Réponse à l’écrit anonyme intitulé: de la formation des églises/chapitre 1


EXAMEN
du premier article de la brochure, intitulé :
but de cet écrit

.

Dans le premier article de sa brochure, (page 1) l’auteur fait connaître le but de son écrit. Il expose d’une manière fort tranchée la différence qu’il voit entre son opinion et celle des frères qui, dans ces derniers temps, ont formé des Églises. Il représente ces derniers comme insistant sur ce point, « que la formation et l’organisation d’Églises, est selon la volonté de Dieu, le seul moyen de trouver la bénédiction au milieu de la confusion qu’on reconnaît exister. » Quant à lui, il estime « qu’un pareil essai est tout à fait humain, et que comme tel, il manque à la première condition d’une bénédiction durable, condition qui est une dépendance entière de Dieu. »

Je me permettrai d’abord de faire observer à l’auteur que jamais les membres des Églises, récemment organisées, ne les ont présentées comme le seul moyen de trouver la bénédiction. Ils pensent sans doute qu’il y en a une plus grande dans un ordre de choses que Dieu a établi, que dans celui qui n’est pas selon sa Parole : mais ils reconnaissent qu’il y a de la bénédiction partout où la Parole est prêchée, et partout où l’on s’unit par la foi, à Celui qui est la vie ; et ils sont bien loin de nier les bénédictions que le Seigneur a répandues sur les fidèles qui vivent encore au sein des Églises nationales. — Il est bon de ne pas nous laisser imputer gratuitement une prétention exagérée, que nous n’avons jamais eue.

Ensuite, je ferai observer en passant, qu’il faut être bien sûr de ce que l’on dit, lorsqu’on accuse si positivement de faire une œuvre toute humaine, et d’agir hors d’une entière dépendance de Dieu, des frères qui ne prennent pour règle de leur conduite dans la formation des Églises, que l’obéissance aux préceptes qu’ils trouvent dans la Parole de Dieu, et qui dans cette œuvre, ne s’appuient que sur son bras. — Nous verrons comment l’auteur fera sa preuve.

L’auteur prétend dans le même article (page 4) que « l’idée de faire des Églises, est le véritable obstacle au désir de tous, l’union des saints dans un seul corps. »

Le premier argument sur lequel il fonde cette assertion, est contenu dans une phrase un peu obscure, mais qui, expliquée par le reste de l’écrit, me semble dire que la dissidence ne peut pas réussir à réunir les enfans de Dieu, parce qu’elle est en partie une œuvre charnelle, dans laquelle on a dépassé les intentions et la puissance de l’Esprit de Dieu. — En effet, și cela était, on ne pourrait attendre d’une telle œuvre la réunion des enfans de Dieu. Mais comme cette assertion doit faire le sujet de notre examen, quand nous attaquerons le fond de la brochure, nous ne nous y arrêtons pas pour le moment.

La seconde raison qu’allègue l’auteur, c’est que « ceux qui sont fatigués du mal du nationalisme, pensant qu’il leur faudrait choisir entre ce mal et ce qui se présente à leurs yeux comme des Églises dissidentes, demeurent où ils se trouvent, en désespoir de cause. » — À cet argument de l’auteur, je réponds d’abord que les Églises, telles qu’elles sont, ont réuni et réunissent encore tous les jours, un certain nombre de ces enfants de Dieu, qui sont fatigués du nationalisme. C’est un fait facile à vérifier, Depuis long-temps on a prédit la chûte de nos pauvres Églises, et l’ennemi a travaillé avec zèle à vérifier cette prédiction. Persécutions, moqueries, mépris, rien ne leur a été épargné. Puis sont venues les plaies plus douloureuses encore, qui leur ont été faites par la main de ceux qui étaient leurs frères en Christ. Des Chrétiens nationaux ont cherché à prouver que les membres des Églises étaient des schismatiques, qui s’étaient séparés à tort de la véritable Église de Dieu. D’autres frères, venus du dehors, se sont lancés au milieu d’elles, comme dans un champ[1] qu’ils ont tenu pour être ouvert à tout le monde, et y ont importé leurs systèmes particuliers et leurs erreurs, qui plus d’une fois les ont troublées et même divisées. D’autres erreurs ont pris naissance dans le sein même des Églises, et par dessus tout cela, elles ont eu à combattre contre le pire de tous les maux, celui qui à la longue attaque tous les réveils, l’attiédissement et la langueur. Et cependant au milieu de toutes ces causes de dissolution, elles subsistent encore, et même quelques-unes d’entre celles qui ont le moins d’apparence selon le monde et dont on parle le moins, attirent à elles la plupart des frères nationaux qui les entourent. Après cela est-on bien en droit d’accuser les Églises d’être le véritable obstacle au désir de tous, « l’union des saints en un seul corps ? » Est-on bien placé pour dire que les frères nationaux restent où ils se trouvent, en désespoir de cause, ayant à choisir entre le mal du nationalisme et ce qui se présente à eux comme des Églises dissidentes ? — Ne serait-il pas plus juste de reconnaître qu’il y a en elles cette force vitale et réparatrice que possède tout ce qui vient de Dieu, et qui tend sans cesse à guérir les plaies et à combattre les causes de mort ?

Je demanderai de plus à notre frère qui nous

L’auteur pose avec beaucoup de logique, la question qui naturellement devait suivre l’exposé de ce fait bien constaté, que généralement il n’existe pas d’Églises qui réunissent en un seul corps, tous les fidèles d’un même lieu, et il s’exprime ainsi : « La question à résoudre, est celle-ci : comment un chrétien doit-il juger et agir quant un état de choses, décrit dans la Parole, a cessé d’exister ? »

Déjà ici tenons-nous sur nos gardes, et faisons des distinctions absolument nécessaires, pour qu’on ne nous entraîne pas dans l’erreur, à la faveur d’une confusion d’idées.

D’abord remarquons qu’il y a une différence entre un état de choses, qui a complètement cessé d’exister, et un état de choses qui existe, quoique différant à quelques égards, du modèle primitif. Par exemple l’économie lévitique a complètement cessé d’exister, mais les Églises, fondées sur les bases de la Parole, n’ont jamais cessé d’exister, comme nous le prouverons plus tard, quoique par certaines circonstances fâcheuses, elles aient rarement depuis un certain nombre de siècles, réuni en un seul corps, tous les enfants de Dieu d’un même lieu. — Secondement, distinguons entre le cas où un état de choses a cessé d’exister, parce que Dieu lui-même y a mis fin, pour le remplacer par un autre ordre de choses ; et le cas où cet état de choses a cessé d’exister par la négligence ou la malice de l’homme, sans que Dieu ait déclaré qu’il dût prendre fin. — Dans le premier cas, vouloir le rétablir, c’est aller contre la volonté positive de Dieu. Dans le second cas, c’est au contraire entrer dans les desseins de Dieu, qui veut que ce qu’il a établi subsiste, jusqu’au moment où il le déclare aboli. — Souvenons-nous bien de cette distinction, nous en ferons usage dans la suite.

L’auteur fait pour nous la réponse à la question qu’il a posée sur le cas où un état de choses, décrit dans la Parole, a cessé d’exister. Il nous fait dire : « Il faut le rétablir. » Nous acceptons volontiers la réponse pour le cas où il s’agit d’un état de choses, non aboli par le Seigneur lui-même.

Maintenant, l’auteur nous répond à son tour : « Votre réponse est une preuve du mal, elle suppose une puissance en nous-mêmes. » — En vérité, ceci est un peu fort !… Toutes les fois donc qu’on voudrait rétablir ce que l’homme a gâté, cela supposerait qu’on croit avoir une puissance en soi-même!!! Oui bien si l’on comptait sur sa force pour le rétablir. Mais ne peut-on pas en s’appuyant sur Dieu, chercher à rétablir avec dévouement et humilité de cœur, ce que lui-même n’a pas déclaré aboli ? — Les rois pieux qui, comme Ézéchias et Josias, bannissaient l’idolatrie d’Israël, rouvraient le temple et rétablissaient le culte du vrai Dieu dans sa pureté ; ces rois là croyaient-ils avoir une puissance en eux-mêmes ? – Lorsque du temps d’Esdras et de Néhémie, les Juifs rétablissaient le temple, comptaient-ils sur une puissance qu’ils eussent en eux-mêmes ? – Lorsque Jean Baptiste, qui avait été prédit sous le nom d’Élie, vint pour rétablir toutes choses (Matth. XVII, 10.), comptait-il pour cela sur sa propre puissance, lui qui disait avec tant d’humilité : Nul ne peut rien recevoir, s’il ne lui est donné d’en haut ? (Jean, III, 27.)

Un peu plus bas, l’auteur explique et appuie sa pensée par une comparaison tirée de la chûte de l’homme, et il prétend que nous, qui voulons rétablir les Églises, nous sommes dans le cas d’un homme qui, reconnaissant l’état déchu de la nature humaine, «chercherait à la rétablir dans son état primitif, en voulant accomplir la loi, être innocent et plaire ainsi à Dieu. » Il remarque avec raison que nous dirions d’un tel homme, « qu’il est dans sa propre justice, qu’il se fie à ses propres forces, et qu’il ne comprend pas la Parole de Dieu. »

Je demande à tout homme de bonne foi et de bon sens, si cette comparaison est juste ? Nous, nous voulons, avec le secours de Dieu, et fondés sur ses promesses, rétablir en certains lieux un ordre de choses que nous ne voyons pas que la Parole ait aboli. Nous ne comptons pour cette œuvre, que sur la force de l’Esprit de Dieu, qui n’est point amoindri ; nous ne comptons que sur la promesse, faite par le chef de l’Église, d’être tous les jours avec nous jusqu’à la fin du siècle (Matth. XXVIII, 20) ; sur sa déclaration que toute puissance lui est donnée dans les cieux et sur la terre, et sur sa gracieuse présence, promise aux deux ou trois assemblés en son nom. Et voilà qu’on vient nous dire que nous ressemblons à un homme qui, avec ses propres forces, voudrait se rétablir dans l’innocence primitive ! Si l’auteur voit du rapport entre ces deux choses, je déclare que je n’y en vois aucun, et je pense que plusieurs seront de mon avis.

