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l’intelligence et le mouvement. Il suffira d’envisager la parenté de l’âme avec les réalités de ce monde intelligible qui sont sa vraie famille. Ce qui, dans le langage symbolique du Phèdre, traduit le pouvoir qu’elle a de rester en contact avec le monde de ces réalités, d’y être chez elle ou d’y retourner si elle en est sortie, ce sont les ailes dont est pourvue chacune de ses parties constitutives. Certes le Phédon affirmait bien cette parenté, mais il parlait seulement (109 e) de la possibilité d’une ascension de notre âme vers des régions supérieures. Le symbole du Phèdre affirme davantage : la faculté pour tout ce qui est âme de planer au voisinage des réalités vraies et de les contempler. Que les ailes se flétrissent, ce sera ravir à nos âmes cette intuition bienheureuse ; elle n’en est pas moins essentielle à l’âme en général. — Dans son premier discours (237 de) Socrate distinguait deux principes ou motifs d’action, l’un primitif et qui nous porte au plaisir, l’autre acquis et qui tend vers le meilleur. Mais ce point de vue est la continuation de celui de Lysias : on était encore dans le bas-fond de l’humaine sagesse, celle qui apprend peu à peu, à l’école de l’expérience, à modérer le penchant au plaisir en vue de s’épargner les ennuis qui en peuvent être l’effet. Élevons cependant notre point de vue ; aussitôt la relation dont il s’agit se renverse : ce qui était jugé acquis apparaîtra au contraire comme primitif et essentiel, et ce qu’on estimait primitif sera jugé secondaire et dérivé. C’est qu’il est en effet naturel à l’âme, tant qu’elle est dans la vérité de sa nature, de n’avoir pas besoin d’effort pour se porter vers le meilleur ; le cocher, pour parler le langage du Phèdre, n’a aucune peine à mener des chevaux qui sont aussi faciles l’un que l’autre. Quand donc l’intellect n’est pas occupé à gouverner ce qui en a besoin, il n’a qu’à faire son œuvre d’intellect (cf. p. cxx), qui est de rester en contact avec ce qui donne à l’âme tout entière son excellence originelle et de la nourrir avec l’aliment qui est naturellement le sien (246 de ; 247 cd ; 248 a déb., b fin et sq.). Le Timée fait de même : bien qu’il ait dans l’essence vraie de l’âme placé l’Autre qui, par soi, est un principe de diversité et de désordre, il n’en donne pas moins au seul intellect le droit de contempler la réalité absolument déterminée, éternelle, immuable ; et cela parce que, dans la constitution originelle et normale de l’âme, il y a subor-