Philosophie anatomique. Des monstruosités humaines/Sur plusieurs déformations du crâne de l’homme/§ III

Chez l’auteur, rue de Seine-Saint-Victor, no 33 (p. 45-77).
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Sur plusieurs déformations du crâne de l’homme

§ III. Recherches sur la composition de l’occipital humain, le nombre de ses matériaux, leur prompte aggrégation dans l’état normal, et leur subdivision durable dans l’état pathologique.

Du sur-occipital, ou de l’occipital supérieur.

On sait, en anatomie comparée, que les animaux ovipares ont l’occipital supérieur formé de deux pièces. Il est remarquable que cette même division soit également reproduite dans les fœtus anencéphales de l’espèce humaine. Cette similitude admet cependant quelques différences. Les occipitaux supérieurs des anencéphales sont écartés et descendus en ailes traînantes vers les extrémités latérales et postérieures de leur crâne. Mais, quoi qu’il en soit, on ne s’est point mépris à leur sujet[1] ; j’en ai prévenu plus haut : la loi des connexions portait sur ces pièces sans la moindre hésitation ; car, toutes rejetées qu’elles sont du côté des épaules, elles n’en restent pas moins entourées des os qui les bordent ordinairement. Leur détermination dans le vrai est si exactement assurée, qu’avant qu’on pût leur appliquer avec une entière confiance le principe fécond des connexions, ces pièces avaient été reconnues pour des occipitaux supérieurs dès 1784 par Sandifort, et de nos jours par M. Lallemand. Ce n’est pas cette expression nette et caractéristique qu’on trouve dans leurs écrits ; mais je m’en sers pour rendre plus exactement leur pensée.

Cependant tout en adoptant les déterminations de ces savans anatomistes, il m’a semblé que ce sujet de leurs considérations était encore susceptible de quelques éclaircissemens, et je crois pouvoir ajouter d’une sorte de correction. Ce point nouveau à traiter m’a engagé dans la discussion suivante.

Pour comprendre les faits d’une organisation portée à son maximum de développement, il ne faut pas se borner à la considérer isolément, car alors on s’expose à n’y attacher pas plus d’importance que si elle appartenait à un minimum de composition. Observer des formes et les décrire, en rechercher l’emploi, en apprécier quelques fonctions, voilà tout le cercle à parcourir dans une anatomie spéciale ; mais si cette organisation a des degrés, si vous en pouvez comparer les différentes manières d’être, si vous êtes par là conduit à distinguer les conditions essentielles et générales d’autres qui ne sont que relatives et individuelles, votre esprit est entraîné dans de profondes méditations, et sans le moindre doute il vous fait à la fin apercevoir la vraie signification des choses.

L’homme est sous un rapport une espèce isolée, sous celui du volume de son cerveau tout aussi bien que sous le rapport de la grandeur de sa boîte cérébrale. Cependant l’organisation qui le distingue de toute la création, et qui en fait un être privilégié doué de plus de facultés intellectuelles, résulte au fond de moyens semblables, des mêmes matériaux, mais qui sont portés au dernier terme de leur grandeur possible. Son cerveau est considérable, mais plus particulièrement encore ses hémisphères cérébraux : il en est de même des os du crâne proprement dit, puisque les plus volumineux sont aussi ceux qui forment la voûte de la boîte cérébrale, ceux qui en occupent les quatre points cardinaux, comme le frontal en avant, les pariétaux sur les flancs et l’occipital supérieur en arrière.

Remarquez que nous voilà, relativement à cette dernière pièce, sur une idée à suivre ; car il est certain que cet occipital supérieur fait partie des ressources extraordinaires mises en œuvre pour une formation organique, le fruit et le terme des plus grands efforts de la nature, le cerveau humain. Mais puisque l’anatomie ordinaire ne nous a portés sur cet os que pour n’y voir qu’un sujet de description, que pour nous le faire diviser en ses deux faces et en ses différens bords, et puisque sur toute autre considération elle est indifférente, stérile, sachons par l’étude des animaux ce que, dans des conditions plus restreintes de développement, cet os peut fournir à la philosophie.

Et d’abord le verrions-nous dans le degré immédiatement au-dessous chez les singes ? Mais nous serions là trop près de la conformation humaine, pour qu’un pareil exemple profitât réellement à notre proposition : cet exemple présenterait, au contraire, ce désavantage, que les singes se distinguent par une extrême saillie des lobes postérieurs du cerveau. Les masses encéphaliques n’auraient diminué chez eux qu’en devant et supérieurement, quand elles se seraient, au contraire, maintenues en arrière dans un volume à exiger que l’occipital supérieur, appelé à le coiffer, soit chez les singes dans une proportion humaine. Le célèbre philosophe M. le docteur Gall dit que l’extrémité des hémisphères cérébraux inspire les attachemens de famille ; nous ne connaissons pas d’animaux plus affectionnés à leurs petits que les quadrumanes[2].

Si nous descendons davantage les degrés de l’échelle zoologique, nous apercevons d’autres relations comme volume entre les masses encéphaliques. Les lobes postérieurs du cerveau diminuent en raison inverse de l’augmentation du cervelet. Observez alors que l’occipital supérieur est ici la pièce unique qui couvre le cervelet, que c’est seulement cette même pièce (j’insiste sur cette distinction), que c’est cette seule pièce ou l’occipital supérieur proprement dit, puisque les rudimens des lobes postérieurs sont recouverts par des os distincts entièrement et long-temps détachés après la naissance,

Nicolas Meyer, dans son prodome de l’anatomie des rats, avait remarqué ces derniers, à la date de 1800, comme un seul os, et les avait indiqués sous le nom d’os transversum.

