Recherches sur les végétaux nourrissans/Article XXII

Antoine Parmentier
Article XXII -
Des Semences & Racines ſarineuſes qui
peuvent servir en totalité à la nourriture.


l’amidon qui, dans cette circonstance, agit à la manière des gommes & des mucilages employés souvent en Pharmacie à dessein d’atténuer la vertu trop active des médicamens : ainsi le pied-de-veau, les renoncules, les iris, ne peuvent servir d’aliment quoiqu’ils aient subi des lotions alkalines, une torréfaction ou une cuisson préalable ; il faut indispensablement les râper, & n’employer que leur amidon. Les hommes ne se trompent-ils pas déjà assez souvent sur le choix des alimens, sans leur offrir encore des ressources prétendues contre la famine, qui leur occasionneroient mille maux plus cruels que la disette !

Ce seroit sans doute ici le lieu de déterminer la nature des différens sucs qui constituent les semences & racines qui nous ont occupé jusqu’à présent, d’indiquer la proportion d’amidon qu’elles fournissent, par comparaison avec celle de leurs parties fibreuses ; a combien enfin reviendroit l’aliment qu’on en prépareroit. Nous ne tarderons pas à faire voir s’il est réellement possible d’établir quelque chose de clair & de précis à ce sujet.


Article XXII.


Des Semences & Racines farineuſes, qui peuvent ſervir en totalité à la nourriture.


En perfectionnant tout ce qui concourt à la nourriture des hommes, & en multipliant les eſpèces de ſubſtances alimentaires, d’une part elles leur deviennent plus appropriées & plus flatteuſes au goût ; de l’autre ils ont le moyen de remplacer dans les circonſtances de diſette celles qui leur manquent. On ne ſauroit donc trop employer de précautions dans les temps d’abondance & de bon marché, pour prévenir les ſuites de la cherté & les malheurs de la famine : c’eſt le but eſſentiel de mon travail.

Toutes les parties des Plantes ont chacune une ſaiſon qu’il faut ſavoir ſaiſir pour en faire la récolte à propos : celle des ſemences & des fruits n’a ſouvent point d’époque ; il eſt néceſfaire d’attendre leur parfaite maturité ; quant aux racines, les ſentimens ſont encore partagés a l’égard du temps ou l’on doit ſe les procurer. Il eſt bien vrai qu’au retour du printemps les racines ſont ſucculentes ; mais on obſerve en même-temps, que le véhicule qui y abonde alors, n’étant pas ſuffiſamment élaboré, il eſt plus aqueux que mucilagineux ; qu’une partie de ce véhicule doit acquérir la qualité néceſfaire à la vertu alimentaire, & que ces avantages ne ſe trouvent réunis qu’à la chute des feuilles, ou lorſqu’elles ſont ſanées : ce qui doit ſuffire pour donner la préférence à l’opinion de ceux qui tiennent pour faire la récolte des racines en automne.

Perſonne ne doute des avantages que l’économie retire de nos racines potagères, & que ce n’eſt qu’en automne qu’elles ſont douées de toute leur vertu ; alors elles contiennent la plupart plus ou moins d’amidon, en raiſon de leur nature, de leurs eſpèces, de l’année, du terrein & des ſoins qu’on a pris de leur culture : telles ſont les carottes, les navets, les radix, les panais. Ces mêmes racines, examinées au printemps, n’en fourniſſent pas un atome ; auſſi leur ſubſtance charnue paroît-elle moins ſerrée & moins compacte, l’amidon qui rempliſſoit les interstices, concourt a l’augmentation de la ſubſtance fibreuſe, d’où il ſuit que les racines, dans cette ſaiſon, ſont dures, filandreuſes, plus difficiles à cuire & n’ont point autant de qualité. M. Margraf a auſſi trouvé plus de ſucre en automne dans les racines muqueuſes qu’il a examinées, qu’au printemps.

Lorſque les racines contiennent très-peu d’amidon en automne, on ne le retrouve plus au printemps, & cela eſt dans l’ordre ; cette matière étant miſe en réſerve par la Nature, pour ſervir d’aliment à la Plante & à ſes radicules, diminue inſenſiblement & diſparoît, ſa ſemence ou la racine devient plus douce d’abord, ce qui feroit ſoupçonner que la matière ſucrée augmente aux dépens de l’amidon, ſur lequel la première germination ſemble s’exercer ; mais enſuite, le ſucre lui-même prend la place & diſparoît à ſon tour : cette loi, a la vérité, n’eſt pas générale.

L’automne eſt donc la ſaiſon des racines ; mais s’il étoit néceſſaire d’attendre cette époque pour faire la récolte de celles des Plantes incultes propoſées, comment les reconnoître, puiſqu’alors les feuilles qui doivent en être les indices, ſeroient ſanées ou tombées ? la plupart pourroient ſe recueillir avant leur parſaite maturité. Peu importe d’ailleurs que ces racines poſſèdent la totalité d’amidon dont elles ſont pourvues à cette époque : le temps où il s’agiroit d’y avoir recours, ne permettant aucun délai.