L’accusation portée contre nous me semble, aussi injuste, que si on avait dit à l’Apôtre Paul, lorsqu’il exhortait les Éphésiens à se revêtir du nouvel homme créé selon Dieu, en justice et en sainteté véritable : (Éphés. IV, 24) Quoi ! vous voulez que les fidèles rétablissent en eux l’image de Dieu, qui a été effacée par le péché ! Rétablir suppose une puissance en soi-même : c’est là de l’orgueil et de la propre justice. — Une pareille objection aurait porté sa réponse avec elle.

Notre position est tout simplement celle d’un homme qui, découvrant dans la parole de Dieu, des ordres qu’on avait longtemps méconnus, et qui n’ont jamais été révoqués, entreprend dans un esprit de soumission et d’humilité, de remettre ces ordonnances en vigueur. Dans cette entreprise qui n’est à ses yeux qu’un acte d’obéissance, il s’associe au petit nombre de ceux qui, comme lui, ont reçu la grâce de découvrir la lumière qui était ensevelie dans les ténèbres, et il s’appuie sur la Parole et la force de Celui qui disait à son ancien peuple : Fortifiez-vous, et travaillez ; car je suis avec vous, dit l’Éternel des armées. La parole de l’alliance que je traitai avec vous quand vous sortîtes d’Égypte, et mon Esprit, demeurent au milieu de vous, ne craignez point (Agg. II, 4, 5).

Tant qu’on ne nous prouvera pas que Dieu a aboli les promesses qu’il a faites à son Église, et que son Esprit ne lui est plus accordé, nous croirons que nous sommes en droit de travailler à son rétablissement, en chaque lieu où il y a des fidèles. Nous nous appuierons pour cela sur la force de notre Dieu, et nous espérerons contre espérance, sachant que la force de Dieu, s’accomplit dans la faiblesse. — Il ne nous faut pour cela ni capacité, ni mission particulière, comme l’auteur l’exige de nous ; par la raison toute simple que tout homme a mission d’observer tout commandement de Dieu, qui n’est pas aboli, et qu’il n’a besoin pour le faire d’aucune capacité particulière, parce que Dieu donne toujours la force de faire ce qu’il commande, quand on la cherche en lui avec un cœur sincère.

Je demande à présent ce que valent les accusations de l’auteur, qui prétend que notre entreprise est « peut-être l’effet du même esprit que celui qui conduit un homme à rétablir sa propre justice, quand elle est perdue ; » qui parle de nos prétentions (page 10), qui veut que nous lui montrions « que nous avons tellement reçu de Dieu la mission Die et le don de rassembler les fidèles, que nous puissions traiter ceux qui ne répondent pas à l’appel, comme des schismatiques, condamnés par eux-mêmes, et des étrangers à l’Église de Dieu. » (page 11.)

Voilà des phrases en apparence bien triomphantes, mais qu’y a-t-il de vrai dans tout cela, quand on va au fond ? Ce qu’il y a de vrai, c’est qu’on nous accuse, sans raison, de nous appuyer sur nos forces, et qu’on nous demande, sans plus de raison, une mission et des titres, dont nous n’avons pas besoin. — En passant, je ferai observer à l’auteur que jamais nous n’avons traité de schismatiques[2], condamnés d’eux-mêmes, et de gens étrangers à l’Église de Dieu, les frères qui ne se joignent pas à nous. Nous disons seulement qu’ils n’ont pas reçu encore la lumière à cet égard, du moins nous l’espérons, parce que la charité ne soupçonne pas le mal. Nous comprenons comment la force d’anciens préjugés agit encore en eux, ainsi qu’elle a agi long-temps en nous, pour obscurcir à leurs yeux la clarté des portions de la Parole, qui parlent de la nature et de la constitution des Églises. Nous attendons, nous prions et nous agissons, car nous ne croyons pas avec l’auteur (pages 12 et 13) que l’humilité exige de nous que nous ne travaillons pas à rétablir les Églises, et qu’y travailler, soit une preuve que nous ne sommes pas humiliés de leur état de chûte. Nous nous gardons bien de dire que les frères nationaux, qui ne se joignent point à nous, sont étrangers à l’Église de Dieu, parce que cette phrase présenterait une équivoque fâcheuse, et pourrait donner à penser que nous ne les regardons pas comme membres de l’Église des élus. Nous nous bornons à dire qu’ils font partie d’Églises qui ne sont pas constituées selon la Parole ; et plusieurs d’entre nous donnent à ces Églises des titres beaucoup moins injurieux que ceux dont les gratifie l’auteur de la brochure.

Dans un paragraphe de ce chapitre, que je n’ai pu bien comprendre dans plusieurs de ses parties, malgré que je l’aie relu plusieurs fois, j’ai au moins cru saisir comme clair, ce raisonnement-ci : Autrefois, tout ce qui était de l’Église des élus sur la terre, était renfermé dans une Église particulière, et l’on appelait Église de Dieu, l’ensemble de toutes les Églises. En sorte que n’être pas d’une Église particulière, ou n’être pas de l’Église de Christ, était la même chose. Maintenant que les fidèles ne sont plus réunis dans chaque lieu, en un seul corps d’Église, on ne peut plus confondre l’Église et les Églises, et on ne peut plus dire à quelqu’un que parce qu’il n’est pas membre de ce qu’on appelle l’Église de Dieu, dans un certain endroit, il n’est pas du tout membre de l’Église de Dieu. Et cependant il faudrait que cela eût lieu, si les Églises actuelles étaient dans la position des primitives Églises.

Voilà comment j’ai cru saisir le raisonnement de l’auteur.

À cela je réponds premièrement, qu’il ne m’est pas rigoureusement prouvé que dans les premiers temps, on ait jamais vu quelques fidèles se tenir par crainte des hommes, éloignés de l’Église de Dieu de leur endroit. Ne serait-ce point le cas, par exemple, de ceux dont il est parlé Actes V, 13., qui n’osaient pas se joindre aux disciples ? Hé bien ! ces gens là étaient de l’Église des élus, de la portion de cette Église manifestée sur la terre ; mais évidemment ils n’étaient pas de la société visible nommée Église, puisqu’ils n’avaient pas voulu s’y joindre.

Secondement. Si quelque fidèle n’avait pas voulu se joindre à une des Églises primitives, ou si par quelque raison il s’en était retiré ; cette Église auroit-elle dû par l’effet du péché de ce frère, se trouver privée du titre d’Église, et cesser de le porter ? Où est-il dit dans la Parole, qu’un corps ne pourra porter le titre d’Église, que lorsque tous les fidèles du même endroit s’y seront joints ? Quant à moi, je pense qu’il mérite ce titre, tant qu’il garde les ordonnances fondamentales du Seigneur sur la constitution de l’Église, qui sont : a) de se séparer du monde (Act. II, 40 et chap. XIX, 9 ; 2 Cor. VI, 17 ; 1 Tim. VI, 4 et 5 ; Tite III, 10 et 11, etc. etc.) b) de recevoir dans le sein de l’Église, tout ce qui est né de Dieu, malgré toutes les différences de vues (Rom. XIV en entier ; Philip. III, 15 et 16) ; c) d’exclure le méchant (1 Cor. V, 13) ; d) de se règler par les ordonnances de la Parole, et non par des institutions d’hommes, dans toutes les choses que la Parole à déterminées (1 Tim. III, 14, 15 ; 1 Cor. XIV, 27.). — Encore une fois, prouvez par la Parole, que lorsque quelque fidèle refuse de se joindre à un pareil corps ; ou s’en retire, ce corps cesse de mériter le titre d’Église de Dieu. Je ne crains pas de le dire, ce serait commettre une grande injustice, que d’imputer à un corps la faute de ceux qui ne veulent pas le reconnaître, et de le dégrader en lui ôtant son titre, par la seule raison que des frères mal éclairés le lui nient, et se tiennent à l’écart.

Troisièmement. Les Églises constituées selon la Parole, n’ont, à ma connuissance, jamais dit que les fidèles qui n’en font pas partie, ne fussent pas de l’Église des élus, ni de même de l’Église qui est sur la terre, si l’on veut entendre par Église, l’ensemble des élus manifestés à une certaine époque, ce que quelques-uns ont appelé : l’Église invisible, ou l’Église universelle. Mais si l’on nous demande s’ils sont de l’Église, en tant que société, nous dirons, en répondant par un fait : Non, ils ne sont pas encore joints à un corps visible, qui selon la Parole, mérite le titre d’Église de Dieu. On en aurait dit autant dans les premiers temps, d’un fidèle qui se serait tenu à l’écart des primitives Églises, et je ne pense nullement que l’Église de Jérusalem eût cru devoir cesser de porter ce titre, parce que quelques timides, tout en lui donnant de grandes louanges, n’osaient pas s’y joindre.

Je ne sais, mais il me semble que je ne puis pas quitter ce paragraphe de la page 11, sans dire encore quelque chose de ce mot Rolle, qui y paraît tout-à-coup, sans qu’on sache trop pourquoi. Il semble que dès le commencement de la brochure, l’auteur ait été gros de ce mot qui, à la page 11, a dû absolument venir au jour. — Ce pauvre Rolle, qu’a-t-il donc fait, pour que les maîtres tireurs de flèches, aient si souvent dirigé leurs coups contre lui ? Pourquoi lui en veut-on ? Est-ce parce qu’il n’a pas voulu varier dans les principes qu’il a cru avoir puisés dans la Parole, et qu’il n’a pas voulu élargir son chemin au gré des circonstances ? Il est vrai qu’il a cru que les circonstances devaient ployer devant la Parole, et non la Parole devant les circonstances. Est-ce là un grand tort ? Lors même que ce vous penseriez qu’il s’est trompé dans sa manière d’entendre la Parole, estimez au moins sa fermeté à suivre, au milieu de l’opprobre du monde et de celui des frères, le chemin étroit qu’il a cru lui être tracé par le Seigneur.

