel temps vous aimez Dona Elvire ;
Je sais ce que je dois, je sais ce que je puis ;
Mais, encore une fois, sachons ce que je suis ;
Et si vous
Tâchez
Carlos a tant de lieu de vous considérer,
Que
En ma faveur donnez-vous cette peine,
Et me laissez, de grâce, entretenir la reine.
À vous dire bientôt ce qui
{{Scène| 2}}
Don Alvar me fuit-il ?
Madame, à ma prière,
Il va dans tous ces bruits chercher quelque lumière.
Et de défendre mal mon cœur contre vous deux.
Ne pourra-t-il jamais gagner votre courage ?
Il peut tout obtenir, ayant votre suffrage.
Je lui puis donc enfin promettre votre foi ?
Oui, si vous lui gagnez celui du nouveau roi.
Et si ce bruit est faux ? Si vous demeurez reine ?
Que vous puis-je répondre, en étant incertaine ?
En cette incertitude on peut faire espérer.
On peut attendre aussi pour en délibérer :
On agit autrement quand le pouvoir
{{Scène| 3}}
Et
Que
Vous ne
Mais de qui tenez-vous la mort de Dom Garcie,
Vu que depuis un mois
On parlait seulement de peuples révoltés ?
Je vous puis sur ce point aisément satisfaire :
Leurs gens
On assiégeait encore, alors
Dedans leur dernier fort Dom Garcie et son fils.
On
Don Raymond prisonnier recouvrant sa franchise,
Les voyant tous deux morts, publie à haute voix
Que nous avions un roi du vrai sang de nos rois,
Que Dom Sanche vivait, et part en diligence
Pour rendre à
Il joint nos députés hier sur la fin du jour,
Et leur dit que ce prince était en votre cour.
Outre
Comme ils entendent mal, leur rapport est confus ;
Mais bientôt Dom Raymond vous dira le surplus.
Que nous veut cependant Blanche toute étonnée ?
{{Scène| 4}}
Ah ! Madame !
La funeste journée !
Votre
Eh bien ?
Son père est en ces lieux,
Et
Quoi ?
Qui te
Mes yeux.
Tes yeux ?
Mes propres yeux.
Que
Voudriez-vous, madame, en apprendre
Que le ciel est injuste !
Il
Par cet injuste effet son absolu pouvoir,
Qui du sang le plus vil tire une âme si belle,
Et forme une vertu qui
Parle, Blanche, et dis-nous comme il voit ce malheur.
Avec beaucoup de honte, et plus encore de cœur.
Du haut de
En vain de ce faux bruit il se voulait défendre ;
Votre cour, obstinée à lui changer de nom,
Murmurait tout autour : « Dom Sanche
Quand un chétif vieillard le saisit et
Lui qui le reconnaît frémit de sa disgrâce ;
Puis laissant la nature à ses pleins mouvements,
Répond avec tendresse à ses embrassements.
Ses pleurs mêlent aux siens une fierté sincère ;
On
Tu
Chose étrange ! À ces cris de douleur et de joie,
Un grand peuple accouru ne veut pas
Il
En dépit de Carlos, passe pour imposteur.
Dans les bras de ce fils on lui fait mille hontes :
Eux-mêmes (admirez leur générosité)
Non
Mais ils en font auteur un de leurs domestiques,
Qui pensant bien leur plaire, a si mal à propos
Instruit ce malheureux pour affronter Carlos.
Avec avidité cette histoire est reçue :
Chacun la tient trop vraie aussitôt
Et pour plus de croyance à cette trahison,
Les comtes font traîner ce bonhomme en prison.
Carlos rend témoignage en vain contre soi-même ;
Les vérités
Et dans le déshonneur qui
Ses plus grands envieux
Il tempête, il menace, et bouillant de colère,
Il crie à pleine voix
On tremble devant lui sans croire son courroux ;
Et
{{Scène| 5}}
Eh bien ! Madame, enfin on connaît ma naissance :
Voilà le digne fruit de mon obéissance.
