Philosophie anatomique. Des monstruosités humaines/Description d’un monstre humain, né à l’Hôtel-Dieu de Paris en août 1821, où l’on donne les faits anatomiques et physiologiques d’un genre de monstruosités du nom de podencéphale/§ VII

Chez l’auteur, rue de Seine-Saint-Victor, no 33 (p. 321-402).
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Description d’un monstre humain né en août 1821, du genre podencéphale.

§ VII. Des organes génito-urinaires.

Du rectum s’ouvrant dans ces organes.

Le podencéphale présente un vice de conformation qu’on est dans l’usage de désigner sous le nom d’imperforation de l’anus : son rectum n’aboutissait, ni ne s’ouvrait en dehors.

Cette observation fait désirer de savoir davantage. Que devient cet intestin ? quel est son mode de terminaison ? quelles parties à son extrémité sont heurtées par les matières qu’il renferme ? Ces questions, dans des cas semblables, ont déjà beaucoup occupé. L’art, en effet, s’est proposé de venir au secours d’une nature en désordre : s’employant ainsi à l’achèvement d’une formation organique, il a souvent comme réparé une méprise, en procurant aux matières excrémentitielles une issue nécessaire à leur dégorgement. Cependant les opérations ne furent pas toujours également suivies de succès, et l’on apprit par là que l’occlusion de l’anus dépendait de causes différentes.

Le cas où cette difformité s’écarte le moins de la règle est celui du rectum, qui se rend droit au point accoutumé de la peau, et qui s’y épanouit à sa surface intérieure : la plus petite incision pratiquée ramène les choses à l’état normal ; mais assez souvent il y a déclivité du rectum. Si le rectum s’infléchit en arrière, il va se perdre dans les mailles du tissu cellulaire, accompagnant les dernières enveloppes des vertèbres coccygiennes ; mais, s’il se porte en devant, il vient s’ouvrir dans les voies urinaires, où nécessairement il est un sujet de trouble et par conséquent de grave incommodité. Tous ces faits de position et d’insertion ont été rapportés et sont décrits avec beaucoup trop de soin dans les traités de médecine opératoire, pour que je croie nécessaire de m’y arrêter plus longtemps.

Le plus simple coup d’œil porté sur les figures 8, 9 et 10 de notre sixième planche suffit pour montrer que le podencéphale était dans ce dernier cas. Son rectum s’ouvrait en effet, si ce n’est absolument dans la vessie urinaire, du moins tout près de son col, dans le canal de l’urètre. Ce changement de relations donnait à ce canal, remarquable déjà par sa plus grande largeur, une apparence dont les oiseaux fournissent seuls un exemple : les urines et les matières fécales s’y rencontrant ou étant dans le cas de s’y rencontrer (ainsi que cela s’est vu par exemple chez un enfant que ce désordre, au rapport de Flajani, Osservazioni di Chirurgia, t. 4, obs. 89, ne fit périr qu’au huitième mois de sa naissance), il en résulte que cette voie commune paraît transformée en un cloaque, rappelant, par sa forme, la voie unique des déjections chez les oiseaux.

Analogies avec les oiseaux.

Par ce premier aperçu, je serais déjà conduit à comparer les anomalies des organes génito-urinaires du podencéphale à l’état normal des organes correspondans des oiseaux, si dès le début une difficulté ne m’arrêtait. Je parlais d’un cloaque commun chez le podencéphale ; mais sais-je véritablement ce qu’est cette bourse chez les oiseaux ? Le mot de cloaque, inusité partout ailleurs en anatomie, appartient à l’enfance de la science. Il a été imaginé sans qu’on y ait attaché une idée de rapport. Ce n’est point le nom d’une chose, c’est celui de sa fonction. Tout est là reprochable ; l’objet n’est point défini : on a agi sans vue générale, et dans le seul point examiné on a fait une fausse application. La grande poche, dite le cloaque commun pour avoir paru commune aux urines et aux matières stercorales, reste, dans le fait, étrangère aux unes et aux autres, et jamais n’en contient la moindre parcelle. Il y a mieux ; bien qu’elle soit au devant du rectum, elle perd momentanément son caractère de tube ou de canal pour que les matières excrémentitielles n’aient point à la traverser sous cette forme. Et en effet l’oiseau qui se dispose à fienter prépare à l’avance toutes les parties de cette grande poche. Craignant d’en salir les parois intérieures, ce n’est que quand il a pris cette précaution, je pourrais presque dire, quand il a rangé toutes les pièces d’un vêtement extérieur, qu’il fait saillir en dehors son rectum, et qu’il se débarrasse.

Ce prétendu cloaque commun, qu’il faut bien avouer à ce moment être d’une nature encore inconnue, attire mon attention, et j’en vois de plus le fond s’ouvrir dans une autre partie, dont le caractère, bien différent, est en outre très-remarquable. Quel est l’objet de cette dernière ? Nouvelle obscurité ; car je ne connais de publiées nouvellement à son sujet que quelques citations de MM. Schneider[1] et Tannenberg[2], qui se sont bornés à rappeler ce qu’en avait dit plus anciennement Fabrice d’Aquapendente, vesicula in quam semen emittit gallus, et qui, dans ces circonstances, ont consacré les droits de l’inventeur en distinguant l’objet de sa découverte sous le nom de bursa Fabricii.

Voilà deux poches donnant l’une dans l’autre que nous connaissons si peu que nous ne savons encore comment les nommer. Cependant c’est à ces deux récipiens que l’entraînement de notre sujet nous porte à comparer les principales anomalies du podencéphale en ce qui concerne ses organes génito-urinaires. Évidemment il n’y a point de rapport, point de résultat scientifique à espérer d’un travail où l’on ne comparerait que des inconnues.

Ces réflexions nous en disent assez pour nous mettre sur la voie et pour nous tracer une règle de conduite. En conséquence nous nous occuperons d’abord du plan constamment suivi à l’égard des oiseaux, en le ramenant à celui des mammifères, pris pour point de départ et pour terme de comparaison, et nous n’en saurons dans la suite que mieux apprécier le degré et l’importance de l’aberration que nous fait connaître la monstruosité du podencéphale.

Des organes génito-urinaires des oiseaux, non entièrement ramenés à une forme générale.

À ce moment de nos recherches, nous ne pouvons manquer de confiance dans l’esprit qui les a dirigées jusqu’à ce jour, dans notre idée fondamentale, la théorie des analogues. Des jalons existent déjà sur la route. Quelques parties des organes sexuels des oiseaux ont, au premier abord, paru d’une identité si évidente avec leurs correspondans chez les mammifères, qu’il n’y a jamais eu à leur égard de dissentiment. La conformité des ovaires, de la grappe et des tubes oviductes pour les femelles et celle des testicules, des canaux déférens et des pénis pour les mâles, sont un fait acquis dès les premiers temps de la science, un rapport trouvé par les anciens. On s’arrêta au point où nous en sommes aujourd’hui dans la découverte de ces analogies ; on ne sut plus ce que ces organes avaient de commun à partir du lieu où ils viennent se réunir, et, comme on le croit, où ils viennent se confondre dans l’appareil urinaire. Cet amalgame se fait différemment, suivant les familles dans lesquelles on l’observe : mais on ne fit pas cette distinction, sans doute par indifférence autrefois, et de nos jours préoccupé qu’on était par des idées systématiques ; et en effet un tout autre esprit régnait dernièrement dans l’école. Au fur et à mesure que la zoologie prit de l’extension, on parut croire que le terme de tous les efforts, était le perfectionnement de ses classifications, et presque sans s’en apercevoir, et à cause d’elle, l’on dévia de la route tracée par Aristote.

Les choses se passaient ainsi, quand, en ce qui concerne les organes sexuels des oiseaux et des mammifères, il paraissait cependant plus naturel de conclure des premiers rapports si facilement découverts qu’un second effort ferait tout aussi aisément retrouver dans le surplus de ces organes les autres rapports qui restaient à connaître, et qui ne manquaient probablement à la science que parce que l’intervention de quelques parties étrangères était parvenue à les masquer. Mais ce ne fut ni ne pouvait être l’objet d’anatomistes occupés de classifications zoologiques. On était parvenu à une époque où l’on dut croire que le perfectionnement de ces classifications tenait à marquer avec rigueur et même à prolonger les intervalles qui séparent les familles, et l’on se montra uniquement sensible à l’avantage de faire ressortir tant de différences caractéristiques.

Cependant se porter sur les ressemblances ne pouvait être qu’un moyen de plus de juger de la véritable valeur des différences. MM. de Candolle et Meckel viennent de le reconnaître et de s’en expliquer formellement dans des ouvrages récens ; le premier, dans une deuxième édition de sa Théorie de la Botanique, et le second, dans son nouveau Système d’anatomie comparée[3].

C’est ainsi que divers tâtonnemens en faveur de la zoologie sortirent la science de l’organisation de la voie où les travaux d’Aristote et de son siècle l’avaient placée. Mais ce ne pouvait être que pour un moment. Il était réservé à la science qui s’occupe de spécialités au sujet des animaux, d’y ramener plus tard, en montrant que toutes les formes se nuancent à l’infini, et en portant par la multiplicité de ses faits, avec rigueur et certitude, sur l’idée qu’il n’y a fondamentalement qu’une seule organisation et, pour ainsi dire, un seul animal plus ou moins modifié dans toutes ses parties.

Ce qui fit qu’on ne ramena pas à l’unité de formation le surplus des organes sexuels des oiseaux, comme on l’avait fait pour quelques-unes de leurs parties, c’est que, dans le point où ces organes vont se mettre en communication avec les choses du monde extérieur, ils sont réellement méconnaissables : ils n’y arrivent pas seuls, mais ils se greffent et s’anastomosent avec d’autres voies devant aussi aboutir extérieurement. C’est donc la difficulté de distinguer dans ces issues ce qui leur appartient en propre, qui empêcha toute recherche et paralysa les efforts.

Reconnaître ce fait, c’est avoir déjà montré où existent les inconnues de notre problème ; et pour les éliminer entièrement, nous n’aurons plus qu’à nous élever si haut que de là nous puissions embrasser à la fois et la généralité des êtres et le caractère des modifications variées dans lesquelles peuvent être entraînées toutes les parties de ces organes. Or ce qui d’abord se manifeste avec la plus grande évidence, c’est leur tendance commune à se rendre et à se produire au dehors dans tous les animaux. Pour ne point nous laisser influencer par des idées acquises, par quelques préjugés, oublions ce que nous avons nous-mêmes rapporté plus haut : revoyons les faits, pour, d’après eux, recomposer nos idées ; c’est-à-dire, ne craignons pas de demander, même à ce moment, si chaque système ne jouirait pas de moyens propres pour déboucher à l’extérieur.

Ces systèmes sont les trois grands appareils des parties postérieures du tronc : ils sont aussi distincts quant aux pièces qui les constituent que dans l’objet de leur destination ; tels sont l’appareil digestif, l’appareil urinaire et l’appareil générateur. Les produits dont ils parviennent à se débarrasser en les versant au dehors ne sont par moins différens les uns des autres. Je rappelle que ce sont, pour le premier, les matières stercorales ; pour le second, l’urine ; et pour le troisième, la liqueur séminale.

Cependant comment, étant si différens dans leur composition et dans leur objet, arrive-t-il qu’ils aient une si grande tendance à se porter les uns vers les autres ? Je crois que c’est parce qu’ils sont pareillement le terme des fonctions extra-nutritives, également des organes de déjection pour les matières non assimilables ou formant surcharge dans les réservoirs. C’est la même nécessité qui les entraîne vers les mêmes lieux, mais non une convenance, une affinité réciproques. Le tronc, servant de théâtre aux jeux des principales fonctions de la vie, est le tonneau des Danaïdes ; c’est une sorte de manchon qui reçoit à l’une de ses entrées, et qui rend à l’autre : tout ce qui n’est point incorporé dans l’animal est nécessairement refoulé du côté opposé à l’ouverture d’arrivée.

Ainsi toutes les eaux d’une même chaîne de montagnes se rendent dans un même bassin, et viennent de plusieurs lieux aboutir à l’autre extrémité des canaux qu’elles ont parcourus. Il ne s’ensuit pas pour cela qu’une rivière soit, dès son origine, dans une relation obligée avec les autres rivières du même confluent. Toutes celles d’un même bassin cèdent à une nécessité inhérente à leur propre nature lorsqu’elles tombent dans le même point d’arrivage, soit qu’en effet elles gagnent la mer avant de s’être rencontrées et confondues, soit qu’elles ne parviennent à la mer qu’après avoir opéré leur jonction. Mais, quoi qu’il arrive à cet égard, il est certain qu’il n’est rien changé par là à la distribution primitive des eaux, aux conditions prescrites successivement à leur cours par la disposition des terrains supérieurs.

Sans doute que, si au début des observations anatomiques on eût trouvé les trois appareils de décharge se terminant chacun par une embouchure particulière, cette distinction eût mieux servi la faiblesse de notre intelligence que leur confusion apparente dans les oiseaux : et cette combinaison, je ne l’imagine pas ; la taupe femelle en fournit un exemple[4]. La faiblesse de notre intelligence s’en fût en effet mieux accommodée ; car, avec les trois voies distinctes, la voie stercorale, la voie urinaire et la voie génitale, il n’y eût eu aucune difficulté, et nos explications actuelles fussent devenues inutiles. L’unité de composition en ce qui concerne les organes sexuels des oiseaux aurait depuis longtemps été obtenue à leurs parties terminales tout aussi facilement qu’à leurs parties d’origine, aurait été dans le vrai un fait constant dès le premier abord.

