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<references />
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|}
 
=== HOURD ===
s. m. <i>Hourt</i>, <i>hour</i>, <i>ourdeys</i>, <i>gourt</i>. Échafaud fermé de
planches; appliqué à l'architecture militaire, est un ouvrage en bois,
dressé au sommet des courtines ou des tours, destiné à recevoir des
défenseurs, surplombant le pied de la maçonnerie et donnant un
flanquement
plus étendu, une saillie très-favorable à la défense. Nous avons
expliqué, dans l'article [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1, Architecture militaire|Architecture Militaire]] (voy. fig. 14, 15, 16 et 32),
les moyens de construction et l'utilité des hourds; toutefois l'objet prend
une si grande importance dans l'art de la défense des places du XI<sup>e</sup>
au
XIV<sup>e</sup> siècle, que nous devons entrer dans des développements.
 
Il y a tout lieu de croire que, dès l'époque romaine, les hourds étaient
en usage, car il est question, dans les <i>Commentaires</i> de César, d'ouvrages
en bois qui sont de véritables hourds. Nous en avons donné un exemple
à l'article [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5, Fossé|Fossé]], fig. 1. Dans l'ouvrage en bois qui couronnait les fossés
du camp de César devant les Bellovaques, les galeries réunissant les tours
sont des hourds continus protégeant un parapet inférieur<span id="note1"></span>[[#footnote1|<sup>1</sup>]]. La nécessité
pour les défenseurs de commander le pied des remparts, d'enfiler les
fossés et de se mettre à l'abri des projectiles lancés par les assiégeants,
dut faire adopter les hourds dès l'époque gallo-romaine. Les crénelages
supérieurs ne pouvaient, en cas de siège, présenter une défense efficace,
puisque en tirant, les archers ou arbalétriers étaient obligés de se découvrir.
Si l'assiégeant se logeait au pied même des murs, il devenait de
toute impossibilité aux assiégés non-seulement de lui décocher des traits,
mais même de le voir, sans passer la moitié du corps en dehors des
créneaux. À la fin du XI<sup>e</sup> siècle déjà et au commencement du XII<sup>e</sup>, nous
remarquons, au sommet des tours et remparts, des trous de hourds percés
au niveau des chemins de ronde<span id="note2"></span>[[#footnote2|<sup>2</sup>]]. Souvent alors ces trous sont doubles,
de manière à permettre de poser, sous la solive en bascule, un lien destiné
à soulager sa portée.
</div>
[[Image:Illustration_fig1_6_132.png|center|500px]]
<div class="text">
<span id=Carcassonne1>Les merlons des tours et courtines du château de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]] (1100
environ) sont hauts (1<sup>m</sup>,60 à 1<sup>m</sup>,80); les trous de hourds sont espacés
régulièrement, autant que le permet la courbe des tours ou les dispositions
intérieures; sous leurs pieds-droits sont percés, tout à travers, quatre
trous: deux un peu au-dessous de l'appui des créneaux, deux au niveau
du chemin de ronde. Du chemin de ronde (1), les charpentiers faisaient
couler par le trou inférieur une première pièce A, puis une seconde
pièce B, fortement en bascule. L'ouvrier passant par le créneau se mettait
à cheval sur cette seconde pièce B, ainsi que l'indique le détail perspectif
B', puis faisait entrer le lien C dans son embrèvement. La tête de ce lien
était réunie à la pièce B par une cheville; un potelet D, entré de force
par derrière, roidissait tout le système. Là-dessus, posant des
plats-bords,
il était facile de monter les doubles poteaux E, entre lesquels on glissait
les madriers servant de garde antérieure, puis on assujettissait la toiture
qui couvrait le hourdis et le chemin de ronde, afin de mettre les défenseurs
à l'abri des projectiles lancés à toute volée. Des entailles G ménagées
entre les madriers de face permettaient de viser. Ainsi des arbalétriers
postés sur les hourds pouvaient envoyer des projectiles par des meurtrières
multipliées et jeter des pierres par le mâchicoulis K sur les assaillants.
Du chemin de ronde, d'autres arbalétriers ou archers avaient encore les
meurtrières à demeure L, par lesquelles, au-dessous des hourds, ils
envoyaient des traits aux assiégeants. La communication du chemin de
ronde avec le hourd s'établissait de plain-pied par les crénelages, dont
les merlons sont assez élevés pour permettre à un homme de passer. La
couverture était faite de forts madriers sur lesquels on posait de la grande
ardoise ou de la tuile, et si on craignait l'envoi de projectiles incendiaires,
des peaux fraîches, de grosses étoffes de laine, du fumier ou
du gazon. Ce blindage était fait au sommet des courtines et tours de
toute place forte destinée à subir un siège en règle, le crénelage en
maçonnerie ne servant qu'en temps de paix et pour la garde ordinaire.
Par le fait, les créneaux étaient autant de portes qui mettaient les hourds
en communication avec le chemin de ronde sur un grand nombre de
points; et si le hourdage venait à brûler ou à être détruit par les pierriers
de l'assiégeant, il restait encore debout une défense de maçonnerie
offrant une dernière protection aux soldats qui garnissaient les
remparts.
 
