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NOTICE

les trois dialogues où il figure : ce dernier, le nôtre et le Protagoras. On a eu raison[1] de réagir contre la tradition qui fait ici de Phèdre un tout jeune homme. C’est ainsi en effet qu’il apparaît dans le Protagoras, dont l’action se passe vers 433/2. Mais alors, seize ans plus tard, à l’époque du banquet d’Agathon il doit être environ dans sa trente-cinquième année. Si donc le Phèdre suppose le Banquet, il faut enfin qu’ici il soit encore plus âgé. Toutefois, à vouloir préciser davantage, ne trahirait-on pas l’esprit de Platon, peu soucieux de ces scrupules chronologiques (cf. Banquet, Notice p. xx, n. 1) et qui s’accommode de vraisemblances psychologiques générales ? De ce qu’au cours du Phèdre il ait voulu rappeler le Banquet, s’ensuit-il que l’action du premier doive être tenue pour postérieure à celle du second ? Il n’y aurait alors anachronisme que par rapport à nos conjectures sur la relation chronologique des deux dialogues. C’est donc assez, je crois, d’observer simplement que, quelle que puisse être la différence des âges, Socrate se croit du moins autorisé par la naïveté des enthousiasmes de son ami à l’égard de la rhétorique, de la mythologie, de l’érudition, des livres des Maîtres, etc., à le traiter d’une façon un peu cavalière et, en vérité, comme « un grand enfant[2] ». Quant à savoir ce qu’ensuite devient Phèdre et quelle est l’époque de sa mort, cela peut avoir son intérêt. Mais c’est ruiner toute vraisemblance interne que de conjecturer cette époque en s’appuyant sur le fait que, si la mort de Phèdre n’avait pas précédé celle de Socrate, il aurait certainement été du nombre des fidèles qui assistèrent Socrate à ses derniers moments[3]. Conjecture gratuite : le Phédon ne dit-il pas (59 b fin) que tous ceux des Attiques qui étaient présents n’ont pas été nommés ? Conjecture arbitraire et que dément le portrait psychologique du Phèdre platonicien : son honnête sincérité lui vaut d’être traité avec une sympathie un peu condescendante et railleuse ; mais toujours il apparaît comme un fervent partisan des Sophistes, totalement incapable par là même de communier avec la pensée de Socrate[4].

  1. L. Parmentier, art. cité, p. 10 sq., p. 14.
  2. Cf. 257 c : ὦ νεανία ; 267 c : ὦ παῖ ; 275 bc.
  3. L. Parmentier, art. cité, p. 15-17.
  4. Cf. 235 d, 236 ab, 241 d, 257 c, 266 cd.