Je les employai moi-même comme il suit dans un Mémoire sur le crâne des oiseaux, que je publiai en 1807.

« Il est dans les mammifères un os placé entre les frontaux, les pariétaux et l’occipital supérieur. Les anatomistes vétérinaires lui donnent le nom d’os carré dans le cheval, et M. Cuvier, qui l’a trouvé dans beaucoup d’autres mammifères, celui de pariétal impair. Je l’ai observé double dans la brebis et la chèvre, ce qui m’a obligé de substituer à cette dénomination celle d’interpariétal. Les oiseaux, ajoutai-je, ont de semblables interpariétaux. » Voyez Annales du Muséum d’Histoire naturelle, tom. X, p. 354.

Je suis aujourd’hui assuré qu’on trouve partout ces deux interpariétaux, qu’ils grandissent dans les animaux à boîte cérébrale d’une petite capacité, en imposant aux pariétaux l’obligation d’une diminution proportionnelle, et qu’ils occupent le sommet du crâne, spécialement dans les ovipares et jusque dans les crustacés.

De l’épactal.

Dans la suite, et probablement sans qu’il connût mon travail, l’habile anatomiste M. Fischer fit paraître à Moscou, sur cette pièce, une dissertation in-folio de six pages. Son écrit porte pour titre : De osse epactali seu gœthiano[3]. Ce premier nom d’épactal, c’est-à-dire d’étranger, d’intercalé, fait déjà pressentir l’esprit et le but de la dissertation de M. le professeur Fischer ; l’autre nom, os gœthianum, est un hommage que ce savant voulut rendre à l’inventeur. Goethes aurait le premier découvert l’interpariétal dans quelques rongeurs, et se serait contenté d’en faire mention par une note manuscrite sur un exemplaire d’un traité d’anatomie comparée.

M. Fischer, après la remarque que son os intercalé, gœthien, épactal, devient le principal caractère de sa nouvelle famille des palmigrades, annonce l’avoir retrouvé comme cas pathologique dans d’autres espèces, et notamment dans l’homme. « Il possède, dit-il, un crâne humain où il a observé entre deux grands os vormiens un véritable épactal. » Cet os occupe le centre des sutures sagittale et pariétale, au lieu où l’on place la pointe du lambda. Quand il existe, il en reste des traces après la naissance. Comme il ne vient que de loin en loin, la rareté de son apparition pourrait bien, dans ce cas et plus, à propos, justifier la signification du mot épactal.

L’Allemagne accueillit ces déterminations ; elles sont à peu près reproduites par le savant professeur de Halle, M. Meckel, dans ses Considérations anatomiques et physiologiques sur les pièces osseuses qui enveloppent les parties centrales du système nerveux[4].

L’épactal a été également introduit dans nos études anatomiques ; mais cependant M. Béclard, qui l’a employé dans ses premiers Mémoires sur l’ostéose, ne l’aurait point admis sans restriction ; car il insiste sur ce que l’épactal n’est pas constant, et ne se développe qu’après la naissance. (Voyez le Nouveau Journal de Médecine, tom. IV, p. 219.)

Les considérations de M. Fischer sur les interpariétaux et ses vues sur leur correspondance dans sa famille des palmigrades appartiennent à un sentiment profond des véritables rapports des êtres ; mais je ne puis croire de même à la justesse de sa détermination, en tant qu’il rapporte l’épactal de l’homme à l’os transversum de Meyer.

Ce nom d’épactal sera à bon droit acquis et restera, mais seulement en anatomie humaine. C’est un os, selon moi, tout-à-fait étranger au système organique de la boîte cérébrale. Je ne le conclus pas seulement de ce qu’il ne se montre que de loin en loin, mais de ce qu’on n’en trouve aucune trace dans les premières formations osseuses ; car si son apparition tenait à un phénomène de plus grand développement, encore faudrait-il que son minimum de composition fût observable, et que ce fût partout. Ce n’est vraiment qu’un accident, que l’effet d’une maladie locale, et, je soupçonne, d’une désorganisation récente ; et ce qui le prouve, c’est que cette singularité se reproduit sous des formes assez variables et parfois d’une manière irrégulière pour les deux côtés. M. le docteur Serres a figuré et a cité dans ses lois de l’ostéogénie divers états d’occipital supérieur où il faudrait, dans le système de M. Fischer, reconnaître l’existence de plusieurs épactaux ; car les subdivisions qu’en rapporte M. Serres ne se bornent pas à deux seules pièces, mais s’étendent à quatre, six et huit segmens.

Des interpariétaux.

Comment supposer d’ailleurs que les lobes postérieurs du cerveau, qu’un organe d’une constitution aussi fixe et qui arrive à un aussi haut degré de développement, que des parties d’une aussi grande saillie fassent ressentir leur intervention à leur cloison osseuse, uniquement à des intervalles si rares, qu’en appréciant la valeur de cette circonstance selon toutes les lois des probabilités, il faille vraiment n’y faire aucune attention ? Et d’un autre côté, s’il est établi sans équivoque par ce qui précède qu’il n’y a pas de surfaces cérébrales quelles n’exercent une action sinon directe, du moins très-prononcée sur leurs enveloppes, agissant ou de leur fait ou secondairement et comme par la poussée des masses subjacentes, on se demande où seraient les os qui correspondent à la région occupée par les lobes postérieurs du cerveau.

Quant aux animaux, je n’hésite pas à les reconnaître dans les interpariétaux. Cependant qu’on admette cette solution, cela n’en donne aucune pour l’espèce humaine, puisque, d’après ce qui vient d’être dit plus haut, nous ne pouvons recourir aux épactaux ; que ces os sont rejetés de l’état normal, et que lors même qu’ils y appartiendraient, ce serait encore avec insuffisance, étant beaucoup trop petits, et ne couvrant, quand ils existent, qu’une étendue beaucoup trop bornée.