En voudrait-on peut-être à Rolle, parce qu’il n’a pas accepté toutes les nouveautés qui ont paru au milieu des Églises, depuis le réveil ? — Mais je vous le demande à vous-mêmes, aurait-il mieux fait d’essayer tour-à-tour de la doctrine des Lardonistes, de celle des disciples de Meillier, des Irvingiens, des Wesleyens et de quelqu’autre encore ? Lui auriez-vous conseillé de se laisser envahir tour-à-tour par ces diverses opinions, dont chacune en son temps, eut la prétention d’apporter une vérité qui renfermait en elle-même le secret de la vie chrétienne, ou du moins d’un redoublement de vie ? Les Églises que ces diverses doctrines ont envahies, s’en sont-elles bien trouvées ? — Les faits parlent. — Auriez-vous pu nous donner un meilleur conseil que celui que nous ayons suivi, sous le regard de notre chef, qui est d’éprouver toutes choses et de retenir ce qui est bon ?

Nous avons Christ, et nous croyons qu’en lui seul est la vie. Nous désirons connaître toujours plus la communication de sa mort et la puissance de sa résurrection. Quiconque viendra à nous, nous apporter un Christ vivant, et nous communiquer quelque chose de la puissance de l’Esprit de vie ; quiconque viendra nous faire mieux connaître et apprécier le grand amour du Seigneur, et nous porter à nous donner plus entièrement à lui, sera toujours bien venu et bien reçu au milieu de nous, et nous lui dirons : Bénis sois-tu, toi qui viens au nom du Seigneur ! — Mais quant à des doctrines et des systèmes qui n’ont que le mérite de la nouveauté, qui ne se fondent que sur des portions de la Parole, mal interprètées, prises dans un sens forcé, et surtout considérées hors de leur connexion avec d’autres parties des Écritures ; quant à des systèmes qui au lieu de nourrir vraiment la vie intérieure, occupent la curiosité, amusent l’imagination, trompent les besoins du cœur, ou n’élèvent en apparence très-haut, que pour laisser tomber ensuite dans les angoisses[3] et les ténébres, fruit d’une propre justice déguisée ; quant à tous ces systèmes là, nous n’en voulons rien, non décidément, nous n’en voulons rien, et nous prions notre puissant et fidèle Seigneur et Sauveur de nous en garder, comme il nous en a gardés jusqu’à présent, ce dont nous lui rendons nos actions de grâces. — Nous voulons Christ, tout Christ, rien que Christ. Nous voulons la Parole, toute la Parole, rien que la Parole.

Nous croyons maintenant avoir suffisamment répondu à l’auteur, quant au double reproche qu’il nous fait (page 9), de n’être pas capables de rétablir des Églises, et de n’avoir pas de mission pour le faire ; en sorte que nous agissons en cherchant une puissance en nous mêmes, et en faisant ce dont personne ne nous a donné charge.

Maintenant nous allons répondre à la demande que nous fait l’auteur (page 9), de prouver que « c’est la volonté de Dieu, de rétablir de nouveau l’économie de l’Église, après qu’elle a manqué. »

Comme les preuves par lesquelles l’auteur cherche à établir cette thèse, que « l’économie actuelle a manqué, et que la volonté de Dieu n’est pas qu’on la rétablisse », se trouvent dispersées dans les deux articles qui suivent celui dont nous nous occupons ; nous les traiterons dans leur ensemble, en prenant tout ce que l’auteur a dit sur ce sujet, depuis la page 14 à la page 18.

Nous demandons qu’on veuille bien peser les réflexions suivantes, dont chacune répondra à quelqu’une des assertions de l’auteur.

Première réflexion. Une erreur fondamentale dans laquelle l’auteur est tombé, et qui jette du faux sur toute son argumentation, c’est qu’il considère l’Église comme une espèce de confédération[4], composée de toutes les Églises particulières ; comme une espèce de corps, dont la destinée est une, et qui tombe ou se relève en masse. De là vient qu’il dit continuellement que « l’Église est dans un état de ruine et d’apostasie ; que nous voulons former de nouveau l’Église, que l’Église est déchue, etc. etc. »

Nous ne craignons pas d’affirmer que jamais l’Écriture n’a tenu un pareil langage, et n’a représenté l’Église, comme une espèce de corps, qui a un sort commun ; qui tombe ou se relève ; qui prospère ou déchoit. Jamais elle n’a dit : l’Église est en prospérité, ou l’Église est en déchéance ; l’Église a apostasié, ou l’Église est ruinée pour toujours. L’Écriture appelle bien quelquefois du nom d’Église, les diverses Églises, comme on dit en français ; la famille, pour désigner les diverses familles ; ou : la société, pour désigner les diverses sociétés. De même qu’on dira dans un livre sur l’éducation : voici les règles du gouvernement de la famille, de même l’apôtre Paul dit à Timothée : Je t’écris ces choses, afin que tu saches comment il faut se conduire dans la maison de Dieu, qui est l’Église du Dieu vivant, la colonne et l’appui de la vérité (1 Tim. III, 15). La seconde de ces phrases ne signifie pas plus qu’il y ait une Église, corps unique, composé de toutes les Églises particulières, que la première ne suppose qu’il y a une famille composée de toutes les familles de la terre. Dans la première de ces phrases, la famille signifie les familles, ou chaque famille ; et dans la seconde, l’Église signifie : les Églises, ou chaque Église.

L’Écriture nous représente si peu les Églises comme devant avoir un sort commun, que dans l’Apocalypse, l’Esprit-Saint, en s’adressant aux sept Églises d’Asie, leur prédit à chacune un sort différent, selon les différents états spirituels où elles se trouvent. À l’une, il déclare que si elle ne se repent pas, il viendra bientôt, et ôtera son chandelier de sa place. À l’autre, au contraire, il promet que puisqu’elle a gardé la parole de sa patience, il la gardera de l’heure de la tentation, qui doit venir sur tout le monde, pour éprouver les habitans de la terre (Apoc. III, 10.). — Je demande s’il y a rien de plus positif contre cette idée d’une déchéance et d’une apostasie de l’Église, prise en masse, que cette promesse faite à l’Église de Philadelphie, d’être gardée de l’heure de la tentation, qui doit venir sur tout le monde ? — La Parole, en envisageant l’Église comme société, ne voit que des Églises et non l’Église. Elle ne lie point le sort d’une Église à l’autre, et elle ne dit point que parce qu’une Église ou plusieurs Églises sont déchues, l’Église est déchue.

Je remarque en passant que ces mots de déchéance, de ruine et d’apostasie de l’Église ; que ces expressions : l’économie de l’Église a manqué, etc., ne se trouvent point dans la Parole. Or nous croyons pouvoir affirmer que lorsqu’en traitant un sujet, on est obligé d’inventer des expressions, parce qu’elles manquent dans la Parole de Dieu, cela seul doit faire soupçonner l’erreur. Le soupçon est d’autant plus légitime, lorsque c’est sur le fond du sujet même que l’on traite, que porte cette nouveauté de langage et d’expressions. Celui qui pense avec la Bible, peut toujours parler avec la Bible.

Seconde réflexion. Mais passant sur les expressions non bibliques de l’auteur, examinons le fond de son idée. Il nous dit que « l’Église est dans un état de déchéance (page 14), de ruine ; qu’elle a apostasié (page 12), que l’économie de l’Église a manqué (page 9). »

Sur quoi je remarque d’abord, que le mot d’économie de l’Église, ou l’économie de Dieu dans le rassemblement de l’Église, ne se trouve pas dans la Parole. La seule fois que le mot économie se trouve en grec, comme indiquant une dispensation générale de Dieu, c’est au chapitre premier des Éphésiens, verset dix, où il est parlé de l’économie de la plénitude des temps, et cette économie est désignée comme celle sous laquelle Dieu réunit toutes choses, sous une seule tête, en Christ[5]. Or cette économie de la plénitude des temps, paraît assez expliquée par Gal. IV, 4, où il est dit, que lorsque la plénitude des temps est venue, Dieu a envoyé son Fils, né de femme, et assujetti à la loi ; et la réunion de toutes choses en Christ, comme sous une seule tête, est suffisamment expliquée, Éphés. II, par la réunion des Juifs et des Païens, en un seul corps en Christ. Remarquez surtout le verset 15, où il est dit que des deux peuples, Christ a formé en lui-même un seul homme nouveau. C’est à cela aussi que se rapportait la prophétie de Caïphe, qui annonça que Jésus devait mourir pour la nation ; et non seulement pour la nation, mais aussi pour rassembler en un seul corps les enfans de Dieu qui sont dispersés (Jean XI, 51, 52).

Maintenant remarquons bien que cette économie ou dispensation de Dieu, consiste principalement, non pas dans le rassemblement extérieur des Églises, quoique important et ordonné de Dieu ; mais dans la manifestation du bon plaisir de Dieu, qui est de donner accès par Jésus-Christ, au trône de la Grâce, dans un même esprit, tant aux Gentils qu’aux Juifs (Éphés. II, 17 et 18, et chap. III, 4 à 6.). Je prie qu’on lise attentivement ces endroits des Écritures, afin de bien se convaincre que l’essence de l’économie ou de la dispensation actuelle, c’est le salut en Christ, tant des Païens que des Juifs, et non pas leur rassemblement en Églises. Ainsi, tant qu’il y aura accès pour tous les peuples au trône de la grâce par le sang de Christ, et que tous seront appelés à faire un seul corps en lui ; je crois qu’il est de toute fausseté de dire, que « l’économie de la plénitude des temps a manqué[6]. » Quant à la réunion des fidèles en Églises, autour des ordonnances de la Parole, nous y attachons une haute importance. Elle est d’institution divine, elle à les plus heureux effets pour l’édification du corps de Christ (Éphes. IV, 11―15). Toutefois ce n’est pas là le fond de l’économie actuelle, c’est le règlement du culte de Dieu, sous cette économie. De ce qu’en beaucoup de lieux, cette ordonnance n’a pas été observée par le peuple de Dieu, ou a été altérée en plusieurs points, il ne s’ensuit pas que l’économie de la plénitude des temps ait manqué, et qu’elle soit abolie par la volonté de Dieu lui-même ; tellement que ceux qui veulent rassembler des Églises, puissent être accusés d’avoir la prétention de rétablir une économie tombée.