Ces sortes de hourds n'étaient pas généralement posés à demeure,
mais seulement en temps de guerre. En temps de paix, ces charpentes
étaient facilement démontées et rangées à couvert dans les tours et dans
les nombreux réduits disposés le long des remparts, à l'intérieur. Aussi,
pour faciliter la pose et pour éviter de numéroter les pièces, de les classer
et de les chercher, les trous de hourds sont percés à des distances égales,
sauf dans certains cas exceptionnels, de sorte que tous les madriers de
garde, formant parement, coupés de longueur, glissaient indifféremment
entre les montants doubles assemblés à l'extrémité des solives en bascule.
On comprend dès lors comment la pose des hourds pouvait être
rapidement
exécutée. En effet, les montants doubles de face posés (2), et dont
la section est tracée en A, le charpentier n'avait qu'à laisser couler entre
eux les madriers de garde, ainsi qu'on le voit en B. Si des pierres d'un
fort volume, lancées par les machines de l'assiégeant, avaient rompu
quelques madriers, on pouvait de même les remplacer promptement et
facilement du dedans des hourds pendant la nuit, sans avoir besoin ni
de clous ni de chevilles.
 
<span id=Laval>Cependant, quelquefois, les hourds étaient à demeure, particulièrement
au sommet des tours; alors on les <i>hourdait</i> en maçonnerie comme des
pans de bois, ou on les couvrait d'ardoises. Il existe encore, dans le
château de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes L#Laval|Laval]], une tour du XII<sup>e</sup> siècle qui a conservé un hourdage
supérieur dont la construction paraît remonter au XIII<sup>e</sup> siècle. Ce
hourdage fait partie du comble et se combine avec lui (3). C'est un bel
ouvrage de charpenterie exécuté en beau et fort bois de chêne. Suivant
l'usage de cette époque, chaque chevron de la charpente est armé, porte
ferme et repose sur les blochets A (voy. la coupe C), lesquels sont portés
sur la tête des poteaux de face D recevant une sablière S, et maintenus
par les grandes contre-fiches intérieures moisées E. Ces contre-fiches
viennent en outre soulager ces chevrons vers le premier tiers de leur
longueur. Sous chaque poteau de face et sous chaque contre-fiche est
posé un patin P qui forme bascule et mâchicoulis. En G, on voit le
système du hourdage de face, lequel est voligé et couvert d'ardoises
comme le comble lui-même. De distance en distance, de petites ouvertures
sont percées dans le hourdage pour permettre de tirer. L'enrayure
basse est maintenue par des entraits comme dans toutes les charpentes
de combles coniques. Nous reviendrons tout à l'heure sur ces hourds à
demeure, très-fréquents dans les constructions militaires du XV<sup>e</sup> siècle
qui ne sont point couronnées par des mâchicoulis avec murs de garde en
pierre de taille.
</div>
[[Image:Illustration_fig2_6_134.png|center|500px]]
<div class="text">
Pendant le XIII<sup>e</sup> siècle, on simplifia encore le système des hourdages
en charpente au sommet des remparts. On renonça aux trous doubles, on
se contenta d'un seul rang de larges trous carrés (0,30 c. x 0,30 c.
environ) percés au niveau des chemins de ronde; et, en effet, une pièce
de bois de chêne de 0,30 c. d'équarrissage, fût-elle de trois mètres en
bascule, peut porter un poids énorme. Or les hourds avaient rarement
plus de 1<sup>m</sup>,95 c. de saillie (une toise). Il n'est pas nécessaire de s'étendre
ici sur ces hourds simples, dont nous avons suffisamment indiqué la
construction dans l'article [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1, Architecture militaire|Architecture Militaire]], fig. 32. Mais souvent,
au XIII<sup>e</sup> siècle, il est question de hourds doubles, notamment dans
l'<i>Histoire de la croisade contre les Albigeois</i><span id="note3"></span>[[#footnote3|<sup>3</sup>]].
 