Il y a quelque temps qu’on n’eût pas manqué d’embellir ce sujet par une explication qui eût paru plausible. Ce qui eût été si avantageux pour l’exercice de nos moyens intellectuels, aurait-on pu objecter, pouvait n’être pas ce qu’il y avait de plus économique ; et le procédé qui aurait eu pour objet de profiter d’un canal, afin de l’employer au versement de deux ou même de trois produits de sécrétion, pouvait entrer mieux dans les plans de simplicité de la nature. Cette explication, que suggère la philosophie des causes finales, déjà condamnable dans son esprit, n’est d’ailleurs point d’accord avec les faits : car que vous examiniez les animaux en ayant soin de les prendre à de certains intervalles sous le rapport de la conformation, et vous verrez que la nature ne se refuse point à multiplier les moyens d’exécution pour consolider ses ouvrages. Tout ce qui est possible est produit ; et l’un des plus piquans résultats de ce travail sera, je crois, de montrer, quant à la question qui nous occupe, que toutes les combinaisons, hors une seule que rejette le principe des connexions, sont possibles, savoir : les trois voies débouchant séparément, les trois voies placées bout à bout et n’en formant qu’une générale, et enfin les trois voies se réduisant à deux issues extérieures, présentant les deux ordres suivans d’association, A et B sans C, puis B et C sans A. Une seule combinaison est écartée ; sans quoi il fût arrivé, ce qui n’est pas possible, que les routes A et C eussent enjambé sur l’intermédiaire. Au surplus, que nous soyons ou non dans le cas d’admirer ces procédés plus économiques de la nature, il est certain que la réunion de canaux propres à plusieurs systèmes différens a jeté en ce qui concerne les oiseaux une si grande indécision sur ce qui est personnel à chacun des trois appareils, que c’est, je le répète, à cette seule circonstance qu’il faut attribuer le vague dans lequel nous avons été sur cela plongés jusqu’ici. Pour en sortir, nous avons besoin d’une méthode qui nous fasse faire sûrement le triage de ce qui dans cette communauté d’organes est décidément propre à chacun d’eux. Il suffira pour cela d’agir tout autrement qu’on ne l’a fait jusqu’à ce jour ; c’est-à-dire, qu’on devra, reprenant à part chaque appareil, se borner à le considérer isolément de dedans en dehors, de manière à suivre chaque organe jusqu’au moment où, par son anastomose avec un autre, il vienne compliquer le problème.

De la voie stercorale chez les oiseaux.

En partant des cœcums, je ne suis exposé à aucune méprise. En effet les analogies du canal intestinal sont données, de même que celles des organes des sens, par exemple, sans travail, on peut dire, d’inspiration, et par conséquent d’une manière tout aussi incontestable que le sont les plus simples propositions concernant les nombres. Dans ce cas et avec toute confiance, je parcours des yeux toute l’étendue de l’intestin post-cœcal jusqu’à ce qu’enfin j’en aperçoive la dernière issue. Un premier bourrelet se présente ; voyez pl. VII, lett. b′, b″, fig. 4[5]. J’en examine la structure ; j’en vois le relief augmenté par un muscle circulaire et constricteur ; j’y trouve enfin tous les caractères d’un vrai sphincter. J’en examine de plus le jeu sur le vivant, et je m’assure que ce bourrelet s’entr’ouvre à la volonté de l’animal, qu’il se tient habituellement fermé, et qu’il se conduit enfin comme le fait l’anus chez les mammifères. Ce qu’on trouve en dehors de ce bourrelet est de l’urine ; ce qui est en dedans, de la matière fécale. Si je m’en tiens aux indications de cette dernière considération, ce sphincter est le véritable anus[6] : mais, pour que ce fût vrai à tous égards, il faudrait qu’il n’y eût rien en avant de lui, et qu’il pût être produit à l’extérieur. N’est-il besoin que de cette condition ? elle est en très-grande partie donnée. Je l’ai déjà exposé plus haut ; si les oiseaux veulent fienter[7], toute la bourse, qu’on a nommée cloaque commun jusqu’à ce jour, s’ouvre, se renverse et se retourne comme le doigt d’un gant. Après ces dispositions faites, il n’est plus besoin que d’un léger effort pour porter la portion anale de l’intestin en dehors : cette portion y arrive sans obstacles, et répand elle-même les matières dont l’animal veut se débarrasser. Le cheval par exemple, n’agit pas différemment en faisant saillir au dehors, sous la forme d’une rosette ponceau, une partie de son rectum.

Je réponds de l’exactitude de ces faits comme de choses que j’ai attentivement observées : chacun est d’ailleurs à portée de les vérifier. En conséquence, sans prendre à ce moment aucun souci de ce que peut être le prétendu cloaque commun, je conclus que la portion intestinale circonscrite par le bourrelet b′, b″, forme bien réellement la dernière portion du tube digestif, l’intestin rectum. Cette détermination acquise, j’ai donc éliminé l’une des trois inconnues de mon problème, savoir, le tube stercoral, ou, ce qui revient au même, la voie des matières excrémentitielles.

De la voie urinaire.

Je passe à la voie urinaire, qu’il m’importe également de connaître, surtout à son arrivée dans le confluent commun, où elle mêle son embouchure avec celle des autres conduits. J’userai des mêmes précautions que dans la détermination précédente ; et à cet effet je considérerai l’appareil entier des voies urinaires, en commençant cette exploration dès son origine. Or cet appareil se compose d’abord de parties déterminables aussi sans donner lieu à la plus petite crainte d’erreur, déterminables enfin avec une évidence qui a dû frapper dès l’abord les yeux du premier observateur. Tels sont les reins et leurs conduits, nommés urétères. Les oiseaux sont reconnus jusque-là pour être identiquement formés comme les mammifères.

Dans ces derniers, une vessie, dite urinaire, reçoit l’urine sécrétée par les reins. Cette poche forme un réservoir, où aboutissent les urétères restreints à n’être qu’une voie de communication. Le champ de nos recherches est de plus en plus circonscrit. Il ne nous faut plus qu’une réponse à cette question : Où se rendent les urétères des oiseaux ? Je vois ces urétères, t, t, fig. 4, déboucher dans un canal V, dont l’animal peut à volonté fermer les issues, et qu’il parvient de cette manière à transformer en une véritable bourse ; je dois même ajouter, pour être en tous points exact, que les oiseaux en tiennent toujours, hors le moment d’uriner, toutes les issues fermées.

Cette bourse ne saurait être autre chose que la vessie urinaire. Ce n’est pas uniquement ses rapports avec les urétères qui l’indiquent : elle en a les fonctions, devenant un réservoir dans lequel les urines sont tenues tout-à-fait à part, et conservées jusqu’au moment où, recueillies en trop grande quantité, le besoin de les répandre soit ressenti. Je me suis assuré de toutes ces circonstances, et si parfaitement, que j’ai pu procurer à nos laboratoires de chimie de l’urine d’oiseau limpide, sans mélange de substances salines et d’excrémens. Cependant c’est tout le contraire qu’on avait cru jusqu’à ce jour[8].

Toutefois le réservoir urinaire des oiseaux diffère de celui des mammifères sous deux rapports, 1o Quant à sa forme. C’est, chez, les mammifères, un manchon qui n’aurait qu’une entrée, et chez les oiseaux, un manchon avec ses deux issues. 2o Quant à ses connexions. Les oiseaux ont ce manchon au-devant du rectum : le bourrelet valvulaire par lequel se termine l’intestin est mitoyen. C’est un sphincter à deux fins, un anus pour le rectum et un col pour la vessie urinaire.

Il est un second bourrelet, lett. d′, d″, fig. 4, extérieur et parallèle à celui de l’anus : c’est l’autre col, le véritable col de la vessie, celui par où s’échappent les urines. Des fibres musculaires sont adossées à ce bourrelet, et en forment un sphincter, qui règle l’ordre des évacuations, et qui surtout empêche la plus petite goutte d’urine de pénétrer dans la dernière poche. Quand on entr’ouvre celle-ci, même sur le vivant, on voit les lèvres froncées et la fente que forme ce sphincter au centre : on a représenté ces dernières circonstances, fig. 3, lett. V.

Toutes ces différences ne s’opposent point à ce qu’on reconnaisse dans le réservoir urinaire des oiseaux l’analogue de la vessie des mammifères ; et dans le vrai, ces différences, en les appréciant à leur véritable valeur, se réduisent au fond à une seule, sur laquelle je prie qu’on fixe son attention. J’y attache une grande importance, parce que je crois y apercevoir le principe des modifications classiques des oiseaux et comme la clef de ces variations si long-temps méconnues dans leur essence ; l’intestin rectum débouche chez les oiseaux dans le fond de leur vessie urinaire. Je me réserve d’exposer plus bas ce qui, selon moi, est devenu l’occasion d’une anomalie aussi remarquable, eu égard aux rapports connus de la vessie chez les mammifères.

Si le rectum se porte en dehors pour y répandre les matières dont une accumulation trop considérable le gêne, c’est à plus forte raison ce que la vessie fait aussi, et même ce qu’elle fait la première, puisqu’elle est placée extérieurement quant à l’intestin. En effet, lorsque les parties prises autrefois pour l’anus, ou les membranes externes du prétendu cloaque, se sont et ouvertes et rangées circulairement, ce qu’on voit au centre et au fond de la poche est le méat urinaire. La lettre V montre cela dans notre troisième figure. Ce méat, contraint par sa position à s’ouvrir avant l’ouverture anale, laisse d’abord échapper les urines. L’oiseau, en l’ouvrant seul, ainsi que fait souvent l’autruche, donne à part son jet d’urines : mais il lui arrive ordinairement, comme on sait, de tout rendre ou de paraître tout rendre à la fois. En quelque peu de temps que cela se fasse, il faut bien que l’urine soit la première expulsée : les matières stercorales, qui sont au delà, n’arrivent qu’après. À cette seconde époque, la vessie non-seulement est entièrement vidée, mais elle disparaît tout-à-fait. Elle se replie sur elle-même, comme un gant qui est retourné : son ampleur ne contribue pas seule à cet effet ; son col y aide aussi en se déplissant et en s’effaçant entièrement.

Le moyen d’obtenir de l’urine limpide est simple. Pressez le ventre d’une poule qui vient de fienter : en pesant sur les bassinets des reins et sur les urétères, vous dirigez la quantité d’urine qui s’y trouve sécrétée sur la vessie, qui s’en remplit et la conserve ; vous retirerez ensuite cette urine à l’aide d’un siphon introduit à travers le méat urinaire.

Par ce qui précède, j’ai fait voir que les oiseaux sont, tout aussi bien que les mammifères, pourvus d’une vessie contenant les urines accumulées. Ayant de plus constaté que les voies de l’appareil urinaire, parvenues au méat externe dont il a été question plus haut, se terminent à ce méat, je suis certain d’avoir embrassé toutes les considérations qui s’appliquent au système de la dépuration urinaire : j’ai donc éliminé une autre inconnue du problème à résoudre.

Ainsi, des trois voies que je m’étais proposé de retrouver dans les oiseaux, deux sont acquises, deux sont déjà connues. Ce qui reste par conséquent du cloaque commun ne saurait appartenir, et, je n’en puis douter, n’appartient en effet qu’à l’organe de la génération. Toutes les causes d’erreur étant ainsi soustraites, la comparaison des organes sexuels des oiseaux avec ceux des mammifères devient très-simple, et rentre dans les travaux faciles des déterminations les plus ordinaires : c’est ce que je vais montrer dans l’article suivant.

De la voie génitale.

Tous les oiseaux mâles et femelles ont également un cloaque commun, une poche d’une étendue considérable, dont une dernière partie se trouve en ligne avec les deux voies déjà examinées, leur est extérieure, et dont je ne sais rien autre à ce moment, si ce n’est que cette dernière portion tubulaire n’a guère que des relations de voisinage avec ces voies excrémentitielles. S’il existe quelque harmonie dans leurs mouvemens, c’est de la part de la dernière chambre, pour éviter les entreprises et les atteintes des pièces contiguës. Tel effectivement est toujours le but de la poche extérieure, soit qu’elle veuille se défendre du plus fâcheux voisinage par une occlusion opiniâtre, soit que, consentant à s’ouvrir, à se retirer et à s’effacer entièrement, elle livre enfin les passages devenus nécessaires.

Quoique du mâle à la femelle les organes de la génération diffèrent en plusieurs points, cela ne donne lieu cependant à aucune ambiguïté sur la nature et la convenance réciproque de ces organes, en ce qui concerne leurs racines, leurs parties d’origine. On est au contraire frappé d’une même évidence d’analogies tout aussi bien à ce sujet qu’à l’égard du commencement des deux systèmes excrémentitiels. Il y a mieux ; il est là une sorte de répétition de l’appareil urinaire : ce sont comme deux autres reins, comme deux autres urétères.

Pour juger de ce qui est présentement dans la science, rappelons la nuit, le vague indéfini d’idées qu’il a fallu traverser avant de l’y avoir introduit. Les formes des choses, et non encore leur essence, furent d’abord ce qu’on observa, ce qu’on s’attacha à constater, et ce qu’on essaya de fixer par des noms. L’organe qui sécrète la liqueur prolifique fut appelé dans le mâle testicule, ovaire dans la femelle ; et la filière que suit le produit de cette sécrétion canal déférent chez le premier, et chez l’autre oviductus. Mais dans des recherches subséquentes, quand de l’homme on passa aux animaux, on s’intéressa davantage à l’essence des choses, et on appliqua le même système de nomenclature à tous les animaux sans distinction, depuis l’homme jusqu’à l’insecte. Dans cette marche plus assurée, on fut encore cependant entraîné à adapter quelques déterminations irréfléchies. Et en effet l’on se conduisit comme si l’on avait été plus convaincu de la correspondance des parties génitales chez le même sexe dans tous les animaux, que de leurs rapports entre les deux sexes dans la même espèce. Ce résultat, piquant par sa contradiction, n’est au fond qu’une affaire de chronologie. Il en fut de cela comme de tout ce qui dépend du progrès de nos idées. On ne considère d’abord qu’une chose, puis plusieurs : l’esprit, qui s’exerce sur une seule considération, se plaît aux contrastes, et poursuit les différences, quand tout au contraire entré, après de nouvelles recherches, dans un champ plus étendu et nourri par une plus vaste érudition, il voit de haut et saisit les rapports.