Ajoutons encore que les racines farineuſes des Plantes vivaces incultes, n’acquièrent fouvent point leur qualité, leur conſiſtance & leur volume d’une récolte à l’autre : il y en a telles qui ont beſoin de parcourir un cercle de cinq à ſix ans, pour obtenir leur entière perfection. On ſent bien que dans ce cas, elles doivent fournir beaucoup plus d’amidon, qui diminue auſſi à mesure que leur état charnu s’affoiblit, & qu’elles approchent du moment de vétuſté qui leur fait prendre la conſiſtance fibreuſe. Toutes ces raiſons, fondées ſur l’expérience & l’obſervation, doivent ſervir à prouver qu’il eſt impoſſible de déterminer la quantité d’amidon qu’on retire d’un poids donné de ces racines, & le prix par conſéquent que coûteroit l’aliment qui en proviendroit : la famine ne calcule rien ; & dans un temps de diſette, l’or n’a preſque aucune valeur à côté du pain.

Si l’amidon contenu dans les ſemences & les racines des végétaux incultes, le trouvoit toujours aſſocié avec des ſucs & des parenchymes vénéneux, je ne ceſſerois de propoſer de l’en extraire par la voie que j’ai indiquée, parce que juſqu’à préſent on ne connoît pas de moyen plus efficace pour approprier ces végétaux à la nourriture ; mais heureuſement qu’il exiſte auſſi des Plantes ſauvages, dans leſquelles les différens principes ſont auſſi doux que l’amidon, & dont on pourrait ſe nourrir, ſans qu’il fût néceſfaire de l’en ſéparer. Il eſt important d’éviter des déchets dans une circonſtance où l’abondance manque, & où il s’agit de mettre tout à profit pour avoir le néceſſaire. Nous regrettons ſeulement qu’elles ſoient moins nombreuſes & moins communes que celles dont il a été queſtion précédemment.

L’indifférence avec laquelle les Anciens, & même la plupart des Modernes, ont traité les lies ou fécules des ſucs & marcs des végétaux exprimés, a toujours mis obſtacle à ce qu’on vît que l’amidon étoit auſſi universellement répandu dans la Nature ; combien de fois ne perd-on point l’occaſion d’obſerver & de s’inſtruire en rejetant comme inutile aux corps qu’on examine, leurs principes les plus eſſentiels, & dont l’exiſtence préſente autant de problèmes à réſoudre ! Telle eſt, par exemple, la terre calcaire que Model a découverte dans la coralline, & la ſélénite dans la rhubarbe ; tel eſt encore le ſoufre que M. Deyeux vient de retirer de la racine de patience : ces différentes matières, & peut-être une infinité d’autres qui nous ſont inconnues, ſe trouvent cependant enveloppées dans les ſédimens, ſur leſquels on daigne à peine arrêter les regards.

Sans doute l’on ne ſoupçonnera point que l’amidon, ainſi que les autres précipités qu’on obtient ſpontanément des différentes parties des végétaux par le moyen de l’expreſſion & des lotions, ont été formés pendant l’opération employée à les extraire, puiſqu’il n’eſt pas néceſſaire de briſer le tiſſu des vaiſſeaux qui les renferment pour en avoir la preuve, & qu’il eſt aiſé de les apercevoir ſenſiblement à la ſimple vue : c’eſt la végétation qui les forme, comme elle forme les ſels eſſentiels & les ſels neutres, les huiles, les baumes & les réſines, les gommes & les mucilages, ſans le concours de la terre : cet élément ne ſert aux végétaux que d’appui ; l’air, l’eau & le moule, voilà les inſtrumens principaux dont la Nature ſe ſert pour la production de tous les corps fournis à nos ſens.

N’oublions pas de faire une remarque qui nous paroît très-eſſentielle ici ? Quoiqu’il ſoit extrêmement rare que l’on rencontre dans une même racine, de l’amidon, du ſoufre & de la ſélénite, il ſeroit poſſible cependant que ces trois ſubſtances s’y trouvaſſent enſemble, & que, vu leur propriété commune d’être indiſſolubles & iſolées, elles ſe précipitaſſent à la fois, de manière que l’aliment, confondu avec de pareilles ſubſtances hétérogènes, ne ſeroit pas exempt d’inconvéniens dans l’économie animale ; mais nous obſerverons en même-temps que ces ſubſtances ayant chacune un degré différent de peſanteur & de ténuité, on pourra facilement venir à bout de les ſéparer : la ſélénite, moins diviſée & plus lourde, occuperait le fond, & par une raiſon contraire, le ſoufre ſe trouverait à la partie ſupérieure ; ainſi l’amidon ſe raſſembleroit au centre mais ce cas, en ſuppoſant qu’il exiſte, fera fort rare. L’exiſtence du ſoufre tout formé dans les Plantes, n’étant plus hors de doute, on ne peut plus nier que le règne végétal ne ſoit auſſi en état de produire ce mixte. Le règne animal peut également revendiquer ſa formation : nous l’avons trouvé, M.rs Laborie, Cadet de Vaux & moi, dans les fosses d’aiſances ſous deux formes différentes ; I.° ſec & friable, reſſemblant à des gouttes de ſoufre fondu ; 2.° pâteux & très-impur.