[[Image:Illustration_fig3_6_135.png|center|500px]]
 
À Toulouse, assiégée par le comte Simon de Montfort, les habitants
augmentent sans cesse les défenses de la ville:
 
<center>
«E parec ben a lobra e als autres mestiers<br>
Que de dins et de fora ac aitans del obriers<br>
Que garniron la vila els portals els terriers<br>
Els murs e las bertrescas els cadafales dobliers<br>
Els fossatz e las lissas els pons els escaliers<br>
E lains en Toloza ac aitans carpentiers.<br>
...<span id="note4"></span>[[#footnote4|<sup>4</sup>]]»<br>
</center>
 
Ailleurs, au siège de Beaucaire:
</div>
<center>
«Mas primier fassam mur ses *[?cans] e ses sablo<br>
Ab los cadafales dobles et ab ferm bescalo<span id="note5"></span>[[#footnote5|<sup>5</sup>]].»<br>
</center>
<div class="text">
Nous avons dû chercher sur les monuments mêmes la trace de ces
hourds à deux étages. <span id=Carcassonne2>Or, à la cité de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]], des deux côtés de la
porte Narbonnaise, dont la construction remonte au règne de Philippe
le Hardi, nous avons pu reconnaître les dispositions d'un de ces
échafauds doubles, indiquées par la construction de merlons très-puissants et taillés
d'une manière toute particulière. Ces merlons (4) sont appareillés
en fruit sur le chemin de ronde, ainsi que l'indique le profil A. Leur
base est traversée au niveau du chemin de ronde, par des trous de hourds de
0,30 c. de côté, régulièrement espacés. Sur le parement du chemin de
ronde du côté de la ville est une retraite continue B. Les hourds doubles
étaient donc disposés ainsi: de cinq pieds en cinq pieds passaient par les
trous de hourds les fortes solives
</div>
[[Image:Illustration_fig4_6_137.png|center|500px]]
<div class="text">
<br>
C, sur l'extrémité desquelles, à l'extérieur, s'élevait le poteau incliné D, avec des contre-poteaux E formant la
rainure pour le passage des madriers de garde. Des moises doubles J
pinçaient ce poteau, se reposaient sur la longrine F, mordaient les trois
poteaux GHI, celui G étant appuyé sur le parement incliné du merlon, et
venaient saisir le poteau postérieur K également incliné. Un second rang
de moises, posé en L, à 1<sup>m</sup>,80 du premier rang, formait l'enrayure des
arbalétriers M du comble. En N, un mâchicoulis était réservé le long
du
parement extérieur de la courtine. Ce mâchicoulis était servi par des
hommes placés en O, sur le chemin de ronde, au droit de chaque créneau
muni d'une ventrière P. Les archers et arbalétriers du hourd inférieur
étaient postés en R, et n'avaient pas à se préoccuper de servir ce premier
mâchicoulis. Le second hourd possédait un mâchicoulis en S. Les
approvisionnements
de projectiles se faisaient au dedans de la ville par les
guindes T. Des escaliers Q, disposés de distance en distance, mettaient
les deux hourds en communication. De cette manière, il était possible
d'amasser une quantité considérable de pierres en V, sans gêner la
circulation sur les chemins de ronde ni les arbalétriers. En X, on voit de
face, à l'extérieur, la charpente du hourdage dépourvue de ses madriers
de garde, et, en Y, cette charpente garnie. Par les meurtrières et mâchicoulis,
on pouvait lancer ainsi sur l'assaillant un nombre prodigieux de
projectiles. Comme toujours, les meurtrières U, à demeure, percées dans
les merlons, dégageaient au-dessous des hourds et permettaient à un
second rang d'arbalétriers postés entre les fermes, sur le chemin de
ronde, de viser l'ennemi. On conçoit que l'inclinaison des madriers de
garde était très-favorable au tir. Elle permettait, de plus, de faire surplomber
le second mâchicoulis S en dehors du hourdage inférieur. La
dépense que nécessitaient des charpentes aussi considérables ne
permettait guère de les établir que dans des circonstances exceptionnelles,
sur des points mal défendus par la nature, et c'était précisément le cas
des deux côtés de la porte Narbonnaise, particulièrement pour la courtine
du nord (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7, Porte|Porte ]]), sur l'étendue de laquelle, entre cette porte et la
tour du Trésau, ce système a été appliqué.
</div>
[[Image:Illustration_fig5_6_139.png|center|500px]]
<div class="text">
Si les courtines étaient garnies de hourds, à plus forte raison le sommet
des tours devait-il être muni de cette défense nécessaire, puisqu'on avait
plus d'avantage à attaquer une tour qu'une courtine; aussi les tours de
la cité de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]] sont-elles toutes percées, au niveau de leur plancher
supérieur, de trous de hourds très-larges, bien dressés et également
répartis sur la circonférence. Mais ces tours étant couvertes par des
charpentes, il était indispensable de disposer celles-ci de telle sorte que
l'on pût poser les toitures des hourds sans gâter celles des tours. À cet
effet, on laissait au-dessus des corniches un espace vide entre les blochets,
pour passer les chevrons du hourd (5), qui étaient calés sur les
semelles du comble et arrêtés derrière les jambettes au moyen de clefs,
ainsi que l'indique le profil A. Le hourdage d'une tour ronde se trouvait
former un plan polygonal à plus ou moins de côtés, suivant que la
circonférence de la tour était plus ou moins étendue, car les trous
de
hourds sont toujours, comme les créneaux et meurtrières, percés à
distances égales. Le mâchicoulis continu était ouvert soit le long du
parement de la tour, en B, soit le long des madriers de garde, en C,
suivant le lieu et l'occasion; voici pourquoi: les bases des tours (comme
celles des courtines) sont montées en talus, sauf de rares exceptions. Le
talus finissait ordinairement au niveau de la crête de la contrescarpe du
fossé. Si l'assaillant parvenait à combler le fossé, il arrivait au sommet
du talus, en G, comme l'indique le tracé M. Alors le mâchicoulis percé
en C ne battait pas verticalement les mineurs attachés en G; il était donc
nécessaire d'avoir un mâchicoulis, en B, le long du parement même de
la tour. Si, au contraire, le mineur s'attachait à la base de la tour, au
fond du fossé en F, il fallait ouvrir un mâchicoulis en C, directement
au-dessus de lui, car les projectiles tombant par le mâchicoulis B, ricochant
sur le talus, devaient décrire une parabole <i>ab</i> par-dessus la tête
des mineurs. Mais si l'assaillant se présentait en masse à la base d'une
tour ou d'une courtine, garanti par une galerie roulante, une <i>gate</i>, le
projectile tombant verticalement du mâchicoulis B lui causait plus de
dommages en ricochant, car il pouvait entrer ainsi sous la <i>gate</i>. En P,
nous donnons une vue perspective du sommet d'une tour de la fin du
XIII<sup>e</sup> siècle, faisant partie de l'enceinte de la cité de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]], avec ses
hourds posés et en partie recouverts de peaux fraîches, afin d'éviter
l'effet des projectiles incendiaires sur toutes les pièces saillantes du
hourdage.
 