Les lobes postérieurs du cerveau occuperaient-ils une même conque avec le cervelet ? Ces lobes, parce qu’ils seraient plus grands dans l’homme que leurs analogues chez les animaux, seraient-ils, par une anomalie qui renverserait l’ordre proportionnel, seraient-ils privés de pièces spéciales[5], dont il semble qu’ils devraient au contraire avoir plus de besoin ?… Mais attendez… Consultez cette même théorie qui tout à l’heure était encore invoquée… Où vous faut-il chercher de propres pièces pour ces lobes ?… Où ?… N’est-ce point à leur surface ? J’ajoute : Veuillez de plus considérer que la position de ces pièces vous est donnée, que leurs connexions vous sont connues, et vous n’avez plus qu’à remonter vers les premiers âges de la vie fœtale pour savoir s’il est là des matériaux primitifs, de véritables interpariétaux.

Du proral.

Mais du moment où la question est ainsi posée, je remarque qu’elle est résolue à l’avance ; qu’elle l’est par les seules études de l’anatomie humaine, et qu’elle l’est même depuis fort long-temps. Les quatre points osseux, les quatre matériaux primitifs du grand occipital supérieur de l’homme, ont été découverts par Kerkring. Tous les fœtus d’un certain âge les lui ont montrés, et il est en outre plusieurs exemples où cette conformation avait persévéré jusqu’au terme de la vie fœtale[6]. Ces faits, appréciés déjà par Sandifort dans son anatomie d’un enfant privé de cerveau, viennent d’être revus et reproduits par les célèbres anatomistes occupés de recherches d’ostéogénie, MM. Serres, Meckel et Béclard.

Ce dernier donne des détails précieux sur le moment de l’apparition de chaque paire. Le proral[7], c’est ainsi que du mot latin prora, cap ou proue de vaisseau, dont Fabrice d’Aquapendente et plusieurs autres anatomistes se sont servis, M. Béclard propose de nommer le grand occipital supérieur chez l’homme ; « le proral, dit-il, se forme d’abord par deux points latéraux à peu près ovalaires, très-rapprochés, situés dans la partie de son étendue qui est au-dessous de la protubérance et de la branche transversale de l’apophyse cruciale. De quarante-cinq à quarante-huit jours, ces deux points s’unissent très-promptement l’un à l’autre, et forment dans leur réunion la crête occipitale. À l’époque même où la réunion s’opère entre ces deux premiers points, il s’en développe au-dessus d’eux deux autres sous la forme de rubans, qui se réunissent presque tout de suite par leur extrémité interne, entre eux et par leur bord inférieur, avec la partie ossifiée précédemment, et qui de là s’étendent en rayonnant en dehors et en haut. »

Admettez les quatre points primitifs observés par Kerkring comme constituant les analogues des deux paires d’os, c’est-à-dire des deux interpariétaux et des deux occipitaux supérieurs des animaux vertébrés, et tout rentre dans l’ordre accoutumé, et le plan de la nature nous est restitué dans son admirable uniformité, et nous en venons enfin à considérer des conditions particulières d’agrégations chez l’homme, mais après les avoir dégagées de ce qu’elles ont de primitif, de ce qu’elles montrent d’essentiel, de ce qui en fait le caractère général et zoologique.

Je n’ai point d’observations qui établissent que ces deux paires d’os apparaissent à des époques différentes. Si ce fait reste acquis à la science, les interpariétaux et occipitaux supérieurs seraient chez l’homme comme chez les animaux dans une indépendance très-manifeste, et fourniraient de cette manière une preuve de plus en faveur de leurs conditions d’individualité.

J’ai fait représenter (planche troisième, fig. 3, 4 5, 6, 7 et 8) les résultats de mes propres remarques. Je montre ainsi les sutures plus ou moins prononcées des quatre pièces primitives du proral conservant diversement dans chaque figure des traces d’ancienne séparation, et rendant sensibles sur les bords, où les lignes osseuses distribuées par irradiations sont à des intervalles plus larges qu’à leur point de départ, les séparations elles-mêmes encore subsistantes[8]. Les figures 3, 5, 6, 7 et 8, toutes de grandeur naturelle, sont rangées par taille et échelonnées entre elles comme les âges des pièces qu’elles représentent. Il est remarquable, et l’on peut s’en assurer à la seule inspection des figures, que le degré d’ossification ne suit pas toujours très-exactement l’ordre des temps. Il y a à cet égard beaucoup de différences d’homme à homme. Tant de professions distinguent ceux-ci dans la société, et leur organisation s’en ressent tellement, qu’il ne faut pas s’étonner de trouver quelques différences spécifiques d’un individu à un autre.

Le no 3 est terminé inférieurement par un onglet o : c’est de même fig. 5, avec cette différence cependant que l’onglet s’annonce comme un produit plus nouveau que sa gangue, et en montrant distinctement ses sutures, comme un osselet à part. L’occipital no 6 en est privé, bien qu’il soit plus grand et qu’il soit pris d’après un sujet plus âgé. Celui fig. 7 a cet onglet confondu tout-à-fait avec le reste de la pièce ; et enfin ce que j’ai voulu rendre manifeste par la comparaison des nos 5 et 8, c’est que le même point o présente dans l’une et dans l’autre figure un pareil degré d’ossification. La grandeur et l’âge très-différens des objets qui ont servi de modèle l’établissent suffisamment.

De la spécialité des élémens du proral et de la précocité de leur aggrégation.