Comme la rhubarbe ſemble appartenir à la claſſe des patiences, & que très-souvent il ſubſiſte, entre les individus d’une même ſamille de Plantes, non-seulement un port extérieur ſemblable, mais encore une conformité dans les effets économiques, ne pourroit-on pas préſumer, avec quelque vraiſemblance, que le ſoufre a originairement exiſté dans cette racine ; mais que le temps de ſa maturation d’une part, & la chaleur employée à l’exſiccation de l’autre, l’auront décompoſé inſenſiblement, & qu’il ſe ſera converti à la longue, avec une terre calcaire, en une véritable ſélénite. Ce qui rendroit cette conjecture vraiſemblable, c’eſt l’obſervation qu’a ſaite M. Model, ſavoir que la rhubarbe, à mesure qu'elle vieillit, laiſſe apercevoir davantage de criſtaux ſéléniteux dans ſon intérieur.

Une autre circonſtance qui fortifie mon opinion, ce ſont les faits dont je me ſuis appuyé pour démontrer que les eaux minérales, regardées autrefois comme ſulfureuſes, & qui ne contiennent plus aujourd'hui que du ſel de Glauber & de la ſélénite, avec une légère odeur d'hépar, pourroient bien avoir ſouffert quelque changement dans leur compoſition, & que la ſource ayant eu communication avec l'air libre, la combinaiſon hépatique déjà fort lâche, aura décompoſé le ſoufre lui-même ; l'acide vitriolique devenu libre, ſe fera porté ſur les deux baſes alkalines & terreuſes, pour former les ſels en queſtion. Les expériences entrepriſes dans la vue d'établir cette poſſibilité, ſont conſignées dans mes Obſervations ajoutées aux Récréations chimiques de Model, dont j'ai publié la traduction. Au reſte, la végétation ayant bien la faculté de fabriquer de la ſélénite par la même voie qu'elle emploie pour produire des ſels, dans la conſtitution deſquels entre l'acide vitriolique, il ſeroit poſſible que la choſe ſe passât encore différemment.

Je conviens que tous ces détails chimiques ſont étrangers à mon Ouvrage ; mais puis-je laiſſer échapper cette nouvelle occaſion, de montrer combien peu nous ſommes avancés dans la connoiſſance de la compoſition des corps & de leurs véritables propriétés ; que le tableau de l’analyſe végétale eſt extrêmement défectueux, & que les réſultats qu’on nous a préſentés dans une infinité de circonſtances, ſont plutôt notre ouvrage que celui de la Nature. Nous ceſſerons peut-être un jour de nommer le ſoufre un minéral, de conſidérer la terre calcaire comme le débri des coquilles ; & ſi nous nous appliquons à étudier avec plus de ſoin les principes qui conſtituent les ſubſtances végétales, nous y trouverons l’origine d’une bonne partie des corps que l’on prétend appartenir excluſivement au règne animal ou minéral.


Des Semences graminées.


Sous ce nom générique, on comprend une riche ſamille de Plantes, dont la tige ou chaume eſt ordinairement grêle, articulée, ramifiée & traçante, terminée à ſa partie ſupérieure par un épi plus ou moins ſerré ; les feuilles ſont entières, ſimples, alongées, pointues, embraſſant la tige par une gaine ; les fleurs ſont petites, hermaphrodites à trois étamines, renfermées dans des écailles minces, ſouvent chargées de filets qu’on nomme barbe ; il leur ſuccède une ſemence nue, remplie d’une ſubſtance blanche & farineuſe. Toutes les parties des graminés ſont ſaines ; la plupart ont une ſaveur ſucrée, ce qui détermine vraiſemblablement les beſtiaux à leur donner la préférence dans les pâturages.

Si l’on s’en rapporte aux obſervations des Botaniſtes, y compris les plus modernes, les eſpèces de graminés montent à plus de trois cents ſoixante : il eſt vrai que l’on a compté dans ce nombre beaucoup d’autres végétaux étrangers qui naiſſent parmi eux, & que la tranſplantation ainſi que la culture des graminés, dont nous faiſons le plus d’uſage, tels que le blé, le ſeigle, l’orge, l’avoine, le millet, &c. ont multiplié à l’infini des variétés, que ſouvent l’on a confondu mal-à-propos avec les eſpèces.

Plus les Plantes ont été travaillées par la main de l’homme, plus elles ſe trouvent trouvent éloignées de leur état primitif ; auſſi M. de Buffon a-t-il recours à cette cauſe pour expliquer pourquoi le blé, par exemple, ne reſſemble à aucuns des graminés ſauvages connus. On ignore parſaitement ſi ce grain a toujours été ce qu’il eſt maintenant, ou bien s’il n’étoit qu’un ſimple gramen que l’on fouloit aux pieds ſans y penſer, & que l’induſtrie humaine a amené au point de vigueur & de perfection où nous le voyons aujourd’hui. J’ai déjà hasardé à ce ſujet quelques réflexions dans le Parſait Boulanger ; mon devoir ici eſt d’indiquer celles des Plantes graminées qui croiſſent ſans culture, dont les racines ou les ſemences peuvent augmenter les alimens ordinaires.

