Recherches sur les végétaux nourrissans/Article XXIII


de l’amidon, & ſont par conſéquent très-propres à ſervir d’aliment ; elles renferment en outre un mucilage qui donne à l’eau dans laquelle il s’étend, une fluidité huileuſe ; nouvelle preuve de la qualité eſſentiellement alimentaire de ces racines.


De la Terrenoix ou Châtaigne de terre.


La racine de cette Plante, Bulbo caſtanum majus apii folio, eſt une bulbe arrondie, noirâtre, qui pouſſe une tige haute d’un pied & demi ; ſes feuilles ſont deux ou trois fois ailées & partagées en découpures étroites : les fleurs ſont blanches & aſſez amples.

La ſemence de la terrenoix eſt aromatique ; elle étoit autrefois d’uſage pour aſſaiſonner le pain, comme celle de carvi ; on mange dans pluſieurs provinces ſa racine crue ou cuite ſous la cendre : elle eſt fort commune en Lorraine & dans beaucoup d’autres endroits.


Article XXIII.


Des Racines mucilagineuſes.


Les racines qu’il nous reſte maintenant à propoſer, ne renferment point d’amidon, & ne ſont point par conſéquent farineuſes, mais elles ont un mucilage inſipide, quelquefois ſucré, qui les rend encore très-propres à la nourriture, ſur-tout lorſque ce mucilage ne ſe trouve point aſſocié en même-temps avec des ſucs âcres & vénéneux ; car alors il ſeroit impoſſible à l’Art de l’en ſéparer, comme la choſe ſe pratique à l’égard de l’amidon, vu l’état de diſſolution où il eſt toujours par eſſence, & la combinaiſon qu’il n’auroit pas manqué de former avec eux. Il s’agit donc ici des ſeules racines abondantes en ſucs & en parenchymes doux, qui, à l’aide de la cuiſſon, peuvent devenir un comeſtible ſubſtantiel & ſalubre.

Si je ne propoſe dans cette troiſième claſſe de racines, aucunes ſemences mucilagineuſes, ce n’eſt pas qu’il n’en exiſte également parmi les Plantes ſauvages, mais je les ſoupçonne en même-temps de nature huileuſe & peu propres, à cauſe de cette dernière propriété, à devenir un aliment ſain, ſur-tout ſous la forme de pain ; car l’huile renfermée dans une pâte à demi-ſolide, développée par la fermentation & la chaleur du four, contracteroit néceſſairement une ſaveur inſupportable qui ſe communiqueroit à toute la maſſe, & ne produiroit qu’un mauvais aliment.

Cela poſé, n’eſt-il pas bien ſurprenant que l’on propoſe tous les jours d’introduire dans le pain, des ſemences émulſives, telles que le pavot blanc & noir, les amandes, les noix, le fruit du cacao, les piſtaches, les pignons doux, &c. Si l’on m’objectoit que pluſieurs de ces ſemences entrent bien dans les pâtiſſeries ſans produire l’inconvénient dont je parle, je répondrai qu’il y entre auſſi en même-temps du ſucre qui réduit leur huile à l’état ſavonneux, & la défend de l’action immédiate du feu ; ſans quoi, les macarrons, les gâteaux d’amandes ſeroient fort âcres.

C’eſt par rapport à l’état huileux de la ſaîne, ou fruit du hêtre, que je me ſuis diſpenſé de le mettre ſur la liſte des ſupplémensque je propoſe ; cependant on l'a beaucoup vanté comme aliment : on a même prétendu qu'on en préparoit par la torréfaction & la cuiſſon, une bonne farine qui devenoit plus poreuſe & plus diſpoſée à fermenter. Mais quoique Cornelius Alexander aſſure que les habitans de l'île de Chio aſſiégés & prêts de mourir de faim, parvinrent à s'en garantir par le moyen de la ſemence du hêtre, nous penſons que quelle que ſoit la préparation qu'on lui ait ſait ſubir, c'étoit toujours un mauvais aliment, ou que peut-être on a donné quelquefois le nom de faîne à un autre fruit.

Les ſemences huileuſes ne doivent jamais entrer dans la conſtitution de la pâte, ſoit qu'on les ſoumette à une torréſaction ou à une cuiſſon préalable, puiſque ces moyens, en détruiſant une portion d'huile, donne à l'autre de l'âcreté & de l'amertume. A quoi aboutiſſent tous ces ſoins, ſi après les avoir complétement remplis on détériore l'aliment lui-même; mangeons nos ſemences mucilagineuſes telles qu'elles ſont, & ſi nous ſommes contraints de chercher une nourriture dans leur marc après en avoir exprimé l’huile, mêlons-y des aſſaiſonnemens & quelques véhicules appropriés.