Pour en revenir au proral, je prévois une objection. Les quatre os dont il est formé, pourra-t-on observer, s’unissent et se confondent ensemble de si bonne heure, que ce n’est point là du moins une considération à rencontrer chez les animaux. Non, sans doute, vous ne l’y rencontrerez pas, non plus que vous ne trouverez chez eux des lobes cérébraux aussi proéminens en arrière. Et pourquoi ? N’est-ce pas que ces quatre os de la boîte cérébrale sont nécessairement chez l’homme dans une relation obligée de grandeur et de précocité avec leurs propres portions de l’encéphale, que celles-ci sont des organes dominateurs et leurs couvercles des parties subordonnées ? Dans le vrai, les masses cérébrales, se renflant extraordinairement, font que leurs enveloppes s’élargissent dans une même proportion, aux dépens de leur masse, pour en embrasser la convexité. C’est ainsi que les interpariétaux de l’homme sont formés plus tôt, et que plus frêles ils prennent plus tôt appui sur des os voisins, de la même manière qu’il arrive aussi aux deux frontaux chez l’homme de montrer plus de précocité dans leur développement, et en se soudant l’un à l’autre, de former un coronal unique aussi beaucoup plus tôt que dans les animaux. C’est le propre de tous les organes portés au maximum de commencer à paraître avant leurs analogues, étant dans une autre condition. Une seule cause engendre tous ces effets, c’est le plus grand calibre de la principale artère nourricière de ces organes ; et en effet l’extrême volume de ceux-ci, leur apparition plus précoce, le développement proportionnel des parties accessoires, tout tient évidemment à cette artère, parce que toutes les subdivisions de ce principal rameau participent nécessairement à son état originel, c’est-à-dire à ses conditions de plus fort calibre.

Il faut donc distinguer dans le grand occipital supérieur du crâne humain deux systèmes de pièces osseuses, l’un formé par les interpariétaux qui recouvrent certaines portions de la principale masse encéphalique, et l’autre composé des deux occipitaux supérieurs au profit de la masse inférieure. Ces destinations spéciales ont généralement été remarquées. Notre célèbre confrère M. le docteur Portal, dans son Anatomie médicale, les donne avec précision. « L’épiphyse supérieure de l’os occipital, dit ce savant anatomiste, loge dans ses deux fosses supérieures les lobes postérieurs des hémisphères du cerveau, et dans ses deux fosses inférieures une portion des hémisphères du cervelet. » Et M. Béclard fut encore mieux sur la voie de nos distinctions quand, avec cette parfaite sagacité qui est le principal trait de son talent, il a dit dans son Mémoire sur l’ostéose « que le proral est, par les germes inférieurs, un os du cervelet, et un os du cerveau par ses germes supérieurs. »

Des raisons de préférer la dénomination de proral.

M. Béclard paraît affectionner le nom inusité de proral[9] : je ne me refuserai point de même à l’adopter, mais non pas de ce qu’il peut servir à rappeler que l’objet dénommé ressemble à la proue d’un vaisseau ; car en se servant du mot proral dans le sens de sa signification étymologique, on priverait ce nom d’une application générale, s’il en était susceptible : mais il n’a pas ce caractère, et à cause de cela même, ce nom convient. Il faut ici un nom spécial, un nom qui soit tout pour l’homme, parce que c’est seulement dans l’homme qu’on trouve un fond de cerveau aussi développé et par suite une union aussi anticipée des quatre os postérieurs du crâne. Le mot de proral, dans cette acception, aura pour objet non-seulement de rappeler avec utilité sa signification primordiale et étymologique, mais aussi d’indiquer cette autre et dernière circonstance, c’est-à-dire d’exprimer une réunion de pièces dont les subdivisions plus marquées et plus persévérantes ailleurs sont connues sous les noms d’interpariétaux et d’occipitaux supérieurs.

Des occipitaux supérieurs et des interpariétaux dans les anencéphales.

Me voilà bien loin de mon point de départ ; car je ne dois pas oublier et je n’ai pas oublié que l’objet de ce paragraphe est la détermination des occipitaux supérieurs du crâne anomal décrit par M. Lallemand. Puisqu’il m’avait paru que l’état normal de ces pièces n’était ni connu dans ses conditions générales ni bien distingué dans ses spécialités, j’ai dû revoir d’abord les opinions qu’on s’en était faites, et chercher à leur donner toute la rectitude dont elles me paraissaient susceptibles.

Cette discussion devait d’autant mieux précéder l’examen de ces pièces anomales, quelle seule pouvait nous donner la clef de ce qui est observable sur ce point ; car nous apercevons aussi là quatre pièces : deux en haut S, S, et deux inférieures U, U, celles-ci étant descendues au point le plus bas et rangées de côté. Nous avons déjà dit, à l’égard de ces dernières, que nous avions admis la détermination de M. Lallemand, laquelle plus anciennement (en 1784) avait été donnée, à la différence près de l’expression, de la même manière par Sandifort ; et en effet ce sont incontestablement les analogues des vrais occipitaux supérieurs, c’est-à-dire des parties osseuses qui coiffent le cervelet en arrière.

Quant aux bandelettes S, S, qui pourrait douter que ce ne soient là les interpariétaux ? Ainsi nous retrouvons le proral subdivisé comme en zootomie. La réunion de ses pièces dépendait, avons-nous vu plus haut, du refoulement des hémisphères cérébraux du côté du cervelet. Où n’agit plus la cause, l’effet cesse tout naturellement. Et remarquez, les effets pouvaient-ils mieux répondre aux indications de la théorie ? Celle-ci indiquait la désunion des pièces sur la ligne même de séparation du cervelet et du cerveau : c’est ce que nous donne l’observation. Les interpariétaux, qui dans les animaux à plus petite boîte cérébrale suivent le sort des pariétaux et partagent leurs modifications, sont ici, où le crâne n’arrive pas même à former une boîte cérébrale, sont, dis-je, également frappés des mêmes anomalies, entraînés par les mêmes événemens, et assujettis aux mêmes formes. En définitive, les interpariétaux forment un bourrelet allongé disposé tout le long des pariétaux, ceux-ci étant déjà dans l’état rudimentaire et avec une configuration répondant à celle d’une bandelette osseuse.