Parmi les graminés ſauvages, il y en a qui n’ont ni ſemences ni racines farineuſes ; il en eſt d’autres au contraire, qui réuniſſent ce double avantage ; de ce nombre, nous citerons les Plantes nommées par Linnæus, Hordeum bulboſum & le Gramen ſecalimun radice tuberosâ : la première a les racines bulbeuſes ; toutes ſes fleurs ſont fertiles, rangées trois à trois & ariſtées ; les enveloppes des fruits ou ſemences ſont ſoieuſes à la baſe : la ſeconde a les racines de la figure d’un œuf ; la tige grêle & peu garnie de feuilles. Ces deux racines multiplient fort aiſément, & elles ſe rencontrent dans beaucoup d’endroits.

II y a des graminés incultes, dont les ſemences ſont ſi délicates, qu’on leur a donné le nom de manne ; tel eſt celui que Bauhin nomme Gramen dactylon eſculentum : il vient par-tout ; ſes feuilles imitent celles du roſeau, mais plus pointues : ſa racine eſt traçante, les épis ſont digités & ſolitaires. On diſtingue pluſieurs gramen de cette eſpèce, que M. Guettard nous a ſait connoître.

La ſétuque flottante, ſeſtuca fluitans, eſt encore appelée la manne de Pruſſe ; la tige eſt élevée de deux à trois pieds, plus ou moins droite, feuillée & garnie de trois ou quatre articulations ; le pannicule eſt long & étroit, reſſerré preſque en épi : on la trouve ſur les bords des ruiſſeaux & dans les foſſés aquatiques.

La folle avoine, avena ſatua, eſt très-commune dans les orges & les autres grains ; elle épie & fleurit en Juillet ; ſa fleur eu en panicule : ſes ſemences ſont velues, couvertes d’une laine rouſſe. On prétend que les Décarliens font du pain avec ſon fruit recueilli un peu vert. M. Villemet remarque dans ſa Pythographie que la Plante infeſte le terrein où elle croît, & que la baſe du grain peut ſervir d’hygromètre.

Le fromental, gramen avenaceum elatiùs, & le ſaux ſeigle, bromus fecalinus, ſont encore fort communs dans tous nos champs & ſur-tout dans les endroits incultes, le long des haies & ſur les murs ; la racine de l’un eſt compoſée de pluſieurs tubercules arrondis, blanchâtres, & ſitués les uns ſur les autres ; ſa tige eſt haute de pluſieurs pieds : ſes feuilles ſont un peu velues, & le pannicule eſt aſſez long ; la tige de l’autre eſt élevée & droite, garnie de quelques feuilles nerveuſes en-deſſous, & larges de deux ou trois lignes : le pannicule eſt droit, & long de deux ou trois pouces, ſouvent étroit & d’un vert jaunâtre.

Quant à l’ivraie qui eſt, comme les autres graminés ſauvages, d’autant plus abondant que les années ont été moins riches en grains, il n’eſt pas auſſi dangereux qu’on l’a prétendu ; il ne s’agit que d’employer quelques précautions avant d’en faire uſage : elles conſiſtent à expoſer ce grain à la chaleur du four avant de le porter au moulin, à bien faire cuire le pain où il entre, & à attendre pour le manger qu’il ſoit parſaitement refroidi. Ces précautions ſi ſimples, devroient toujours être obſervées dans les cas où l’on eſt forcé de ſe nourrir des grains trop nouveaux ; ce ſeroit le moyen d’éviter les maladies qui règnent ſi fréquemment en automne, & dont on ignore ſouvent la véritable cauſe.

En général, toutes les Plantes dont les feuilles, les tiges & les ſemences ont quelqu’analogie avec celles du froment, peuvent ſervir de nourriture à l’homme & de pâturage aux animaux. On peut en écraſer groſſièrement les ſemences, & les manger ſous la forme de gruaux ; il y en a de ſi délicates, que les Polonois & les Prussiens les préfèrent au riz & à la ſemoule : tel eſt le panicum ſanguinale & le feſtuca fluitans. On peut encore les réduire en farine, & les mêler avec celle du blé ou du ſeigle ; mais ce mélange ne ſauroit avoir lieu ſans diminuer la légèreté & la ſaveur du pain qui en réſulte.

Des Semences légumineuſes.


Toutes les Plantes qui ont les tiges rampantes, ou qui s’attachent par des vrilles aux arbres, dont les fleurs reſſemblent à un papillon volant, compoſées de quatre ou cinq petales inégaux, & dont le fruit eſt une gouſſe à différentes figures, renfermant des ſemences arrondies ou réniformes, pleines d’une matière farineuſe plus ou moins colorée, ces Plantes appartiennent à la claſſe des légumineux.

