Poésie (Rilke, trad. Betz)/Livre d’heures/Des rumeurs vont
DES RUMEURS VONT…
Des rumeurs vont qui te soupçonnent,
des doutes viennent qui t’effacent.
Les paresseux et les rêveurs,
se méfiant de leurs ardeurs,
demandent que les montagnes saignent,
pour croire en toi.
Mais toi, tu inclines ta face.
Tu pourrais trancher les veines des monts,
en signe d’un grand tribunal ;
mais peu t’importent
les païens.
Tu ne veux pas lutter contre toutes ces ruses,
ni chercher la faveur de la lumière.
Car peu t’importent
les chrétiens.
Ceux qui questionnent peu t’importent.
Avec tendresse tu regardes
tous ceux qui portent.