Quoi qu’il en soit, m’appuyant sur l’état de la science, c’est-à-dire considérant que l’organe des sécrétions séminales et les canaux qui en versent dehors les produits présentent chez les oiseaux une identité parfaite, incontestable, avec ceux des mammifères, je ne suis plus tenu qu’à une seule attention, qu’à examiner comment finissent les canaux déférens ou les oviductus ; et mieux, qu’à examiner sur quels points ceux-ci viennent déboucher. Chacun sait que c’est dans le cloaque commun. La discussion dans laquelle je suis engagé exige que je donne cette position d’une manière plus précise qu’on ne l’a fait. Or je vois ces appareils de génération placés en avant de la vessie, lett. I, fig. 4, sur le bord externe de son col. Ces ouvertures débouchent donc dans la troisième chambre du cloaque, dans sa partie la plus extérieure.

Je cherche parmi les mammifères des analogues à une poche que précèdent les oviductus, et qui ait son issue à l’extérieur : le corps de la matrice et le vagin dans un sexe, les vésicules séminales et le fourreau des corps caverneux dans un autre, s’offrent à moi comme pouvant satisfaire à la correspondance cherchée. Mais ce sont là, dira-t-on, deux parties distinctes, deux organes différens de structure et de fonction. Attendez, puis-je aussitôt répondre : ne me reste-t-il pas à employer encore une bourse, la poche génitale (vesicula in quam semen emittit gallus) remarquée par Fabrice d’Aquapendente[9] ? Cette poche forme le fond de la dernière voie du cloaque commun, comme le corps de la matrice est le prolongement du vagin, et les vésicules séminales celui du fourreau des corps caverneux. Ainsi chez les uns et chez les autres sont, après les oviductus ou les canaux déférens, une poche avec la fonction d’un contenant, et un canal avec celle d’une voie d’éjection au dehors. Il y a mieux ; ces voies génitales, remplies chez les mammifères mâles par les corps caverneux, le sont par de pareils organes chez les oiseaux : ceux-ci ont un clitoris et toutes les parties de la verge des premiers. Voyez nos figures 1, 2, 7 et 8. Ce sont absolument et identiquement les mêmes organes chez les mammifères et chez les oiseaux.

Je n’en puis donc douter ; tout ce qui existe après les débouchés de la vessie urinaire et des canaux spermatiques chez les oiseaux dépend de l’appareil générateur : chaque partie a son analogue ; le corps de la matrice et les vésicules, dans la bourse de Fabrice ; le vagin et le fourreau du pénis dans la dernière section du cloaque commun, et les corps caverneux, soit de la verge, soit du clitoris, dans de doubles tubérosités occupant le bord, en avant et un peu en dedans du pertuis général. Un examen plus approfondi de chacune de ces parties va donner à ces résultats le dernier degré d’évidence.

Sur les rapports de l’organe génital dans les deux sexes.

Nos déterminations sont assez précises pour que nous ayons déjà confiance en elles. Cependant nous en jugerions plus sûrement le caractère, si, recherchant les conditions générales du système sexuel, nous nous placions si haut que nous pussions considérer l’organe de la génération indépendamment de ses formes, tant dans l’un et l’autre sexe que dans les diverses classes d’animaux. La marche de ces recherches exige d’abord que nous nous défendions de l’influence qu’exercent ordinairement sur notre esprit des noms anciennement consacrés. Nous ne pouvons dans le fait oublier que ces noms ont été imaginés pour des parties observées sur une seule espèce, et relativement à de certaines formes et à de certaines fonctions qui sont le caractère de ces spécialités.

Ces noms toutefois n’ont pas tellement captivé l’imagination, que les rapports qui existent entre les organes des deux sexes n’aient souvent occupé les esprits adonnés aux spéculations philosophiques. M. le professeur Richerand est parvenu à dire dans le peu de mots suivants comment on a conçu jusqu’ici ces rapports : « Aristote, Gallien et leurs verbeux commentateurs ont exprimé l’analogie qui existe entre les parties génitales de l’un et de l’autre sexe, en disant qu’elles ne différaient que par leur position extérieure chez l’homme, et intérieure chez la femme. On trouve en effet une ressemblance exacte entre les ovaires et les testicules, les trompes de Fallope et les conduits déférens, la matrice et les vésicules séminales, le vagin, les parties extérieures de la femme et le membre viril. Les premiers sécrètent la liqueur séminale, et fournissent, soit dans l’homme, soit dans la femme, une matière essentielle à la génération (ovaires et testicules). Les trompes de Fallope, comme les canaux déférens, portent cette matière dans les réservoirs où elle doit séjourner (utérus et vésicules). Ces poches contractiles, qui servent de réservoir à la semence ou à son produit, s’en débarrassent quand ils y ont fait un assez long séjour : enfin le vagin et la verge servent à cette élimination. » Rich. Élémens de Physiologie, édition de 1817, t. 2, p. 398.

M. de Blainville a reproduit ces idées (voyez Bulletin des Sciences par la Société philomatique, octobre 1818, p. 155), en ajoutant que « la nature des organes de la génération était évidemment femelle, et que par conséquent le sexe mâle n’en est qu’une simple modification ; que l’épididyme et les tubes séminifères, qu’on croyait particuliers au sexe mâle, se rapportaient aux ligamens larges de la femelle, ainsi que l’avait déjà établi Rosen-Muller, et qu’il avait vu le premier de doubles ovaires chez les oiseaux. »

1o Cette prédilection pour un sexe a surpris. On paraissait auparavant pencher pour le sentiment de Ch. Grève : Ut virilia ad dandum, sic muliebria ad recipiendum à naturâ apta sunt. Ces deux opinions sont, je pense, trop exclusives. Car, quant à cette dernière, le sexe femelle donne plus qu’il ne reçoit ; et relativement à la première, on ne peut, ce me semble, regarder un sexe comme une dégénération de l’autre : ils se ramènent à l’unité de composition, voilà le seul point incontestable. Ainsi il n’y a à cet égard de vrai en philosophie rien autre, sinon que les organes des deux sexes entre eux et ces organes considérés dans tous les animaux se rapportent à un type uniforme, par conséquent à une sorte de type idéal, dont chaque conformation particulière se trouve être une modification plus ou moins grande : ou plutôt cette proposition ne sera vraiment acquise que s’il arrive qu’on ne fasse aucune omission, c’est-à-dire qu’on embrasse dans ces rapports jusqu’à l’élément regardé comme le moins important du système.

2o Je ne crois pas du tout la seconde considération vraiment fondée en ce qui concerne l’épididyme, présumé l’analogue du ligament large. L’un est une partie essentielle et intégrante de l’appareil, et l’autre lui est adossé et fait partie de la tunique péritonéale ; il n’est que le repli d’une cloison mitoyenne, à qui il n’arrive qu’accidentellement, et par conséquent que dans quelques femelles, d’obtenir de l’emploi et d’y devenir un moyen de suspension.

3o Il est bien vrai qu’il existe plus ou moins distinctement deux ovaires chez les oiseaux. Nous en avons d’abord été informés par le professeur Emmert, qui a inséré en 1811, dans les Archives de physiologie publiées par Reil et Authenrieth, un fort bon Mémoire sur ce sujet. Ce fait était de plus déjà connu de MM. Mayer et Wolf, et du professeur Hochftetter.

De l’épididyme dans le sexe mâle.

Je vais à mon tour essayer de donner une détermination de l’épididyme. C’est une partie surajoutée au testicule, et qui existe près du point auquel aboutissent les tuyaux séminifères. On sait qu’en le dégageant de ses enveloppes et de son tissu cellulaire, on parvient à le déplisser et à montrer que ce n’est qu’un canal contourné sur lui-même, d’abord très-flexueux, bien moins ensuite, jusqu’à ce qu’enfin ce canal se poursuive en ligne droite. Le prolongement de l’épididyme est, à partir de là, nommé canal déférent. L’épididyme ne serait-il qu’une portion contournée de ce dernier ? Dans ce cas, il ne mériterait point d’être élevé au rang d’un organe particulier. Or ces circonvolutions de l’épididyme sont très-souvent aussi le fait du canal déférent lui-même, principalement dans les animaux dont le testicule ne sort point du bassin. On voit une représentation de cet état habituel chez les oiseaux, fig. 7, lettr. Ii. Cependant une autre circonstance relève l’épididyme à mes yeux, c’est d’être le point d’arrivée de la seconde branche de l’artère spermatique ; le testicule reçoit la première.

Considérons l’appareil spermatique chez le mâle d’après les données du principe des connexions. Le testicule est le point de départ ; l’épididyme vient ensuite, le canal déférent après, et les vésicules séminales terminent ce premier appareil. Tout ce qui le compose provient de l’artère spermatique. Mais celle-ci se partage en branche testiculaire et en branche efférente (qu’il me soit permis d’appeler, dans des vues d’avenir, de ce dernier nom la branche qui se rend à l’épididyme). Les deux branches de l’artère spermatique s’épanouissent donc dans le sexe mâle à peu de distance l’une de l’autre, la testiculaire allant se perdre dans le testicule, et l’efférente dans l’épididyme, d’où celle-ci envoie des ramuscules sur le canal déférent. L’organe sécréteur prend donc naissance dès le point de partage de l’artère spermatique : ce voisinage des branches spermatiques est, je crois, ce qui décide de l’élaboration de la semence telle qu’elle est donnée par les mâles (et ici il ne m’est pas loisible d’exposer comment je comprends cette action ; j’ai des vues à cet égard qui s’étendent à bien d’autres questions physiologiques). La semence élaborée, l’appareil ne réclame plus qu’un canal pour la transporter et un réservoir pour la tenir en dépôt. C’est à quoi se réduisent l’objet et les fonctions des canaux déférens et des vésicules séminales.

De l’ovaire et de ses dépendances.

On a long-temps appelé testicule chez la femme ce que, pour se conformer à d’autres vues théoriques, on a depuis nommé ovaire. Ainsi on a transporté à l’objet de la sécrétion l’idée qu’on s’était faite jusque-là de l’organe sécréteur. Pour plusieurs anatomistes, l’ovaire n’est que la réunion de vésicules que leur forme et leur destination connues ont fait prendre pour des œufs, ou du moins pour un commencement d’œufs. C’est, je crois, le cas de distinguer ici la production du producteur. Il existe chez la femelle un vrai corps testiculaire constitué par une des deux branches de l’artère spermatique, s’épanouissant dans des membranes et dans un parenchyme en tous points semblables à ce qui est dans l’autre sexe : mais c’est un testicule sans épididyme. L’absence, ou, mieux sans doute, le déroulement de ce dernier, change seul les rapports de l’ovaire, comparé au véritable testicule. Aussi, quant à ses fonctions, au lieu d’un fluide séminal tout élaboré et s’écoulant sans discontinuité, c’est un autre fluide tel que le peut donner l’action d’un seul des deux composans, de la seule branche spermatique qui y concoure. Ce fluide, plus librement épanché ou filtré, forme plusieurs amas séparés par des enveloppes distinctes, et en général ces corps ronds qu’on a pris pour des œufs, auxquels j’ai proposé, dans mon Mémoire sur la génération des didelphes[10], de donner le nom d’ovules, et qui enfin s’enchaînent et pendent le long d’un repli de la tunique péritonéale comme les grains d’une grappe de raisin.

Qu’il y ait grappe, c’est-à-dire une sécrétion du corps testiculaire, ou non, ce qui suit l’ovaire est un canal flexueux qu’on s’est accordé à considérer comme l’analogue du canal déférent, qui a pris d’abord le nom de tube de Fallope, et qui, pour avoir montré dans les oiseaux un usage manifeste, a été appelé dans la suite oviductus.

Ce canal flexueux verse directement dans les cornes de la matrice. J’ai attentivement examiné ce dernier fait chez le lapin femelle[11], et principalement chez la jument ; et j’ai reconnu plus expressément chez cette dernière que le tube de Fallope se termine dans les cornes par une saillie très-prononcée, par un petit mamelon : c’est une sorte de soupape s’ouvrant de dedans en dehors. MM. Prévost et Dumas[12] ont vu le canal déférent des oiseaux mâles, terminé de même par une papille. J’ai attaché à cette considération une importance telle, que je l’ai fait exprimer pl. VII, fig. 8 et 9, lett. i, i.

Une même saillie, ou un mamelon analogue, existe chez la femelle des oiseaux : notre fig. 3, lett. i, montre le débouché de l’oviductus dans le vagin. C’est un bourrelet saillant et froncé comme un sphincter, pouvant se développer de dedans en dehors, mais qui au contraire se fermerait de plus en plus s’il arrivait à quelque chose de peser dessus de dehors en dedans, et de chercher à s’insinuer par cette issue. Le canal qui est la route suivie par tous les produits de l’appareil séminal, soit le canal déférent chez les oiseaux mâles, soit l’oviductus chez les oiseaux femelles, est en zigzag ; disposition qui, à l’égard de l’oviductus et à raison du volume de ce conduit, apparaît sous la forme de grandes ondulations. Il est sans doute bien remarquable que le tube de Fallope chez la jument et chez le lapin femelle ne diffère en rien des canaux déférens des oiseaux mâles, et se termine également par une papille ou mamelon.

Avant de prononcer, ce qui semble devoir être la conséquence de ce qui précède, avant, dis-je, de prononcer qu’il n’est point d’épididyme dans les femelles, j’examinerai l’utérus et ses dépendances.

De la matrice et de ses cornes.

L’anatomie humaine n’attribue pas de cornes à la matrice ; elle y a seulement distingué des angles[13], faible rudiment chez la femme de ce qui est ailleurs avec un développement très-considérable. Mais l’anatomie vétérinaire n’a pas d’autre expression pour désigner deux prolongemens s’écartant comme les branches de la lettre V, ou se renversant l’un à droite et l’autre à gauche, et paraissant fort différens du corps de la matrice, dont ils semblent former les ailes. Ainsi ce qui n’est chez la femme qu’une portion angulaire d’un caractère assez insignifiant devient chez les animaux une chose absolument distincte ; et il n’y a nul doute que si le nom de matrice, donné d’abord à tout l’organe chez la femme, n’eût formé un préjugé qui plus tard a enlacé les zootomistes, ceux-ci, tout entiers aux impressions des faits, eussent davantage insisté sur la distinction de deux prolongemens de l’utérus, et en eussent traité comme de choses ayant un caractère à part, comme d’organes sui generis.