Non, il s’agit ici de tout autre chose. L’économie de la nouvelle alliance subsiste, Dieu ne l’a jamais déclarée abolie, comme il l’a fait à l’égard de l’ancienne alliance (Hébr. VII, 18 ; chap. VIII, 13 ; et chap. IX, 10). Seulement sous cette économie, les ordonnances sur la réunion extérieure des saints et de leur culte, sont, dans la plupart des lieux, méconnues ou altérées.

Qu’y a-t-il donc à faire ? Ce n’est pas de rétablir une économie qui n’est pas tombée, mais tout simplement de rassembler en Églises, selon les ordonnances de la Parole, les fidèles de chaque lieu. Est-ce là une témérité ? Est-ce aller contre les desseins du chef de l’Église ?

Du reste, quand l’auteur dit que « l’Église a apostasié, » il exagère grandement. Apostasie, signifie abandon de la religion chrétienne. Or il est bien connu qu’un grand nombre d’Églises, même nationales, professent encore une doctrine pure ; que la saine doctrine est non-seulement professée, mais reçue de cour dans un grand nombre d’Églises séparées de l’État, et de différentes dénominations, qui ont soin d’ôter du milieu d’elles le méchant quand il est manifesté. — Nous nions donc qu’il y ait eu apostasie générale.

Nous nions même la ruine totale des Églises constituées sur les bases fondamentales de la Parole, et nous doutons qu’en aucun temps, les véritables Églises aient été complètement effacées de dessus la terre. Quand on a lu les historiens ecclésiastiques, qui, animés de l’Esprit de Christ, ont cherché l’histoire de la véritable Église, on peut en suivre assez facilement la trace, de siècle en siècle. Déjà en l’an 250, par conséquent avant l’époque où l’Église fit, sous Constantin, sa malheureuse alliance avec l’État, c’est-à-dire avec le monde, les Novatiens s’étaient séparés de ce qu’on appelait l’Église générale, parce qu’ils trouvaient sa discipline trop relâchée. Ils formèrent des Églises très-nombreuses, qui durèrent plusieurs siècles. L’Église générale les traita de schismatiques, et même d’hérétiques : mais l’historien Milner, quoique membre de l’Église anglicane, leur rend la justice de reconnaître que leurs mœurs étaient pures, et qu’ils n’ont jamais altéré la saine doctrine, même dans le temps où ce qu’on appelle l’Église générale, était devenue en grande partie arienne. Chacun sait que dans le douzième siècle, un marchand de Lyon, nommé Pierre Valdo, converti lui-même d’une manière fort extraordinaire, fut dans la main de Dieu, l’auteur d’un puissant réveil, qui du midi de la France s’étendit en divers pays de l’Europe, où se formèrent des Églises, séparées de l’Église romaine[7]. Ces Églises furent persécutées à outrance par l’Église de Rome, qui ne put jamais les détruire entièrement. Elles donnèrent naissance aux Églises de Bohême et de Moravie, qui subsistaient à l’époque de la réformation, et subsistent encore à présent dans d’autres lieux, sous le nom d’Église des frères de l’Unité. Joignez à cela une partie des Églises nommées dissidentes, qui de puis la réformation, se sont formées en plusieurs lieux, et vous aurez en quelque sorte la preuve que jamais l’Église extérieure n’a été dans un état de ruine complète.

Quant à un déclin et à une déchéance plus ou moins générale, nous ne nions pas le fait ; mais quand il arrive une déchéance non par la volonté de Dieu, ordonnant qu’un ordre de choses cesse, mais par la volonté de l’homme qui cesse d’observer ce qui est ordonné de Dieu, qu’y a-t-il à faire ? Évidemment ce que l’Esprit-Saint prescrivait à l’Église d’Éphèse : Souviens-toi d’où tu es déchu et te répens, et fais les premières œuvres (Apoc. II, 5.). Les Églises sont déchues !… hé bien, ramenons-les, chacun selon son pouvoir, à l’institution primitive. — Quels succès Dieu nous accordera-t-il ? Jusqu’à quel point réussirons-nous ? Ce n’est pas à nous de le décider. Nous confier en lui, croire qu’il est avec nous jusqu’à la fin du siècle, être fidèles dans notre travail, espérer contre espérance ; c’est tout ce qui nous est ordonné. Le reste appartient au Seigneur.

Troisième réflexion. L’auteur paraît croire, quoiqu’il ne le dise pas expressément, que le rétablissement de l’Église, sur le pied primitif, suppose des moyens que nous n’avons plus, et surtout des Apôtres.

Il dit (page 15), que « il est bien loin de croire qu’il n’y ait pas eu d’Églises, lorsque Dieu avait envoyé ses Apôtres dans le but de les établir ; mais qu’il lui paraît que celui qui ne peut pas distinguer cet état de choses, de celui qui existe à présent, n’a pas un jugement très-clair dans les choses de Dieu, et qu’il faudrait prouver que ceux qui ont entrepris l’œuvre apostolique du rétablissement des Églises, sur le pied apostolique, et par là même du rétablissement de toute l’économie, ont compris la pensée de Dieu, et sont doués de la capacité de remplir la tâche qu’ils se sont imposée. » — L’auteur distingue encore (page 17), entre l’obéissance aux Apôtres et l’imitation des Apôtres. Il dit que « ceux qui veulent imiter les Apôtres, font comme si Néhémie en rebâtissant le temple, avait prétendu faire une arche de l’alliance, comme Moïse l’avait faite, et parce que Moïse l’avait faite ; ou rétablir la Schéchina (ou nuée miraculeuse) ou l’Urim et le Thummim : en un mot comme s’il avait voulu refaire ce que Moïse avait fait, et ce que le péché d’Israël avait défait. » — Enfin l’auteur nous dit (page 18) : « On me demandera : Voulez-vous que les bras nous tombent, et nous réduire à ne rien faire jusqu’à ce que nous ayons des Apôtres ? Nullement. Je doute seulement qu’il soit dans la volonté de Dieu que vous fassiez ce que les Apôtres ont fait. »

Que l’auteur nous permette de lui adresser les questions suivantes :

Dans quel endroit l’Écriture a-t-elle parlé ' d’Églises apostoliques, ou de l’œuvre apostolique de l’établissement des Églises ? On ne trouve pas plus dans la Parole la dénomination d’Églises apostoliques, qu’on n’y trouve celle d’Église catholique. On y voit tout simplement la dénomination d’Églises, d’Églises de Dieu, d’Églises des Saints, etc. etc.

Quand l’auteur distingue entre l’obéissance aux Apôtres et l’imitation des Apôtres, et qu’il donne à entendre que nous voulons les imiter ; que veut-il dire par-là ? — Entend-il que nous voulons comme eux, donner des lois aux Églises ? — Jamais nous n’eûmes cette prétention. — Entend-il que nous voulons comme eux, faire des miracles ou exercer un pouvoir surnaturel au milieu des Églises ? — Jamais cette pensée ne nous vint. — Nous voulons seulement obéir aux commandemens que le St. Esprit a donnés par le moyen des Apôtres, en nous séparant du monde, en ôtant le méchant du milieu de nous, en nous assemblant, en administrant la cène et le baptême, selon leur institution ; en suivant dans l’administration de l’Église et dans l’établissement des diverses charges, les règles que les Apôtres nous ont laissées. — L’auteur trouve-t-il qu’en cela nos prétentions s’élèvent trop haut ? Il est vrai qu’en obéissant ainsi aux Apôtres, nous les imitons ; car, comme ils ont suivi eux-mêmes les règles qu’ils ont données : en ce point, l’imitation et l’obéissance se confondent. — Plut à Dieu qu’en tout point d’obéissance, nous fussions imitateurs des Apôtres, comme ils l’étaient eux-mêmes de Christ ! Nous suivrions ainsi le précepte que l’Apôtre Paul donnait aux fidèles de l’Église de Corinthe, en leur disant : Soyez mes imitateurs, comme je le suis moi-même de Christ (1 Cor. XI, 1.).

Je demande à l’auteur s’il y a bien réfléchi, quand il a dit, qu’en voulant rétablir des Églises sur le pied primitif, nous faisons comme Néhémie, s’il avait voulu rétablir l’arche de l’alliance, la Schéchinah, l’Urim, le Thummim, etc.[8]. — D’abord est-il bien sûr que la comparaison entre l’absence des dons et pouvoirs miraculeux des Apôtres et celle de l’arche, de la Schéchinah, du Thummim, etc. soit exacte ? Notre arche, c’est Jésus-Christ, saisi par la foi. Notre Schéchinah et notre Urim, c’est l’Esprit de vérité qui doit demeurer éternellement avec nous, et nous conduire dans toute la vérité (Jean XIV, 16 et 17, et Jean XVI, 15). C’est cette onction du Saint, qui nous enseigne toutes choses, et qui est véritable et exempte de tout mensonge (1 Jean II, 27). C’est l’exécution continuelle de cette promesse, faite à tous les fidèles : Ils seront tous enseignés de Dieu (Jean VI, 45), et aucun d’eux n’enseignera plus son prochain ni son frère, en lui disant : Connais le Seigneur ; car tous me connaîtront, depuis le plus petit jusqu’au plus grand d’entre eux (Hébr. VIII, 11). Notre Schéchinah, notre Urim et notre Thummim, c’est cette Parole de Dieu, donnée pour tous les lieux et pour tous les temps ; qui est toute divinement inspirée, et qui est utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice ; afin que l’homme de Dieu soit accompli, et parfaitement propre pour toute bonne œuvre (2 Tim. III, 16 et 17). — Si les Apôtres eux-mêmes reparaissaient sur la terre, ils ne nous donneraient pas d’autres directions, que celles qu’ils nous ont données : car pour les règlemens de l’Église, tout comme pour la doctrine, ils en appelaient eux-mêmes à ce qu’ils avaient dit et ordonné précédemment (Gal. I, 7, 8 et 9 ; 1 Cor. IV, 17 ; 1 Cor. XI, 2 et 23 ; 1 Cor. XVI, 1 et 2 ; 1 Thess. IV, 2 ; 2 Thess. II, 15). — J’estime donc qu’ayant la parole des Apôtres et l’Esprit de Dieu pour la comprendre, et de plus Jésus-Christ demeurant avec nous jusqu’à la fin des siècles, nous ne sommes ni sans arche, ni sans Schéchinah, ni sans Urim, etc. ; car nous avons ce que ces choses représentaient.

