Râmâyana (trad. Roussel)/Bâlakânda/V

Traduction par Alfred Roussel.
(1p. 17-19).


SARGA V


DESCRIPTION D’AYODHYÂ



1. Ceux à qui autrefois appartint la terre entière, Prajâpati et ses descendants, les rois toujours victorieux,

2. Desquels était Sagara par qui Sâgara fut creusé, lui qui ne marchait qu’environné de ses soixante mille fils,

3. C’est dans la famille de ces princes magnanimes, dont Ikshvâku est la tige, que fut composé et chanté le grand récit du Râmâyana.

4. Ce (récit), nous le déroulerons dans tout son entier, à partir du commencement ; le devoir, le plaisir et l’intérêt en forment l’essence. L’homme exempt d’envie mérite (seul) de l’entendre.

5. Il est un grand peuple, nommé Koçala, (peuple) heureux, célèbre, établi sur les bords de la Sarayù, (dont le sol) très riche produit des céréales en abondance.

6. Sa ville (capitale) est Ayodhyâ, illustre parmi les nations, fondée par Manu lui-même, l’Indra des hommes.

7. Cité glorieuse qui a douze Yojanas de long, trois de large ; elle est percée de rues vastes et nombreuses.

8. Elle est traversée par une grande voie royale, perpétuellement jonchée de fleurs et arrosée d’eau.

9. Cette ville, le roi Daçaratha, le soutien de son vaste royaume, la peupla (et y régna) comme au ciel le maître des Dévas.

10. Elle était munie de tours aux portes cintrées et fermées de battants ; à l’intérieur de nombreux marchés (l’approvisionnaient) ; elle était abondamment pourvue de toutes sortes de munitions de guerre, elle était peuplée d’artisans.

11. Les Sûtas, les Mâgadhas s’y trouvent en foule ; le renom de cette ville fortunée est sans égal. On y remarque de hautes citadelles où flottent des étendards ; les Çataghnîs s’y comptent par centaines.

12. De tous côtés on y voit des chœurs de jeunes femmes, des jardins et des bois de manguiers ; elle est ceinte de boulevards dans son vaste (circuit).

13. Des fossés profonds la rendent inaccessible ; elle est imprenable ; les ennemis ne sauraient en approcher ; elle abonde en chevaux, en éléphants, en bœufs, en chameaux et en ânes.

14. Les rois des alentours s’y rendent par troupes, apportant leurs tributs ; des négociants de tous pays viennent l’enrichir.

15. Des temples, construits en pierres précieuses, et pareils à des montagnes, la décorent ; elle est remplie de palais, comme Amarâvatî (la ville) d’Indra.

16. (Cité) merveilleuse, où l’or abonde, où les belles femmes (se promènent) en foule ; elle regorge de joyaux de toute sorte ; elle est ornée de palais et de maisons (d’un grand luxe).

17. Les logis des artisans s’y touchent sans laisser de vide entre eux ; le terrain sur lequel elle est bâtie est parfaitement nivelé ; elle est abondamment approvisionnée de riz ; l’essence extraite des cannes à sucre y remplace l’eau.

18. Elle retentit sans cesse du son des trompettes, des clairons, des luths et des tambours ; sur la terre elle est sans rivale.

19. Elle est comme un palais de Siddhas, conquis dans le ciel à force d’ascétisme. Les édifices, renfermés dans son enceinte, sont admirablement construits. Ses habitants sont l’élite de l’humanité.

20. Ceux qui ne frappent pas de leurs traits l’adversaire isolé, sans défense, qu’ils entendent seulement (sans le voir), ou qui s’éloigne ; ceux dont les mains sont agissantes et habiles ;

21. Ceux qui, dans la forêt, tuent lions, tigres, sangliers furieux et rugissants, de leurs dards aigus, lancés d’un bras vigoureux,

22. Les guerriers de cette trempe remplissent par milliers la ville peuplée par le roi Daçaratha.

23. On y voit aussi en foule d’éminents Deux-fois-nés appliqués à l’entretien du feu sacré, possédant les vertus (de leur caste), versés dans les Védas et les six Angas, (multipliant) les offrandes par milliers, trouvant dans le bien leur félicité, Rĭshis magnanimes, éminents, pareils aux grands Rĭshis.


Tel est, dans le vénérable Râmâyana,
Le premier des poèmes, œuvre de Vâlmîki, le Rĭshi,
Le cinquième Sarga du Bâlakânda.