Ce qui sera difficilement compris par quiconque n’aurait encore vu qu’une matrice de femme, les conditions primitives d’organisation impriment aux cornes de l’utérus ou à ses angles cette distinction, et en font réellement un organe différent. Le système sanguin est ce qui leur donne ce caractère. Les cornes de la matrice sont alimentées, et par conséquent sont formées à leur origine par une branche de l’artère spermatique. Nous avons vu plus haut que la branche testiculaire se rend à l’ovaire. La seconde branche, se distribuant aux cornes de la matrice, est donc la branche efférente, celle qui dans le sexe mâle se porte à l’épididyme.

Le corps de la matrice est nourri au contraire, et est par conséquent produit par d’autres artères, les artères utérines. Il en est des parties molles comme des élémens osseux ; de la disposition desquels je m’autorise ici, parce que j’en ai autrefois très-attentivement examiné les relations et les développemens (voyez Philosophie anatomique, organes respiratoires). Il n’est point, dis-je, de parties organiques qu’on ne puisse considérer comme primitivement distinctes : soutenues d’abord ou suspendues par des lames de tissu cellulaire, elles entrent ultérieurement et par soudure dans de mutuelles associations. Ainsi, différentes dans leur essence, elles se combinent avec quelques parties voisines : leur situation respective les fait tendre les unes vers les autres. Sans le moindre doute elles pourraient ne point se souder, et les oiseaux, pour le cas présent, nous en fourniront un exemple. Mais, s’il leur arrive de l’être, elles participent au même service ; elles s’aident et se suppléent respectivement. La double origine de l’utérus et de ses cornes démontre en effet leur indépendance primordiale. Mais, en admettant cette conclusion, je suis tenu d’insister sur cette remarque : Si les cornes de la matrice forment un organe distinct de ce qu’on a nommé le corps de l’utérus, ce n’est pas toute la matrice qu’on devra regarder comme répondant aux vésicules séminales, mais uniquement le corps de l’utérus. C’est en y apportant cette restriction que j’admets la détermination généralement adoptée (utérus et vésicules séminales).

Des parties présumées les analogues, chez les mâles, des cornes de la matrice et de l’épididyme chez les femelles.

Si notre principe des connexions n’est plus simplement une de ces idées à priori que l’esprit conçoit sur un certain nombre de données, mais constitue présentement une loi déduite de tous les cas où il en a été fait une juste et sévère application, c’est à ce principe à nous éclairer sur les déterminations qu’il nous reste à donner ou à vérifier. J’admets comme fondée celle du précédent article, l’identité des vésicules séminales avec le corps de l’utérus ; et je n’ai plus, pour me laisser prévenir par les inspirations si utiles conseillères de nos deux principes, la théorie des analogues et celle des connexions, qu’à poser la question suivante : Combien existe-t-il de parties avec un caractère distinct chez le mâle, entre les vésicules séminales et le testicule ; combien chez la femelle, entre le corps de l’utérus et l’ovaire ? À cette question il devient facile et on est contraint de répondre : Chez le mâle, le canal déférent et l’épididyme ; et chez la femelle, les cornes de la matrice et le tube de Fallope. Ces indications démontrées, l’épididyme serait le tube de Fallope ramassé en une seule masse, et le tube de Fallope l’épididyme déroulé : le canal déférent et le tube nommé corne de matrice ne différeraient que par le plus ou le moins d’épaisseur de leurs tuniques.

Généralités relatives aux deux sexes.

Je n’en puis douter : ces conséquences me paraissent à ce moment justifiées. L’appareil spermatique est uniformément composé dans l’un et l’autre sexes, savoir : de testicules, d’épididymes, de canaux déférens et de vésicules séminales ; ou, pour parler le langage de l’autre nomenclature, d’ovaires, de tubes de Fallope, de cornes et puis d’utérus.

Ces rapports aperçus, que de lumières ne jettent-ils pas sur les modifications qui différencient chaque sexe en particulier ? On peut en effet conclure de ce qui précède, et l’on aperçoit sans doute déjà que les variations de l’un à l’égard de l’autre appareil sexuel dépendent de la situation de la seconde branche spermatique, l’artère efférente. Ses principaux rameaux se répandent-ils à la naissance du canal déférent, il en résulte les conditions d’existence du sexe mâle : est-ce à la fin du canal déférent ? celles du sexe femelle. Dans le premier cas, l’artère efférente entre dans un concert d’action avec l’artère testiculaire ; dans le second, avec l’artère utérine. Aussi ne devra-t-on point s’étonner que les produits diffèrent, dès que diffèrent les associations et l’emploi des producteurs.

Une conséquence plus générale est celle-ci : Connaître que l’ordre de variations des sexes tient à la position d’une artère, c’est posséder la cause qui influe sur l’apparition d’un sexe préférablement à l’autre. Le plus ou le moins d’écartement des deux branches spermatiques motive effectivement cette préférence. Que les deux branches de l’artère spermatique descendent parallèlement et de compagnie, cette circonstance, je le répète, cette circonstance donne le sexe mâle ; qu’elles s’écartent à leur point de partage, nous avons le sexe femelle. Mais ces branches ne descendent de compagnie et parallèlement que par un défaut de ressort, quand c’est au contraire une plus grande énergie qui dans l’autre cas les porte à s’écarter l’une de l’autre.

Au surplus nous ne sommes encore là que sur la considération d’un effet : la cause de ces excitations différentes est ailleurs. Elle est toute dans la condition inverse de l’état du système sanguin qui se rend à l’appareil cérébro-spinal. Il y a prédominance de ce système chez les mâles, et, en revanche, moindre action ressentie par les artères spermatiques : le contraire, sous l’un et sous l’autre de ces rapports, devient la condition du sexe femelle. Telle est l’explication que nous suggère notre loi du balancement des organes.

Ces développemens donnent la clef de bien d’autres phénomènes. La différence entre les sexes est d’autant plus forte, que les femelles livrent une plus grande quantité de produits de génération. Et en effet la surabondance de la nourriture, pour me servir d’une expression de Buffon qui reçoit ici une juste application, se départit très-inégalement entre les sexes, surtout chez les oiseaux : la richesse et les vives couleurs du plumage chez ces derniers sont des signes extérieurs qui témoignent de toute l’énergie vitale des mâles, comme l’abondance des pontes témoigne de la puissance génératrice des femelles, laquelle, pour se manifester, n’a pas même besoin des excitations de l’autre sexe. La tristesse du plumage chez les femelles d’oiseaux tient si manifestement à une prédominance partielle et locale de sang artériel, à celle du sang, dont les afflux énergiques sont réservés aux organes de la génération, que lorsqu’elles cessent de pondre, et qu’il n’est plus en elles d’organe sous ce rapport privilégié, elles reprennent les formes et le plumage du mâle ; non entièrement il est vrai, mais tout autant que cela devient possible, dans un âge qui touche à celui de la décrépitude.

L’appareil générateur se subdivise en deux sous-appareils aussi distincts dans leur mode et leur position que dans leur structure et leurs fonctions : telles sont, 1o les parties internes, qui fournissent les élémens reproducteurs ou l’appareil de reproduction, et 2o les parties externes, servant à l’union des sexes, ou l’appareil de copulation. Ces parties s’appartiennent, comme elles se distinguent les unes des autres, au même titre et de la même manière que la main, je suppose, à l’égard du bras proprement dit. Il est aisé de prouver que les deux sous-appareils proviennent d’élémens différens, qu’ils se rencontrent dans des conditions de succession de parties, qu’ils se soudent l’un à l’autre, et qu’ils combinent leurs actions, sans que chaque fonction cesse d’être propre et caractéristique de leur nature originaire.

Nous avons ramené au même type l’appareil de reproduction, considéré dans l’un et l’autre sexe. Il nous reste par conséquent à embrasser aussi sous les mêmes rapports l’appareil de copulation : mais ce n’est point l’objet réel de cet écrit.

Je ne dois pas oublier que je me propose uniquement d’obtenir les rapports qui existent entre les organes sexuels des oiseaux et des mammifères, dans l’espérance d’apprécier subséquemment avec plus de justesse les déformations des organes génito-urinaires du podencéphale. Je suis forcé de m’interdire une discussion qui, pour être lumineuse et complète, exigerait non-seulement le concours des mêmes faits anatomiques considérés dans tout l’ensemble des êtres, mais de plus la comparaison d’organes autres que ceux de la génération.

Car je suis intimement convaincu que l’appareil de copulation est une portion de derme parvenue à un maximum de développement ; qu’il est composé par la cause et de la manière dont le sont les organes électriques des torpilles, des silures trembleurs et des gymnotes engourdissans, et qu’il y a entre tous ces organes analogie aussi bien de fonctions que de structure. La prostate me paraît aussi dans le cas de l’épididyme, sous ce rapport qu’elle peut être également appréciée dans de semblables conditions de généralité, c’est-à-dire qu’il ne convient pas de la chercher chez le sexe femelle sous la forme qu’on lui connaît dans le sexe mâle.

Depuis surtout que j’ai publié ma dissertation sur le mode de génération des didelphes, je me suis constamment occupé de recherches concernant le système sexuel[14]. Je n’ai dû détacher ici de ce travail étendu que les vues absolument nécessaires à l’éclaircissement de ma thèse. Je rentre dans mon sujet.

De la bourse de copulation.

Nous avons, en traitant plus haut des trois voies excrémentitielles, réussi à distinguer et à séparer le cloaque commun des oiseaux en ses trois zones tubulaires, savoir : la plus profondément située, se composant du rectum ; l’intermédiaire, de la vessie urinaire, et l’externe, d’un vagin que nous nommerons bourse de copulation.

Celle-ci, beaucoup plus compliquée que les autres, est dans un état de très-grand développement. Son pertuis à l’extérieur, pl. VII, fig. 1 et 2; lett. abc, forme une sorte de vulve[15], où l’on distingue de grandes et de petites lèvres. Un organe de volupté est embrassé par ces dernières : c’est un clitoris à double tubérosité dans la poule (p, p, fig. 2), un pénis un peu plus prononcé dans les mâles (p, p,, fig. 1), et bordé d’appendices cartilagineux ou cornés, h, h. On croit généralement que la plupart des oiseaux s’en tiennent, comme moyen d’excitation, à ces saillies cornées ou à des papilles. C’est qu’on n’a fait aucune attention au corps qui les supporte, pour ne l’avoir observé sans doute que sur le cadavre, chez lequel en effet l’organe excitateur tombe affaissé, et est à peine visible. Je l’ai fait représenter d’après le vivant, où le sang qui y abonde le grossit et le rend apparent sous un volume considérable ; volume d’ailleurs qui n’est que dans une proportion convenable relativement à l’étendue de la bourse de copulation.

Enfin, à l’égard des oiseaux chez lesquels la verge saille en dehors et reste pendante après le coït, on ne peut qu’être surpris de la dimension réellement disproportionnée où parvient l’appareil d’excitation. M. Cuvier, tome V de ses Leçons d’Anatomie comparée, décrit celui de l’autruche et du canard ; et M. Tannenberg donne les dimensions de l’appareil de ce dernier, qu’il a déroulé entièrement, et dont la longueur qu’il a représentée est de douze centimètres. Nos figures 7, 8 et 9 montrent cette verge du canard dans ses divers états de rétraction : la septième, en tire-bouchon et pendante, après le coït ; la huitième, retirée et enroulée en dedans de la bourse, et la neuvième, donnant les rapports du sillon séminifère z avec les papilles i, i, qui y versent la semence. Je ne puis présenter ici que ces indications générales : ces diverses parties sont plus ou moins modifiées dans chaque famille.

La bourse de copulation est semblable dans les deux sexes : chez les mâles, mais seulement chez quelques oiseaux, une portion contient de plus les replis de leur pénis. On ne saurait méconnaître les rapports évidens de cette bourse avec les parties correspondantes des mammifères. Car, quant aux femelles, la similitude s’étend même jusqu’aux formes : c’est le même vagin, plus court cependant, plus évasé et sphérique chez les oiseaux, plus long, plus étroit et cylindrique chez les mammifères ; et quant aux mâles, ces parties ne diffèrent que par leur position, extérieure chez les mammifères et intérieure chez les oiseaux.

Détermination du Bursa Fabricii.

Le fond de la bourse de copulation se continue dans une autre, le bursa Fabricii : celle-ci est un sac à une seule entrée. Sa tunique musculeuse est plus épaisse que celle de la bourse extérieure ; je l’ai fait représenter, vue par le côté dorsal, lett. O, dans la poule, fig. 5 ; dans le canard musqué, fig. 7, et dans le paon, fig. 16. Il faut qu’elle varie beaucoup, et ne soit pas d’une bien grande utilité : l’ayant trouvée creuse et assez renflée dans le canard musqué, je l’ai vue peu après dans un canard commun, longue, non canaliculée et étroite. J’ai ouvert la bourse du no 16 : elle est tapissée de plis longitudinaux, comme le montre l’intérieur de la matrice chez la plupart des mammifères. Son entrée, plus ou moins resserrée selon les espèces, est le plus souvent cachée par le col de la vessie urinaire : toutefois elle est plus éloignée de celle-ci et elle est située plus extérieurement dans la poule ; fig. 3 et 4, lett. O.