Les fèves, les veſces, les lentilles, les pois, les haricots, les lupins, les orobes, ſont les ſemences légumineuſes les plus uſitées ; elles ont auſſi leurs variétés plus ou moins éloignées de l’état naturel & primitif en raiſon des circonſtances dont nous avons fait mention ; on remarque il eſt vrai que la diſtinction qui ſert à caractériſer les analogues ſauvages, eſt peu ſenſible, en ſorte que ſouvent il n’y a preſque point de différence entre la Plante légumineuſe cultivée, & celle qui ne l’eſt point comme ce genre de Plantes eſt très-connu, je me diſpenſerai d’en décrire les variétés.

Les différentes veſces qui croiſſent dans les champs & autres lieux incultes, ne ſont que des variétés de la veſce ordinaire, de même que toutes les geſſes également fort communes, & qui ſemblent conſerver les principaux caractères des pois ; il s’en trouve dans les blés, & on les déſigne ſous le nom de pois gras : la féverole, ſi commune dans les champs, ne diffère de la féve de marais, que par ſa petiteſſe, & qu’elle eſt plus garnie de feuilles & de fruits ; enfin, l’ers devenu lentille par la culture, étoit employé autrefois aux mêmes uſages que cette dernière.

Les lotiers ſont remarquables par la forme de leurs feuilles, compoſées de cinq follioles, dont trois ſont placées au ſommet du pétiole, deux autres à la bafe. Suivant le rapport de quelques Hiſtoriens, les ſemences de ce genre de Plantes légumineuſes, ont été ſa nourriture primitive de beaucoup de peuples. Le pied-de-lièvre ou rougeole, qui eſt également un lotier, ſe trouve quelquefois en ſi grande quantité dans les blés, qu’il colore la farine, & rend le pain, où il entre naturellement, rougeâtre ; ſon effet n’eſt nullement dangereux. Tous les trèfles & certaines luzernes peuvent donner auſſi des ſemences farineuſes très-nourriſſantes.

Le genêt, cet arbriſſeau dont on connoît pluſieurs eſpèces, a auſſi des fleurs papillonnacées, auxquelles ſuccèdent des légumes où l’on trouve pluſieurs ſemences qui ont la forme de reins ; quoique la plupart aient le goût de pois, il faut s’en défier à cauſe de leur propriété médicinale : les uns ſont émétiques, & les autres de violens purgatifs.

Les cytiſes, qui ont beaucoup de rapport avec le genêt, renferment auſſi dans leurs gouſſes, des ſemences farineuſes, dont la nature paroît être la même que celle des pois & des féves ; mais je n’oſerois prononcer avec la même certitude que l’économie y trouvera un aliment ſalubre : dans le cas contraire, & ſi elles étoient très-abondantes, on pourroit en tirer un parti preſque auſſi avantageux en les conſacrant à l’amidon.

Les Plantes légumineuſes ſont les plus intéreſſantes après les graminées, par rapport à la nourriture qu’elles fournirent à toute l’Europe ; elles en diffèrent en ce qu’au lieu de les couper, on les arrache ; que leurs ſemences ſont toujours renfermées dans une gouſſe ; qu’elles ont une couleur plus ou moins foncée, & que, malgré leur nature farineuſe, elles ſont infiniment moins propres à la panification : ce n’eſt pas cependant qu’on ne ſe ſoit aviſé quelquefois d’en vouloir faire du pain, & d’y introduire encore de la veſce, des féveroles, des haricots blancs, &c. Mais il n’en réſulte jamais qu’un aliment lourd, indigeſte & de mauvais goût ; pourquoi ne pas les apprêter ſous leur forme naturelle, c’eſt-à-dire, les faire cuire dans l’eau, les manger avec leur écorce, on en préparer une purée en y ajoutant les aſſaiſonnemens ordinaires ?


De la Nielle & des autres Semences farineuſes.


La Nielle des blés, Lychnis ſegetum major, qu’il faut éviter de confondre, comme on l’a ſait, avec la Plante appelée auſſi nielle, nigella, dont la ſemence eſt fort âcre, & n’eſt point farineuſe. La première croît en abondance dans tous les champs, & elle eſt trop bien connue pour que je m’arrête à en faire la decription ; je paſſe à ſa ſemence, la ſeule partie dont il ſoit poſſible de taire uſage. La ſemence de la nielle eſt renfermée dans une capsule oblongue, à cinq valves, ayant la figure d’un gland ; elle eſt ridée, noire & amère à l’extérieur, mais intérieurement elle eſt douce, blanche & farineuſe.

On voit ſouvent cette ſemence mêlée dans les blés ; lorſqu’elle s’y trouve en certaine quantité, elle en rend le pain noir & amer : ce défaut qui dépend absolument de l’écorce, n’auroit plus lieu ſi les meules avoient la ſaculté de la ſéparer de la farine ſans la diviſer ; mais elle n’eſt pas nuiſible. M. de Sarcy de Sutières propoſe d’en faire de l’amidon, perſuadé qu’un arpent de terre qui en ſeroit enſemencé, produirait autant de farine que trois arpens de blé ; reſte à ſavoir maintenant juſqu’où cette aſſertion eſt fondée.

