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PHÈDRE

nécessaires, c’est cette voie qui dans notre estime mérite le meilleur rang. — Le second point est plus important encore : le but apparent de la rhétorique, savoir l’action sociale de ma pensée sur celle d’autrui par le moyen d’un discours adapté à cette fin, n’en est pas le vrai but si ce n’est par surcroît ; ce but c’est, par mon effort vers la vérité, de travailler à complaire à des dieux bons ou, en d’autres termes, de travailler à m’élever vers un idéal dont la souveraine beauté embellira jusqu’à ces objets secondaires ou surérogatoires de mon activité (273 e sq.[1]). Ici encore, le Politique nous fournit un commentaire instructif : quand, pour arriver à définir le politique, nous envisageons l’art du tisserand, notre but véritable n’est pas celui-là ; il est au delà, et c’est de nous rendre plus habiles dialecticiens (286 d). Ainsi, dirons-nous, une étude de la rhétorique n’est sans doute pas notre objet dernier : le problème de l’amour, qui un moment a paru n’être que l’occasion d’exemples utiles pour cette étude, s’affirme comme le problème essentiel ; l’amour est en effet, dans le fond de sa nature, aspiration vers l’idéal, et cet idéal, qui est le bien de l’âme, elle devient par l’amour capable de le retrouver et de rentrer ainsi dans sa légitime patrie.


La quatrième partie.

À cet endroit (274 b), le développement du dialogue accuse, ainsi qu’on l’a déjà noté en passant (p. xxxviii, n. 1), une division assez franche pour qu’on y voie, non pas une nouvelle section de la troisième partie, mais vraiment une quatrième partie de l’entretien. Platon déclare en effet qu’il n’a rien de plus à dire sur l’art et l’absence d’art dans les « discours », et par ce mot il a jusqu’à présent désigné à la fois la parole et l’écrit (cf. 258 b, 259 e, 261 b). Le but qu’on s’était fixé (258 d, 259 e), de savoir à quelles conditions peut devenir mauvais ou bon un usage de l’activité qui, en lui-même, est indifférent, ce but est atteint. Le circuit, qui s’était ouvert (259 e) sur l’exigence de la vérité, se ferme ici

  1. Le souvenir de la garderie (φρουρά) du Phédon 62 b est évident (cf. p. 86, n. 2) : les dieux sont nos maîtres et nous sommes leur bétail humain, leurs esclaves : il ne faut ni déplaire au maître, ni s’évader de sa tutelle.