La position de ce bursa, supérieure eu égard à celle de la vessie urinaire, rappelle cette même position de la matrice ou du canal éjaculateur chez les mammifères. Fabrice d’Aquapendente n’avait observé ce bursa que chez une femelle, d’où il lui avait attribué la fonction de recevoir la semence du mâle. Mais Schneider, dans sa Collection de Mémoires citée plus haut, se déclare contre cet usage, et juge même cette bourse étrangère au système sexuel, parce qu’il l’a, dit-il, également observée chez les mâles, notamment chez le colymbus cristatus et chez le dindon, et qu’il a de plus constaté sur les coqs qu’elle diminue et disparaît avec l’âge. La conclusion de Schneider est loin d’être rigoureuse, s’il est avéré que les organes d’un sexe existent pareillement dans l’autre avec des formes plus ou moins diversifiées, et surtout elle ne saurait prévaloir contre l’observation très-circonstanciée de Fabrice, qui a décrit fort minutieusement les mouvemens de la poule ouvrant sa vulve pour porter au dehors l’orifice de son bursa, et ceux du coq pour introduire dans celui-ci son pénis et sa semence. Ces bursa contiennent la liqueur séminale propre à chaque sexe, et ils se mettent en rapport pendant le coït. N’en est-ce point assez pour que, réservoirs de la semence, nous les disions les analogues des vésicules séminales, ou bien pour qu’adaptés au jet de la semence, nous les considérions comme en étant les canaux éjaculateurs ? C’est la fonction, mais c’est en même temps la place des vésicules séminales. Notre loi des connexions nous porte à adopter cette détermination à l’égard du sexe mâle.

Voyez que c’est à portée et de chaque côté du bursa ou de l’unique vésicule séminale des oiseaux que versent les canaux déférens. Ceux-ci, lett. I, I, fig. 8 et 9, se terminent par un mamelon, remarqué déjà par MM. Dumas et Prévost. J’attache à cette considération une grande importance, et c’est pour cela que j’ai mis du soin à l’exprimer dans ma planche. Nous reverrons ce mamelon ailleurs, et il fixera nos incertitudes dans d’autres essais de détermination. Son utilité est d’agir comme une soupape ; ainsi il laisse s’échapper, mais non rentrer la semence. La pression qu’au fur et à mesure de sa sécrétion la tunique musculeuse de la bourse de copulation exerce sur la semence, la vulve restant fermée, ne saurait avoir d’autre objet que d’introduire cette sécrétion dans la vésicule séminale. Cet écoulement a lieu surtout pendant la saison des amours, et amène promptement alors la plénitude de la vésicule. L’irritation qu’en ressentent les oiseaux est ce qui les excite au coït.

Pour qu’il ne manquât rien à l’exposition de ces traits d’analogie, j’ai fait représenter, fig. 7, tout le testicule A et son épididyme E embrassés dans les mêmes enveloppes, puis le canal déférent II déplissé dans toute son étendue. Le canal déférent n’occupe, quand il est en place, qu’une moitié de sa longueur totale, d’où vient sa disposition en zig-zag ; ce qui est exprimé de l’autre côté, lett. iI.

Revoyons les parties analogues dans l’autre sexe. Quelques différences dans la forme des organes n’empêchent pas qu’ils ne se correspondent en tous points. Indépendamment de l’orifice O, en est un autre (i, fig. 3 et 4.) placé à la gauche du méat urinaire, c’est l’entrée de l’oviductus. Unique et non symétrique, celle-ci n’est la répétition que de l’entrée de la papille gauche des canaux déférens, parce qu’il n’existe en effet qu’un seul oviductus ou qu’un seul canal déférent chez les oiseaux femelles. Notre loi du balancement des organes en donne la raison : l’oviductus de gauche est d’une grandeur excessive ; celui de droite devait donc être nécessairement atrophié. Chez le mâle, les deux côtés sont pareillement nourris ; chez la femelle, l’un reçoit de la nourriture au delà de ce point, et l’autre en deçà en reçoit fort peu. Cependant l’atrophie n’est pas tellement absolue à droite, qu’il ne s’y manifeste un vestige d’oviductus. Voyez cet organe rudimentaire sur la poule, fig. 5, lett. i ; voyez-le aussi représenté, fig. 6, d’après une poule prise au plus fort de sa ponte : tout remarquable qu’est cet oviductus droit par sa longueur, il est pourtant, réduit à moitié dans cet exemple.

D’un grand et d’un petit oviductus chez les oiseaux.

Le professeur Emmert a fait la découverte des deux oviductus par suite de celle des deux ovaires[16]. Un esprit inventeur ne s’en tient pas à un demi-succès. L’une était la conséquence de l’autre ; effectivement le fait des deux ovaires portait au pressentiment des deux oviductus. Emmert vit donc sur un harle femelle, au côté externe de l’urétère droit, une petite verrue ou un mamelon. Celui-ci correspondait par sa situation à la bouche de l’oviductus situé en dehors de l’urétère gauche, et formait la tête d’une tige qui s’étendait dans la cavité abdominale, et qui avait l’apparence d’un canal étroit et affaissé. « Si c’est là, comme je le pense, dit Emmert, un second oviductus, j’avouerai cependant qu’il n’en conserve point les fonctions. Mais en serait-il de ce second oviductus comme des mamelles chez l’homme ? Serait-ce un organe qui existe là sans emploi, et qui est conservé en ce lieu pour témoigner de son utilité ailleurs. » J’ai revu ce second oviductus dans plusieurs oiseaux, et j’ai remarqué, comme l’établissent déjà mes deux exemples cités plus haut, qu’il varie de forme et de grandeur jusque dans la même espèce.

L’oviductus de gauche, acquérant par le sacrifice plus ou moins complet de son congénère une dimension hypernormale, devient dès lors, comme tous les organes affectés d’hypertrophie ou parvenus au dernier terme de leur extension possible, un sujet fécond et riche en observations. L’oviductus a, sous ce rapport, fixé l’attention du célèbre professeur d’Heidelberg, Fr. Tiedemann, lequel s’est cru fondé[17] à le partager en trompe de Fallope, matrice et vagin.

Il faut convenir qu’une pareille détermination se présente naturellement à l’esprit à la première vue d’un oviductus qu’on a soufflé pour en mieux apercevoir les parties et le système sanguin. J’ai examiné sous ce rapport l’oviductus d’une poule tuée au moment où elle s’occupait de sa ponte, et j’ai de plus fait prendre de tout l’appareil un dessin que j’emploierai ailleurs. J’ai constaté que ce tube, long de soixante-deux centimètres, était susceptible d’une subdivision en quatre parties, savoir : d’une première, de dix centimètres, analogue à l’embouchure ou à la portion frangée ; d’une seconde, de trente, qui est proprement le tube de Fallope, tapissée en dedans par une membrane séreuse très-épaisse ; d’une troisième, de neuf centimètres, où l’œuf achève de grossir, et où il se revêt de sa coquille[18] ; et d’une quatrième, formant une portion intestinale sans vaisseaux visibles à l’œil nu, ayant dix centimètres. C’est de ce dessin que j’ai détaché l’oviductus droit représenté fig. 6. Il est sans pavillon et restreint aux trois parties indiquées par M. Tiedemann, et nommées par lui le tube, la matrice et le vagin.

Deux grands caractères distinguent la troisième subdivision, et l’établissent sur le pied d’une partie prépondérante et fondamentale, savoir : sa grandeur, d’un diamètre (trois centimètres) double de celui de la seconde, et la distribution de l’artère spermatique efférente ; celle-ci, répandue d’abord dans la toile péritonéale qui sert à maintenir les contours tortueux de l’appareil, dirige sur cette troisième partie des rameaux plus nombreux et à plus grand calibre, et vient s’épanouir à sa surface.

Fabrice et son illustre disciple Harvey, appartenant à une époque où dominaient sans altération les principes d’Aristote sur l’analogie d’organisation dans les animaux, avaient déjà partagé l’oviductus des oiseaux en parties, qu’ils avaient rapportées à de prétendues analogues chez les mammifères. Fr. Tiedemann, modifiant les idées de ces deux grands maîtres, crut plus rigoureuse sa détermination, que nous avons citée plus haut : notre troisième subdivision fut prise par lui pour la matrice, et la quatrième pour le vagin.

Il y a quelques années, que ne m’étant pas encore fait traduire les écrits de ce célèbre anatomiste, j’avais imaginé le même système. La subdivision de l’oviductus en pavillon, tube de Fallope, matrice et vagin, m’avait paru fondée sur les analogies les plus heureuses, parce qu’alors, partageant le sentiment général sur le cloaque commun des oiseaux, je considérais cette poche comme une dilatation de la dernière zone du rectum. Je n’avais porté mon attention que sur l’oviductus, et la nécessité de revenir aujourd’hui sur la manière dont je l’avais d’abord envisagé nous prouve, pour le dire ici incidemment, que toute détermination partielle ne saurait être jamais que provisoire. On ne peut en effet compter sur la justesse de rapports aperçus qu’autant que l’on a fait porter ses spéculations, non-seulement sur les moindres parties qui entrent dans la composition d’un appareil, mais de plus sur celles qui s’enchevêtrent avec lui, et lui servent de limites.

Si nous ne nous sommes pas mépris dans notre nouvelle manière de considérer la poche où l’oviductus vient aboutir, et qu’en effet la bourse de copulation corresponde au vagin et le bursa Fabricii au corps de la matrice, la détermination des parties de l’oviductus, telle qu’elle est donnée par Fr. Tiedemann, et telle que nous l’avions nous-mêmes adoptée dans un ouvrage inédit[19], est inadmissible. Le vagin et la matrice étant employés, il nous faut d’autres termes de comparaison, d’autres élémens de rapports ; et pour ne pas nous écarter de notre principe des connexions, il faut surtout nous astreindre à les chercher entre le corps de la matrice et l’ovaire.

Une réflexion vient aussi donner une autre direction à ces recherches. Occupés de la poule, nous ne sommes pas sur un fait particulier dont nous puissions raisonnablement conclure, sous tous les rapports, à la généralité des oiseaux. La poule, oiseau de nos basses-cours, appartient à une espèce dont la domesticité a beaucoup exagéré les qualités primitives. En la privant de ses œufs et en la nourrissant abondamment, nous l’avons excitée à multiplier ses pontes ; ce qui à la longue n’a pu avoir lieu sans une réaction, et par conséquent sans une hypertrophie de ses organes sexuels.

De l’oviductus chez le casoar.

D’après ces considérations, nous dûmes nous reporter sur un oiseau qui nous parut le moins s’éloigner des conditions des mammifères, et nous pensâmes au casoar. Quelle fut notre surprise d’en trouver l’oviductus, au volume près du tube de Fallope, exactement semblable à l’oviductus d’un rongeur et d’un ruminant ! Dès ce moment tout fut éclairci, et je pus embrasser sous leurs véritables rapports toutes les parties de cet organe.

L’oviductus du casoar (casuarius novæ Hollandiæ) n’est subdivisible qu’en deux parties bien distinctes : l’une est un canal flexueux, long de cinquante et un centimètres, et assez large, principalement à sa naissance, pour qu’un ovule d’un certain volume puisse y être introduit : sa texture intérieure est celle d’un intestin lisse d’abord, puis successivement de plus en plus ridé : on dirait l’intérieur d’un estomac. Ces rides forment de petites lames très-minces, très-multipliées, profondes et obliquement situées : elles se redressent inférieurement et longent le canal près de sa fin, où il est étranglé. Abondantes en dedans, elles vont se perdre dans de gros replis situés de l’autre côté ; arrangement qui équivaut à une valvule, et qui en produit l’effet. L’autre partie de l’oviductus consiste, à partir de ce col valvulaire, en une poche plus étroite (un centimètre de large) et plus courte (huit.) Son tissu est parenchymateux[20] et sa membrane séreuse épaisse et longitudinalement plissée. Cette membrane offre encore quatre plis dirigés dans l’autre sens, et qui, n’existant que dans la région supérieure, ont l’apparence de festons : en outre l’oviductus débouche à son extrémité, par une autre valvule, dans la bourse de copulation. J’ajouterai que j’ai décrit là l’oviductus d’une vieille femelle.

Je n’aurais pas donné autrement l’appareil de reproduction des animaux mammifères, que j’ai dit se distinguer en tube de Fallope et en cornes de la matrice. L’oviductus des oiseaux ne serait-il donc essentiellement formé que de ces deux parties ? Est-ce là en effet ce qu’indiquent leurs connexions et leurs fonctions ? On ne peut en douter ; ce me semble. Quant aux connexions, elles sont par elles-mêmes si évidentes, qu’il suffit de les indiquer ; et, quant aux fonctions, la seconde portion de l’oviductus contient l’œuf, le nourrit, le façonne, comme les cornes de la matrice reçoivent l’ovule, l’alimentent et l’amènent successivement à l’état d’embryon et de fœtus. On voit que, dans cette énumération, j’ai omis de mentionner notre première section : mais j’observe qu’elle correspond à la portion frangée des mammifères.

Je dois une attention plus grande à la quatrième partie, que M. Tiedemann et moi avions présumée être analogue au vagin. Cette portion, qu’on retrouve également dans l’oviductus des poissons cartilagineux, me paraît, quant à sa composition et quant à son objet, rentrer dans un fait général. Effectivement, j’ai cru apercevoir que tout canal est terminé par une issue défendue par des valvules. C’est ainsi qu’est le rectum ; c’est encore de même qu’est le vagin. Il existe deux sphincters différens pour former l’anus ; les anciens anatomistes les avaient distingués par les noms d’interne et d’externe : le col terminal du vagin ou l’hymen et les petites lèvres appartiennent à ce système de clôture.

La poche principale de l’oviductus est de la même manière fermée par deux cols : mais, comme l’oviductus forme chez les ovipares un appareil porté au maximum de composition, ce n’est plus une simple issue bi-valvulaire qui le termine, mais, à raison d’un certain espace entre les deux cols, un véritable canal. Ce canal, tiraillé dans l’oviductus rudimentaire, s’est, aux dépens de sa largeur, allongé au point d’être double du reste de l’appareil : il ne forme que la sixième partie de l’oviductus gauche.

De la place à occuper par les oiseaux dans les classifications zoologiques, d’après les indications fournies par leurs organes sexuels.