De la même manière que la forme des interpariétaux a été réglée par les modifications des pariétaux, celle des occipitaux supérieurs U, U, l’est devenue en obéissant à deux influences contraires, savoir, 1o l’action d’un tirage extérieur, celle des muscles cervicaux rétractés sur eux-mêmes, qui ont écarté les occipitaux et les ont renversés en arrière, et 2o leurs connexions, auxquelles les sur-occipitaux ne pouvaient manquer de rester fidèles au milieu et malgré tous ces bouleversemens. Aussi chaque sur-occipital se trouve-t-il réduit à un corps d’une figure irrégulière, épais et aplati, qui se prolonge à son bord latéral externe, et qui est surmonté par une apophyse formant avec lui le coude. Cette apophyse, en lame triangulaire, s’étend et marche à la rencontre de l’interpariétal. À l’autre extrémité, le corps de la pièce a un large bord interne pour son articulation avec l’occipital latéral. Un simple coup d’œil sur la pièce ou sur le dessin qui la reproduit dans nos planches en dit plus que cette description, et porte à l’intime conviction que l’enchaînement des parties, qui en conserve invariablement les connexions, a exercé une réelle domination sur la bizarre destinée et la singulière conformation des occipitaux supérieurs.

De l’ex-occipital, où de l’occipital latéral.

Cet os, chez l’anencéphale dont nous poursuivons l’examen (pl. I, fig. 13), V, a peu changé de forme eu égard à ce qu’il est dans l’état normal, parce que l’occipital supérieur est descendu sur lui : on aurait lieu de s’en étonner, d’après le principe que toute action appelle une réaction ; mais il est facile de voir que les efforts ne pouvaient simultanément et également profiter aux deux pièces. Qu’on jette pour cela les yeux sur tout l’ensemble du crâne (pl. I, fig. 1, 2, 3), et l’on se convaincra en effet que l’occipital latéral n’a pu aller chercher, mais qu’il a dû au contraire appeler sur lui l’occipital supérieur. Il est dans le voisinage une partie arrivée à un très-haut degré de développement, et qui par conséquent a coordonné toutes les autres à son système ; c’est le rocher. L’occipital latéral borde cet osselet, et entre dans sa subordination, au point qu’au lieu d’être dirigé, comme à l’ordinaire, verticalement et en dedans, il est au contraire légèrement renversé dans l’autre sens. Ses deux branches, séparées par le trou condyloïdien, sont dans l’état naturel. Il en est de même de cette ouverture quant à sa grandeur ; seulement son bord articulaire à l’autre bout, ou le bord qui l’unit à l’occipital supérieur, est bien moins évasé. Au total, la pièce paraît plus droite et plus longue[10].

Du sous-occipital, ou de l’occipital inférieur.

Il se présente ici une difficulté. Nous ne connaissons qu’un seul occipital inférieur, un seul basilaire ; et si nous ne nous abusons pas sur cette circonstance, notre sujet nous en présenterait deux. (Voyez les deux pièces, fig. 7 et 8 X′ et X″.)

En traitant du sphénoïde, nous avons déjà touché cette discussion ; nous la donnerons dans cette occasion avec tous les développemens dont nous la croyons susceptible.

À cela près qu’elles ne sont point soudées ensemble, les deux pièces, placées bout à bout, rendent observable et réalisent la conformation du basilaire ou de l’occipital inférieur de l’état normal, d’un basilaire qui serait du même âge. Tout basilaire est dans le fait formé par deux plans, savoir (voyez pl. III fig. 9), le postérieur (abcd), disposé en arc servant de bord et fermant par le bas le grand trou occipital ; l’antérieur (adef), rectangulaire et concave en dedans, tantôt avec deux trous de vaisseaux dans le milieu, dont l’un à droite et l’autre à gauche, et tantôt avec un sillon rectiligne et transversal, comme dans le sujet de notre figure. Cet os est convexe en dehors, non pas sur le centre, où est une dépression, une gorge longitudinale. Sur sa facette articulaire en devant est aussi un sillon dans le même sens, effacé seulement vers le milieu.

Ces traces et les deux trous de vaisseaux indiqueraient-ils que chaque moitié de cette partie osseuse a une origine et une formation distinctes ? Afin de m’en assurer, j’ai considéré le plus jeune embryon que j’aie pu me procurer ; j’en donne la base du crâne pl. III, fig. 1, ayant fait en outre placer à côté (fig. 2), grossies au double, les parties propres à éclaircir cette question. Or voici ce que montrent ces deux dessins : 1o une plaque au centre (adef), en manière de fer à cheval, épaissie par un bourrelet circulaire, cet objet correspondant au. parallélogramme (adef) (fig. 9), et 2o deux corps arrondis ab, cd, terminant postérieurement la plaque, et étant trop jeunes sans doute d’ossification pour s’être rencontrés en allant l’un sur l’autre et pour avoir donné le parallélogramme postérieur (abcd) de la fig. 9. Et au surplus, ce n’est pas ici le lieu de parler des trois osselets iii (fig. 2) montrant les premiers points qui apparaissent pour la formation de l’oreille osseuse.