Mais, dès la première moitié du XIII<sup>e</sup> siècle, on avait déjà cherché à
parer, au moins en partie, aux dangers d'incendie que présentaient ces
hourds saillants posés sur des solives en bascule, et contre lesquels les
assaillants lançaient une quantité de barillets de feux grégeois, de dards
garnis d'étoupe, de résine ou de bitume enflammés, toutes matières qui,
par leur nature, pouvaient s'attacher aux charpentes et produire un feu
très-vif que l'eau ne pouvait éteindre. <span id=Coucy>Nous voyons déjà, au sommet
des
tours élevées à [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Coucy|Coucy]] par Enguerrand III de 1220 à 1230, des consoles
en pierre destinées à la pose des hourds de bois. La combinaison de ces
hourds est très-apparente et fort ingénieuse au sommet du donjon de
[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Coucy|Coucy]] (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5, Donjon|Donjon]], fig. 39). Le pied des hourds de ce donjon célèbre,
le plus grand de tous ceux que possède l'Europe, est à 40 mètres
au-dessus
de la contrescarpe du fossé. Et bien qu'à cette hauteur les assiégés
n'eussent pas à redouter les projectiles incendiaires, ils ont établi, tout
autour de l'énorme cylindre, quarante-huit consoles de pierre de 1<sup>m</sup>,07
de saillie sur 0,30 c. d'épaisseur, pour asseoir le hourdage dont notre
fig. 6 donne la coupe en A. En B, on voit l'une des consoles formées de
deux assises chacune. Sur ces consoles, en temps de guerre, reposait un
patin C, recevant deux poteaux inclinés DE. Des moises F, posées un peu
au-dessus du niveau de la ventrière des créneaux, servaient à porter
un
plancher destiné aux arbalétriers. En avant de ce plancher était ouvert
un mâchicoulis G à l'aplomb de la base du talus du donjon au fond du
fossé. Suivant le système précédemment expliqué, des madriers de
</div>
[[Image:Illustration_fig6_6_141.png|center|500px]]
<div class="text">
<br>
garde entraient en rainure en avant des poteaux D, doublés d'un deuxième
poteau pincé à sa base par les moises. Au sommet de la corniche H est
élevé un talus double de pierre, sur lequel venait s'appuyer le double
chevronnage II', dont le glissement était maintenu par l'équerre J. Sur
le banc continu K intérieur étaient posés d'autres poteaux inclinés L,
pincés par les moises M et s'assemblant dans les chevrons I'. Sur ces
moises M, des longrines recevaient un plancher O, qui, au droit de
chaque créneau, se reposait sur la ventrière, mais de manière à laisser
entre ces planchers et celui du hourdage un mâchicoulis N à l'aplomb
du parement extérieur de la tour. Le plancher O, mis en communication
avec la terrasse par quelques escaliers P, permettait d'arriver au plancher
du hourdage, et de poster un second rang d'arbalétriers qui pouvaient
tirer par les meurtrières en maçonnerie R (voy. la face intérieure T qui
représente, en T', le crénelage nu, et en T'' le crénelage avec les hourds).
L'angle du tir est surtout disposé pour couvrir de projectiles le chemin
de ronde de la chemise du donjon. Les mâchicoulis suffisaient amplement
pour battre le fond du fossé dallé, creusé entre cette chemise et la tour.
Les défenseurs postés soit sur le hourdage, soit à l'intérieur, étaient ainsi
parfaitement à couvert. Des pierres amassées dans l'embrasure des
créneaux
sur le plancher O pouvaient être poussées du pied et être jetées
rapidement par le mâchicoulis N. En S sont percées les conduites rejetant
à l'extérieur les eaux de la terrasse; ces conduites étaient autrefois
garnies de plomb, comme la terrasse elle-même. Un fragment du plan
du sommet du donjon de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Coucy|Coucy]], avec les hourds posés supposés coupés
au niveau <i>ab</i> (7), complète l'explication de la fig. 6.
</div>
[[Image:Illustration_fig7_6_143.png|center|500px]]
<div class="text">
Nous avons tenu à nous rendre compte de la manière de poser ces
hourds, à une hauteur de 46 mètres au-dessus du fond du fossé, sur des
consoles isolées en contre-bas des crénelages. Ayant eu à poser un échafaudage
à la hauteur de ces consoles, pour placer deux cercles en fer et
pour réparer les couronnements profondément lézardés par l'explosion
de 1652, nous avons dû chercher naturellement quels avaient été les
moyens pratiques employés au XIII<sup>e</sup> siècle pour assembler les hourds.
Or tout est prévu et calculé dans ce remarquable couronnement de
donjon pour faciliter ce travail en apparence si périlleux, et nous avons
été conduit, par la disposition même des maçonneries, des pleins et
des
vides, à appliquer les procédés qu'employaient les charpentiers du
XIII<sup>e</sup> siècle, par la raison qu'on ne peut en employer d'autres. On se