La ſemence du blé de vache, Melampyrum purpuraſcente comâ T. Inſt. appartient à une Plante, dont la tige eſt droite & rougeâtre, les feuilles longues & lancéolées, les fleurs en épi très-coloré. Cette Plante croît dans les champs parmi les blés ; ſa ſemence rend noir le pain, avec lequel on la mêle, mais il pas malſaiſant, d’après l’opinion de Linnæus qui cite quelques faits en faveur de ſes effets.

La Plante la plus commune que l’on trouve dans les campagnes, c’eſt la Centinode ou Renouée, Polygonum aviculare ; elle pouſſe pluſieurs tiges rampantes à terre, ayant beaucoup de nœuds, revêtues de feuilles pointues, attachées à des queues fort étroites : ſes fleurs ſortent des aiſſelles des feuilles, compoſées chacune de cinq étamines blanches & purpurines, auxquelles ſuccède une ſemence aſſez grosse & triangulaire ; cette ſemence eſt ſouvent mêlée avec celle du ſaraſin, dont elle augmente la propriété alimentaire ſans nuire à ſa qualité.

La ſemence de Crête de coq, Criſta galli, se trouve ſouvent mêlée avec le ſeigle, dont elle rend le pain brun & amer ; ſes tiges ſont carrées, les feuilles naiſſent ſans queues, crénelées de manière à imiter la crête de coq : ſes fleurs ſont des eſpèces de tuyaux ; il leur ſuccède un petit fruit membraneux, rempli de ſemences oblongues de couleur obſcure.

La ſemence d’Eſpargoutte ou ſpergule, appartient à la Plante la moins délicate ſur la nature du ſol ; pourvu qu’il ſoit un peu humide, elle ne ſe refuſe pas même aux champs les plus ſablonneux : elle croît naturellement aux environs de Paris, principalement dans les bois. Elle ſert en Flandre aux prairies artificielles, & s’élève à la hauteur d’un pied ; ſa tige eſt noueuſe, ſes feuilles ſont étroites, & les fleurs diſpoſées en roſe ; il leur ſuccède des capsules à cinq loges qui contiennent des ſemences minces, propres à engraiſſer la volaille.

Ces différentes ſemences, & beaucoup d’autres également farineuſes qui appartiennent à pluſieurs claſſes de Plantes, ne ſont pas aſſez abondantes pour devenir des reſſources en cas de diſette. Je les indique ſeulement, d’après quelques Auteurs dignes de foi, comme pouvant ajouter à la nourriture que nous retirons de nos grains ſous la forme de pain, ſans préjudicier à la ſanté.


De la Châtaigne d’eau, Saligot ou Macre.


On donne encore à ce fruit ou ſemence, une infinité d’autres noms ſuivant les cantons ; Tribule aquatique, Truſſe d’eau, Echarbot, Cornuelle, Corniole, &c. La Plante qui la produit, Trapa natans Lin. croît dans tous les étangs, les foſſés des villes, & en général dans les endroits où il y a des eaux croupiſſantes ou du limon : la rivière de la Vilaine en eſt couverte.

La racine de cette Plante eſt très-longue, un peu flottante dans l’eau, & attachée vers le fond ; ſa tige rampe à la ſurface, & jette çà & là quelques feuilles capillaires qui ſe multiplient, & forment une belle roſette : ſes fleurs ſont compoſées de quatre pétales & autant d’étamines ; le fruit eſt hériſſé de quatre pointes formées par le calice ; il renferme un noyau auſſi gros qu’une amande.

Le ſaligot a le goût de la châtaigne ; on le vend à à Rennes & à Nantes par mesure dans les marchés ; les enfans en ſont ſi friands, qu’ils le mangent cru comme les noiſettes ; on le ſait cuire à l’eau ou ſous la cendre dans pluſieurs de nos provinces, & on le ſert ſur la table avec les autres fruits : mais on s’eſt trompé en croyant qu’on en faiſoit du pain en Suède, en Franche-comté & dans le Limoſin ; il contient, il eſt vrai, du ſucre & de l’amidon, mais la préſence de ces deux corps dans les farineux, ne ſuffit pas pour la panification : la châtaigne en eſt un exemple frappant; on peut, après l'avoir dépouillée de ſon écorce, la faire ſécher, la réduire en farine, & en compoſer une eſpèce de bouillie.


Du Panais ſauvage.


Cette Plante, Paſtinaca ſylveſtris latifolia, C. B. Pin. ne diffère du panais ordinaire que par la petiteſſe des feuilles & par la racine qui eſt plus menue, plus dure, plus blanche & moins bonne à manger; en la rencontre dans les prés ſecs, ſur les collines & autres endroits incultes.

Le panais ſauvage ne peut pas remplir tout-à-ſait les fonctions de nos racines potagères ; il faut que l'eau qui a ſervi à ſa cuiſſon, ſoit rejetée, parce qu'elle eſt ordinairement fort âcre : on peut le manger enſuite comme on mange les navets, aſſaiſonné avec un peu de ſel, du beurre ou du lard.


De la Carotte ſauvage.