À chacun des osselets primitifs ab, cd, correspond la branche interne et postérieure t de l’occipital latéral ; l’autre branche u, le long du rocher, aboutit sur l’autre partie du basilaire, l’occipital latéral ayant ces deux branches libres d’abord à leurs extrémités articulaires, et toujours écartées en dedans pour le passage de la neuvième paire. Je pourrais en dire plus à leur égard, et avec M. Serres les considérer comme deux os distincts, dont l’un se rapporte à la portion condyloïdienne, et l’autre lui est intérieurement opposé.

Maintenant, que j’ai rappelé ces faits de l’état normal, il ne sera pas difficile de concevoir comment dans notre anencéphale le basilaire est formé de deux pièces. X′ (pl. I, fig. 7) correspond à la tubérosité quadrangulaire (adef) (pl. III, fig. 9) : c’est la même forme, sauf que les bords sont un peu plus arrondis ; la face interne est concave, l’externe convexe. X″, à son tour, correspond à la partie (abcd) disposée en arc ; ou ne peut voir de conformité plus complète. Enfin je l’ai déjà fait remarquer plus haut, page 35, et je me crois tout-à-fait fondé à le redire en ce moment, les connexions doivent décider ; et en nous montrant que X″ s’articule avec la branche condyloïdienne de l’occipital latéral, et X′ avec son autre branche, elles établissent dans le vrai invinciblement que les deux pièces X′ et X″ font partie de l’ensemble appelé jusqu’ici basilaire ou occipital inférieur.

L’habitude de ne considérer qu’un seul os dans le basilaire m’allait faire donner cette conséquence sous une autre forme ; mais j’observe qu’il ne serait pas seulement indifférent de voir ces pièces comme une subdivision d’une pièce plus considérable, mais que ce serait s’exposer à en donner une idée erronée.

Il ne me paraît pas d’une bonne logique, si l’on en vient à considérer plusieurs parties à un premier âge, sous le prétexte qu’elles doivent dans un âge plus avancé se grouper et se confondre, de les présenter comme des fragmens d’un seul objet ; car des fragmens dans lesquels se réduit une chose ou un corps supposent une fracture, et par conséquent la destruction d’une intégrité. Qu’on se serve du mot subdivision, on ne sauve pas la difficulté pour cela, puisque ce mot ne peut avoir ici de valeur qu’autant qu’on rapplique à un corps complexe et divisible de sa nature. Un demi-os ne peut se dire, et c’est cependant ce que sous une forme moins heurtée j’aurais fait si j’avais conclu en termes indéfinis à une coupure ou à un partage possible du basilaire.

Mais nous venons d’avancer que les deux os de notre sujet pathologique répètent exactement les formes et reproduisent à tous égards les conditions de l’unique basilaire, comme précédemment nous le connaissions à l’état normal ; Nous sommes donc ramenés à la conséquence que cet os n’a pas été suffisamment étudié dans sa première formation, et qu’il faut en effet que ce soit un groupe sur lequel sa position centrale et inférieure et son intervention comme quille ont agi ou pour lui faire éprouver une forte contraction, ou pour opérer prématurément la rencontre, l’union et la soudure de tous ses élémens. Nous avons insisté plus haut sur des indices de séparation en partie droite et en partie gauche quant à la portion quadrangulaire ou sphénoïdale, et nous avons aussi remarqué sur quelques crânes adultes deux petits grains osseux qui font partie de l’anneau occipital, et qui, occupant en dehors du basilaire et vers les points condyloïdiens la place de notre osselet O, semblent lui correspondre.

Mais dans ce cas il faudrait aussi que cette pièce, de même que la grosse tubérosité sphénoïdale, fût composée de deux matériaux primitifs, et le basilaire par conséquent de quatre au total. Les différences que l’observation fait découvrir à l’état normal proviendraient alors de ce que la tubérosité sphénoïdale acquerrait plus ou moins de volume aux dépens de son arc occipital. En effet la tubérosité sphénoïdale grossissant outre mesure, la pièce de l’anneau occipital resterait, dans ses conditions primitives, formée de deux points indépendans ; et celle-là, diminuant au contraire, laisserait à celle-ci toute faculté pour se développer, c’est-à-dire ne priverait pas les deux points primitifs de grandir, de marcher à la rencontre l’un de l’autre, et de se confondre en une portion d’anneau.

Mais je me hâte beaucoup trop sans doute de donner cette explication, puisqu’elle ne s’applique qu’à des pressentimens. J’ai dit au surplus ce qui les a fait naître. Je ne perds pas de vue qu’ils n’ont que ce caractère, et même que je me suis hasardé à les donner peu après qu’une observation, qui leur serait contraire, a été produite. M. Béclard (l. c., p. 222) n’admet qu’un seul basilaire : « D’abord milliaire, dit-il, puis ovalaire, il prend à l’époque de la naissance la forme d’un parallélogramme allongé[11]. »

Corollaires.

J’en aperçois de nombreux ; mais je me vois forcé d’en remettre la discussion à une autre époque. J’ai montré dans les deuxième et troisième paragraphes de ce Mémoire ce que deviennent et chaque pièce osseuse et les portions mêmes de celles-ci que les conformations normales font apercevoir en contact avec le cerveau, quand dans l’état pathologique il leur arrive de n’en être plus influencées. Mais pour presser les conséquences de tous ces faits et les faire ressortir au point de les élever à toute la généralité dont ils sont susceptibles, il faut avoir décrit un plus grand nombre d’acéphalies, et avoir comparé entre elles plus de ces dérogations aux lois ordinaires : car je ne crois pas, ce qui aide sans doute à se donner le profit de faciles et de nombreux succès, qu’il faille toujours se fermer les yeux sur les difficultés.