Je ſais qu’on ajoute quelquefois au pain des ſemences de la ſamille des ombellifères, mais c’eſt toujours en qualité d’aſſaiſonnement ; avant la perfection de la Boulangerie, lorſque le pain n’étoit qu’une galette fade & de difficile digeſtion, cet aſſaiſonnement avoit beaucoup de vogue : il eſt encore très-commun dans quelques cantons de l’Allemagne où l’on eſt même dans l’habitude de ſervir dans les auberges, ſur une aſſiette des ſemences de petit carvi ſous le nom de Cumin, pour les manger en même temps que le pain ; cet uſage peut bien n’avoir aucun inconvénient dans un pays froid, où il eſt intéreſſant d'augmenter la force des organes digeſtifs : mais je reviens à cette fureur de vouloir tout convertir en pain.

Quelques eſſais tentés ſans ſuccès ſur beaucoup de corps qu’on a voulu réduire à l’état alimentaire, ont fait tirer cette conſéquence qu’il étoit poſſible d’en préparer du pain ; on eſt révolté en liſant toutes les absurdités écrites à ce ſujet ; rien n'eſt plus aiſé, ſuivant quelques Auteurs, de faire par exemple du pain avec des chou-raves ; il ſuffit ſeulement de ſécher cette racine, de la réduire en farine, de la mêler avec du levain, pour en obtenir une maſſe fermentée. A la vérité, il n’exiſte guère de racine qui ait l’apparence plus charnue que le chou-rave, mais il n’y en a pas non plus qui abonde davantage en matière fibreuſe ; l’extrait muqueux qu’il contient, eſt, ainſi que celui du chou & de la plupart des crucifères, très-diſpoſé à paſſer à l’acidité & à la putréſaction : on a la preuve combien ce paſſage eſt rapide dans la préparation de la ſauercraut. Je déclare donc que ce pain eſt impoſſible à faire, & qu’il ne réſulte de cette racine mucilagineuſe, ſoumiſe au procédé indiqué, qu’une maſſe déſagréable à la vue & au goût.

Avec quelle confiance n’annoncent-ils pas encore qu’on peut également préparer du pain avec la racine de fougère mâle, parce que Dalechamp a dit qu’on en avoit ſait en Bretagne & en Normandie, parce que Tournefort en a vu en Auvergne, & que l’on en voit dans les cabinets des Curieux ; ſans doute on doit préſumer que quelques individus de certains cantons de ces différentes provinces, accablés de misère & preſſés par la ſamine ſe ſont aviſés d’augmenter le peu qu’ils avoient de nourriture par tout ce qui leur reſtoit ſous la main, & qu’ils aient eu recours à la fougère, aux rejetons des vignes, &c. &c. Mais eſt-il permis d’en conclure qu’une racine preſque ligneuſe, dans laquelle il ne paroît exiſter ni amidon ni mucilage à nu, puiſſe jamais ſe prêter à la panification ? ce qu’il y a de très-certain, c’eſt que jamais la néceſſité n’a conduit l’homme vers une ſubſtance végétale plus éloignée de l’objet qu’il avoit en vue. Quand les Auteurs ceſſeront-ils de s’en rapporter à la foi d’autrui, & de répandre par leurs écrits, les propos ſuſpects & incertains du vulgaire, qui le plus ſouvent trompe, parce qu’il rend mal ce qu’il a éprouvé ou vu ?

Les racines dont il va être queſtion, paſſant plus rapidement à l’état fibreux, que celles indiquées précédemment ; il faut pour en tirer parti, ſaiſir le moment où elles ſont les plus ſucculentes : cet inſtant n’eſt pas l’automne pour toutes ; pluſieurs ne ſont molles & flexibles qu’au printemps, & ce n’eſt guère que dans cette ſaiſon qu’elles abondent en ſuc mucilagineux.


De l’Ache des Marais.


L’ache des marais eſt de l’aveu des meilleurs Botaniſtes, le céleri cultivé ; ſa configuration eſt absolument la même : le goût & l’odeur ſont ſeulement plus pénétrans.

La racine de cette Plante, Apium paluſtre C. B. Pin. eſt charnue, noirâtre en-dehors & blanche intérieurement ; elle eſt du nombre de celles déſignées ſous le nom collectif des cinq racines apéritives, & la ſemence ſait partie des cinq petites ſemences chaudes.

La Livèche, Leviſticum vulgare, qui eſt l’ache des montagnes, a auſſi la racine charnue, ayant une odeur extrêmement forte qui s’évanouit par la cuiſſon à grande eau, ainſi qu’il arrive à celle de l’ache des marais ; l’une & l’autre en cet état, peuvent ſervir d’aliment ſans qu’on puiſſe redouter de leur uſage aucune ſuite fâcheuſe, puiſque dans quelques cantons elles remplacent le céleri en ſalade.

Le Perſil que nous cultivons dans nos jardins potagers, eſt encore une eſpèce d’ache ; la racine devroit être préférée aux feuilles, employées ordinairement à aſſaiſonner les ragoûts, parce qu'outre qu’elle eſt en état de produire cet effet, elle contient encore de l’amidon, & deviendroit eh même-temps un aliment.


De l’Argentine.


