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Dès sa première lettre, David Strauss adoptait le ton rogue, presque cassant, dont il ne devait point se départir pendant toute sa polémique. Il fallait l’extrême mansuétude de Charles Ritter et les tendances germanophiles d’Ernest Renan pour consentir aux thèses développées dans la ''Gazette d’Augsbourg'' du 18 août 1870. Strauss retrace d’une plume magistrale, mais avec une évidente partialité, les traverses de l’idéal unitaire en Allemagne. Et il ne se contente pas de glorifier son pays, ce qui serait compréhensible : il met une insistance pénible à le glorifier aux dépens de la France : « À cette dure école du malheur et de la honte, écrit-il à Renan, où vos compatriotes ont été nos imprudens maîtres, nous avons appris à découvrir dans nos défauts essentiels : notre humeur rêveuse, notre lenteur et surtout nos discordes, les obstacles à toute prospérité nationale. Mais nous nous sommes recueillis, nous avons lutté contre ces vices, nous nous sommes toujours plus efforcés de nous en débarrasser. En revanche, les défauts nationaux des Français ont été, par une série de dominateurs français, entretenus avec soin. Longtemps grossis par le succès, ils n’ont pas été extirpés par le malheur. Les aspirations à l’éclat et à la gloire, l’ambition d’y atteindre, non point par un silencieux travail à l’intérieur, mais par des entreprises aventureuses et retentissantes au dehors, la prétention de prendre la tête des peuples, les tentatives en vue de les protéger et de les exploiter, ces vertus à rebours qui sont à la mode gauloise, comme les vertus énumérées plus haut sont à la mode germanique, ont été entretenues par Louis XIV, par le premier Napoléon, et, souhaitons-le, par le dernier de cette dynastie, d’une manière qui a causé au caractère national le plus grand tort. »
Dès sa première lettre, David Strauss adoptait le ton rogue, presque cassant, dont il ne devait point se départir pendant toute sa polémique. Il fallait l’extrême mansuétude de Charles Ritter et les tendances germanophiles d’Ernest Renan pour consentir aux thèses développées dans la ''Gazette d’Augsbourg'' du 18 août 1870. Strauss retrace d’une plume magistrale, mais avec une évidente partialité, les traverses de l’idéal unitaire en Allemagne. Et il ne se contente pas de glorifier son pays, ce qui serait compréhensible : il met une insistance pénible à le glorifier aux dépens de la France : « À cette dure école du malheur et de la honte, écrit-il à Renan, où vos compatriotes ont été nos imprudens maîtres, nous avons appris à découvrir dans nos défauts essentiels : notre humeur rêveuse, notre lenteur et surtout nos discordes, les obstacles à toute prospérité nationale. Mais nous nous sommes recueillis, nous avons lutté contre ces vices, nous nous sommes toujours plus efforcés de nous en débarrasser. En revanche, les défauts nationaux des Français ont été, par une série de dominateurs français, entretenus avec soin. Longtemps grossis par le succès, ils n’ont pas été extirpés par le malheur. Les aspirations à l’éclat et à la gloire, l’ambition d’y atteindre, non point par un silencieux travail à l’intérieur, mais par des entreprises aventureuses et retentissantes au dehors, la prétention de prendre la tête des peuples, les tentatives en vue de les protéger et de les exploiter, ces vertus à rebours qui sont à la mode gauloise, comme les vertus énumérées plus haut sont à la mode germanique, ont été entretenues par Louis XIV, par le premier Napoléon, et, souhaitons-le, par le dernier de cette dynastie, d’une manière qui a causé au caractère national le plus grand tort. »