Râmâyana (trad. Roussel)/Bâlakânda/VI

Traduction par Alfred Roussel.
(1p. 20-22).

SARGA VI


LES HABITANTS D’AYODHYÂ


1. Dans cette ville d’Ayodhyâ (régnait) Daçaratha, qui y assembla tous les hommes instruits dans les Védas. (C’était un prince) perspicace, illustre, aimé des habitants de la ville et de la campagne ;

2. L’Atiratha (par excellence) des Ikshvâkus, multipliant les sacrifices, attaché à son devoir, maître de lui-même, pareil à un grand Rǐshi, Rǐshi royal et renommé dans les trois mondes,

3. Puissant, vainqueur de ses ennemis, ayant beaucoup d’amis, les sens domptés, égal par les richesses et les autres (biens) accumulés à Çakra et à Vaiçravana,

4. De même que le célèbre Manu avait été le protecteur du monde, ainsi le roi Daçaratha était le protecteur du monde.

5. Ce prince attaché à la vérité, qui poursuivait le Trivarga, était le boulevard de cette cité opulente, comme Indra l’est d’Amarâvatî.

6. Les habitants de cette ville fortunée sont gais, essentiellement vertueux, d’une grande science, contents de leurs richesses, sans envie, d’un langage véridique.

7. Il n’y a aucun pauvre dans cette ville privilégiée ; point de maître de maison qui n’y soit abondamment pourvu de biens en vaches, chevaux, trésors et grains.

8. On ne saurait rencontrer dans Ayodhyâ ni homme cupide, ni avare, ni malfaiteur, ni ignorant, ni incrédule.

9. Hommes et femmes, tout le monde y observe son devoir, s’y montre plein de décence, de joie, d’une éducation et d’une conduite telle que l’on dirait autant de grands et irréprochables Rǐshis.

10. Personne qui n’y porte anneaux, couronnes, guirlandes de fleurs, qui n’y vive dans un grand luxe, qui ne se baigne, ne s’oigne les membres, ne se parfume.

11. On n’y trouve personne qui ne s’y nourrisse de mets purs, qui ne s’y montre plein de munificence, qui n’ait des bracelets et des joyaux sur la poitrine, ou aux mains ; personne qui n’y soit maître de ses sens,

12. Personne qui n’y allume des feux sacrés, ou qui n’y offre des sacrifices. Point de pervers ni de voleurs dans Ayodhyâ, non plus que de gens de mauvaise conduite, ou de naissance illégitime.

13. Les Brahmanes y observent avec joie et constamment leurs obligations, les sens domptés ; ils font de la libéralité et de l’étude leurs pratiques habituelles ; ils se montrent pleins de réserve dans l’acceptation des présents.

14. On ne voit point parmi eux d’incrédules, de fourbes, ni d’ignorants ; point d’envieux, ni d’impotents, ni de gens sans éducation.

15. Personne qui ne sache les six Angas ne s’y rencontre, ni qui soit infidèle à ses vœux, ni qui ne soit très instruit ; (là) nul pauvre, nul qui n’ait l’esprit et le corps sains.

16. On ne saurait trouver d’homme ou de femme qui ne soit doué de fortune et de beauté, dans la ville d’Ayodhyâ, non plus que de gens qui ne soient dévoués au roi.

17. Les membres des quatre castes, de la première à la quatrième, y honorent les Dieux et les hôtes ; ils sont reconnaissants, généreux, braves, pleins d’héroïsme.

18. Les gens vivent tous longtemps ; ils observent fidèlement la loi et la vérité ; ils sont entourés jusqu’à la fin de leurs fils, de leurs petits-fils et de leurs femmes, dans cette ville, la première (de toutes).

19. Là, les Kshatriyas ont à leur tête les Brahmanes. Les Vaiçyas y sont dévoués aux Kshatriyas. Les Çûdras, affermis dans le devoir, y servent les trois (autres castes).

20. Cette ville avait pour vigilant gardien le chef de la race d’Ikshvâku, de même qu’autrefois elle avait eu le sage Manu, l’Indra des hommes.

21. Elle était remplie de guerriers pareils à Agni, beaux, belliqueux, versés dans la science (des armes) : c’était une caverne de lions.

22. Elle abonde en chevaux excellents (de race) Bâhlîka, nés dans la région du Kamboja, en chevaux de première qualité, issus du Vanâyu ou des bords du fleuve (Sindhu), (et pareils à ceux) de Hari.

23. Elle est remplie d’éléphants ardents, originaires des monts Vindhya ou de l’Himavat, (aux tempes arrosées) de Mada, éléphants d’une force colossale, (grands) comme des montagnes,

24. Éléphants issus d’Airâvata, ou de Mahâpadma, sortis d’Anjana et aussi de Vâmana,

25. Éléphants appartenant à l’une des races Bhadra, Mandra et Mrǐga, ou à ces trois races à la fois, ou (métis) de deux races Bhadra et Mandra, Bhadra et Mrǐga, Mrǐga et Mandra.

26. Toujours pleine d’éléphants constamment ivres de Mada, pareils à des monts, elle brille à deux Yojenas (à la ronde), cette cité si digne de son nom.

27. Elle était gouvernée par l’illustre et puissant roi Daçaratha, vainqueur de ses ennemis, comme la sphère des constellations l’est par Candramas.

28. Cette ville bien nommée, aux portes et aux verroux solides, ornée d’édifices de toute sorte, la fortunée ville d’Ayodhyâ, peuplée de milliers d’hommes, avait pour souverain l’égal de Çakra.


Tel est, dans le vénérable Râmâyana,

Le premier des poèmes, œuvre de Vâlmîki, le Rĭshi,

Le sixième Sarga du Bâlakânda.