rappelle (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5, Donjon|Donjon]], fig. 38 et 39) comment est tracé le plan de la
plate-forme du donjon de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Coucy|Coucy]]. Cette plate-forme se compose d'un
large chemin de ronde circulaire, pourtournant une voûte à douze pans
revêtue de plomb et formant un pavillon plat, au centre duquel est percé
un œil. Ce chemin de ronde circulaire, et divisé par pentes et contre-pentes
pour rejeter les eaux en dehors, pouvait être facilement nivelé
au moyen de madriers posés sur cales. Ces madriers (voy. fig. 8), sur
deux rangs A et B, formaient deux chemins de bois sur lesquels étaient
posée une grue dont les roues A, d'un plus grand diamètre que celles B,
permettaient la manœuvre circulaire. Le nez C de cette grue dépassait
l'aplomb de la grande corniche D à l'extérieur. Comme sur les talus de
cette corniche s'élevaient quatre pinacles P, il fallait que la flèche de la
grue pût se relever pour passer au droit de ces pinacles. Cette flèche
pivotait donc sur un tourillon G, et était ramenée à son inclinaison, puis
arrêtée à la queue par la traverse F et par un boulon I. Le détail K
présente cette grue de face du côté du treuil. Mais il fallait que les charpentiers
pussent, à l'extérieur, assembler les pièces que cette grue
péchait et enlevait par les ouvertures des créneaux. Un échafaud en
bascule, indiqué en L en profil et en L' de face, permettait d'avoir un
premier pont M au droit de chaque créneau et au niveau des moises
basses du hourdage, et un second pont N, en contre-bas, pour pouvoir
poser les patins sur les consoles et assembler les poteaux inclinés dans
ces patins. Des ouvriers à cheval sur le sommet des talus de la corniche
pouvaient facilement assembler les chevrons entre eux et régler le plan
de chaque ferme. Ainsi, de l'intérieur du donjon, l'opération entière de
la pose des hourds pouvait se faire en peu de temps et sans exiger
d'autres échafauds que ces petits planchers en bascule établis en dehors
de chaque créneau, d'autres engins que cette grue,
manœuvrant circulairement par le moyen de ses roues de diamètres différents. L'échafaud L
en bascule était fait seulement pour un créneau et transporté
successivement
par la grue elle-même<span id="note6"></span>[[#footnote6|<sup>6</sup>]]. En examinant cette dernière figure avec
attention, on voit 1º que l'ouverture des créneaux est mise en rapport
avec les écartements des consoles, pour que les moises pendantes O
puissent passer juste le long de leurs parois; 2º que la fermeture en
tiers-point de ces créneaux est faite pour permettre d'étançonner convenablement
les deux solives en bascule posant sur la ventrière V; 3º qu'au
moyen des deux traverses RR, des jambettes inclinées S et des chandelles
également inclinées J, les solives en bascule M ne pouvaient ni branler
ni s'en aller au vide; 4º que les talus de la grande corniche, dont on ne
pouvait s'expliquer l'utilité, sont parfaitement motivés par l'inclinaison
des chevrons qui venaient se reposer franchement sur leurs faces; 5º que
la forte saillie intérieure et extérieure de cette corniche soulageait d'autant
ces chevrons; qu'enfin ce qu'il y a d'étrange au premier abord dans
ce couronnement colossal, nullement motivé par la présence des créneaux
et des meurtrières, s'explique du moment qu'on étudie la combinaison
des hourds et la manière de les poser. Mais telle est cette architecture du
moyen âge: il faut sans cesse chercher l'explication de toutes ses formes,
car elles ont nécessairement, surtout dans les édifices militaires, une
raison d'être, une utilité; et cela contribue à l'effet saisissant de ces vastes
constructions.
</div>
[[Image:Illustration_fig8_6_144.png|center|500px]]
<div class="text">
La fig. 9 donne en perspective les manœuvres des charpentiers posant
les hourds du donjon de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Coucy|Coucy]]. On voit comment les petits ponts en
bascule des créneaux suffisaient parfaitement pour assembler ces
charpentes
ferme par ferme; car celles-ci placées, la circulation était de suite
établie en dehors pour clouer les planches du chemin de ronde et les
madriers de la couverture. Il faut bien admettre certainement que les
charpentiers de cette époque étaient fort habiles au levage, et il suffit
d'ailleurs, pour s'en convaincre, de voir les charpentes qu'ils ont dressées;
mais les moyens pratiques employés ici sont si bien expliqués par
la disposition des lieux, et ces moyens sont si sûrs, si peu dangereux,
comparativement à ce que nous voyons faire chaque jour, que le
hourdage
du donjon de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Coucy|Coucy]] ne devait présenter aucune difficulté sérieuse<span id="note7"></span>[[#footnote7|<sup>7</sup>]].
 