Au surplus, quand on voudrait établir un parallèle entre les dispensations miraculeuses qui accompagnèrent le premier temple, et les pouvoirs miraculeux qui ont cessés avec les Apôtres ; qu’en pourrait-on conclure contre nous ? — Que nous voulons ramener ce qui n’est pas en notre pouvoir ? — Je le répète, nous n’y avons jamais pensé. — Que ne pouvant pas le ramener, nous ne pouvons pas donner le nom d’Églises à ce que nous bâtissons ? — Et pourquoi pas ? Néhémie appela bien temple, cette maison où il n’y avait plus l’arche, la Schéchinah, etc. etc. Et même Aggée prédit que la gloire de cette seconde maison sera plus grande que celle de la première (Agg. II, 9) ; parce que Jésus-Christ, la véritable arche de Dieu, la véritable Schéchinah, le véritable Urim, l’honorerait de sa présence.

Oui, les Églises établies longtemps après les Apôtres et selon leurs ordonnances, ont autant de droit à s’appeler des Églises de Dieu, que le nouveau temple, bâti sous Néhémie, en avait à s’appeler le temple ; autant que Jérusalem, rebâtie du temps de Néhémie, avait le droit de s’appeler la ville du grand Roi (Matth. V, 35). La dispersion du peuple de Dieu n’a pas plus fait cesser l’économie nouvelle, que la captivité de Babylone, n’avait fait cesser l’économie ancienne : et en rétablissant des Églises, nous n’avons pas plus la prétention de rétablir une économie manquée, que Néhémie ne l’eût, en profitant d’une heureuse dispensation de Dieu, pour rassembler le peuple Juif, autour d’ordonnances qui n’avaient jamais été abolies.

Je demanderai encore à l’auteur, où il a vu dans la Parole, qu’il faut qu’une Église ait été rassemblée et établie par les Apôtres, pour mériter le titre d’Église de Dieu ? Non-seulement je ne vois cela ni dans la lettre ni dans l’esprit de la Parole, mais j’y vois deux choses qui m’y semblent contraires. Car premièrement, il me paraît évident que l’Église d’Antioche ne dut nullement sa fondation à un Apôtre, mais à des fidèles qui avaient été dispersés par la persécution, arrivée à l’occasion d’Étienne (Actes XI, 19―26). Secondement, j’y vois que le Seigneur lui-même a défini l’Église par ces mots : deux ou trois personnes assemblées en mon nom. On s’en convaincra, si on lit attentivement Matth. XVIII, 15 à 20. On verra que cette Église dont les décisions sont si respectables, qu’on doit traiter comme païen et péager celui qui ne l’écoute pas ; cette Église dont Jésus-Christ promet que les décisions seront confirmées dans le ciel ; cette Église à laquelle il promet sa présence : ce sont deux ou trois personnes assemblées en son nom. — Or si quelques fidèles s’assemblent dans la foi au nom du Seigneur Jésus, autour de ses ordonnances, et sous la direction de son Esprit ; ose-t-on dire qu’ils ne sont pas assemblés au nom de Jésus, et qu’ils ne sont pas une Église ? — Prenons garde d’ôter à une chose le nom que le Seigneur lui-même lui a donné.

Enfin, si les Apôtres sont nécessaires à la constitution des Églises, pourquoi Dieu ne les a-t-il pas continués sur la terre. On nous répond : « C’est à cause du péché de l’homme ; c’est parce que les Églises ont contristé le St. Esprit. » — Mais où est-ce que cela est dit dans la Parole ? Je vous défie de me citer à cet égard, je ne dis pas seulement une déclaration positive, je ne dis pas même une phrase équivalente à une déclaration ; mais je dis la plus petite insinuation d’une pareille pensée, que c’est à cause que l’Église contristera le St. Esprit, qu’il n’y aura plus d’Apôtres. — Vraiment, je ne crois pas m’exprimer trop fortement, en disant que ce système est une pure invention de l’esprit humain.

Hélas ! il n’est que trop vrai que dès le commencement, comme de nos jours, les fidèles ont souvent contristé le St. Esprit ; que dès le commencement et du temps même des Apôtres, il y avait dans les Églises des désordres et des divisions, que ces hommes de Dieu ne purent empêcher, malgré toute l’autorité dont ils étaient revêtus. Si les Apôtres eussent été le remède à ces maux ; Dieu, loin de les supprimer à cause du mal, aurait dû au contraire les continuer à l’Église, à proportion du be soin qu’elle en avait ; comme autrefois quand son peuple vivait dans le désordre et dans l’idolâtrie, il envoyait des prophètes pour le menacer, le reprendre et le sommer de revenir à lui.

Au surplus, si certaines Églises avaient contristé le St. Esprit, à un certain degré, toutes n’étaient pas dans le même cas : témoin l’honorable exception, faite par l’Esprit Saint dans l’Apocalypse, en faveur de deux des Églises auxquelles il écrit. — De plus, qui oserait dire que toutes ces Églises qui, pendant les trois premiers siècles, soutinrent le feu de dix persécutions ; que ces Églises qui jusqu’alors conservèrent la pureté de la foi, et chez un grand nombre de leurs membres la sainteté de la vie ; que ces Églises qui fournirent tant de milliers de nobles confesseurs de Christ, lesquels n’ont point aimé leur vie, et ont vaincu par le sang de l’Agneau et par la Parole à laquelle ils rendaient témoignage ; qui oserait dire que ces Églises avaient contristé le St. Esprit, au point qu’à cause de ce péché, Dieu leur retira le don d’une administration exercée par des hommes revêtus de pouvoirs extraordinaires ? Intenter aux primitives Églises une pareille accusation, sans en fournir la preuve ; me parait plus que téméraire.

N’est-il pas bien plus naturel de penser que Dieu n’a jamais eu l’intention de continuer les Apôtres et les pouvoirs apostoliques, au-delà des temps où ils ont été nécessaires, pour établir la doctrine et donner les règles pour le gouvernement des Églises, et pour poser les premiers fondemens de cette œuvre ? N’est-il pas naturel de croire qu’ensuite, les Églises devaient marcher sous la direction de leurs écrits et du Chef de l’Église lui-même, qui, représenté au milieu des siens par le St. Esprit, doit demeurer avec eux jusqu’à la fin du siècle ? C’est là ce que le St. Esprit nous donne à entendre d’une manière assez claire, à ce qu’il nous semble, lorsqu’il dit aux fidèles par la bouche de l’Apôtre Paul, qu’ils sont un édifice bâti sur le fondement des Apôtres et des Prophètes, Jésus-Christ lui-même étant la pierre de l’angle (Éphes. II, 20). — Il me parait évident que les Apôtres sont ici placés au fondement de l’édifice, en sorte qu’une fois ce fondement posé, nous n’avons plus qu’à bâtir dessus, en prenant Christ pour notre pierre angulaire. — On dira peut-être qu’il s’agit ici de l’Église, considérée dans l’ensemble des élus, et non dans quelques portions de ces élus, réunis en société. Mais remarquons qu’il est parlé dans le verset suivant d’un édifice, lié dans toutes ses parties ; et qu’au chapitre quatre de la même épître, verset onze à seize, l’Apôtre nous représente les charges de l’Église et son administration, comme un moyen d’opérer cette liaison de toutes les parties du corps de Christ ; en sorte que nous ne croyons pas pouvoir dans le chapitre deux, séparer l’idée de l’Église société, de celle de l’Église, assemblée générale du corps de ceux qui appartiennent à Christ. D’ailleurs, si d’après ce passage, les Apôtres, donnés une fois pour toutes, ont suffi quant à la foi des fidèles, pour lui servir de fondement ; pourquoi n’en serait-il pas de même quant aux règles pour le gouvernement de l’Église ? Si vous admettez comme vraiment converti, un homme, qui l’est par la parole des Apôtres, et non par les Apôtres eux-mêmes ; pourquoi n’admettez-vous pas aussi, comme étant une véritable Église, un corps de fidèles, rassemblés par la parole des Apôtres ?

