Poésie (Rilke, trad. Betz)/Livre d’images/Le voisin

Traduction par Maurice Betz.
PoésieÉmile-Paul (p. 91-92).

LE VOISIN

Violon inconnu, pourquoi me poursuis-tu ?
Combien de fois déjà, en des villes lointaines
ta solitaire nuit a parlé à la mienne !
Sont-ils mille à jouer, ou rien qu’un seul ?

Est-ce donc qu’il y a dans tant de grandes villes
des hommes qui, sans ton secours à toi,
se seraient égarés dans les fleuves hostiles ?
Et pourquoi, dis, toujours, me recherche-t-il, moi ?


Pourquoi suis-je toujours le voisin de la chambre
où un homme angoissé te contraint à chanter
et te fait dire : la vie est plus pesante
que tout ce qui pesa jamais au monde entier.