Il ne fallait pas moins, pour <i>armer</i> une fortification de ses hourds,
des ouvriers, du bois en quantité, et encore risquait-on de laisser brûler
ces galeries extérieures par l'ennemi; aussi, vers le commencement du
XIV<sup>e</sup> siècle, renonce-t-on généralement en France aux hourds de
charpente
pour les remplacer par des mâchicoulis avec mur de garde en
pierre (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1, Architecture militaire|Architecture Militaire]], fig. 33, 34, 36, 37 et
38, et l'article
[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6 Mâchicoulis|Mâchicoulis]]). Ce n'est que dans les provinces de l'Est que les architectes
militaires continuent à employer les hourds. On en voit encore un grand
nombre, qui datent des XIV<sup>e</sup>, XV<sup>e</sup> et XVI<sup>e</sup> siècles, en Suisse, en Allemagne;
mais ces hourds sont habituellement posés sur la tête des murs et ne se
combinent plus avec les crénelages comme ceux des XII<sup>e</sup> et XIII<sup>e</sup>
siècles.
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[[Image:Illustration_fig9_6_146.png|center|500px]]
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<span id=Dugny>Voici, par exemple, un hourdage posé au sommet d'un clocher du
XII<sup>e</sup> siècle, à [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes D#Dugny|Dugny]] près Verdun. Ce hourdage (10) est, bien entendu,
d'une époque postérieure, du XIV<sup>e</sup> siècle, pensons-nous. Il se compose d'un
pan de bois posé en encorbellement sur des solives et revêtu d'une chemise
de planches verticales clouées sur les traverses hautes et basses de
ce pan de bois. Le tout est recouvert d'un comble<span id="note8"></span>[[#footnote8|<sup>8</sup>]]. Beaucoup de tours
des environs de Verdun sont encore garnies de ces hourds élevés pendant
les guerres des XIV<sup>e</sup> et XV<sup>e</sup> siècles et qui, depuis lors, ont été laissés en
place et servent de beffrois.
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[[Image:Illustration_fig10_6_147.png|center|500px]]
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<span id=Constance>À [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Constance|Constance]], en Suisse, on voit encore un certain nombre de tours
garnies de hourds qui datent du XV<sup>e</sup> siècle. Le bâtiment de la douane de
cette ville, qui date de 1398, a conservé à sa partie supérieure une belle
galerie de hourds de la même époque, galerie dont nous présentons (11)
une coupe. Ces hourds se combinent avec la charpente du comble et
couronnent la tête des murs sur deux côtés du bâtiment faisant face aux
quais (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 2, Bretèche|Bretèche]], fig. 3). Le tracé A fait voir le système de hourdage
en planches verticales à l'extérieur, et le tracé B le détail de la découpure
inférieure de ces planches en sapin d'une forte épaisseur, avec leurs
couvre-joints C. Comme toujours, un mâchicoulis continu est réservé
en D.
 