Peut-être serait-on encore arrêté par une difficulté. On pourrait en effet s’étonner qu’un appareil aussi volumineux chez les oiseaux ne se subdivisât qu’en deux parties : ce serait dès lors faute d’avoir réfléchi que cette condition de grandeur n’est pas partielle, mais qu’elle s’étend à tout le système sexuel des oiseaux. Qu’on veuille faire attention à la dimension du clitoris chez la poule, de la verge chez le canard, et du vagin, que nous avons dit se composer d’une grande partie du cloaque commun, on sera convaincu que la grandeur de l’oviductus résulte d’un développement de même ordre.

Ceci trouve son explication dans un autre fait que je tiens aussi pour incontestable. On considère aujourd’hui les animaux des rangs inférieurs comme correspondant, pour le degré de l’organisation, aux divers âges des fœtus des hauts vertébrés[21]. Dans mon travail sur les lamproies, communiqué à l’Académie des Sciences, les 7 et 14 mai 1821, j’ai montré sous quels rapports les poissons cartilagineux constituaient l’un de ces chaînons : les poissons osseux sont à quelques égards placés plus haut ; puis les reptiles, les mammifères occupant un degré plus élevé. Ce n’est pas à ce point que s’arrête, suivant moi, cette série progressive : les oiseaux portant plus loin le développement organique, me paraissent au faîte de l’échelle. La respiration, plus ardente chez eux, donne à chaque système en particulier un plus grand degré d’énergie, duquel résultent, ou bien pour les organes entourés, plus d’amplitude et de fini, et conséquemment de plus hautes fonctions, ou pour ceux qui peuvent refluer en dehors avec ce sur-développement, une extension notable. Dans le premier cas sont la trachée-artère, le larynx inférieur, l’œsophage ou le jabot, l’estomac ou le gésier, le sternum, les os scapulaires, le bassin, les membres, etc., etc. ; et dans le second, le système épidermique et surtout celui de la génération. Ces derniers sont véritablement ouvragés chez les oiseaux, bien au delà de ce que nous font connaître leurs développemens chez les mammifères. Et je vois ces limites plus ou moins dépassées, selon que d’autres houppes d’artères, de nouvelles irradiations sanguines existent ou non, en dehors de ce qui, chez des animaux ; bien moins composés, constitue la dernière artériole. Tout chez les oiseaux s’accroît dans la même raison : les voies circulatoires sont plus prolongées, la chaleur dégagée dans la respiration est plus grande, la puissance nerveuse est plus efficace, la perceptibilité des sens plus étendue, et la contraction musculaire infiniment plus forte. De là même manière que le tissu épidermique, au lieu de s’arrêter dans son développement comme chez les mammifères, et de n’y constituer à chaque extrémité nerveuse qu’un brin rudimentaire, qui est le poil de ces animaux ; de la même manière, dis-je, que ce tissu donne, en continuant de croître chez les oiseaux, des tiges en panicule qui forment un riche panache de chaque branche pileuse ou de chaque plume, les organes sexuels qu’enrichissent un plus grand nombre de subdivisions de l’artère spermatique arrivent chez les oiseaux à une grandeur à laquelle les conditions d’organisation des mammifères ne nous avaient pas accoutumés. Ainsi les arbres, sans que ce soit pour eux d’une même importance, diffèrent les uns des autres par le nombre de leurs nodosités et par l’inégalité de leurs embranchemens successifs.

Sur le principe des affinités électives des élémens organiques.

Je n’ai tout à l’heure parlé que d’une seule difficulté, de celle déduite du volume de l’oviductus : il en est bien encore une autre sur laquelle je ne craindrai point davantage de m’expliquer, c’est la disjonction de l’utérus et des cornes chez les oiseaux. Bien loin qu’on puisse tirer de ceci une objection contre ma précédente détermination, je n’y vois qu’une nouvelle application de mes principes, de celui sur les affinités électives des élément organiques, et, je puis ajouter, qu’une application indiquée par la théorie comme un résultat nécessaire.

C’est le propre des matériaux de l’organisation, s’ils sont atténués ou rudimentaires, de paraître, à leurs points de contact, se confondre ; et au contraire, s’ils passent au maximum de composition, de s’écarter, et d’exister dans une sorte d’indépendance. Sont-ils petits et frêles, ils ne se soutiennent qu’en se prêtant un mutuel appui ; c’est tout au plus si on les aperçoit individuellement ; leur pluralité dans l’organe qui s’en compose est sans objet ; ils n’interviennent et n’ont d’influence que comme rassemblés en un bloc, que comme formant une unité.

L’hyoïde, par exemple, est assez souvent dans ce cas (chez les batraciens). Cependant voyez l’une de ses pièces, le cératohyal (Phil. anat. 1, p. 175), s’en dégager chez l’homme pour faire partie d’une saillie de la base du crâne dans l’apophyse styloïde. Voyez le stylhyal et le glossohyal, autres pièces de l’appareil, passer chez les oiseaux au service de parties voisines. Cependant tous les élémens possibles de l’hyoïde forment véritablement chez le cheval un organe unique, un ensemble parfaitement circonscrit par la dépendance réciproque de toutes ses parties et par le concours respectif de leurs fonctions. Dans ce dernier cas, l’hyoïde se borne à s’interposer comme un mur mitoyen entre la langue et le larynx. Mais que la langue s’écarte du larynx et celui-ci du crâne, s’il n’arrive pas aux diverses parties de l’hyoïde de s’allonger dans une même raison, son démembrement est forcé ; et, comme il n’existe que par la mise en société des pièces externes des trois principaux systèmes aboutissant dans le même confluent, son mode de dislocation ne peut jamais dépendre du hasard. Chaque pièce est au contraire entraînée par des règles immuables, d’après des motifs manifestes. Elle obéit à une sorte d’affinité propre, à un choix qui lui est imposé par la dépendance nécessaire dans laquelle toute racine est à l’égard de sa souche.

Que la langue, le larynx et le crâne s’écartent donc, sans que l’hyoïde y participe par l’allongement de ses parties, le stylhyal se fixe au crâne, le glossohyal à la langue, et le basihyal au thyroïde. Ainsi, ce qui décide de ce partage au profit des appareils voisins ne se fonde pas seulement sur des raisons qui tiennent au voisinage des parties : car, dans un hyoïde entier, le stylhyal, placé entre un osselet apophysaire du crâne et le cératohyal, est aussi voisin de l’un que de l’autre. Si le stylhyal se fixe au crâne, il y est déterminé par le mode particulier de ses ramifications sanguines ; et en effet il n’en saurait être autrement, ce choix dépendant visiblement de l’origine et de la distribution de l’artère qui nourrit cet osselet.

D’une poche chez les oiseaux déterminée sous le nom d’ad-uterum.

Appliquons ces vues à ce qu’on a considéré comme des annexes de l’utérus, et nous trouverons à appuyer de nouveaux motifs nos précédentes déterminations. Nous avons vu plus haut comment on était arrivé, en anatomie humaine, à ne tenir aucun compte des cornes, à part de l’utérus. Cependant des artères différentes créent et nourrissent séparément les cornes et le corps de la matrice. Aussi l’anatomie vétérinaire avait-elle été forcée de reconnaître, pour les animaux qu’elle embrasse dans ses considérations, que l’accessoire, présumé tel d’après le point de départ, avait acquis une prépondérance marquée sur le principal, c’est-à-dire que les ailes de la matrice, soit pour le volume des masses, soit à l’égard des fonctions, l’emportaient de beaucoup sur le corps. Ajoutons qu’il est des mammifères, les lapins, et plus particulièrement les marsupiaux, chez lesquels cette prépondérance est telle que le corps utérin s’efface de plus en plus, et disparaît même entièrement.

Ainsi c’est à l’une comme à l’autre de ces parties qu’il arrive, suivant les espèces, d’être ou élevée au maximum, ou descendue au minimum de composition. Aux deux bouts de l’échelle, sous ce rapport, sont les organes sexuels de l’espèce humaine et ceux du lapin. Et en effet, chez la femme, le corps de l’utérus est plus volumineux, et chaque corne plus petite[22] : chez la femelle du lapin, c’est l’inverse : le corps est petit, rudimentaire, ou plutôt à peu près nul ; les cornes sont au contraire considérables. Ces deux organes sont donc au fond constitués avec des droits égaux ; aucun n’étant subordonné à l’autre, leur distinction est manifeste. J’ai de plus l’intime conviction que leurs fonctions ne se confondent jamais. Le corps, dont les contractions durant l’acte font ouvrir et fermer alternativement l’entrée vaginale, est proprement un organe de conception, et les cornes sont des bourses appliquées à recueillir les produits du coït, continuant leurs soins à ces produits en devenant pour eux le milieu où ils s’organisent et se développent. Finalement, corps et cornes sont aussi différens quant à l’origine et à la nature de leurs matériaux constitutifs qu’à l’égard de leur emploi : ce sont donc deux organes bien réellement distincts.

Cependant, pour en déclarer l’entière indépendance et pour en prononcer définitivement la séparation, j’ai attendu d’avoir montré ces organes dans les oiseaux. Là cette séparation est manifeste. Le corps de l’utérus, ou notre vésicule séminale (bursa Fabricii) occupe le fond du vagin ou de la bourse de copulation. Tantôt réunies et fondues dans le cloaque commun, et tantôt séparées par un étranglement, ces deux bourses, forment, suivant les espèces, un seul ou deux appareils distincts ; mais s’il y a association, c’est toujours de l’un avec l’autre. Et de même les cornes de la matrice et le tube de Fallope, étant tantôt réunis (chez la poule) et tantôt séparés en deux parties différentes (chez le casoar), forment ou deux organes distincts, ou le plus souvent un seul, lequel a reçu le nom d’oviductus. J’ai cru devoir insister sur cette alliance des cornes de la matrice, alliance tout autre dans les deux premières classes, et dévolue chez les mammifères au corps de l’utérus, et chez les oiseaux au tube de Fallope, pour porter enfin le sceau de l’évidence sur cette conclusion : la distinction et l’indépendance, comme organe, de la poche où le germe commence et se développe.

À un organe ainsi déterminé, je dois un nom d’une acception applicable à ces diverses manières d’être : il est manifeste que celui de cornes de la matrice ne fait allusion qu’à une circonstance spécifique, et qui, fût-elle moins restreinte, serait en soi indifférente. En effet, ce nom, comme emprunté à la considération la plus fugitive de l’organisation, celle de la forme, s’il pouvait à la rigueur convenir dans quelque cas, n’est certainement en aucune manière applicable à la classe entière des oiseaux. Il est généralement avantageux que des noms soient significatifs ; mais il faut craindre de leur procurer ce mérite, en les exposant pour la suite aux inconvéniens de continuelles exceptions. J’observe qu’en les faisant reposer sur l’essence du principe des connexions, on les met à l’abri de ces inconvéniens ; et c’est dans cet esprit que je propose le nom d’ad-uterum ; contraction de cette phrase, vas, vel marsupium ad uterum, c’est-à-dire canal ou bourse avoisinant le corps de la matrice.

Et alors, si j’avais à exprimer en termes précis les déterminations qui précèdent, je ne pourrais donner d’un oviductus d’oiseau une idée plus simple, et je crois plus complète, qu’en le disant composé d’un pavillon, de l’épididyme déroulé, de l’ad-uterum, et d’un canal vestibulaire.

Cependant une objection peut être produite ; il faut la réduire à sa juste valeur. Dans la détermination de l’oviductus, telle qu’elle est ici donnée, le principe des connexions ne serait-il pas faussé ? ne pourrait-on pas opposer à ce principe que la poche ad-utérine aboutit et s’ouvre dans l’utérus à quelque distance et au delà du vagin chez les mammifères, et tout près au contraire et jusque dans le vagin chez les oiseaux ? Quelque inconvénient qu’il y ait à continuer cette discussion, déjà beaucoup trop longue, je ne puis éviter de répondre à ces questions. Ces différences d’une classe à l’autre, que nous nous proposons en ce moment comme un sujet de difficultés, existent les mêmes d’un sexe à l’autre chez les mammifères. Ramenons celles-ci à l’analogie, parce qu’en y réussissant, les autres y seront aussi pareillement ramenées.

De l’ad-uterum chez les mammifères.

Les organes sexuels éprouvent, comme le Nil, une crue périodique : l’engorgement des vaisseaux donne lieu, principalement chez les femelles après leur imprégnation, à un travail intestin, qui change le rapport respectif des subdivisions de l’appareil, en procurant à quelques-unes d’elles seulement des dimensions extraordinaires. L’ad-uterum, où les embryons naissent et grandissent, est plus particulièrement dans ce cas. Cet effet se manifeste chez le lapin par une augmentation de volume tant en largeur qu’en épaisseur, et de plus par une diminution en longueur. Ainsi l’épididyme déroulé ou le tube de Fallope (lett. E, fig. 13), étant de cent quarante millimètres dans une vieille femelle qui avait mis bas, différait peu, quant à la longueur, de l’ad-utérum. Il faut se rappeler que c’est sous une proportion différente que ces parties se sont offertes à nous dans un individu vierge ; savoir, l’épididyme, quatre-vingts millimètres, l’ad-uterum cent vingt.

Ce dernier canal, plus étroit et plus allongé dans les jeunes sujets, n’est vraiment que le canal déférent : même forme tubulaire, mêmes relations des parties, mêmes structure et fonctions ; que de considérations pour prononcer l’analogie des deux tubes ! Voyez-les ensemble (lett. II, fig. 11 et 13), vous ne sauriez y apercevoir de différences sensibles, quoique déjà le tube no 13 appartienne à un appareil déformé, rendu plus renflé et raccourci du tiers pour avoir concouru plusieurs fois à un développement d’embryons. Doubles dans chaque appareil, ils aboutissent l’un et l’autre à un même confluent : ils s’ouvrent dans une bourse unique, chacun isolément et par un orifice i, i, terminé par un bourrelet tenant également lieu de soupape.

