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PHÈDRE

Lysias sur la différence de l’homme qui aime comparé à l’homme sans amour, chacun des points, je l’exposerai sommairement dans l’ordre, à commencer par le premier.

Il a sur lui le discours.

Socrate. — Bon, quand premièrement, cher amour, tu m’auras fait voir ce qu’en ta main gauche tu peux bien tenir là, sous ton manteau… Je gage en effet que c’est le discours lui-même ! Mais, si c’est bien cela, mets-toi sur mon compte ceci dans l’esprit, que moi je t’aime beaucoup, mais que, avec Lysias e ainsi présent lui aussi, je ne suis pas du tout décidé à me laisser utiliser pour te permettre de répéter ta leçon ! Eh bien ! allons, fais voir…

Phèdre. — En voilà assez ! Tu as de ce coup, Socrate, culbuté mon espoir de te prendre pour champ de mon entraînement[1] ! Mais dis-moi, où veux-tu que nous nous asseyions pour faire notre lecture ?

Socrate. — 229 Quittons ici la route et suivons le cours de l’Ilissus. Après, en un endroit que tu jugeras paisible, nous nous assoirons.

Phèdre. — C’est à propos, je le vois, que je me suis trouvé à être sans chaussure ! Quant à toi, c’est ton habitude, on le sait[2]. De la sorte il nous sera tout à fait facile, en y trempant nos pieds, de suivre ce filet d’eau ; et ce ne sera pas désagréable, en cette saison surtout et à ce moment de la journée[3].

À la recherche d’une retraite en suivant l’Ilissus.

Socrate. — Avance donc et, tout en marchant, examine où nous pourrons nous asseoir.

Phèdre. — Vois-tu là-bas ce très haut platane ?

Socrate. — Eh bien ?

  1. Si l’on a sous la main le discours même de Lysias, pourquoi Socrate se prêterait-il à servir à Phèdre de terrain d’expérience, afin qu’il s’assure si son exercice de mémoire est au point ? Cf. Notice, p. xxvii et n. 1.
  2. C’est un trait bien connu (Banquet 174 a, 220 b) et que note aussi Aristophane dans les Nuées (103, 363). Quant à Phèdre, s’il est nu-pieds, peut-être n’est-ce pas par hasard, mais pour se conformer, c’est son faible, à quelque prescription médicale (cf. Banquet, Notice p. xxxvii).
  3. C’est le plein été, la rivière est presque entièrement à sec, et il va bientôt être midi (cf. 230 c, 242 a, 258 e sq., 259 d, 279 b).