On établit encore des hourds contre l'artillerie à feu; mais alors on
prenait la précaution de remplacer les planches par un hourdis en maçonnerie
entre les membrures. On voit des hourds de ce genre encore
existants en Lorraine et en Suisse, notamment au-dessus de la tour qui
termine le pont de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Constance|Constance]] du côté de la ville. <span id=Nuremberg>À [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes N#Nuremberg|Nuremberg]], il existe
encore des hourds du XVI<sup>e</sup> siècle sur les remparts élevés par Albert Dürer
(voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4, Créneau|Créneau]], fig. 18). Ces hourds sont maçonnés entre les membrures
et couronnent les parapets des courtines par-dessus la grosse artillerie.
</div>
[[Image:Illustration_fig11_6_148.png|center|500px]]
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On donnait aussi le nom de <i>hourd</i> à des échafauds que l'on dressait
soit dans des salles, soit sur l'un des côtés d'un champ, pour permettre
à des personnes de distinction de voir certaines cérémonies, des ballets
ou des combats en champ clos. Ces hourds étaient alors encourtinés,
c'est-à-dire recouverts de riches étoffes, d'écussons armoyés, de peintures
sur toile, de tapisseries. Leur intérieur était disposé en gradins et quelquefois
divisé en loges séparées par des cloisons drapées. Les manuscrits
du XV<sup>e</sup> siècle nous ont conservé un grand nombre de ces échafauds
décorés, établis à l'occasion d'un tournois, d'un banquet ou d'une fête.
 