Quoi qu’il en soit, quand je m’occupai des observations que rendaient nécessaires mes aperçus physiologiques, je procédai sur huit à neuf exemples d’acéphalies. Remarquant que chacun m’apportait le tribut de considérations très-variées, je ne pus me défendre de l’idée que j’étais sur des animaux différens. Je me suis donc trouvé dans l’embarras où m’aurait jeté la nécessité d’exposer les rapports et les différences d’un singe, d’un ours, d’un lion, etc., si ces animaux n’eussent encore jusqu’ici été désignés que par un nom collectif, celui de mammifères par exemple. Au lieu de les appeler mammifère 1er, mammifère 2e, etc., j’aurais sans doute commencé par classer ces diverses organisations et par les distinguer par un nom propre : c’est cela même que j’ai cru devoir faire pour ceux des acéphales dont[12] l’organisation diffère. Ainsi des recherches physiologiques m’ont ramené aux classifications zoologiques.

Mais ces points éclaircis, quelle lumière devaient-ils réfléchir sur la question débattue devant l’Académie des Sciences, de 1734 à 1743, entre Lémery, qui attribuait les désordres des monstruosités à des causes accidentelles après la conception, et Winslow, qui les voyait dans une défectuosité primitive des germes ? Bien que dans le cours de leurs célèbres débats ces deux illustres rivaux en fussent venus à se faire des concessions réciproques, leur débat ne cessa qu’à la mort de l’un d’eux. Les acéphalies rappellent et ramèneront toujours cette discussion. Les mêmes dissentimens viennent de partager de nouveau les physiologistes modernes, savoir, en faveur de la première opinion, Lecat, Sandifort, M. Béclard, etc. ; et en faveur de la seconde, Éduttner, Prochaska, Reil, MM. Chaussier[13], Gall et Spurzheim, etc.

On a sans doute déjà étudié plusieurs points de l’organisation des monstres acéphales ; mais je doute qu’on ait porté son attention sur les plus caractéristiques, sur ceux qu’il nous importe le plus de connaître : la considération des viscères ne nous a guère donné que des résultats secondaires de déformation. La physiologie ne peut donc encore compter sur rien de ce qui est acquis. Il nous faut plus de faits, plus de connaissances positives ; et c’est à l’observation comparative des diverses espèces d’acéphalies, soit dans le même animal, soit de même ordre dans les divers animaux, qu’il nous faut demander ce qui nous manque encore.

Je crois au surplus que toutes ces controverses eussent moins occupé, si de part et d’autre on se fût moins pénétré (à priori et sans motifs suffisans) d’une conviction sur la préexistence ou la non préexistence des germes ; question qui, si je ne me trompe, ne pourra elle-même être bien parfaitement décidée qu’à la suite aussi et par le concours d’un examen très-attentif de tous les genres d’acéphalies comparés entre eux et avec les conformations normales. Ainsi un nouvel avantage à retirer de l’étude des monstres sera en outre d’aider à éclairer ce point de physiologie. Je ne puis omettre de rappeler que M. Béclard[14] s’en est occupé dans ses deux Mémoires que j’ai déjà cités. Ce savant professeur a terminé ses importans travaux par la conclusion suivante : « Les acéphales éprouvent au commencement de la vie intrà-utérine une maladie accidentelle qui produit l’atrophie de la moelle épinière, et les irrégularités apparentes qu’elles présentent sont la conséquence naturelle et plus ou moins directe de cet accident. » Je ne dissimulerai pas que je suis arrivé à une conclusion tout-à-fait différente.

  1. Si ce n’est cependant M. le professeur Rodati, de Bologne. Il a donné, dans les Opuscoli scientifici, t. II, p. 362, un Mémoire ayant pour titre : In præparationes osseas musei pathologici animadversiones. L’une des trois planches dont ce Mémoire est accompagné, paginée no 17, représente le squelette d’un anencéphale offrant un plus haut degré d’anomalie que le sujet dont nous venons de donner une description ; car son spina-bifida se prolonge depuis la première vertèbre cervicale jusques et y compris la première lombaire. Dans la détermination qu’en a donnée M. le professeur Rodati, nos occipitaux supérieurs, numérotés 13, 13, fig. 4, sont considérés comme répondant à la portion écailleuse des temporaux, Ossa tempora quoad portiones squamosas exterius revolulas (13, 13).

    On retrouve ces mêmes os dans le trait de profil, fig. 3, mais portant une autre indication, le chiffre 19. La planche donne seule cette circonstance ; le texte n’en fait aucune mention.

  2. Il fallait bien que cette impulsion les entraînât à cé degré, pour contre-balancer les inconvéniens de leur imprévoyance habituelle ; autrement nous n’eussions point connu le genre des singes. Leur caractère évaporé, leurs distractions continuelles, le vague de leurs sentimens, les eussent éloignés de cette suite dans les idées et de ces tendres soins que réclame l’éducation de toute géniture à la mamelle. Incorrigibles, puisque cela tient à un abâtardissement des formes humaines ; aux contradictions d’une nature ambiguë ; à un défaut d’aplomb dans leur structure, qui ne leur permet avec toute franchise ni l’allure dégagée et facile de la marche à deux pieds ni celle plus assurée de la marche à quatre ; à un séjour incommode sur les arbres, adopté par instinct de conservation ; à une existence tout aérienne en quelque sorte, source de leur pétulance et de leurs manières irréfléchies, ils rachètent par une moindre susceptibilité d’intelligence l’équivoque et stérile avantage de nous ressembler corporellement sous presque tous les autres rapports.
  3. Observata quœdam de osse epactali seu gœthiano, cum tabutis tribus æri incisis ; a Gothelf-Fischer, professore mosquensi, etc. — Mosquæ, 1811.
  4. Voyez Journal complémentaire du Dictionnaire des Sciences médicales, tom. II, p. 226 et 227.
  5. En faisant jouer aux interpariétaux, comme dans ce passage, le rôle de couvercle des lobes postérieurs du cerveau, je rapporte ce qui en est manifeste dans l’homme ; mais je me garde bien d’en rien conclure pour leur dépendance réciproque et nécessaire partout ailleurs. J’irais contre des faits que j’ai recueillis ; car j’ai sous les yeux des crânes, entre autres celui d’un mouton, où, par l’effet d’une influence pathologique, les interpariétaux se sont accrus en raison inverse du volume des lobes postérieurs.

