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NOTICE

que Lycon n’était qu’un rhéteur. Si sa médiocrité professionnelle a été ensevelie dans l’oubli où n’a pas réussi à sombrer complètement celle de Mélètus, c’est que, grâce à l’enregistrement officiel des pièces présentées au concours, les poètes avaient un privilège spécial. Ainsi, dans l’accusation, Lycon aurait été le porte-parole des rhéteurs. Et maintenant, quand on se demande qui, dans ce camp, avait pu sournoisement pousser Lycon, quel est le rhéteur démocrate dont l’influence personnelle était comparable en puissance à celle d’Anytus, et qui, par intérêt ou par vengeance, pouvait souhaiter l’éloignement ou la perte de Socrate, c’est à Lysias que l’on peut penser. Si avant la révolution il était déjà, comme l’insinue Cicéron (cf. p. xv), maître de rhétorique, il devait redouter l’action de Socrate sur la jeunesse riche. D’autre part, en tant que démocrate et en tant qu’étranger, il devait partager l’opinion qui faisait de Socrate le maître, non seulement de Critias, le chef cruel des Trente, l’ennemi juré des métèques

    orateur, qu’il faut t’appeler. » De même, les orateurs dont il est question dans Ménexène (235 c), ce sont ceux qui composent à loisir des Panégyriques d’Athènes, des oraisons funèbres, des éloges des ancêtres, bref des rhéteurs qui écrivent des discours épidictiques. Euthydème 284 b : les orateurs, quand ils parlent dans l’Assemblée du Peuple (cf. Alcib. I 114 cd)… ; 305 b : un orateur, soit de ceux qui ont la pratique des débats judiciaires, soit de ceux qui composent des discours pour les gens engagés dans ces débats… Dans Théétète 201 a, les orateurs sont les avocats. Dans notre dialogue, le mot est pris au sens le plus général : 258 b 10 (où il signifie à la fois l’orateur politique, le logographe, le législateur), 260 a, 269 d. C’est justement pour avoir, dans le passage en question de l’Apologie, entendu ῥήτωρ au sens étroit d’orateur politique, que certains critiques (dont Wilamowitz Platon² II, p. 48, n. 2) ont suspecté les mots « et les hommes politiques » à la suite de « gens de métier » : ces mots seraient, d’après eux, une très ancienne glose (antérieure à Diogène Laërce qui les cite II 40), inspirée du portrait d’Anytus dans le Ménon. Sans doute, dans les pages de l’Apologie qui précèdent notre texte, Socrate n’a mentionné, parmi les gens sur lesquels a porté son enquête, que les hommes d’État, les poètes et les gens de métier. Mais est-il nécessaire qu’il y ait, de part et d’autre, symétrie ? L’enquête est incontestablement très générale (cf. 21 c) : pourquoi se serait-elle limitée à ces trois catégories et comment les Sophistes, maîtres de rhétorique et auteurs de discours épidictiques, en auraient-ils été exceptés ?