<br><br>
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<span id="footnote1">[[#note1|1]] : <i>De Bello Gallico</i>, I. VIII, c. IX.
 
<span id="footnote2">[[#note2|2]] : Au château de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]], par exemple, où les trous de hourds sont partout
conservés.
 
<span id="footnote3">[[#note3|3]] : Voy. <i>Coll. des docum. inéd. sur l'hist. de France</i>, 1<sup>re</sup> série; <i>Hist. polit.</i>; <i>Hist.
de la croisade contre les hérét. albigeois, en vers provençaux, par
un poëte
contemporain</i>, trad. par M. C. Fauriel; 1837.
 
<span id="footnote4">[[#note4|4]] : Vers 6854 et suiv.
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<center>
«Il y parut bien à l'œuvre et aux autres métiers;<br>
Dedans comme dehors on ne voit qu'ouvriers<br>
Qui garnissent la ville et les portes et les plates-formes,<br>
Les murs et les bretèches, les <i>hourds doubles</i>,<br>
Les fossés et les lices, les ponts, les escaliers,<br>
Et dans Toulouse ce ne sont que charpentiers.<br>
...»<br>
</center>
<div class="text">
 
<span id="footnote5">[[#note5|5]] : Vers 3988 et suiv.
 
<center>
«Mais auparavant faisons un mur sans chaux ni sable<br>
Avec un <i>double hourd</i> et escalier solide.»<br>
</center>
 
<span id="footnote6">[[#note6|6]] : C'est là le procédé qui a été employé par nous lors de la restauration, sans qu'il
y ait eu le moindre accident à déplorer. Trois ouvriers ont été tués pendant les
reprises des lézardes, mais par suite d'une négligence dans la manœuvre. Ce malheur
est arrivé, d'ailleurs, en dehors des ponts dont il est fait ici mention, et sur lesquels
on a pu barder des pierres lourdes, des pièces de fer et de bois d'un poids considérable.
 
<span id="footnote7">[[#note7|7]] : Nous le répétons: une opération absolument semblable a été faite, par les mêmes
moyens, en très-peu de temps et avec des bois légers, par quatre ouvriers charpentiers
conduits par un ancien compagnon habile, M. La France; ce ne sont donc pas
là des hypothèses.
 
<span id="footnote8">[[#note8|8]] : Le dessin de ce clocher nous a été communiqué par M.
Petitot-Bellovène, de Verdun.