Rien n’eſt plus commun que l’Argentine, & on ne fait pas un pas qu’on n’aperçoive cette Plante ; elle vient ſur les bords des chemins, le long des ruiſſeaux, dans les champs, dans tous les endroits humides : on mange ſa racine en Angleterre ; elle a un goût de panais. L’argentine a les feuilles dentelées profondément & conjuguées, ſemblables à l’aigremoine, de couleur verte en-deſſus, & garnies en-deſſous de poils blancs argentins ; la fleur eſt d’un beau jaune, diſpoſée en roſe.

Quoique cette Plante n’ait ni odeur ni ſaveur apparentes, les Anciens lui attribuoient de grandes vertus ; les Modernes ne lui ont conſervé que la propriété aſtringente & déterſive ; peut-être qu’un jour elle ſera tout-à-ſait reléguée parmi les végétaux inutiles en Médecine ; ſon eau diſtillée donne aux gazes beaucoup de fermeté.


Des Artichauts ſauvages.


Sous ce nom on ne déſigne vulgairement que deux Plantes, l’une cultivée dans les potagers, l’autre qui vient dans les champs par-tout ; mais comme la plupart des individus de la ſamille des chardons, ont auſſi une tête écailleuſe propre à remplacer l’artichaut cultivé lui-même, nous avons cru devoir déſigner ainſi les chardons dont la racine eſt douce & mucilagineuſe.

Le Chardon-marie ou Argentin, Carduus marianus, vient communément aux environs de Paris dans les lieux champêtres & incultes ; ſa tige eſt de la grosseur du doigt, cannelée, couverte de duvets, haute de trois ou quatre pieds : ſes feuilles ſont larges, longues, crénelées & garnies de pointes luiſantes ; ſes fleurs ſont de couleur purpurine.

La tige du Chardon commun, Carduus tomentoſus vulgaris, acanthi folio, eſt haute de quatre à cinq pieds, elle eſt ainſi que ſes feuilles, cotonneuſe & fort épaiſſe ; les ſommités ſont terminées par des têtes rudes qui ſoutiennent des bouquets à fleurons purpurins.

Le Cirse des marais, Carduus paluſtris Linn. a la tige droite & épineuſe, les feuilles longues, étroites, garnies de petites épines en leurs bords, d'un vert-noirâtre en-deſſus, blanchâtres & cotonneuſes; il croît dans les lieux aquatiques & les plus couverts.

Les racines de ces trois Plantes étant cuites dans l'eau, peuvent ſervir à la nourriture; les chauſſe-trapes, les cirfes, les carthames, ſont de la claſſe des chardons, & pluſieurs d'entre eux ont auſſi les racines mucilagineuſes.


De l’Aſphodèle.


Les feuilles de cette Plante, Aſphodelus albus, ramofus, mas T. reſſemblent à celles du poireau ; elles ſont ſeulement plus étroites; ſa tige eſt ronde & rameuſe; elle s'élève à la hauteur de trois pieds environ, & eſt garnie de beaucoup de fleurs d'une ſeule pièce figurées en lys: ſes racines conſiſtent en un très-grand nombre de navets ſuſpendus à une tête, d'une ſaveur âcre, un peu amère.

L'aſphodèle blanc croît dans tous les endroits pierreux & humides; il eſt très-commun en Bretagne, aux environs de Rennes & de Nantes : les racines ont ſervi dans un temps de famine à la nourriture, mais on prétend que leur uſage a rendu dans le Berri, par exemple, les affections ſcorbutiques plus communes. Le moyen propoſé pour remédier à cet inconvénient, conſiſte à laver ces racines, à les faire cuire dans l'eau, à en ſéparer l'écorce, la les couper par tranches, à les ſécher & à les réduire en poudre, enfin à mêler cette poudre avec la farine de nos grains & beaucoup de levain pour en former du pain.

Il eſt inutile que j'entre dans de grands détails pour démontrer combien ce procédé indiqué pour faire du pain d'aſphodèle, ou du moins pour augmenter ſa quantité, eſt déraifonnabie, puiſqu'après avoir ſuivi un travail auſſi long & auſſi diſpendieux, non-seulement la nourriture ſe trouveroit fort peu augmentée, mais elle ſeroit encore détériorée.

Comme il paroît démontré, d'après tout ce que diſent les matières médicales à l'égard des racines d'aſphodèle, que leur effet en qualité de remède, eſt preſque nul, on doit en conclure, vu le mucilage abondant qu’elles contiennent, qu’il ſeroit poſſible de les faire cuire & mettre en pulpe pour les mêler enſuite avec la pâte d’orge & de ſaraſin ; car n’ayant point par elles-mêmes une ſaveur qui puiſſe permettre aux différens aſſaiſonnemens de la rendre agréable, il n’y a que la fermentation qui ſoit capable de former avec l’un ou l’autre grain, un comeſtible paſſable.


Des Campanules.