Si vos commandements ne
Ils
Et
On me vole mon père ! On le fait criminel !
On attache à son nom un opprobre éternel !
Je suis fils
La bassesse du sang ne va point
Et je renonce aux noms de comte et de marquis
Avec bien plus
Rien
De grâce, commandez
Ce doit leur être assez de savoir qui je suis,
Sans
Forcez ce grand courage à conserver sa gloire,
Madame, et
Nous
A fait trembler le More et triompher nos rois,
Reçût de sa naissance une tache éternelle :
Tant de valeur mérite une source plus belle.
Aidez ainsi que nous ce peuple à
Il aime son erreur, daignez
À tant de beaux exploits rendez cette justice,
Et de notre pitié soutenez
Je suis bien malheureux, si je vous fais pitié ;
Reprenez votre orgueil et votre inimitié.
Après que ma fortune a soûlé votre envie,
Vous plaignez aisément mon entrée à la vie ;
Et me croyant par elle à jamais abattu,
Vous exercez sans peine une haute vertu.
Peut-être elle ne fait
La gloire de mon nom vaut bien
Mais son plus bel éclat serait trop acheté,
Si je le retenais par une lâcheté.
Si ma naissance est basse, elle est du moins sans tache :
Puisque vous la savez, je veux bien
Sanche, fils
De deux comtes jadis fut le libérateur ;
Sanche, fils
Deux illustres rivaux sur le choix de leur reine ;
Sanche, fils
De quoi faire bientôt tout
Sanche enfin, malgré lui, dedans cette province,
Quoique fils
Voilà ce
Un cœur que ravalait le nom de ses aïeux.
La gloire qui
éclate encore assez pour honorer ma race,
Et paraîtra plus grande à qui comprendra bien
Cette noble fierté désavoue un tel père,
Et par un témoignage à soi-même contraire,
Obscurcit de nouveau ce
Non, le fils
Et son âme paraît si dignement formée,
Que
Je le soutiens, Carlos, vous
La justice du ciel ne peut
Les tendresses du sang vous font une imposture,
Et je démens pour vous la voix de la nature.
Ne vous repentez point de tant de dignités
Dont il vous plut orner ses rares qualités :
Jamais plus digne main ne fit plus digne ouvrage,
Madame ; il les relève avec ce grand courage ;
Et vous ne leur pouviez trouver plus haut appui,
Puisque même le sort est au-dessous de lui.
La générosité
Me met en un état de
Et dans la nouveauté de ces événements,
Par un illustre effort prévient mes sentiments.
Ils paraîtront en vain, comtes,
À lui rendre
Et ne dédaigner pas
Vous courez au-devant avec tant de franchise,
Et vous, que par mon ordre ici
Sanche,
Miraculeux héros, dont la gloire refuse
Parmi les déplaisirs que vous en recevez,
Puis-je vous consoler
Puis-je vous demander ce que je vous vois faire ?
Je vous tiens malheureux
Mais je vous tiens ensemble heureux au dernier point
Et de ce
Emporte encore si haut une telle naissance.
{{Scène| 6}}
Princesses, admirez
Ce malheureux pêcheur, par promesse ni crainte,
Ne saurait se résoudre à souffrir une feinte.
Combien mal à propos sa présence importune
Et
Que
Rien ne peut
Et quant à ce
Il dit
Et que plus de cent fois il a su de sa femme
(Voyez
Que voyant ce présent,
La reine
''À Dona Léonor''
Si vous le recevez avec autant de joie,
Madame, que par moi ce vieillard vous
Vous donnerez sans doute à cet illustre fils
Un rang encore plus haut que celui de marquis.
Ce bonhomme en paraît
Dom Alvar présente à Dona Léonor un petit écrin qui
Madame, à cet aspect vous paroissez troublée.
Madame :
Et
Disons ce
Ah ! Sanche, si par là je puis le découvrir,
Vous pouvez être sûr
Dans les lieux dont le ciel a fait notre partage ;
Et
Vous recevrez le prix qui vous en sera dû.