J’ai fait représenter séparément, fig. 14, la poche séminale du mâle : j’y montre les méats i, i des canaux déférens ayant leurs débouchés vers le col de la poche, près de son entrée dans le canal de l’urètre. On a ouvert l’un des ad-uterum à son extrémité vaginale (voyez mêmes lettres i, i fig. 13), pour mettre en évidence le bourrelet et les replis longitudinaux de l’intérieur.

L’ad-uterum conserve à son autre extrémité dans l’un et l’autre sexe ses rapports de plus grand diamètre à l’égard du long canal pelotonné, qui constitue l’épididyme. On sait, par les recherches d’Alexandre Monro[23] que ce canal est d’une longueur et d’une ténuité excessives.

La conclusion de ce qui précède est que les tubes I, I, comparés dans l’un et l’autre sexe, sont réellement et absolument identiques. Les yeux aperçoivent ce fait tout aussi clairement que l’esprit le conçoit. La différence d’un sexe à l’autre à l’égard de l’ad-uterum est donc tout entière dans la proportion relative des diverses parties de cet organe. Passé comme à la filière dans le sexe mâle, ce n’est plus qu’un tuyau long et très-étroit, tandis que, contracté dans le sexe femelle, il se montre sous la forme d’une large poche à parois fort épaisses.

Voilà ce qui se rencontre le plus souvent : car un cas rare est celui de l’espèce que nous avons prise pour exemple, et où la poche ad-uterine se montre plutôt sous la forme d’un canal déférent. Un cas plus rare encore est l’arrangement qui caractérise les didelphes, et qui consiste dans la courbure des deux ad-uterum du côté intérieur et dans la réunion et la soudure de leurs deux extrémités : les arcs dérivés de ces courbures figurent chez les didelphes deux anses de panier, qu’on pourrait également produire avec les ad-uterum du lapin, si l’on reportait chaque extrémité sur son point de départ, et par exemple I′ sur I″, fig. 13.

De l’utérus des mammifères.

Je reviens présentement à l’utérus, assuré que je suis de le pouvoir apprécier dans ses conditions les plus générales. C’est chez les oiseaux une poche placée à l’extrémité de la bourse de copulation, qui en constitue le fond, qui, séparée par un col, ou simplement par un étranglement, en est une manifeste dépendance, et qui, sous la même forme dans l’un et l’autre sexe, n’y est pas d’une telle utilité qu’elle ne manque quelquefois. Au contraire on croit voir chez les mammifères que l’utérus appartient tout autant au vagin qu’aux ad-uterum, et qu’il est même chez quelques-uns dans une plus intime relation avec ces derniers. Cependant ce n’est là qu’une illusion. À vrai dire, l’utérus, dans les mammifères comme dans les oiseaux, n’est toujours que le fond du vagin, auquel une circonstance, comme le moins de longueur proportionnelle du train de derrière des animaux, crée un mode particulier d’existence.

Comme si le vagin et l’utérus n’étaient essentiellement qu’une seule et même chose avec une longueur primitive obligée, ils forment chez les animaux à lombes et à bassin prolongés un canal unique sans la moindre modification dans toute sa longueur. C’est ce que montre le lapin (lett. OU, fig. 13), et ce que montrent de même les didelphes, les taupes et la plupart des mammifères insectivores. Au contraire, si le train de derrière est plus court, ce n’est plus un tube homogène dans toute son étendue, mais deux parties distinctes, répondant aux idées particulières que nous nous faisons du vagin et du corps de la matrice. Le vagin est toujours ce même canal homogène : l’utérus seul éprouve de notables changemens ; il se contracte faute d’espace, il perd de son étendue superficielle en se ridant et en prenant plus d’épaisseur. Soit adhérence des rides, soit remplissage des mailles par des follicules muqueuses, son tissu n’est plus le même. On a décrit à part le col de la matrice ; c’est un repli annulaire, un repli de tout le tissu, qui le produit. Plus profondément et à portée des ad-uterum, c’est un autre repli semblable et parallèle ; manifeste surtout dans la vache, etc.

L’utérus ainsi limité par ces deux étranglemens est donc constitué en une poche à part, que rendent encore remarquable les replis longitudinaux et nombreux de sa membrane interne. Je lui trouve le même usage qu’à la vésicule séminale des mâles : le fluide qui en lubrifie l’intérieur ne provient pas uniquement de sa membrane muqueuse : les canaux ad-utérins y apportent et y mêlent les sécrétions de l’ovaire, et la conception s’opère par le concours de toutes ces circonstances. Par conséquent, nous voilà, comme dans les oiseaux, avec un corps utérin bien distinct. Mais, de même aussi que dans les oiseaux, peu s’en faut qu’il ne disparaisse. Que plus d’espace soit accordé à son développement, l’un des plis ou les deux plis ensemble s’effacent, et l’utérus revient, comme dans le lapin, à ne plus être qu’une portion du vagin. Ce n’est point, comme on le voit, une disparition réelle. L’utérus existe toujours pour la théorie des analogues : confondu avec le reste du vagin, il ne fait seulement que perdre la spécialité de structure et de fonction qui résulte pour lui de la contraction et de l’épaississement de ses tuniques.

Mais, dira-t-on peut-être, ne serait-on point encore dans le cas de reproduire la même objection que précédemment ? N’y aurait-il point à reprocher à la détermination des parties désignées (lett. OU, fig. 11 et 13) d’avoir été donnée, en s’étant cette fois écarté du principe fondamental de la nouvelle méthode de détermination, du principe des connexions ? En effet, les canaux ad-utérins II ne débouchent pas au même lieu, dans les deux organes comparés. C’est à l’un des bouts, fig. 11, et à l’autre bout, fig. 13. De cette différence suit que c’est un sac dans le premier cas, et dans le second un canal. J’ai présenté l’objection dans toute sa force, et je n’en suis pas moins persuadé que le principe des connexions n’est nullement en défaut dans cette occasion ; il ne l’est pas plus que le seraient à l’égard des parties intermédiaires les deux entrées d’un manchon ramenées l’une auprès de l’autre. La vésicule séminale (voyez fig. 14), n’est point un sac à une seule ouverture d’entrée et de sortie ; mais, comme à la vessie urinaire, on y aperçoit d’abord deux orifices i, i, par où s’introduit le fluide sécrété, et de plus un orifice de sortie servant à l’éjaculation de ce fluide : d’où par conséquent la vésicule séminale forme, aussi bien que l’utérus, un canal, dans lequel arrivent et duquel s’écoulent les sécrétions des testicules. Toute la différence est dans leur tenue respective droite ou recourbée ; droite dans le sexe femelle, et coudée dans le sexe mâle.

La plus grande indifférence pour l’un et l’autre résultat forme le premier caractère de cette organisation. Ce n’est d’abord qu’un réseau fibreux, qu’on peut comparer à ces bourses tissées en filet, dont on fait usage pour porter sur soi quelque monnaie ; l’élasticité de la matière employée fait que ces bourses, étant tirées dans un sens, éprouvent une rétraction dans une autre : on peut en effet, par un tirage concerté et bien entendu, les produire successivement sous plusieurs formes, sans qu’il ne soit rien dérangé aux rapports de toutes les parties composantes.

De la même manière, avant que la vésicule séminale ait ses mailles remplies et toutes ses fibres portées au contact comme dans une toile à grain fin et serré, il deviendrait facile d’agir sur elle, d’entraîner les canaux déférens du côté des testicules et d’allonger la vésicule séminale en l’amaigrissant latéralement. Que cela se fût ainsi passé, qu’en conclure ? Qu’on eût amené cette poche à n’être qu’un long canal ; qu’on eût produit ce qui est fig. 13, c’est-à-dire qu’on eût construit à tous égards l’appareil du sexe femelle. Il est presque inutile d’ajouter qu’on arrive à la même conclusion en faisant l’inverse. En effet, que les ad-utérum, II, fig. 13, soient entraînés du côté de la vulve, et le canal utérin et vaginal (OU) sera transformé en une poche plus courte et plus large. Ainsi aura lieu comme dans l’exemple précédent la métamorphose d’un sexe dans l’autre.

Et ici, je parais n’avoir donné qu’une pure supposition, quand je n’ai vraiment fait que rapporter ce qui se passe. Les sexes, comme on l’a remarqué, diffèrent fondamentalement par leur position extérieure chez le mâle et intérieure chez la femelle. Le derme, se développant extraordinairement et saillant au dehors chez le mâle, entraîne dans cette direction tous les organes qui lui sont subjacens de même que, refoulé en dedans, il repousse au loin, ou plutôt il abandonne à une action opposée dans son jeu ces mêmes organes subjacens.

L’oviductus et l’utérus des oiseaux sont l’un à l’égard de l’autre dans les mêmes relations que les canaux déférens chez les mammifères : dans ce cas, à des relations identiques conviennent les mêmes explications.

C’est par cette dernière réflexion que je termine ce que j’avais à exposer touchant les organes génito-urinaires considérés dans l’état normal.

Ce paragraphe n’est-il qu’un fragment de l’histoire du podencéphale ? il a trop d’étendue ; qu’un fragment d’une histoire de la génération ? il est très-incomplet. Je reviendrai sur ces faits dans un autre ouvrage : mais en attendant, et dans celui-ci, je cède à un sentiment pénible ; je redoute la sévérité du lecteur, qui, ayant remarqué l’inconvenance d’une aussi longue digression, m’a sans doute déjà fait l’application de ce mot : Non erat hic locus.

  1. Samml. vermischter abhandl. zur zoologie, p. 147.
  2. Abhandl. über die mannlichen zeugungstheile der vogel. Gœttingen, 1810, p. 24.
  3. « Les naturalistes sont aujourd’hui divisés en deux séries… Les uns semblent voir seulement les différences que les êtres offrent entre eux, et les autres recherchent avant tout les ressemblances plus ou moins intimes, qui lient et rapprochent entre elles les espèces naturelles… On sent aujourd’hui le besoin de l’observation des ressemblances, qui seules peuvent mener aux idées générales et philosophiques. » Decandolle, Théorie de la Botanique, édition de 1819, préface, p. iij.

    « Je pense présentement, dit aussi M. Meckel dans la préface de son nouvel ouvrage, qu’on ne s’élèvera pas aux hautes considérations des formations organiques, si l’on ne s’occupe tantôt de l’appréciation des différences (mannichfaltigkeit), et tantôt de l’unité ou de l’analogie (einheit ober die analogie) des parties de l’organisation. » Meckel, System der vergeichenden anatomie. Halle, 1821.

  4. J’ai fait figurer, pl. VII, fig. 15, les trois pertuis de la taupe femelle : a est l’orifice de la voie stercorale, b l’entrée du vagin, et c le méat urinaire. Je dois la communication de ce fait intéressant à M. Fr. Cuvier.
  5. Tout ce qu’on a nommé le cloaque commun, et même au delà, une portion de l’intestin, formaient un large tube qu’on a fendu longitudinalement, et dont on a renversé les parties à droite et à gauche. Ce sont ces parties étalées et mises à plat que représente la figure dont il est ici question. On a donné la même coupe pour le canard, fig. 8.
  6. Je viens de voir cette partie sur un casoar femelle de la Nouvelle-Hollande, fraîchement mort. Le réservoir stercoral augmente de diamètre jusqu’à sa terminaison à l’anus : là ce réservoir a jusqu’à quatre centimètres de large. L’anus ouvert ne portait qu’un centimètre au plus, parce que le sphincter, qui le constituait, résultait de fibres et de membranes débordant du côté intérieur et formant valvule.
  7. On peut faire fienter une poule après sa mort, et reproduire lentement alors les actes qu’elle exécute si rapidement pendant la vie. Il faut à cet effet remplacer la pression qu’exercent les muscles abdominaux par une compression graduée sur le ventre, et l’on voit successivement s’ouvrir les trois pertuis, la seconde poche (celle des urines) se ranger en dedans de la première, et la troisième, ou la portion anale de l’intestin, former un dernier repli concentrique et saillir au delà des autres.
  8. Dans la règle, les oiseaux n’urinent point ; mais les urines se mêlent aux excrémens solides. Les autruches ont seules le cloaque assez dilaté pour que l’urine s’y accumule. Règne animal, etc. t. 1, p. 299
  9. Voyez cette bourse entière, lett. O, fig. 5, 6 et 7, et son entrée, même lett. O, fig. 4.
  10. Mémoire sur cette question : Si les animaux à bourse naissent aux tétines de leur mère ? Voyez Journal complémentaire du Dictionnaire des Sciences médicales, t. 3, p. 193.
  11. La fig. 13, pl. VII, donne, d’après une femelle adulte et qui avait mis bas, l’appareil sexuel de grandeur naturelle. Ses diverses parties, après ou avant l’imprégnation, diffèrent. L’on en sera certain en comparant à celles du dessin les mesures suivantes, que j’ai prises sur un sujet vierge qui avait à peine atteint la moitié de sa croissance :

    Longueur du vagin et de la matrice, non distincts dans les lapins, 70 millimètres ; — de la corne de matrice, 120 ; — du tube de Fallope, 80 ; — de l’ovaire, 10.

  12. Essai sur les animalcules spermatiques de divers animaux, par J. P. Prévost et J. A. Dumas, brochure in-4o de 28 pages.
  13. L’anatomie pathologique conserve le souvenir de quelques exemples d’une double matrice, qui ne sont que les cornes de la matrice des animaux développées extraordinairement : dans ce cas est l’observation de Silvius ; il vit chez une jeune fille un utérus divisé en deux cornes.
  14. La note suivante prouve que je m’occupe depuis long-temps de recherches sur la génération : publiée, il y a vingt-deux ans, au au Kaire, publiée, dis-je, dans un recueil principalement consacré à des travaux d’économie politique, elle n’a encore fixé l’attention d’aucun naturaliste. Cette circonstance me fera excuser de la reproduire ici.
    Note sur les appendices des raies et des squales, extraite d’un Mémoire sur les organes sexuels.