La plupart des Campanules ont les racines charnues, douces & aſſez agréables pour pouvoir devenir, ſans le recours de la cuiſſon, un aliment ſalubre ; on en cultive quelques eſpèces dans les jardins potagers, & on les mange ſur l’arrière-saiſon en ſalade.

La Campanule gantelée ou Gand de Notre-Dame, Campanula vulgatior ſoliis urticæ, vel major & aſperior C. B. P. eſt vivace ; elle pouſſe pluſieurs tiges cannelées, rougeâtres & velues : les feuilles ſont diſpoſées alternativement le long des tiges & garnies de poil ; ſes fleurs ſont en cloche, évaſées & coupées ſur leurs bords en cinq parties de couleur bleue, ou violette ou blanche : elle croît dans les prés, le long des vallées & aux lieux ombragés.

La racine des campanules ayant, comme celle du raifort & de beaucoup d’autres, la ſaculté de ſe reproduire étant coupée par tranches, on doit être moins ſurpris que les variétés en ſoient auſſi nombreuſes ; les campanules à feuilles de pêcher & de chiendent, ſont ordinairement fort communes, & cette belle Plante appelée pyramidale, eſt auſſi une campanule dont la racine cueillie à temps eſt encore bonne à manger.

Les Plantes connues ſous le nom de Raiponce, ont trop de rapport avec les campanules pour oublier de les aſſocier ici avec elles. Il y a la grande Raiponce, Rapunculus ſpicatus, qui vient dans les prés & dans les terres graſſes ; ſes feuilles reſſemblent à celles du violier, quelquefois marquées de taches noires : la tige porte à ſon extrémité un épi de belles fleurs bleues.

La petite Raiponce, Rapunculus eſculentus, a la tige grêle & anguleuſe, revêtue de feuilles étroites, pointues, ſans queue ; ſes fleurs forment une cloche évaſée : on cultive cette Plante, mais elle eſt également ſauvage ; on compte encore beaucoup d’autres raiponces dont la racine eſt excellente.


Du Chervi.


Entre nos Plantes potagères, il n’en eſt point qui ait eu autant de réputation que le Chervi, Siſarum Germanorum, C. B. P. Sa racine, accommodée au ſait ou au bouillon, paroiſſoit ſur les meilleures tables, mais elle n’eſt plus autant d’uſage qu’autrefois.

Le chervi croît à la hauteur de deux pieds ; ſes feuilles ſont petites, vertes, crénelées, attachées pluſieurs à une côte comme au panais : ſes fleurs naiſſent en ombelles aux ſommités, diſpoſées en roſes & fort odorantes, ſa racine en compoſée de pluſieurs navets ridés, faciles à caſſer, longs de ſix pouces, gros comme le doigt, attachés à un collet en manière de tête, de couleur blanche, d’un goût doux, ſucré & agréable.

On cultive le chervi dans les potagers : mais on le rencontre très-communément dans les prés ; dans les champs : ſa racine eſt une de celles celles dont M. Margraff a retiré par le moyen de l’eſprit-de-vin, un vrai ſucre blanc, comparable à celui que fourniſſent les cannes.


Des Chicoracées.


Les Plantes compriſes ſous ce nom générique, ont des racines plus ou moins charnues, & ſont remplies, comme les campanules, d’un ſuc laiteux un peu amer ; on en cultive pluſieurs dans nos potagers pour en manger les feuilles crues ou cuites : mais la plupart ont des racines dont il eſt poſſible de tirer parti à défaut d’autres alimens.

La Chicorée ſauvage eſt vivace ; ſes feuilles ſont grandes, découpées & d’un vert-foncé : ſa tige eſt velue, tortueuſe, & porte à ſon extrémité, des fleurs diſpoſées en bouquets de couleur bleue.

L’Endive commune ou la chicorée blanche n’eſt qu’annuelle ; ſes feuilles ſont longues, ſemblables à celles de la laitue, & ſes fleurs à celles de la chicorée ſauvage : la petite endive a les feuilles beaucoup plus étroites.

Le Pissenlit, Dens leonis latiore folio C. B. P. a les feuilles rampantes, découpées des deux côtés, pointues comme une flèche ; il s’élève d’entr’elles des pédicules qui ſoutiennent à leur ſommet une belle fleur ronde, jaune, d’une odeur aſſez agréable.

Les Plantes connues vulgairement ſous le nom de Laitron, ſont des chicorées qui reſſemblent à l’endive & au piſſenlit ; les plus communes ſont le laitron doux & le laitron épineux : le premier pouffe une tige creuſe en-dedans ; ſes feuilles ſont longues, découpées & dentelées, rangées alternativement, les unes attachées à des queues longues & les autres ſans queues ; les fleurs naiſſent aux ſommets des branches par bouquets, demi-fleurons jaunes : le fecond laitron a la tige également tendre ; ſes feuilles ſont d’un vert-obſcur, garnies d’épines longues, dures & piquantes, mais ſes fleurs ſont ſemblables au premier.