Mais à ce doux transport
Trouvons notre bonheur avant que
Ce présent donc enferme un tissu de cheveux
Que reçut Dom Fernand pour arrhes de mes vœux,
Son portrait et le mien, deux pierres les plus rares
Que forme le soleil sous les climats barbares,
Et pour un témoignage encore plus certain,
Un billet que lui-même écrivit de sa main.
Un garde.
Madame, Dom Raymond vous demande audience.
Si
Avant votre congé
Vous pouvez commander dans toute la Castille,
Et je ne vous vois plus
Laissez là, Dom Raymond, la mort de nos tyrans,
Et rendez seulement Dom Sanche à ses parents.
Vit-il ? Peut-il braver nos fières destinées ?
Sortant
Je
Par
Avec tant de secret, que même un second père,
Qui
Ainsi
Et
Là
À sa fausse bassesse il
Que déguisant son nom et cachant sa famille,
Il avait fait merveille aux guerres de Castille,
Que du bruit de son nom elle était toute pleine,
Si bien que ce pêcheur,
Avait couru chercher ce fils si fort vanté.
Dom Raymond, si vos yeux pouvaient le
Oui, je le vois, madame. Ah ! Seigneur, ah ! Mon maître !
Nous
La vérité paraît ; cédez aux vœux de tous.
Dom Sanche, voulez-vous être seul incrédule ?
Je crains encore du sort un revers ridicule.
Mais, madame, voyez si le billet du roi
Accorde à Dom Raymond ce
Dona Eleonor ouvre
Pour tromper un tyran je vous trompe vous-même.
Vous reverrez ce fils que je vous fais pleurer :
Cette erreur lui peut rendre un jour le diadème ;
Et je vous
Si ma feinte vers vous passe pour criminelle,
Pardonnez-moi les maux
De crainte que les soins de
Par leurs empressements le fissent découvrir.
Nugne, un pauvre pêcheur,
Sa femme en son absence accouchant
Elle reçut le vôtre, et sut si bien se taire,
Que le père et le fils en ignorent le sort.
Elle-même
Elle sait seulement
Et croit que ce présent, par un miracle étrange,
Doit un jour par vos mains lui rendre son vrai rang.
À ces marques, un jour, daignez le reconnaître ;
Et puisse
Apprendre ainsi que vous, de moi qui
Que Sanche, fils de Nugne, est le sang de ses rois !
Don Fernand
Dona Eleonor, après
Ah ! Mon fils,
Croyez-en vos vertus et votre grand courage.
''à Dona Léonor.''
Ce serait mal répondre à ce rare bonheur
Que vouloir me défendre encore
Je reprends toutefois Nugne pour mon vrai père,
Si vous ne
Je vous avais fait tort en vous faisant marquis ;
Et vous
De ce retardement où
Et pour moi, que le ciel destinait pour un roi,
Digne de la Castille, et digne encore de moi,
Pour la rendre à Dom Sanche, et joindre nos couronnes.
Je ne
Qui, sans le partager, donnaient mon cœur à deux :
Dans les obscurités
Le nôtre y répondait sans faire honte au rang,
Et le mien vous payait ce que devait le sang.
''à Dona Elvire.''
Si vous
Un époux de ma main pourrait-il vous déplaire ?
Si Dom Alvar de Lune est cet illustre époux,
Il vaut bien à mes yeux tout ce qui
''à Dona Elvire.''
Il honorait en moi la vertu toute nue.
À Dom Manrique et à Dom Lope.
Et vous, qui dédaigniez ma naissance inconnue,
Comtes, et les premiers en cet événement
Jugiez en ma faveur si véritablement,
Votre dédain fut juste autant que son estime :
Dom Raymond, à Dom Isabelle.
Souffrez
Nos députés, madame, impatients
Il vaut mieux leur donner audience publique,
Afin
Allons ; et cependant
Celui par qui tant
Et
Recevoir de ses soins la digne récompense.
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[[Catégorie:Théâtre de Pierre Corneille]]
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