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NOTICE

en effet définit l’âme, c’est seulement la pensée (φρόνησις), en tant qu’elle est épurée de tout mélange de sensation et qu’ainsi elle entre en contact avec l’intelligible[1]. Or ce point de vue ne semble pas abandonné dans la République, en dépit du soin évident avec lequel la tripartition a été établie au livre IV. Celle-ci en effet est présentée dans le livre X (611 b-612 a) comme une conséquence de l’union avec le corps. En cela d’ailleurs l’accord est complet avec le Phédon, où les désirs et toutes les émotions connexes de crainte, de plaisir, de peine sont la cause de l’asservissement de l’âme au corps : c’est au point qu’aux Purs et aux Saints est promise une existence entièrement incorporelle (66 bc, 82 e sq., 83 cd, 114 bc). Le Phédon à la vérité ne connaît pas de milieu entre les passions ainsi comprises et la raison qui est incorporelle. Or cette fonction moyenne, dont le livre IV s’appliquait à prouver la réalité, le livre X semble lui-même y voir quelque chose d’étranger à la nature essentielle de l’âme. C’est en effet par rapport à l’état dans lequel présentement nous l’observons, et sous la forme humaine, qu’on a pu être en droit de considérer l’âme comme composée. Il est vrai, poursuit Platon, qu’un composé peut l’être d’une façon excellente, mais ce n’est pas le cas de l’âme[2] et, tout au contraire, on voit que sa nature est gâtée du fait de son association avec un corps : ce qui amène la comparaison bien connue avec Glaucus, le dieu marin (cf. p. cxi). Si pourtant on réfléchit à quoi s’attache l’âme et vers quoi elle aspire en tant que inversement elle est apparentée au divin et à l’éternel, à ce qu’elle deviendrait si tout entière elle s’employait à satisfaire une telle aspiration, et que cet élan la fît s’élever du

  1. Voir particulièrement 78 cd (comparer Banquet 211 be) et 80 b. Cf. aussi 76 ce ; 79 de ; 83 e.
  2. Le sens de 611 b 6 sq. ne me paraît pas être : « à moins que la composition n’en soit aussi parfaite que vient de nous paraître celle de l’âme ». Par rapport au contexte du présent morceau cela constituerait une contradiction difficilement explicable. De plus, comment parlerait-on de la perfection d’un composé qui précédemment a été comparé (IX 588 b sqq.) à un être fabuleux dont la structure comprend un animal féroce, un animal paisible et enfin un monstre à mille têtes ? Le sens me paraît être : difficilement serait éternel « un composé qui ne jouit pas de la composition la plus belle, et c’est ainsi que maintenant nous est apparue l’âme ».