S’il faut s’en rapporter à quelques traditions, la racine de chicorée a ſervi d’aliment ſous la forme de pain en Suède dans les temps de diſette ; mais ces rapports ne ſont fondés que ſur des ouï-dire. Si on veut manger ces racines ainſi que celles des Plantes dont je viens de faire mention, c'eſt en les ſaiſant cuire long-temps dans l’eau qui leur enlève preſque toute l’amertume qu’elles ont naturellement : la racine de chicorée ſauvage a été indiquée dans quelques contrées d’Allemagne comme propre à faire une boiſſon caſéiforme en la ſéchant & la torréfiant.


Du Chiendent.


Le Chiendent, Gramen caninum ſeu Gramen Dioſcoridis C. B. P. appartient à la nombreuſe ſamille des graminés ; ſes tiges portent à leurs ſommités des épis dont les ſemences approchent de celles du blé : ſes racines ſont blanches, rampantes, épaiſſes, ayant une ſaveur douce & ſucrée ; il n’eſt perſonne qui ne connoiſſe l’uſage que nous en faiſons en France pour la tiſane ordinaire.

Les eſpèces de chiendent ſont aſſez multipliées, mais toutes n’ont pas des racines ſucrées. M. Margraff n’a pu retirer, il eſt vrai, de celles qu’il a examinées, un vrai ſucre ; il en a obtenu ſeulement une matière extractive, douce, agréable & muqueuſe.

Si l’on en croit encore quelques Auteurs, les racines de chiendent donnent une farine, & fourniſſent aux habitans du Nord une eſpèce de pain ; les expériences que j’ai multipliées dans la vue de vérifier le fait, m’ont convaincu que la choſe étoit impoſſible, & que ces racines ne donnoient qu’une poudre fibreuſe qui rend le pain où elle entre très-aride, & n’ajoute que du leſt & non de la nourriture.

Le ſeul avantage que les hommes pourroient retirer du chiendent dans la poſition où je les conſidère toujours, ce ſeroit de le faire bouillir dans l’eau un certain temps, ſe de faire ſervir cette décoction au pétriſſage de la pâte ; c’eſt même ainſi qu’il ſaudroit toujours employer les différens ſons ou écorces de nos grains, à la panification.


De la grande Conſoude.


les feuilles de cette Plante, Conſolida major C. B. P. ſont longues, ridées & velues ; leur couleur eſt d’un vert-foncé, & les fleurs ordinairement blanches, quelquefois purpurines, repréſentant la figure d’un entonnoir : elle eſt fort commune aux environs de Paris, dans les prés, dans les lieux humides. On donne aſſez communément la racine de grande conſoude dans les devoiemens, &c. comme aſtringent ; mais on fent bien que cette propriété ne paroît pas convenir à ſon eſſence, & que ſi elle foulage & guérit réellement les dévoiemens, elle n’agit dans ce cas que comme la gelée de la corne-de cerf, en procurant un mucilage adouciſſant qui nourrit ſans fatiguer l’eſtomac.

On peut faire uſage de cette racine comme du ſalsifix ; en la cuiſant dans l’eau, elle perd une grande partie du mucilage dont elle abonde : de plus il ſeroit encore poſſible d’en former une pulpe & de s’en ſervir dans la confection du pain, comme nous l’avons propoſé pour la racine d’aſphodèle.


De l’Herbe de Saint-Antoine.


L’herbe de Saint-Antoine ou le petit Laurier-roſe, Chamænerion latifolium vulgare Inſt. donne une tige rougeâtre & rameuſe ; ſes feuilles ſont oblongues, étroites, aſſez ſemblables à celles du ſaule : ſes fleurs ſont grandes & en roſes, purpurines, bleues & quelquefois blanches.

Cette Plante croît ſur les montagnes & les rochers des bois ; ſa racine eſt blanche & dure : la propriété vulnéraire qu’on lui attribue, réſide dans l’eau qui a ſervi à la cuire ; elle ne produit plus enſuite que l’effet alimentaire.


Du Maceron.


Les tiges du Maceron, Smyrnium C. B. Pin. sont rameuſes, cannelées, & s’élèvent à la hauteur de trois pieds ; ſes feuilles reſſemblent à celles de l’ache, mais elles ſont plus amples, d’une odeur aromatique & d’une ſaveur approchante de celle du perſil : ſes branches ſont terminées par des parasols qui ſoutiennent des petites fleurs blanches.

Le maceron étoit autrefois un légume que l’on mangeoit dans pluſieurs cantons ; on ne le cultive plus dans les jardins potagers depuis que le céleri eſt autant en vogue : il naît dans les lieux marécageux & ſur les rochers proche de la mer.

La racine du maceron eſt médiocrement grosse, blanche, remplie d’un ſuc qui a l’odeur & la ſaveur de myrrhe ; elle eſt reconnue depuis long-temps en Médecine comme un bon apéritif, priſe en décoction : or cette racine après avoir communiqué cette propriété à l’eau dans laquelle elle a cuit, peut, ainſi que l’ache des marais & des montagne ſervir en qualité d’aliment.