Les tiges de cette Plante, Daucus vulgaris off. Cluff. ſont cannelées & velues; ſes fleurs ſont blanches, purpurines, formant le parasol, & donnent une couleur de cochenille ; aux fleurs, ſuccèdent des ſemences oblongues : ſa racine eſt plus petite & moins douce que la carotte cultivée.

On fait de quelle reſſource eſt la carotte ordinaire dans les cuiſines ; celle-ci qui n’en eſt qu’une variété, pourroit la remplacer en partie, je dis en partie, parce qu’il ſaudroit toujours la cuire à part de nos viandes, & rejeter la décoction chargée de toute la ſaveur agreſte.

Cette Plante croît aux environs de Paris ; on la rencontre dans les prés & dans les forêts : ſa racine contient autant d’amidon pour le moins que la carotte ordinaire, mais il s’en faut que le ſucre s’y trouve en auſſi grande abondance & dans le même état, comme l’a obſervé M. Margraf ; il ſeroit poſſible cependant, par une ſemaille réitérée de la graine & par la culture, de la rendre auſſi douce que celle qui eſt cultivée. Ce que nous diſons de la carotte, peut s’appliquer au panais ſauvage qui donne également de l’amidon.

Du Souchet rond.


Nous avons déjà ſait mention de pluſieurs graminés, dont les ſemences & les racines ſont farineuſes. En voici encore un exemple.

Le Souchet rond, Cyperus rotundus, eſculentus, anguſtifolius, eſt fort commun en Provence dans les endroits humides ; la racine eſt compoſée de fibres menues, auxquelles ſont attachés pluſieurs tubercules arrondis ou oblongs, ayant la figure d’une olive, de couleur brune en-dehors & intérieurement blanche & farineuſe : ſes tiges ſont hautes de ſept à huit pouces, triangulaires ; ſes feuilles ſont radicales, pointues : ſes fleurs forment un panicule ou une ombelle dure & un peu épaiſſe.

Le ſouchet rond eſt originaire du Levant ; il vient naturellement en France, & reſſemble beaucoup au fouchet long ; comme lui, il devient très-aromatique par la deſſiccation, mais le premier a la racine ſi douce & ſi agréable, qu’on pourroit la manger crue. Lorſqu’elle eſt récemment cueillie, on en exprime un ſuc fort doux, mêlé d’aſtriction, mais ce goût diſparoît par la cuiſſon ; on peut faire ſécher cette racine & la réduire en farine.

Il eſt queſtion dans Rhumphius, d’un ſouchet qui vient à l’île de Ceylan, & dont les racines ſont bulbeuſes & très-agréables. Le ſouchet maritime a auſſi la racine farineuſe ; mais les ſemences de ce genre de Plante font, ſuivant l’obſervation de Fallope, enivrantes. Je ne doute point, il eſt vrai, qu’on ne puiſſe leur enlever cette propriété comme à l’ivraie, en les expoſant à la chaleur du four, & en ne mangeant point le pain où elles entrent, au ſortir du four.


De l’Orobe tubéreux


Les graminés ne ſont pas les ſeules Plantes qui réuniſſent quelquefois le double avantage d’avoir à la fois les ſemences & les racines farineuſes ; la ſamille des légumineux en fournit auſſi quelques exemples : tel eſt l’orobe des bois, telle eſt la geſſe tubéreuſe des champs.

Les tiges de l’orobe tubéreux ſont grêles, longues d’un pied ; ſes feuilles ſont alongées, pointues, vertes en-deſſus & d’une couleur blanchâtre en-deſſous : les fleurs ſont d’un roſe-pourpre ; il leur ſuccède des légumes longs, d’un rouge-noirâtre : la racine eſt tubéreuſe, garnie de beaucoup de filamens fibreux.

La ſemence de cette Plante, & en général des orobes cultivés, eſt une nourriture qui plaît beaucoup aux pigeons, & les fait multiplier conſidérablement ; la racine de l’orobe des bois eſt farineuſe ; elle a une ſaveur parſaitement ſemblable à celle du perſil : on peut en obtenir un aliment par le moyen de la cuiſſon, ſans prendre la peine ſuperflue de l’introduire dans le pain, qu’elle rend maſſif & de mauvais goût : elle fournit beaucoup plus de nourriture accommodée de la manière la plus ſimple & la plus naturelle.


Des Glands de terre ou Marcufon.


La Geſſe Tubéreuſe, Lathyrus arvenſis repens tuberoſa : tel eſt le nom que les Botaniſtes donnent à cette Plante ; ſa racine eſt compoſée de pluſieurs tubéroſités attachées à des filets rampans : elle pouffe des tiges anguleuſes, ſolides & hautes d’un pied : ſes feuilles ſont obtuſes, chargées d’une très-petite pointe à leur ſommet ; les fleurs ſont de couleur de roſe, & portées cinq ou ſix enſemble ſur des péduncules aſſez longs.

