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PHÈDRE

Mais il n’intéresse pas la structure même du dialogue et il devra être examiné séparément (cf. p. clxxiii sq.).


L’épilogue.

Un semblable souci de rejoindre l’un à l’autre les deux bouts du dialogue se manifeste dans la façon dont Platon « boucle » l’entretien de Phèdre avec Socrate. Au moment où les deux amis vont quitter leur retraite, sont de nouveau évoquées les divinités de l’endroit, aussi bien les Nymphes et Achéloüs que Pan, dont le nom est seul prononcé (279 b, cf. 278 b). On leur doit bien cette politesse pour les remercier d’une inspiration qui a permis à Socrate de prononcer son premier discours, sans lequel il n’y aurait pas eu lieu à la « palinodie » du deuxième. Dans la prière que leur adresse Socrate il y a une manifestation religieuse que l’on comparerait volontiers à la recommandation, dans le Phédon (118 a), de ne pas oublier le sacrifice promis à Esculape, ou, dans le Banquet (220 d), à la prière au Soleil. Si toutefois les divinités invoquées ici sont justement responsables d’une faute qu’il a fallu réparer, on sera fondé à se demander pourquoi c’est à des puissances de la Nature capables d’égarer ainsi l’esprit, que s’adresse la prière de Socrate. Peut-être, du fait même que la bienveillance de Pan est seule explicitement invoquée, est-il permis d’inférer des idées analogues à celles que le nom même de Pan inspire à Platon dans le Cratyle (408 b-d[1]). Pan, le Chevrier, est d’après la mythologie fils d’Hermès, et ce dernier, messager du verbe divin, a aussi pour fils le Discours. Pan est donc frère du Discours. Or Pan a une double nature : dans la partie supérieure de son corps sa peau est unie et sans poils, velue au contraire dans la partie inférieure, qui est d’un bouc. Cette dualité ne symbolise-t-elle pas la dualité d’un discours qui se partage entre le vrai, qui est uni, divin, tourné vers le haut, et le faux, qui est tourné vers le bas, capricant, embroussaillé ? Étymologie et mythologie s’accordent donc à suggérer, à propos de Pan, l’idée d’une synthèse de contraires. Dès lors le sens de la prière qui lui est adressée ici serait dans les éléments mêmes qui la constituent, et

  1. Comme l’a pensé Hermias, 265, 18 sqq. Il a échappé à Couvreur que le dit-il est, dans l’interprétation du commentateur, un renvoi non douteux au Cratyle.