    Les interpariétaux me paraissent au contraire dans des relations plus décidées avec d’autres systèmes, spécialement avec celui de l’appareil auditif. Je ne puis dans cette occasion faire connaître les sources où j’ai puisé les motifs de cette nouvelle manière de les considérer.

  6. Habeo enim capita novem mensium quæ curiosis oculis exhibenda servo, in quibus os illud magnum triangulare, in quatuor partes divisum est. Kerkring, Osteogenia fœtuum, p. 220.
  7. Nouveau Journal de Médecine, mars 1829, p. 219.
  8. On a dessiné au quadruple une portion a, b, c, d, de l’occipital, pl. III, fig. 3 : tel est l’objet de la plaque mise à côté, mêmes lettres, fig. 4. Que cette partie osseuse ait été d’abord un réseau fibreux, et que ses rets peu après se soient convertis en autant de membrures solides, ce point ne nous touche pas pour le moment. Ce qui est proprement l’objet de cette note, et ce que j’ai voulu rendre observable au moyen de la figure no 4, c’est la forme du tissu osseux en table, et principalement celle de ses mailles. Or il est ici visible que tous les vides sont linéaires, et qu’ils sont tous dirigés du centre à la circonférence. C’est par conséquent la disposition des rets eux-mêmes, ce à quoi on n’avait pas donné d’attention jusqu’ici, parce que ces rets portent à droite et à gauche leurs nœuds d’anastomose ; c’est, pour dernier fait à en conclure, la marche du développement même du système osseux disposé en lames.

    Ces mailles, soit qu’elles restent ouvertes durant le travail des premières formations, soit qu’elles s’obstruent pour la plupart dans un âge plus avancé, ont une grande importance physiologique ; car ou bien elles favorisent l’anastomose des deux couches d’artères et des autres rameaux entre eux, veines et nerfs répandus sur les deux surfaces des tables osseuses, ou en se fermant elles donnent sur ce point une autre direction à la circulation des fluides nourriciers.

    Tout cela se voit dans le phénomène physiologique le plus curieux que je connaisse, l’accroissement du bois des cerfs. Je l’ai décrit en 1799, dans un Mémoire ayant pour titre : Sur les prolongemens frontaux des animaux rurninans. Voyez Mémoires de la Société d’Histoire naturelle de Paris, in-4o, prairial, an 7, p. 91.

  9. Dans une nomenclature où le sphénoïde était appelé os carinæ et le frontal os puppis, le mot proral, os proræ, était convenablement appliqué à l’occipital. Gardons-nous d’ailleurs de noms nouveaux pour choses que nous n’inventons ni ne perfectionnons.
  10. Dans le notencéphale, pl. II, mêmes lettres V, V, fig. 7 et 8, cet os est moins droit, plus courbé, et d’une conformation moins éloignée de la normale. Le rocher P, fig. 6, est dans des dimensions ordinaires ; par conséquent, à son tour domine par le cerveau, il n’a pu être là une plus grande cause d’obstacle qu’il l’est chez tous les autres fœtus à encéphale. L’anomalie, dans cet exemple, est toute pour la pièce i, fig. 7, pour une apophyse transverse, une sorte de côte entièrement détachée de sa première vertèbre. Contournée en cercle, elle forme un anneau qui est osseux dans les trois quarts de son pourtour, et ligamenteux dans le reste. Cet anneau a manifestement deux usages : c’est une assise entre les occipitaux latéraux et la première vertèbre cervicale pour l’attache de la colonne épinière, et de plus il ménage son ouverture centrale pour le passage des artères cérébrales.
  11. De nouvelles recherches d’une date toute récente m’ont convaincu que nos deux pièces X′ et X″, se confondant ordinairement en une seule qui a reçu le nom de basilaire ou d’occipital inférieur, sont originairement et essentiellement distinctes. Leur situation inférieure et centrale, et plus encore leur part d’influence dans la formation du fœtus, décident de la précocité de leur soudure. Je les emploierai dorénavant, savoir, X′ ou la pièce antérieure, sous le nom de otosphénal, et X″ ou la pièce postérieure, sous celui de basisphénal.
  12. M. Otto, professeur à Breslau, en ayant décrit cinq espèces, les a employées sous les noms d’anencephalicus primus, secundus, tertius, etc. ; mode d’exposition qui a rendu ses descriptions difficilement comparables. Voyez sa dissertation portant pour titre : Monstrorum sex humanorum anatomica et physiologica disquisitio, in-4o, 1811.
  13. C’est à ce célèbre professeur qu’on doit l’adoption du mot anencéphale. Voyez sur cela l’excellent article Monstruosités du Dictionnaire des Sciences médicales, dont nous sommes redevables à M. le docteur Adelon.
  14. Mémoires sur les fœtus acéphales. Voyez Bulletins de la Faculté et de la Société de Médecine de Paris, 1815, IX, et 1817, IX, 2e partie, p. 516.