Du Nénuphar blanc.


C’est une Plante aquatique qui vient naturellement dans les marais, dans les étangs & ſur le bord des rivières ; ſes feuilles ſont grandes, larges, arrondies, nageantes à la ſurface de l’eau, échancrées en fer-à-cheval, ſoutenues par des queues longues, rougeâtres & tendres : les fleurs ſont grosses & larges lorſqu'elles ſont épanouies, blanches, diſpoſées en roſes & preſque inodores.

Les racines du Nénuphar blanc, Nymphæa alba major T, ſont longues, épaiſſes & charnues, brunes en-dehors & blanches intérieurement, attachées au fond de l’eau par pluſieurs filets ; ces racines en cuiſant dans l’eau, communiquent à ce fluide les propriétés tempérantes & rafraîchiſſantes pour leſquelles elles ſont recommandées en Médecine, & après avoir cuit ainſi, elles peuvent, moyennant les aſſaiſonnemens appropriés, ſervir de nourriture. Le ſéjour de ces racines dans l’eau, ſemble être un obſtacle à la converſion du mucilage en amidon ; étant râpées & délayées dans l’eau, elles dépoſent, comme quelques racines que j’ai examinées, un ſédiment moins blanc & plus léger que l’amidon avec lequel il a certains rapports.


De l’Onagra.


Cette Plante, originaire de l’Amérique, Onagra latifolia T, & que l’on cultive dans les jardins par curioſité, eſt maintenant fort commune dans les bois, le long des chemins, &c.

La racine de l’onagra, que l’on appelle auſſi l’herbe aux ânes, eſt longue, plus grosse que le doigt ; ſa tige eſt élevée, ronde vers le bas rameuſe en haut, & remplie de moëlle : ſes feuilles ſont étroites & dentelées, ſa fleur eſt en roſes & odorante ; la racine paſſe pour être aſtringente, mais c’eſt en décoction, & elle peut ſe manger aſſaiſonnée avec du ſel, un peu de beurre ou du lait.

Des Orchis.


Les ſatyrions, les ophris & les helléborines, ſont auſſi de la claſſe des orchis ; la plupart de ces Plantes ont la racine bulbeuſe, compoſée d’un ou pluſieurs tubercules recouverts de fibres : les feuilles ſont communément marquées de nervures longitudinales aſſez groſſières ; les tiges ſont ſimples, & ont à leur ſommet des fleurs diſpoſées en épi ou en panicule, repréſentant des figures particulières : il leur ſuccède un fruit ou une capsule remplie d’une infinité de ſemences très-menues.

Les orchis naiſſent par-tout ; on les rencontre dans les champs, dans les bois, dans les prés, dans les marais, dans les pâturages, ſur les collines & ſur les montagnes, aux lieux ombragés ou expoſés au ſoleil, ſecs ou humides : il y a des cantons où l’on en compte juſqu’à vingt eſpèces qui croiſſent & fleuriſſent en diverses ſaiſons ; mais les plus communes, celles dont la racine en très-mucilagineuſe, ſont l’orchis mâle & l’orchis femelle, orchis morio mas foliis maculatis, orchis morio fœmina. La première a les feuilles longues & médiocrement larges, ſemblables à celles du lys, marquées de taches rouges, brunes & quelquefois ſans taches ; la tige eſt haute d’environ un pied, portant à ſon ſommet un long épi de fleurs agréables à la vue, purpurines & blanchâtres vers le fond : les racines ſont deux tubéroſités preſque rondes, charnues & grosses comme des noix muſcades. L’orchis ſemelle eſt ſemblable à la première, excepté que ſes feuilles ſont moins larges, moins maculées, & les fleurs plus petites.

Le Satyrion, Satyrion majus latiifolium n’eſt pas rare non plus aux environs de Paris ; ſa racine eſt également bulbeuſe ; elle pouſſe une tige qui a plus d’un pied, garnie de feuilles larges & graſſes, ayant à ſon ſommet beaucoup de fleurs diſpoſées en épi de couleur rouge tirant ſur le purpurin.

Depuis que l’on eſt éclairé ſur l’origine, l’eſpèce, la nature & les propriétés du ſalep qui nous vient de Perse & coûte exorbitamment cher ; depuis que l’on ſait que cette ſubſtance n’appartient point à un fruit, mais à la racine d’une Plante qui, ſelon Albert Seba & Dignerus, doit être placée au nombre des orchis, on ne fait plus de doute qu’il ne puiſſe être remplacé non-feulement par les orchis que nous avons décrits, mais encore par beaucoup d’autres, dont les bulbes ſont également très-mucilagineuſes, tels que l’orchis militaire, l’orchis pyramidal, l’orchis palmé, &c. &c.