Je ne crois pas devoir terminer cette troisième réflexion générale, sans répondre à ce que dit l’auteur à la page 15, « qu’il ne croit pas que nous ayons le droit d’imposer à sa foi, comme Églises de Dieu, les petits édifices que nous avons élevés. » — Jamais nous n’eûmes la prétention d’imposer à la foi de personne, l’obligation de nous reconnaître comme Églises de Dieu. C’est ici une chose où il y a toute liberté, et qui dépend du degré de lumière qu’on a reçu. Si quelqu’un se faisant de fausses idées de l’Église, et voulant la chercher là où se trouve le grand nombre ; ou ne voulant la reconnaître que là où il y aura des pouvoirs miraculeux pour la constituer ; refuse de la voir là où deux ou trois sont assemblés au nom du Seigneur ; nous le plaindrons d’avoir une vue fausse, nous chercherons peut-être à l’éclairer ; mais nous ne chercherons nullement à imposer à sa foi, des petits édifices que Dieu a élevés par notre moyen. Si même il a l’air de mépriser notre œuvre, et de la regarder avec dédain, à cause de sa petitesse ; nous nous réfugierons vers Celui qui n’a point égard à l’apparence, qui ne dédaigne personne, et qui a dit : Ne crains rien, petit troupeau ; car il a plu à votre Père de vous donner le royaume (Luc XII, 32). Certainement quand notre Maître viendra, il ne nous en voudra pas pour avoir cru que nous devions observer toutes ses ordonnances jusqu’à son retour (1 Cor. XI, 27) ; que selon sa promesse il ne nous avait point délaissés (Jean XIV, 18) ; et que nous pouvions encore, en nous séparant du monde, en nous serrant contre lui et autour de sa Parole, nous dire ses Églises, et chercher à être la lumière du monde, la ville située sur lu montagne, lu colonne ci l’appui de la vérité.

Quatrième réflexion. — Il nous reste maintenant à examiner les passages sur lesquels l’auteur prétend fonder son système de « l’apostasie de l’Église et d’une économie déchue et retranchée, et que Dieu ne veut pas qu’on rétablisse. »

Le passage sur lequel l’auteur parait s’appuyer le plus fortement, est celui contenu au chapitre onze des Romains, verset vingt-deux. Il y revient plusieurs fois, comme à un argument victorieux. Pages 14 et 15, il dit : « L’idée que l’économie de l’Église ne peut pas déchoir est traitée, Rom. XI, comme une fatale présomption qui conduit les Gentils à leur ruine. Le Saint Esprit condamne ceux qui ont cette idée comme sages à leurs propres yeux, et il nous enseigne au contraire que Dieu agirait envers la présente économie exactement comme envers celle qui l’a précédée ; que si elle persévère dans la bonté de Dieu, cette bonté continuera à son égard, sinon l’économie sera retranchée. La Parole nous révèle ainsi le retranchement et non le rétablissement de l’économie, si elle ne persévérait pas. Et, former de nouveau l’Église et des Églises sur le pied où elles se trouvaient au commencement, c’est reconnaître la chûte, sans se soumettre au témoignage de Dieu sur ses propres pensées, quant à cet état de chûte. C’est agir selon ses propres pensées et se fier à ses propres forces pour réaliser ses pensées. Et quel en a été le résultat ?

» Ce qui est en question, ce n’est pas de savoir s’il existait de pareilles Églises à l’époque où la Parole a été écrite ; mais si, après que, par l’iniquité de l’homme, elles ont cessé d’exister, et que les fidèles ont été dispersés (et ce sont là des faits reconnus), ceux qui ont entrepris l’œuvre apostolique de leur rétablissement sur le pied primitif et par là même du rétablissement de toute l’économie, ont compris la pensée de Dieu, et sont doués de la capacité de remplir la tâche qu’ils se sont imposée : questions fort distinctes. »

Page 16, l’auteur dit encore : « La vérité est que les Écritures, même celles qui ont déjà été citées, démontrent que l’état de l’économie, à sa clôture, sera entièrement opposé à celui du commencement (voir le traité sur l’apostasie). Et le passage cité de l’épître aux Romains (XI, 22) est positif sur ce point, que Dieu retrancherait l’économie au lieu de la rétablir, si elle ne persévérait pas dans la bonté de Dieu. »

À la page 27, l’auteur répète encore en abrégé la même chose.

Examinons donc ce passage que l’auteur trouve si décisif. Afin d’en mieux faire sentir le sens, nous allons le transcrire ici, en l’accompagnant des versets qui le précédent et de ceux qui le suivent. Nous citerons, en nous servant de la version imprimée à Lausanne en 1839, à laquelle on reconnaît généralement le mérite d’être littérale :

Or, si les prémices sont saintes, la masse l’est aussi ; et si la racine est sainte, les branches le sont aussi. Que si quelques-unes des branches furent retranchées, et si toi, qui étais un olivier sauvage, tu fus enté en elles, et devins participant de la racine et de la graisse de l’olivier, ne te glorifie pas contre les branches. Que si tu te glorifies contre elles, ce n’est pas toi qui portes la racine, mais c’est la racine qui te porte. Diras-tu donc : Les branches furent retranchées, afin que je fusse enté ? Bien : elles furent retranchées par l’incrédulité ; et toi, tu es debout par la foi : ne t’énorgueillis pas, mais crains. Car si Dieu n’épargna pas les branches naturelles, crains qu’il ne t’épargne pas non plus.

Considère donc la bonté et la sévérité de Dieu : sévérité envers ceux qui tombèrent, bonté envers toi, si tu demeures en cette bonté ; autrement, toi aussi, tu seras coupé.

Et eux aussi, à moins qu’ils ne demeurent dans l’incrédulité, ils seront entés ; car Dieu est puissant pour enter de nouveau. Car, si tu fus coupé de l’olivier franc, combien plus ceux-ci, qui sont les branches naturelles, seront-ils entés sur leur propre olivier !

Maintenant, nous demandons à tout lecteur attentif et de bonne foi, de nous dire s’il trouve que dans ce passage, il soit parlé de la chûte et du retranchement de l’économie entière, ou de l’apostasie de l’Église. Quant à nous, nous ne savons y voir rien de semblable. Ce que nous y voyons, c’est que l’Apôtre, afin de tenir dans l’humilité les Gentils qui avaient été entés sur l’arbre du peuple de Dieu, à la place des branches juives incrédules, lesquelles avaient été retranchées, fait considérer aux Gentils que ce n’est que par la foi qu’ils ont obtenu ce privilége, et que s’ils ne persévèrent pas dans la foi, ils le perdront. Il leur fait considérer que si Dieu n’a pas épargné les branches naturelles, qui étaient les Juifs, à plus forte raison n’épargnera-t-il pas les Gentils qui de leur nature étaient un olivier sauvage, s’ils viennent à tomber dans l’incrédulité. Il leur déclare que s’ils ne demeurent pas dans la bonté de Dieu, c’est-à-dire, s’ils ne persévèrent pas dans la grâce ou s’ils en abusent, ils seront aussi coupés.

Dans tout cela, je vois bien une menace, faite aux Gentils, dans le cas où au lieu de porter des fruits, ils s’énorgueilliraient d’avoir succédé aux branches incrédules du peuple juif, et tomberaient dans l’incrédulité, ou dans un criminel abus de la bonté de Dieu. Mais quant à voir ici une prédiction et sur tout une prédiction d’une apostasie en masse et d’un retranchement de toute l’économie ; en vérité je ne le saurais.

Ajoutons ici une remarque importante, c’est que s’il eût été question du retranchement de toute l’économie actuelle et de l’apostasie de toute l’Église ; l’Apôtre n’aurait pas dit seulement que les Gentils seraient coupés, mais que les Juifs et les Gentils, qui composaient ensemble l’Église, seraient coupés. Tan dis que nous voyons qu’il s’adresse uniquement aux Gentils. Il dit au verset treize : C’est à vous, Gentils, que je parle. — Quand Dieu aurait coupé en masse les Gentils convertis, il serait encore resté pour former l’Église, cette multitude de Juifs, qui se, joignit au Seigneur, à Jérusalem et en divers lieux.

La chute et le retranchement total de l’économie actuelle, sont si peu prédits au verset vingt-deux, que dans les versets suivants, l’Apôtre annonce que lorsque la plénitude des nations sera entrée, les Juifs, eux-mêmes se convertissant, seront de nouveau entés par la foi, sur l’arbre du peuple de Dieu ; et qu’ainsi l’économie de la réunion des Juifs et des Gentils, formant un seul peuple en Christ, subsistera. — Qu’il puisse y avoir dans cette économie différentes phases, comme il y en a eu dans l’économie lévitique, et même des phases très-différentes ; c’est ce qui est très-probable d’après la Parole. Mais après tout, c’est toujours la même économie de la plénitude des temps, qui subsiste ; c’est toujours les Juifs et les Gentils, formant un seul corps en Christ par la foi, et étant le peuple de Dieu sous la nouvelle, alliance.

Je demande encore à quelle époque l’Église entière a apostasié ? à quelle époque Dieu a retranché d’une manière visible, toute l’économie actuelle ? L’auteur ne nous l’a pas dit, et pourtant il aurait été bon de nous le faire connaître à nous, pour qui ce système est tout nouveau, et qui avons besoin qu’on nous apprenne tout. Quant à nous, qui trouvons de siècle en siècle, non-seulement une suite de témoins fidèles de la vérité, répandus au milieu des Églises dégénérées, mais encore des chrétiens qui, réunis en Églises constituées selon la Parole, protestaient contre le relâchement et les désordres des Églises générales ; nous ne savons voir dans aucun temps une apostasie de toute la chrétienté. De nos jours, moins encore qu’auparavant, nous ne saurions consentir à l’admettre, et à dire qu’à cause des branches incrédules, tant de fidèles vraiment vivants de la vie de Christ, et tant d’Églises séparées du monde et renfermant des milliers de croyans qui vivent sous le joug des ordonnances du Seigneur, sont coupés et retranchés, portant ainsi la peine du péché des autres. — Sous l’économie actuelle et d’après le chapitre dont nous nous occupons, Dieu retranche ce qui est incrédule, et il laisse subsister ce qui est croyant.