    « Après avoir décrit les organes de la génération des raies et des squales, je poursuis ainsi : Les mâles se distinguent en outre des femelles par la présence d’un organe qui manque dans celles-ci ; c’est un long appendice placé au côté interne de chaque nageoire ventrale. Linnée, se fondant sur l’usage de ces appendices, avait soupçonné l’analogie de ces organes avec les parties génitales des mâles ; mais, depuis, Bloch publia et fit prévaloir une opinion contraire. J’ai répété les dissections de Bloch, et j’ai reconnu la justesse de ses observations sans m’être rendu aux conséquences qu’il en tire.

    « Les appendices des raies sont à peu près conformés comme des oreilles de lièvre, dont les bords seraient réunis vers le milieu. On y compte onze pièces cartilagineuses ; la dernière est à elle seule presque aussi grande que toutes les autres. Celle-ci, dans son repos et abandonnée à l’effet de son élasticité, est roulée en partie sur elle-même et fermée à son extrémité. L’ouverture voisine de la racine de l’appendice est alors dans sa plus grande largeur ; mais un muscle court et épais qui existe à la naissance de l’appendice, venant à se contracter, ferme l’ouverture intérieure, et développe en même temps toute la conque, formée par la dernière pièce cartilagineuse. Les mâles, ayant, lors de l’accouplement, introduit leurs appendices dans le cloaque commun des femelles, doivent à la contraction de ce muscle, d’où résulte le développement de la grande pièce cartilagineuse, la faculté de s’accrocher fortement à leurs femelles, et de prolonger ainsi leur copulation et leur jouissance. Il suinte alors une liqueur assez abondante de glandes logées dans l’intérieur de ces appendices. M. Bloch, après avoir reconnu la nature de cette liqueur et indiqué quelques-uns de ses usages, conclut que ce n’est point de la liqueur séminale, et subsidiairement que les appendices des nageoires ventrales n’ont alors aucun rapport avec les organes de la génération.

    « Pour moi, je crois au contraire à l’analogie de ces appendices avec quelques parties de la verge des animaux : je vois en eux deux corps caverneux qui, au lieu d’être réunis, sont séparés et appuyés distinctement sur les nageoires ventrales. Je remarquerai cependant avec Bloch qu’on ne retrouve pas dans les appendices ces cellules qui se gonflent, ni rien qui rappelle ces formes particulières qui ont fait imaginer le nom de corps caverneux. Aussi ne me serais-je pas permis d’affirmer l’identité de ces organes, si d’ailleurs je n’y avais été conduit par une observation sur quelques reptiles, observation que j’ai faite dans mon voyage de la haute Égypte.

    « Les reptiles ont en effet leurs corps caverneux séparés. Ces espèces de verges se logent de chaque côté de l’anus. Elles sortent au dehors, sans qu’il soit besoin d’une érection complète, et en obéissant à une pression que les muscles de la queue exercent sur elles en se contractant d’une certaine manière ; elles rentrent dans une gaine fournie par une duplicature des tégumens communs, ramenées par un muscle propre, dont l’autre bout a son attache vers le milieu de la queue. L’érection, augmentée après l’intromission de ces verges, développe à leur extrémité une ou plus souvent deux tubérosités, hérissées de papilles cornées. Ces petites papilles aiguës, et principalement les tubérosités, qui s’épanouissent et grandissent dans le cloaque commun, agissent et s’emploient aux mêmes usages que les appendices des raies. Ces organes sont donc déjà analogues quant à leurs fonctions : mais nous pouvons davantage pour cette démonstration, en arrivant à la forme de ces appendices par un saut moins rapide.

    « Les grands lézards de l’Égypte, le tupinambis du Nil, l’ouaran des sables, que le général en chef trouva dans le désert de Quatthyéh, et qu’il me fit remettre à son retour de Syrie, et particulièrement les crocodiles, semblables, sous les rapports d’organisation dont je viens de traiter, à tous leurs congénères les batraciens, en diffèrent en ce qu’au lieu de papilles, ce sont chez ces grands reptiles deux longs osselets ou appendices cartilagineux. Ces lames cartilagineuses, placées à l’extrémité des pénis, si grandes qu’elles en égalent la longueur, et si singulières dans leur forme et dans leurs usages, nous conduisent ainsi, par une nuance presque insensible, de la verge des animaux à sang chaud à la forme bizarre des appendices des squales et des raies. Car, parmi les mammifères, les didelphes ont déjà leurs corps caverneux à demi séparés : nous les voyons s’isoler entièrement dans les reptiles, et nous présenter enfin dans les crocodiles, vers l’extrémité de chaque verge, une organisation semblable réellement à celle des appendices des poissons cartilagineux. L’identité de ces appendices avec les corps caverneux est donc un fait démontré : mais il faudra cependant convenir que ce sont des corps caverneux d’une forme particulière, et qu’ils sont mis en jeu par une mécanique assez différente de celle qui caractérise ces organes dans les hauts animaux vertébrés. » Voyez Décade égyptienne, t. 3, p. 230, de l’imprimerie nationale, au Kaire, l’an 8 de la république (1800).

    Les appendices décrits dans cette note ressemblent, avons-nous dit, à des oreilles de lièvre. N’est-il là qu’une similitude apparente et fortuite ? Je ne le crois pas. Envoyant les choses de plus haut, en considérant que ces organes sont également formés de lames cartilagineuses, que ces pièces constituent avec leurs tégumens un tissu du même ordre, qu’elles sont distribuées et entrent dans le même arrangement, et qu’elles sont liées et mises en mouvement par un ensemble correspondant de fibres musculaires ; en négligeant enfin pour ces conditions essentielles de structure ce qu’il y aurait toutefois à inférer de la diversité de leur situation, je trouve qu’il n’est rien ici d’accidentel, mais que, tout au contraire, ces rapports tiennent à ce que des matériaux de même origine sont soumis à un même ordre de transformation.

    Une portion du derme ayant acquis un développement extraordinaire, est ce dont les deux organes comparés se composent. Ce qui favorise ce développement ultra-normal est une circonstance des différentes constitutions introduites par la succession des âges. Une cavité, très-grande pendant la vie utérine, où était renfermé un organe d’une activité qui cesse tout à coup, devient plus tard d’une petitesse extrême. Elle ne peut alors contenir le derme qui la tapissait : si celui-ci est rejeté en dehors, il y croît alors sans contrainte. Ainsi peu importe le point affecté : toute partie des tégumens est susceptible des mêmes influences et de la même anomalie ; ce qui explique comment une semblable organisation caractérise les abords des autres organes des sens, et d’où vient que les cartilages du nez, ceux même des paupières, présentent également de nouvelles conditions de structure. Et en effet il est tout simple que là où la même cause agit, où le système tégumentaire se développe sans contrainte, nous ayons une répétition des mêmes formes. C’est donc parce que de telles circonstances et facilités ont eu lieu dans le voisinage des organes sexuels chez les mâles des poissons cartilagineux, comme à l’entrée de l’organe auditif chez les mammifères, principalement chez les lièvres, que le derme s’est de même étalé et développé au point d’y produire plusieurs parties se correspondant exactement par leur nombre, leur situation respective et leur structure, nonobstant la différence des animaux comme espèces, et des points affectés comme localités.

  15. Vulvamque ostendit, avait déjà dit Fabrice d’Aquapendente en parlant de cet orifice au sujet d’une poule. Voyez De formatione ovi pennaturum, etc.
  16. Beobachtimgen über einige anatomische eigenheiten der Vögel ; Mémoire inséré dans les Archiv fur die Physiologie, t. 10, p. 317.
  17. Anatomie und naturgeschichte der Vögel, p. 714.
  18. L’œuf, se revêtissant de sa coquille, présente un phénomène qui n’a point encore, ce me semble, été embrassé dans ce qu’il offre d’important. L’ovule (ou jaune d’œuf), entré dans l’oviductus, s’y conduit comme la pelotte alimentaire dans l’intestin ; il y agit d’abord en raison de sa masse et par un pouvoir simplement mécanique (voyez page 317), c’est-à-dire qu’il y détermine une congestion sanguine, un afflux plus considérable du fluide de l’artère spermatique. Ainsi s’expliquent et l’inactivité de l’oviductus dans un cas, et son activité dans un autre, si grande au contraire, que c’est avec une extrême rapidité (dans une seule journée) que l’œuf est pourvu de son blanc ou fluide albumineux. La sécrétion, qui s’opère alors, n’est pas toute de fluide albumineux ; elle se compose aussi de carbonate de chaux. Si en effet le sang se partage en ces deux élémens, l’une des sécrétions est la conséquence de l’autre, et l’augmentation de chacune étant l’une à l’égard de l’autre proportionnelle, on ne devra plus être surpris qu’il se trouve à point nommé tout autant de carbonate de chaux qu’il en faut pour former une coquille d’œuf. Dans le cas contraire, celui où un ovule n’a point pénétré dans l’oviductus, l’inactivité de cet organe n’est point absolue : il s’y fait encore une sécrétion des deux fluides ; mais cette sécrétion y est très-faible, de la même manière que, dans l’absence de la pelotte alimentaire, les artères mésentériques ne sécrètent que peu de mucus dans l’intestin. Les deux produits de l’oviductus s’écoulent dans la poche de copulation, d’où ils se rendent, savoir : le, carbonate de chaux, dans la vessie urinaire, et le fluide albumineux, dans l’utérus ou bursa Fabricii.

    Le carbonate de chaux se mêle à l’urine, comme on sait ; et l’observation journalière ayant effectivement appris que c’est cette substance qui blanchit les déjections des oiseaux, on vint à croire que le carbonate de chaux était produit par l’action des reins. Aussi M. Vauquelin, qui partagea cette opinion, entreprit-il des recherches sur la coquille d’œuf (Annales du Muséum d’Histoire naturelle, t. 18, p. 164), dans l’espoir, qui fut déçu, que cette enveloppe calcaire lui fournirait une quantité plus ou moins grande d’acide urique. Cette prévision justifiée, on eût sans doute trouvé les coquilles d’œuf formées d’urate de chaux.

    Quoi qu’il en soit, l’événement, qui procure aux œufs une dernière enveloppe solide, les rend dès-lors incommodes aux oiseaux. Ceux-ci en ont le sentiment comme d’un bloc, d’une masse inerte dont la pesanteur les gêne, et dont ils s’empressent de se débarrasser. S’il arrive un dérangement dans la production du carbonate de chaux, et qu’il ne se forme pas de coquille, ou les pondeuses donnent des œufs hardés, ou l’ovule, irritant sans cesse l’oviductus, continue à être un centre de fluxion et à se couvrir de fluide albumineux ; mais il croît tellement, qu’à la fin et le canal intestinal et les vaisseaux circulatoires en sont froissés, refoulés et décidément comprimés. Le jeu de ces organes est interrompu ; le sujet meurt. Ce cas pathologique s’est offert à moi dans les premiers jours de 1822. Une poule, morte de cette façon, avait dans son oviductus un œuf dont le grand diamètre était de dix centimètres, et le petit de six.

    Enfin l’événement qui procure aux œufs une dernière enveloppe terreuse et solide, se reproduit pour tous les oiseaux avec un caractère de si grande fixité, qu’il ne saurait dépendre que de causes élevées et primordiales. Ne serait ce pas que les molécules du sang, parvenues au dernier terme de l’animalisation, ne deviendraient susceptibles de transformation en fluide albumineux que sous la condition d’une dépuration de substances salines ? La formation des coquilles d’œuf tiendrait alors au phénomène qui crée le système osseux ; et de conséquence en conséquence, l’importance de ce dernier système, importance que l’étude des rapports m’avait fait apprécier dans un si grand nombre de cas, serait enfin aperçue dans son essence. En effet, les os, dont il y a toujours plus ou moins pour ceindre les masses cérébro-spinales, les os, comme étant produits au même moment que celles-ci et produits par une semblable cause, conservant plus long-temps leurs traits de primitive formation, et révélant de cette manière les conditions les plus intimes de l’organisation, serviraient comme de truchemens à un système placé plus haut que le leur, parce que ce système possède au plus haut degré l’essence de l’animalité, au système cérébro-spinal enfin, que la confusion apparente de ses parties rend, ou du moins a jusqu’à présent rendu inaccessible à l’observation oculaire.

  19. Histoire de la Génération, présentée à l’Académie des Sciences en sa séance du 20 décembre 1819, et accueillie par ce corps savant pour être visée et paraphée à chaque feuillet. C’est le troisième traité que j’ai écrit sur cette question. J’avais commencé en Égypte, quand des événemens de guerre vinrent bouleverser et détruire les animaux et les plantes que j’y avais mis en expérience.
  20. L’épaisseur de ce tissu, en donnant à son extension des limites assez resserrées, explique la forme très-allongée des œufs de casoar. Voici cette longueur dans le casoar de la Nouvelle-Hollande et dans le casoar à casque :
    Diamètres respectifs
    des œufs………
    du premier…
    du second…
    0m,124 = 0m,080.
    0m,145 = 0m,086.
  21. Le cours de physiologie que M. le docteur Flourens a fait, en 1820, à l’Athénée de Paris, a eu principalement pour objet cette importante question. Ce jeune et éloquent professeur a cherché à y montrer que la complication graduelle de l’organisation s’effectue par les mêmes lois dans les deux séries comparées des âges et des espèces.
  22. En prononçant ici le nom de corps de l’utérus, je m’exprime comme on le fait en anatomie comparée. Dans l’anatomie spéciale de l’homme on a aussi reconnu deux cavités, dites du corps et du col ; la première correspond à celle des deux cornes des animaux, et la seconde à celle du corps de l’utérus. Les deux cornes sont chez la femme confondues à leur base. Le tissu des deux cavités est distinct. C’est comme chez les mammifères, et il en est tout de même des fonctions, le fœtus naissant toujours dans la cavité des cornes. Il n’est là de non concordance que dans la nomenclature.
  23. Dissertatio de testibus et de semine in variis animalibus. In Thes. Med., t. 2, p. 346.