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| width=33%<pages styleindex="background: #ffe4b5"Viollet-le-Duc |- <center>< [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, Tometome 2,.djvu" from=121 fromsection=s2 to=127 tosection=s1 Bardeau|Bardeau]]</center>
<references />
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| width=33% style="background: #ffe4b5" | <center>[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index Tome 2|Index par tome]]</center>
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=== BARRE, BARRIÈRE ===
 
s. f. Depuis les premiers temps du moyen âge
jusqu'à nos jours, il est d'usage de disposer devant les ouvrages de
défense des villes ou châteaux, tels que les portes, des palissades de bois
avec parties mobiles pour le passage des troupes. Mais c'est surtout
pendant les XI<sup>e</sup>, XII<sup>e</sup>, XIII<sup>e</sup> et XIV<sup>e</sup> siècles que les barrières jouent un grand
rôle dans l'art de la fortification. Les parties ouvrantes de ces barrières
se composaient ou de vantaux à claire-voie, roulant sur des gonds; ou de
tabliers à bascule (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1, Architecture militaire|Architecture Militaire]], fig. 30); ou de simples
barres de bois qui se tiraient horizontalement, comme nos barrières de
forêts, se relevaient au moyen d'un contre-poids (1), et s'abaissaient en
pesant sur la chaîne. Ces dernières sortes de barres ne servaient que
pour empêcher un corps de cavalerie de forcer brusquement un passage.
On les établissait aussi sur les routes, soit pour percevoir un péage, soit
pour empêcher un poste d'être surpris par des gens à cheval<span id="note1"></span>[[#footnote1|<sup>1</sup>]]. Lorsqu'une
armée venait mettre le siège devant une forteresse, il ne se passait guère
de jour sans qu'il se fit quelque escarmouche aux barrières; et les assiégeants
attachaient une grande importance à leur prise, car une fois les
défenses extérieures en leur pouvoir, ils s'y retranchaient et gênaient
beaucoup les sorties des assiégés. Ces barrières, souvent
très-avancées et
vastes, étaient de véritables barbacanes, qui permettaient à un corps
nombreux de troupes de se réunir pour se jeter sur les ouvrages et les
engins des assaillants; une fois prises, les assiégés ne pouvaient sortir en
masses compactes par les portes étroites des défenses construites en
maçonnerie; forcés de passer à la file par ces issues, ils étaient facilement
refoulés à l'intérieur. Dans toutes les relations des sièges des XII<sup>e</sup>, XIII<sup>e</sup> et
XIV<sup>e</sup> siècles, il est sans cesse question de combats aux barrières extérieures
des places fortes; elles sont prises et reprises avec acharnement et souvent
en perdant beaucoup de monde, ce qui prouve l'importance de ces défenses
avancées. Pour éviter que les assaillants n'y missent le feu, on les couvrait
extérieurement, comme les bretèches et les beffrois, de peaux fraîches, et
même de boue ou de fumier.
</div>
[[Image:Barriere.a.contre.poids.png|center]]
<div class="text">
On défendait les faubourgs des villes avec de simples barrières, et souvent
même les rues de ces faubourgs, en avant des portes. L'attaque devenait
alors très-dangereuse, car on garnissait les logis à l'entour de combattants,
et les assaillants se trouvaient arrêtés de face et pris de flanc et en revers.
Froissart rend compte d'une attaque de ces sortes de barrières, et son
récit est trop curieux pour que nous ne donnions pas ce passage tout au
long. Le roi d'Angleterre est campé entre Saint-Quentin et Péronne (1339).
 
«...Or avint ainsi que messire Henri de Flandre, en sa nouvelle chevalerie,
et pour son corps avancer et accroître son honneur, se mit un
jour en la compagnie et cueillette de plusieurs chevaliers, desquels
messire Jean de Hainaut étoit chef, et là étoient le sire de Fauquemont,
le sire de Berghes, le sire de Baudresen, le sire de Kuck et plusieurs
autres, tant qu'ils étoient bien cinq cents combattans; et avoient avisé
une ville assez près de là, que on appeloit Honnecourt, où la plus grand
partie du pays étoit sur la fiance de la forteresse, et y avoient mis tous
leurs biens. Et jà Y avoient été messire Arnoul de Blakeben et messire
Guillaume de Duvort et leurs routes; mais rien n'y avoient fait: donc,
ainsi que par esramie (promptement), tous ces seigneurs s'étoient cueillis
en grand désir de là venir, et faire leur pouvoir de la conquérir. Adonc
avoit dedans Honnecourt, un abbé de grand sens et de hardie entreprise,
et étoit moult hardi et vaillant homme en armes; et bien y apparut, car
il fit au dehors de la porte de Honnecourt faire et charpenter en grand'
hâte une barrière, et mettre et asseoir au travers de la rue; et y pouvoit
avoir, entre l'un banc (banchart) et l'autre, environ demi-pied de creux
d'ouverture (c'est-à-dire que les pieux étaient écartés l'un de l'autre d'un
demi-pied); et puis fit armer tous ses gens et chascun aller es guérites,
pourvu de pierres, de chaux, et de telle artillerie qu'il appartient pour
là déffendre. Et si très tôt que ces seigneurs vinrent à Honnecourt,
ordonnés par bataille, et en grosse route et épaisse de gens d'armes
durement, il se mit entre les barrières et la porte de ladite ville, en bon
convenant, et fit la porte de la ville ouvrir toute arrière, et montra et fit
bien chère manière de défense.
 