Quoique l’auteur ne l’ait pas dit expressément, il nous semble qu’on peut légitimement conclure de ce qu’il a dit ailleurs, que l’Église a commencé d’apostasier du temps des Apôtres, et que depuis leur mort elle a cessé d’exister. Je puis du moins affirmer que c’est ce que m’a dit en conversation un frère qui, le premier, a apporté ce système dans notre pays. Comme je lui objectai que si ce qu’il me disait était vrai, il s’ensuivrait qu’il n’y aurait plus eu d’Églises depuis le temps des Apôtres, il me répondit : « C’est là mon opinion bien prononcée. » — En conséquence, comme l’économie lévitique n’a été définitivement retranchée de la main de Dieu, que quarante ans après la mort de notre Seigneur, et que le dernier des Apôtres est mort environ vingt ans après ; il se trouverait que l’économie actuelle n’a remplacé la précédente, que pendant cet espace de temps ; et que depuis environ 1800 ans, elle attend l’économie qui doit la remplacer. Voilà donc le peuple de Dieu, qui est depuis 1800 ans en dehors de toute économie et dans un état d’attente, où il est forcé de dire aux incrédules : L’économie juive a cessé, l’économie de l’Église a manqué, il est impossible de la rétablir ; et nous sommes maintenant en dehors de toute dispensation régulière de Dieu. — Ne serait-ce pas avec quelque raison que cette conduite qu’on fait tenir à Dieu, dans le gouvernement de son peuple, paraîtrait en désaccord avec sa sagesse et ses dispensations précédentes, à ceux qui croient qu’en général il est prudent avant d’abolir une chose, d’en établir une autre, et qui voient que c’est ainsi que Dieu en a agi, lorsqu’il a laissé son Église s’établir et s’affermir pendant quarante ans, avant de renverser le culte lévitique ?

De plus, l’idée d’une apostasie de l’Église et d’un retranchement de toute l’économie, après la mort des Apôtres, me paraît tout-à-fait contraire aux promesses que l’Esprit Saint fit à deux Églises d’Asie, par la bouche de l’Apôtre Jean, dans un temps assez rapproché de celui de la mort de ce dernier des Apôtres (Voyez Apoc. II, 8–11 et chap. III, 7–11). Remarquez surtout, ce que nous ne craignons pas de répéter pour la seconde fois, qu’il promet à l’Église de Philadelphie de la garder de l’heure de la tentation, qui doit venir sur tout le monde. — Dans le système de l’auteur, l’Esprit Saint aurait dû au contraire prédire à toutes les Églises que l’apostasie allait devenir générale, et que toute l’économie serait retranchée.

Un autre passage, cité par l’auteur pour soutenir son système, est celui contenu au chapitre trois de la deuxième à Timothée. Il dit à la page 14 : « Mais que dit la Parole ? Que l’apostasie doit arriver avant le jugement ; que dans les derniers jours des temps fâcheux surviendront ; qu’il y aura la forme de la piété, mais que la force en sera ôtée. Elle ajoute : détournez-vous de telles gens. »

À la page 27, il fait reparaître encore la même portion des Écritures, en disant : « Le chap. III de la » seconde épître à Timothée nous enseigne la même chose, c’est-à-dire, la chûte de l’économie et non son rétablissement, et que, dans les derniers a jours des temps fâcheux surviendraient ; que les hommes seraient amateurs d’eux-mêmes (et le Saint Esprit ajoute : détournez-vous de telles gens) ; que les hommes méchants et séducteurs iraient toujours en empirant, séduisant et étant séduits. »

Il me semble qu’il faut être bien prévenu en faveur d’un système, pourvoir ici la prédiction d’une apostasie générale, et d’un retranchement de toute l’économie. Pour moi j’y vois tout simplement, comme le dit l’Apôtre, au verset premier de ce chapitre, la prédiction de temps fâcheux ou difficiles. Pourquoi ajouter à l’Écriture, et parler d’apostasie générale, lorsqu’il n’est parlé que de temps fâcheux ?

Cela est d’autant moins à propos, que cette même portion des Écritures nous annonce que dans ces temps fâcheux, où les hommes méchans et imposteurs iront en empirant, il y aura des gens qui voudront vivre selon la piété qui est en Jésus-Christ, et qui seront persécutés (verset 12) : sans doute parce qu’ils suivront l’exhortation de l’Apôtre, qui prescrit à Timothée de se détourner des gens qui ont l’apparence de la piété, mais qui en ont renié la force. Pour moi, je ne saurais voir autre chose dans ces chers amis du Seigneur, qui vivront dans la piété en Jésus-Christ, et qui s’éloigneront des faux chrétiens, que des Églises ou tout au moins des chrétiens fidèles, qui seront comme ils l’ont presque toujours été, sous le feu de la persécution. — Or ce n’est pas là une apostasie générale.

Un troisième passage, cité par l’auteur, c’est celui qui est contenu dans le chapitre deux de la seconde épître aux Thessaloniciens. Voici ce que l’auteur nous en dit à la page 27 : « Le chapitre deux de la seconde épître aux Thessaloniciens nous déclare que le mystère d’iniquité était déjà en train, et que lorsqu’un obstacle, qui existait alors, serait ôté, le méchant serait révélé ; que le Seigneur le consumera du souffle de sa bouche et l’anéantira à son illustre avènement. Ainsi le mal, qui avait commencé du temps des Apôtres, devait continuer, mûrir, être manifesté, et consumé par l’avènement du Seigneur. »

Ce chapitre prédit évidemment la venue de l’antéchrist et sa destruction par l’illustre avènement du Seigneur. Mais à supposer même que l’apostasie qui aura lieu alors, dût être générale, et que le Seigneur dût par son avènement abolir l’économie actuelle, pour en établir une autre ; comme il est évident que l’antéchrist n’a pas encore paru, et que l’avènement du Seigneur n’a pas encore eu lieu ; par là même il serait prouvé que la grande apostasie ne s’est pas encore pleinement déclarée, et que l’économie actuelle n’a pas encore été fermée.

De plus, si l’on admet avec beaucoup d’interprêtes, que le chapitre treize de l’Apocalypse parle aussi de l’antéchrist, il est évident par cette portion des Écritures, qu’au milieu de la révolte générale, ceux dont les noms ont été écrits dès la fondation du monde, dans le livre de vie, n’adoreront pas la bête et son image (Apoc. XIII, 8) ; ce qui est confirmé par Apoc. XX, 4, et par le chapitre même des Thessaloniciens, dont nous nous occupons, dans lequel il semble que ceux que les séductions de l’antéchrist porteront à l’iniquité, ne sont pas la masse entière, mais seulement ceux qui n’ont pas reçu l’amour de la vérité pour être sauvés. (Lisez attentivement 2 Thess. II, depuis le verset 8 jusqu’à la fin du chapitre).

L’auteur cite encore à l’appui de son système, la parabole de l’ivraie (Matth. XIII), et voici ce qu’il en dit pages 26 et 27 : « La parabole de l’ivraie et du champ est un jugement du Seigneur sur ce point, que le mal opéré par Satan dans le champ où la bonne semence avait été répandue, ne serait pas détruit, mais qu’il continuerait jusqu’à la moisson. Qu’on se souvienne qu’il n’est pas ici du tout question de la discipline parmi les enfans de Dieu, mais du remède à porter au mal, fait par Satan à l’économie elle-même, pendant que les hommes dormaient, et du rétablissement de l’économie sur son ancien pied. Cette question est résolue nettement et avec autorité par le Seigneur d’une manière négative ; car il est dit que, pendant la durée de l’économie, il ne sera pas porté remède au mal ; que la moisson, c’est-à-dire, le jugement, l’extirperait et que jusqu’alors le mal continuerait. Souvenons-nous ici que notre séparation du mal et notre jouissance de la présence de Christ avec deux ou trois est tout autre chose que la prétention de rétablir l’économie, maintenant que le mal l’a envahie. L’une de ces choses est en même temps un devoir et un privilége ; l’autre, c’est de l’orgueil et du mépris des instructions de la Parole. »

Nous nous trouvons dans l’embarras pour prouver à l’auteur qu’il tire de ce passage des conclusions tout-à-fait fausses. Lorsque quelqu’un fait dire à un passage ce dont il ne paraît pas dire un mot ; on est presque tenté de s’en tenir avec lui à une dénégation, et de se contenter pour toute réfutation de présenter le passage, tel que l’Esprit Saint nous l’a donné, en disant aux lecteurs : Jugez s’il y a dans cette portion des Écritures, ce que l’auteur y a vu ? Nous prions donc ceux qui aiment la vérité, de relire cette parabole et de voir s’il y est question d’une économie manquée, que Dieu défend de rétablir. — Quant à nous, dans notre simplicité, nous ne savons y voir autre chose, avec beaucoup de chrétiens et de théologiens anciens et modernes, sinon que le Seigneur prédit que partout où il sèmera et que partout où il fera semer le bon grain, l’ennemi viendra aussi semer l’ivraie ; qu’il en sera ainsi jusqu’à la fin ; qu’il n’est pas permis aux hommes d’exercer eux-mêmes le jugement contre l’ivraie en l’arrachant, et que cela doit être laissé au jugement du dernier jour. — Du reste, est-il dit dans aucune partie de celle parabole que le mal ira toujours croissant, au point que l’ivraie étouffera tout-à-fait le bon grain ? C’est pourtant ce qui devrait avoir été prédit, si l’apostasie devait devenir générale ; si l’économie devait être retranchée. — En vérité, si la parabole de l’ivraie, dit tout ce que l’auteur lui fait dire, nous conviendrons naïvement que nous sommes de ceux dont il dit (page 15) « qu’ils n’ont pas un jugement très clair dans les choses de Dieu, » car tout cela nous est entièrement caché.

Nous ne nous arrêterons pas sur le passage de Jude (vers. 4 et 14), et sur le parti que l’auteur en tire à la page 28 ; parce que cet article nous a paru en partie obscur, et en partie se réfutant lui-même. Car de ce que le mal qui s’est glissé dans l’Église, doit être l’objet d’un jugement, à la venue du Seigneur ; s’ensuit-il qu’il doive devenir général, s’en suit-il surtout, que l’apostasie générale ait déjà eu lieu, et que l’économie actuelle soit déjà retranchée ? — L’auteur nous paraît avoir oublié qu’en bonne logique, la conclusion doit être renfermée dans les prémisses, et ne pas les dépasser ; c’est-à dire en termes plus simples, qu’il ne faut pas conclure d’un principe au-delà de ce qu’il prouve.

