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cxxxii
PHÈDRE

tion est la vraie parce qu’elle est inspirée (242 b-d ; cf. 244 b-d)[1].

Le corps et l’âme.

Quels que puissent être les remèdes offerts par l’amour et la philosophie à notre condition d’hommes, il n’en demeure pas moins que nous restons des hommes et qu’il y a des dieux. Il importe donc de définir le mieux possible en quoi ceux-ci diffèrent de nous ; ce qui nous conduira à préciser la nature de la relation qui existe entre le corps et l’âme. — Tout d’abord, on a déjà pu voir (cf. p. lxxxii et cxxii sq.) quelle difficulté il y a de dire ce que sont les dieux. Pour en représenter la nature on est donc obligé, ainsi que pour l’âme, d’user sous certaines conditions d’un langage mythique (cf. p. 36 n. 3). Sans doute on peut énoncer quelle est l’exigence générale d’une nature divine, affirmer que le divin c’est ce qui a bonté, beauté, savoir (246 e déb. ; cf. Banquet 202 c, 204 a déb.), rattacher par conséquent ces caractères à ce qui d’autre part possède la perfection de l’existence et de la vérité (249 c). Mais, au delà de ces convictions très assurées, on ne peut guère faire autre chose que de chercher ce qu’elles excluent ou ce que, inversement, elles impliquent. Or ce qu’elles excluent, c’est justement la théologie traditionnelle, telle qu’elle a été élaborée par les spécialistes de la mythologie : le Timée en parle (40 d-41 a) avec une ironie souverainement méprisante ; c’est une « histoire » où il n’y a nulle vraisemblance et, si nous en croyons sur parole ceux qui nous la content, c’est qu’ils la donnent comme l’histoire même de leur famille ! Ce qu’impliquent au contraire ces convictions, c’est une tout autre théologie, la théologie astrale : les dieux y apparaîtront comme des vivants très sages, très bons et très beaux, dont les révolutions sont si exactement calculées qu’on ne peut, à moins de manquer de sens, y voir les actions d’êtres dépourvus d’âme et d’intelligence ; en chacun d’eux on reconnaîtra au contraire une âme divine et une intelligence parfaite, capables de gouverner toutes choses pour le mieux. Sans doute est-il difficile de savoir comment cette âme meut le corps de

  1. De même, dans le Phédon 84 e, 85 b Socrate dit être un devin, comme le sont les Cygnes quand ils sentent qu’ils vont mourir : c’est parce qu’il est, comme eux, au service d’Apollon et possédé par ce dieu.