La racine de la geſſe tubéreuſe eſt une excellente nourriture, très-commune en Lorraine, & qui ſe vend dans les marchés de Nanci ſous le nom de Marcuſon ; elle forme à ſept ou huit pouces de terre, des chapelets de tubercules que les enfans ramaſſent lorſqu’on laboure la terre : cette racine, que j’ai examinée, contient de l’amidon, du ſucre, une matière fibreuſe & une ſubſtance muqueuſe, glutineuſe, extractive. On pourroit améliorer par la culture le marcufon, & le mêler enſuite à la pomme de terre, dont il deviendroit l’aſſaiſonnement.

Je ne connois rien pour le goût de plus comparable à la châtaigne, avec cette différence que la première, en ſa qualité de ſemence, eſt plus sèche & moins fibreuſe. M. Touvenel, de la Société de Médecine, s’eſt occupé particulièrement de l’examen chimique des marcufons, comme production commune de ſa patrie ; il en a fait du pain que j’ai trouvé fort bon : ſon travail n’a pas encore été publié, mais on a tout lieu de préſumer qu’il offrira, comme tous les objets que ce Chimiſte diſtingué a déjà traités, des vues neuves & intéreſſantes.


De la Tulipe ſauvage.


La tige de la Tulipe ſauvage, Tulipa minor lutea gallica T. eſt haute d’un pied, cylindrique, garnie de deux ou trois feuilles étroites & légèrement pliées en gouttière ; elle ſe termine par une fleur jaune, dont les pétales ſont très-pointues ; elle en penchée avant ſon épanouiſſement, ce qui diſtingue, ſuivant les Obſervations de M. le Chevalier de la Marck, cette eſpèce, de la tulipe des jardins, dont la fleur eſt en tout temps très-droite : ſes racines ſont de gros oignons jaunâtres, compoſés de pluſieurs tuniques, emboîtées les unes dans les autres.

Il n’eſt pas peut-être de Plantes, que l’art du Jardinier ait autant variées que la tulipe. Nous poſſédons un Traité à ce ſujet ; cette fleur eſt ſi renommée chez les Orientaux, qu’on célèbre des fêtes en ſon honneur.

On trouve cette Plante dans les endroits montagneux du Languedoc & de la Provence. Pluſieurs Auteurs, tels que Parkinſon, Lauremberg & Simon Pauli, aſſurent qu’on en a ſait l’eſſai ; on peut la faire cuire dans l’eau & la manger comme les pommes de terre : il eſt poſſible de la ſécher & de la réduire en farine, pour s’en ſervir enſuite ſous la forme de bouillie.


De la Jacinthe des bois.


Sa tige eſt droite, cylindrique, & s’élève au-delà d’un pied ; ſes feuilles ſont radicales, longues de ſept à huit pouces, larges de trois lignes, planes, liſſes, foibles & preſque couchées au bas de la Plante : les fleurs forment un épi lâche ; elles ſont ordinairement de couleur bleue & d’une odeur très-agréable.

La Jacinthe des bois, Hyacinthus oblongo flore cœruleus major, eſt très-commune en Picardie & en Artois ; ſa bulbe eſt moins denſe que celle du narciſſe ; auſſi ne fournit-elle pas autant d’amidon.


Du Narciſſe ſauvage.


Il y a pluſieurs eſpèces de narciſſe, indépendamment des variétés que la culture a multipliées ; il paroît même que les tubéreuſes & les jonquilles ſont de cette claſſe ; leurs racines ſont également bulbeuſes, & fourniſſent beaucoup d’amidon.

La tige du Narciſſe ſauvage, Narciſſus albus tubo luteo T. eſt haute d’un pied ; elle pouffe à ſon ſommet, une fleur remarquable par le limbe intérieur de ſa corolle, qui eſt auſſi grand que l’extérieur, frangé en ſon bord, de couleur jaunâtre.

Cette Plante, qui fleurit de très-bonne heure, eſt fort commune dans les bois ; on peut former avec ſa racine, un comeſtible, & s’en ſervir de la même manière que de celle de la tulipe ſauvage & de la jacinthe des bois.

Toutes les racines bulbeuſes, connues vulgairement ſous le nom d’oignon, dont les tuniques ſont emboîtées les unes dans les autres, & forment une ſubſtance d’un blanc mat, charnu & très-denſe, contiennent de de l’amidon, & ſont par conſéquent très-propres à ſervir d’aliment ; elles renferment en outre un mucilage qui donne à l’eau dans laquelle il s’étend, une fluidité huileuſe ; nouvelle preuve de la qualité eſſentiellement alimentaire de ces racines.


De la Terrenoix ou Châtaigne de terre.


La racine de cette Plante, Bulbo caſtanum majus apii folio, eſt une bulbe arrondie, noirâtre, qui pouſſe une tige haute d’un pied & demi ; ſes feuilles ſont deux ou trois fois ailées & partagées en découpures étroites : les fleurs ſont blanches & aſſez amples.

La ſemence de la terrenoix eſt aromatique ; elle étoit autrefois d’uſage pour aſſaiſonner le pain, comme celle de carvi ; on mange dans pluſieurs provinces ſa racine crue ou cuite ſous la cendre : elle eſt fort commune en Lorraine & dans beaucoup d’autres endroits.