Je ne m’arrête pas non plus sur un passage de l’Apocalypse, que l’auteur cite page 28, parce que nous entrerions dans une partie des prophéties fort difficile, et sur l’interprétation de laquelle les plus habiles ne sont pas d’accord. Or ce n’est pas sur de pareilles portions des Écritures qu’on doit fonder un système qui intéresse tous les fidèles, et qui doit être mis à la portée de tous.

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Arrivés à cette partie de notre réfutation, nous aurions pu, à la rigueur, nous dispenser d’aller plus loin. Si, comme nous le pensons, nous avons solidement prouvé que l’auteur n’a été en droit, ni de dire que l’Église avait apostasié, et que l’économie de l’Église avait manqué ; ni de nous demander nos titres et nos pouvoirs pour le prétendu rétablissement de cette économie ; toutes les conséquences que l’auteur tire dans ses dernières pages, des principes dont nous croyons avoir démontré la fausseté, tombent avec les principes même dont on les a fait découler. — Toutefois, comme dans ces dernières pages il se trouve quelques nouvelles erreurs de détail, qui n’avaient pas encore paru dans le corps de l’ouvrage, nous croyons devoir consacrer un certain temps à l’examen de cette dernière partie de la brochure.

  1. Il serait à désirer qu’en général parmi les chrétiens on donnât une plus sérieuse attention au principe que l’Apôtre Paul pose dans sa seconde épître aux Corinthiens, chap. X, 13-16, et qu’il s’était prescrit à lui-même ; principe d’après lequel il prenait garde de ne pas entrer dans le travail d’autrui, et de ne pas se glorifier de ce qui avait déjà été fait dans le partage des autres. Il contrastait en cela avec ces docteurs qui ne se faisaient aucun scrupule de se lancer au milieu des Églises formées par les Apôtres, de décrier leur œuvre, et souvent d’y semer le trouble et la division. Si chacun prenait bien garde, selon l’expression de l’Apôtre, à la mesure du partage qui lui a été assigné, il éviterait de troubler une œuvre que Dieu dans ses profondes vues a faite par d’autres instrumens. Il irait travailler en d’autres lieux, où le champ n’est pas encore pourvu d’ouvriers, et ainsi on satisferait mieux ce qu’exige la justice, on risquerait moins de blesser le cœur de ses frères, et le règne de Dieu s’étendrait plus au loin.
  2. En parlant des schismatiques, c’est à dire de ceux qui se séparent de la véritable église, ou qui font des divisions dans l’Église, car c’est ce que signifie le mot schisme, qui veut dire coupure, l’auteur paraît faire allusion au passage de Tite, chap III, versets 10 et 11, où il est parlé de l’hérétique, c’est à dire de celui qui a de fausses doctrines, et où il est dit, qu’il pèche, étant condamné par lui-même. Quant à nous, nous ne nous permettrions pas de confondre le schismatique avec l’hérétique ; et de plus, nous n’appellerions schismatique, qu’un homme qui après avoir vraiment connu l’Église de Dieu, chercherait à la diviser, ou s’en séparerait pour en former une autre à côté.
  3. C’est un fait bien avéré, que plusieurs de ceux qui ont été partisans de Lardon, de Meillier et d’Irving, ne savent plus où ils en sont, et doutent de leur conversion ; que plusieurs même sont retournés au monde, et que des personnes qui avaient cru être entièrement délivrées du péché, ont été ensuite singulièrement déçues, et ont fait la triste expérience que jusqu’à la fin, il reste en nous, à côté du nouvel homme, un vieux cœur, qui est rusé et désespérément méchant. Elles ont appris, que jusqu’à la fin, il est nécessaire d’écouter cette exhortation que Jésus adressait à ses disciples : Veillez et priez, car l’esprit est prompt, mais la chair est faible.
  4. Nous prions qu’on ne conclue pas de ce que nous disons ici, que nous soyons opposés à l’idée d’une confédération volontaire d’un certain nombre d’Églises. Nous la croirions même fort utile, pourvu que le lien commun fût tel, qu’il ne gênât pas la liberté d’action de l’Esprit de Dieu, dans chaque Église particulière. Comme les fidèles peuvent se soumettre les uns aux autres, dans la crainte de Dieu, sans contrarier l’action de l’Esprit, nous pensons qu’il en est de même des Églises.
  5. C’est la traduction littérale.
  6. Cette expression « qu’une économie de Dieu a manqué, » est fâcheuse. L’Écriture dit bien de l’ancien peuple, qu’il a été infidèle à l’alliance de Dieu (Ps. LXXVIII, 37.), qu’il n’a pas persévéré dans son alliance (Héb. VIII, 9). Mais elle ne dit jamais que l’économie lévitique a manqué. Dieu avait prévu d’avance les infidélités de son peuple. Il savait bien que la loi n’amènerait rien à la perfection (Hébr. VII, 19) ; et toutefois, en donnant l’alliance de la loi, il n’a point manqué son but, qui était de convaincre l’homme de péché et d’impuissance, et de le conduire ainsi à Christ (Voyez Rom. VII, 7―13, et Gal. III, 21―24.).
  7. Voici comment Milner s’exprime en parlant des chrétiens qui, au douzième siècle, se séparèrent de l’Église générale, et furent connus sous le nom de Ca-Shari, c’est-à-dire de puritains, ou sous le nom de Vaudois ou Pauvres de Lyon :

    « Telle était donc la prévoyance de la Grâce divine : elle arrachait à l’idolâtrie d’un monde chrétien de nom seulement, un peuple formé par lui, qui, célébrant ses louanges, édifiait le monde par la lumière d’une piété et d’une humiliation sincères ; un peuple tout-à-fait distinct de ses voisins par son esprit, ses manières et sa discipline sévère ; rude, il est vrai, et sans culture, et non seulement mal vu, mais condamné même par le petit nombre de gens de bien, dévoués à l’Église romaine : condamné, parce qu’il fut sans-cesse méconnu. Existe-t-il une preuve plus frappante de la vérité de la Parole divine, que dans les siècles les plus pervers, l’Église se maintiendra, et que les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle ?

    » Où était à l’époque dont il s’agit, » dit le même auteur, « l’Église de Christ, et dans quel état se trouvait-elle ? On n’aurait pas pu la trouver dans ce qu’on peut appeler les religions nationales. […]

    » Dans l’occident, les Cathari avaient aussi formé entr’eux des sociétés religieuses. Ces sociétés prirent un développement considérable et adoptèrent un nouveau nom, sous lequel ils étaient mieux connus et honorés, à la fin de ce siècle ; aussi méritèrent-ils par-là le courroux injuste des puissances ecclésiastiques et politiques de cette époque. Le récit des persécutions auxquelles ils furent exposés, sera l’objet de notre attention, quand nous serons arrivés à parler de l’histoire de l’Église au siècle suivant. C’est ainsi que l’Église de Christ avait dans l’occident une existence réelle, et était comme une lampe qui éclairait dans un lieu obscur ? […]

    » Qu’on se rappelle l’histoire des Cathari dans les mémoires de Bernard, et l’on verra, en la rattachant aux faits qui nous occupent, que la prophétie du Christ au sujet de son Église s’accomplit au milieu même des temps de ténèbres que nous passons en revue : « Les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle. »

    (Milner, pages 379, 410 et 411 du tome III.)
  8. On appelle ordinairement Schéchinah ou Schékinah une présence sensible de Dieu, qui, selon les rabbins, résidait sous la forme de nuée sur les Chérubins qui étaient adhérents au propitiatoire ou couvercle de l’arche. Les rabbins disent qu’elle résida d’abord dans le tabernacle dressé par Moïse dans le désert ; qu’elle passa de là dans le sanctuaire du temple de Salomon, qu’elle y subsista jusqu’à la ruine de Jérusalem et du temple par les Chaldéens, et qu’elle n’y fut jamais rétablie depuis. Ceux qui voudront savoir ce qu’il y a de vrai dans tout cela, selon la Bible, n’auront qu’à consulter les chapitres suivants : Exod. XXIV, 16 et XL, 34 ; Lévit. IX, 23 ; Nomb. XVI, 42 ; 1 Rois VIII, 11 ; 2 Chron. VII, 1―3 ; Ézéch. X en entier.

    Urim et Thummim sont deux mots hébreux qui signifient à la lettre : les lumières et la perfection, ou selon St. Jérôme : la doctrine et le jugement, ou selon les septante : la déclaration et la vérité. On croit généralement que Urim et Thummim sont des épithètes des pierres du pectoral : de ces douze pierres précieuses sur lesquelles étaient gravés les noms des douze tribus d’Israël, et que le grand prêtre portait sur sa poitrine (Voyez Exode XXVIII, 15―30 ; chap. XXXIX, 9―14 ; Lévit. VIII, 8). On croit que lorsque le sacrificateur voulait consulter Dieu, il se présentait revêtu de ses habits de cérémonie, dans le lieu saint au-devant du voile, et que là, étant debout et ayant le visage tourné du côté de l’arche ; il proposait à Dieu la chose pour laquelle il était consulté ; et que Dieu lui répondait par la lumière qu’il jetait sur l’ensemble des pierres du pectoral, ou sur quelques-unes d’entre elles. — Mais dans tout cela, il y a beaucoup de conjectures humaines ; car le savant don Calmet lui-même, dans son dictionnaire de la Bible, convient que ni Moïse, ni aucun autre auteur sacré, ne nous a dit distinctement ce que c’était que l’Urim et le Thummim. Il n’en est parlé que dans les endroits suivants de la Parole, qu’on pourra consulter. Exod. XXVIII, 3 ; Lévit. VIII, 8 ; Nomb. XXVII, 21 ; Deut. XXXIII, 8 ; 1 Sam. XXVIII, 6 ; Esdr. II, 63 ; Néh. VII, 65.