C’eſt au printemps, avant la floraiſon, qu’il faut ſonger à cueillir les racines ou bulbes d’orchis, dont on deſireroit faire le ſalep, choiſir celles qui ſont les plus grosses, les plus fermes, les mieux nourries, & qui ont une ſaveur douçâtre ; mais ces précautions ſeroient absolument inutiles, ſi on ſe contentoit, comme on l’a dit & écrit, d'expoſer ces bulbes au feu pour les ſécher, & de les réduire enſuite en poudre : il eſt encore très-important de les ſoumettre préalablement à un commencement de cuiſſon dans l’eau, ſans quoi elles ne manqueroient point de reprendre de l’humidité, & finiroient par ſe moiſir.

Cette opération que les Confiſeurs nomment blanchir le fruit, pourroit être pratiquée pour certaines racines qui, quoique méthodiquement ſéchées, ſe gâtent tres-aiſément ; on ſait avec quel ſuccès on parvient à conſerver par ce moyen les haricots verts & la violette, pourvus de leur odeur, de leur ſaveur & de leur couleur : le premier bouillon dans l’eau enlève la portion de matière extractive la plus ſaline & la plus ſuſceptible d’attirer l’humidité de l’air ; il combine l’autre avec le mucilage, d’où réſulte un tout plus ferme, plus homogène & plus parfait.

Quand les bulbes des orchis ſont dépouillées de leurs fibres & de leurs enveloppes, on les lave dans l’eau froide & on les met bouillir un moment dans de nouvelle eau, enſuite on les ôte & on les laiſſe égoutter, elles ſont alors plus ſolides & plus tranſparentes ; on les enfile avec du coton en manière de chapelet pour les faire ſécher au ſoleil où elles acquièrent la dureté de la gomme arabique : c’eſt en cet état que les Persans & les Turcs les commercent, & qu’elles portent le nom de ſalep ; pour s’en ſervir, il faut les réduire en poudre, ce qui n’eſt pas très-facile.

La manière de préparer & d’adminiſtrer le ſalep, a déjà été indiquée lorſqu’il a été queſtion de trouver ſon ſubſtitut dans la pomme de terre. Les Orientaux en font un très-grand uſage pour réparer leurs forces épuiſées. En Europe on n’en donne qu’aux malades & aux convaleſcens ; cette nourriture eſt préférable dans ce cas à la ſemoule & au vermicel, vu que ces deux pâtes contiennent une ſubſtance glutineuſe qui ne convient guère aux eſtomacs foibles ou fatigués par les maladies.


Des Ornythogales.


Plusieurs de ces Plantes ont la racine bulbeuſe, auſſi groſſe que la tête d’un enſant, mais celles-là malheureuſement ont un effet trop actif ; telle eſt la ſcille blanche mâle & la ſcille rouge femelle, rangées par Tournefort dans la claſſe des ornithogales ; ce n’eſt point cependant qu’il faille ajouter foi au propos populaire : ſavoir, que ſi on coupe les tuniques de leur oignon avec un couteau à lame de fer, cet inſtrument en ſera empoiſonné ; mais il exiſte trop de faits dans les faſtes des Sociétés ſavantes, pour jamais oſer s’en ſervir comme aliment, à moins de quelques préparations ou correctifs que je ne connois point.

L’Ornythogale la plus commune aux environs de Paris, Ornythogalum gramineum, a les feuilles qui reſſemblent un peu à celles du chiendent ; la tige eſt droite & haute d’un pied & demi, & porte à ſon ſommet pluſieurs pédicules en manière d’ombelle qui ſoutiennent des fleurs diſpoſées en roſes, verdâtres en-dehors & blanches en-dedans : la racine eſt bulbeuſe, en grappes, pleine d’un ſuc mucilagineux.

L’ornythogale jaune n’eſt pas moins commune ; on la rencontre dans tous les champs ſecs & arides : ſa tige eſt moins haute, ſes feuilles ſont plus larges, & ſes fleurs ſont velues & jaunes. Ceſalpin croit que c’eſt à une troiſième eſpèce de ſcylle, que quelques Botaniſtes ont donné le nom de Bulbus eſculentus. Au reſte, Linnæus compte onze eſpèces d’ornythogale, que l’on rencontre abondamment en Allemagne, en France & dans les pays méridionaux de l’Europe.

Dans une des diſſertations de Manetti, que nous avons déjà citée, on trouve quelques détails concernant les ornythogales. Ruelle nous apprend que quand la charrue a arraché quelques-unes de ces bulbes, les enfans les ramaſſent pour les manger crues ou rôties au feu, & comme ces racines ont la faculté de ſe conſerver pendant un certain temps, le pauvre peuple en profite dans les temps de diſette, & s’en nourrit au lieu de châtaigne & de pain. Linnæus aſſure qu’on peut les manger de bien des façons ; j’ajoute, excepté ſous la forme de pain ; car il eſt bon de remarquer que les bulbes à ſquames ne contiennent jamais d’amidon, qu’elles renferment une ſubſtance mucide que la deſſiccation & la fermentation concourent à détruire : il faut donc les cuire dans l’eau ou ſous les cendres, ou bien les couper par tranches & les fricaſſer comme les oignons.