«Là vinrent messire Jean de Hainaut, messire Henri de Flandre, le sire
de Fauquemont, le sire de Berghes et les autres, qui se mirent tout à
pied et approchèrent ces barrières, qui étoient fortes durement, chacun
son glaive en son poing; et commencèrent à lancer et à jeter grands
coups à ceux de dedans; et ceux de Honnecourt à eux défendre vassalment.
Là était damp abbé, qui point ne s'épargnoit, mais se tenoit tout
devant en très bon convenant, et recueilloit les horions moult vaillamment,
et lançoit aucune fois aussi grands horions et grands coups moult
apertement. Là eut fait mainte belle appertise d'armes; et jetoient
ceux des guérites contreval, pierres et bancs, et pots pleins de chaux,
pour plus essonnier les assaillans. Là étoient les chevaliers et les barons
devant les barrières, qui y faisoient merveilles d'armes; et avint que,
ainsi que messire Henri de Flandre, qui se tenoit tout devant, son glaive
empoigné, et lançoit les horions grands et périlleux, damp abbé, qui
étoit fort et hardi, empoigna le glaive dudit messire Henri, et tout
paumoiant et en tirant vers lui, il fit tant que parmi les fentes des
barrières il vint jusques au bras dudit messire Henri, qui ne vouloit
mie son glaive laisser aller pour son honneur. Adonc quand l'abbé
tint le bras du chevalier, il le tira si fort à lui qu'il l'encousit dedans les
barrières jusques aux épaules, et le tint là à grand meschef, et l'eut
sans faute saché dedans, si les barrières eussent été ouvertes assez. Si
vous dis que le dit messire Henri ne fut à son aise tandis que l'abbé le
tint, car il étoit fort et dur, et le tiroit sans épargner. D'autre part les
chevaliers tiroient contre lui pour rescourre messire Henri; et dura cette
lutte et ce tiroi moult longuement, et tant que messire Henri fut durement
grévé. Toutes fois par force il fut rescous; mais son glaive demeura
par grand' prouesse devers l'abbé, qui le garda depuis moult d'années,
et encore est-il, je crois, en la salle de Honnecourt. Toutes fois il y étoit
quand j'écrivis ce livre; et me fut montré un jour que je passai par
là et m'en fut recordée la vérité et la manière de l'assaut comment
il fut fait, et le gardoient encore les moines en parement (comme trophées)<span id="note2"></span>[[#footnote2|<sup>2</sup>]].»
 
Les barrières étaient un poste d'honneur; c'était là que l'élite de la
garnison se tenait en temps de guerre. «À la porte Saint-Jacques (de Paris)
et aux barrières étoient le comte de Saint-Pol, le vicomte de Rohan,
messire Raoul de Coucy, le sire de Cauny, le sire de Cresques, messire
Oudart de Renty, messire Enguerran d'Eudin. Or avint ce mardi au
matin (septembre 1370) qu'ils se délogèrent (les Anglais) et boutèrent le
feu ès villages où ils avoient été logés, tant que on les véoit tout clairement
de Paris. Un chevalier de leur route avoit voué, le jour devant,
qu'il viendroit si avant jusques à Paris qu'il hurteroit aux barrières de sa
lance. Il n'en mentit point, mais se partit de son conroi, le glaive au
poing, la targe au col, armé de toutes pièces; et s'en vint éperonnant
son coursier, son écuyer derrière lui sur un autre coursier, qui portoit
son bassinet. Quant il dut approcher Paris, il prit son bassinet et le mit
en sa tête: son écuyer lui laça par derrière. Lors se partit cil brochant
des éperons, et s'en vint de plein élai férir jusques aux barrières. Elles
étoient ouvertes; et cuidoient les seigneurs qui là étoient qu'il dût
entrer dedans; mais il n'en avoit nulle volonté. Ainçois quand il eut fait
et hurté aux barrières, ainsi que voué avoit, il tira sur frein et se mit
au retour. Lors dirent les chevaliers de France qui le virent retraire:
Allez-vous-en, allez, vous vous êtes bien acquitté...<span id="note3"></span>[[#footnote3|<sup>3</sup>]]»
 
