Poésie (Rilke, trad. Betz)/Livre d’images/Prière
PRIÈRE
Ô nuit, nuit silencieuse, où sont tissées
des choses blanches, rouges, bariolées, —
couleurs éparses, haussées jusqu’à n’être
qu’une seule ombre et qu’un silence, —
pour moi aussi le rapport, veuille l’établir
avec ce tout que tu acquiers et sais convaincre.
Mes sens sont-ils trop épris de clarté
et mon visage tranche-t-il sur ces objets ?
Juge d’après mes mains : sont-elles
pas des instruments, presque des choses ?
L’anneau lui-même n’est-il pas tout simple
autour du doigt ? et confiante la lumière au-dessus d’elles,
comme si c’était des chemins qui, éclairés,
ne s’ouvriraient pas autrement que dedans l’ombre ?…