De la Pimprenelle.


La Pimprenelle eſt du nombre des Plantes qui ont peu changé par la culture, Pimpinella ſanguiſorba minor hirſuta. Celle que l’on rencontre ſur les montagnes, dans les prés & les terreins gras, ne diffère guère de la pimprenelle de nos potagers.

La culture de la pimprenelle eſt en ſaveur chez les Anglois, qui ont reconnu que cette Plante donnoit une excellente nourriture au bétail : ſa racine eſt longue & menue ; on peut la faire cuire, l’aſſaiſonner, & la placer au nombre des alimens.


Du Sceau de Salomon.


La racine du Sceau de ſalomon eſt encore une de celles qui a été beaucoup préconiſée, pour ſuppléer aux diſettes de pain, ſous la forme de cet aliment ; mais elle ne contient pas d'amidon ; en vain on la fécheroit & on la réduiroit en poudre, il n’eſt pas poſſible, malgré tous ces ſoins, d’en former une pâte & du pain : le mucilage qui y abonde ne peut ſervir à la nourriture qu’autant qu’il reſtera, dans la racine aſſocié avec les autres principes combinés par le moyen de la cuiſſon, & rendu ſapide par les aſſaiſonnemens.

La Plante Polygonatum latifolium vulgare, eſt très-commune aux environs de Paris & dans toutes les provinces, aux lieux ombragés, le long des haies, dans les bois & dans les forêts ; les racines ſe trouvent placées à la ſurface de la terre, & ſont grosses comme le doigt, genouillées, charnues, aſſez blanches & d’une ſaveur douceâtre ; elles pouſſent des tiges à la hauteur d’un pied & demi, un peu courbées à leur extrémité, revêtues de pluſieurs feuilles reſſemblantes aſſez à celles du muguet, luiſantes en-deſſus & d’un vert-de-mer en-deſſous : les fleurs naiſſent des aiſſelles des feuilles, une à une, ou davantage, formant une cloche alongée en tuyau.


De la Scorſonère & du Cercifi des prés.


Ces deux Plantes ont trop de rapport entr’elles pour les ſéparer ; elles ſont ſauvages, & on les cultive dans les potagers pour l’uſage de la cuiſine ; leurs variétés ſont extrêmement communes dans les pays méridionaux.

La Scorſonère, Scorſonera humilis, a les feuilles étroites, la tige un peu velue ; elle porte à ſon ſommet une fleur aſſez grande, de couleur jaune. Le Cercifi des prés, Tragopogon pratenſe luteum majus, a les feuilles ſemblables à celles du ſafran & les fleurs jaunâtres. La Picride viperine, Picris echinoïdes qui a quelqu’analogie avec ces Plantes, & dont toutes les parties ſont chargées de poils durs & piquans, a auſſi une racine douce & mucilagineuſe.

On connoît les différentes formes que les Cuiſiniers ſavent donner aux racines de ces Plantes ; mais il eſt ſaux que ſéchées & moulues, on en puiſſe faire du pain ; leur blancheur & leur goût ſucré ont donné lieu à cette conjecture ; l’opération néanmoins eſt impraticable.


Du Trèfle aquatique.


Les feuilles du Trèfle d’eau, Menyanthes paluſtre, ſont de la grandeur & de la figure de celles des fèves, portées au nombre de trois, ſur un long pédicule, liſſes & douces au toucher ; d’entre ces feuilles fort une tige verte, grêle, qui s’élève fort haut, & qui porte un bouquet de fleurs en entonnoir d’un bleu-purpurin.

Cette Plante fleurit en Mai & en Juin ; elle croît dans les lieux aquatiques & marécageux : ſa racine eſt blanche, longue & genouillée ; il eſt encore impoſſible d’en préparer du pain, comme avec toutes les racines décrites dans cet article, malgré toutes les précautions pour les couper par tranches, les laver, les ſécher, les réduire en poudre, & le travail le plus éclairé de la Boulangerie. Pourquoi tant de ſoins & de peines, pour ne produire qu’un mauvais aliment, lorſqu’il eſt ſi facile d’en obtenir un meilleur, en ſaiſant cuire les racines mucilagineuſes à grande eau, & les mangeant à l’inſtar des carottes, des cercifis, &c ?


Article XXIV.


Obſervations générales ſur les Racines.


De quelque manière que les ſociétés ſe ſoient formées dans les premières époques, il eſt plus que vraiſemblable que les hommes ont commencé à ſe ſuſtenter par les moyens les plus ſimples ; or en eſt-il de plus ſimple que celui de cueillir un fruit ou d’arracher une racine & de s’en nourrir ? Tous les autres genres d’alimens ont exigé des ſoins dont ils étoient incapables alors, & ſi par la ſuite ils ſe déterminèrent à préférer les ſemences, ce ne fut qu’après que l’expérience leur eut apprit qu’elles renfermoient une plus grande quantité de matières alimentaires ſous un moindre volume.