Il n'est pas besoin de dire qu'autour des camps on établissait des
barrières (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6, Lice|Lice]], [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 3, Clôture|Clôture]])<span id="note4"></span>[[#footnote4|<sup>4</sup>]]. Dans les tournois, il y avait aussi le
combat à la barrière. Une barrière de cinq pieds environ séparait la lice en
deux. Les jouteurs, placés à ses extrémités, à droite et à gauche, lançaient
leurs chevaux l'un contre l'autre, la lance en arrêt, et cherchaient à se
désarçonner; la barrière, qui les séparait, empêchait les chevaux de se
choquer, rendait le combat moins dangereux en ne laissant aux combattants
que leurs lances pour se renverser. Ces barrières de tournois étaient
couvertes d'étoffes brillantes ou peintes, et parfaitement planchéiées des
deux côtés pour que les chevaux ou les combattants ne pussent se heurter
contre les saillies des poteaux ou traverses.<span id=Carcassonne>
</div>
[[Image:Porte.cite.Carcassonne.png|right]]
<div class="text">
Quant aux barres proprement dites, c'étaient des pièces de bois qui
servaient à clore et renforcer les ventaux des portes que l'on tenait à
fermer solidement. Les portes extérieures des tours, des ouvrages isolés
de défense, lorsqu'elles ne se ferment que par un vantail, sont souvent
munies de barres de bois qui rentrent dans l'épaisseur de la muraille. En
cas de surprise, en poussant le vantail et tirant la barre de bois, on le
maintenait solidement clos et on se donnait
le temps de verrouiller. Voici (2) une des portes
des tours de la cité de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]] fermée
par ce moyen si simple. Du côté opposé
au logement de la barre est pratiqué, dans
l'ébrasement de la porte, une entaille carrée
qui reçoit le bout de cette barre, lorsqu'elle
est complètement tirée: le vantail se trouvait
ainsi fortement barricadé; pour tirer
cette barre, un anneau était posé à son extrémité,
et, pour la faire rentrer dans sa loge,
une mortaise profonde, pratiqué en dessous,
permettait à la main de la faire sortir de
l'entaille dans laquelle elle s'engageait (3).
</div>
[[Image:Barre.de.porte.png|center]]
<div class="text">
Les portes à deux vantaux des forteresses
se barricadaient au moyen d'une
barre en bois à fléau, comme cela se pratique encore aujourd'hui dans
bien des cas. Ce fléau, pivotant sur un axe, entrait dans deux entailles
faites dans les ébrasements en maçonnerie de la porte (4) lorsque les vantaux
étaient poussés. Quelquefois, comme à la
</div>
[[Image:Porte.verrouillee.par.fleau.png|center]]
<div class="text">
<br>
porte Narbonnaise de la cité de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]], la barre des vantaux doubles était fixée horizontalement
à l'un des deux vantaux, venait battre sur l'autre et était maintenue
à son extrémité par une forte clavette passant à travers deux gros pitons
en fer (5). Les deux vantaux se trouvaient ainsi ne former qu'une clôture
rigide, pendant que l'on prenait le temps de pousser les verroux et de
poser d'autres barres mobiles engagées à leurs extrémités dans des trous
carrés pratiqués dans les ébrasements.
</div>
[[Image:Porte.Narbonnaise.Carcassonne.png|center]]
<div class="text">
<br>
<br><br>
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<span id="footnote1">[[#note1|1]] : Les barrières à contre-poids sont encore en usage dans le Tyrol autrichien.
 
<span id="footnote2">[[#note2|2]] : <i>Les Chroniques</i> de Froissart, liv. I, p. 78. Édit. Buclion.
 
<span id="footnote3">[[#note3|3]] : Les <i>Chroniques de Froissart</i>, liv. I, II<sup>e</sup> partie, p. 618.
 
<span id="footnote4">[[#note4|4]] : En 1386, lors du projet d'expédition en Angleterre, «le connétable de France
Olivier de Clisson fit ouvrer et charpenter l'enclosure d'une ville, tout de bon bois
et gros, pour asseoir en Angleterre là où il leur plairoit, quand ils y auroient pris
terre, pour les seigneurs loger et retraire de nuit, pour eschiver les périls des réveillemens (surprises)... On la pouvoit défaire par charnières ainsi que une couronne
et rasseoir membre à membre. Grand foison de charpentiers et d'ouvriers
l'avoient compassée et ouvrée...» Les <i>Chroniques de Froissart</i>, liv. III, p. 498.