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PHÈDRE

(619 cd). Ce sont des points sur lesquels on aura l’occasion de revenir plus tard (cf. p. cxxix sq.).


Amour et philosophie.

3. La doctrine de l’âme, dans son ensemble, a été appelée par le besoin de faire comprendre comment le délire d’amour est entre tous le plus beau et le plus bienfaisant. Nous passons donc maintenant à la doctrine de l’amour et Platon commence (249 b 8 sqq.) par montrer quel lien existe entre l’une et l’autre doctrine. Nous avons appris que c’est nécessairement dans un corps d’homme que doit, à la première génération, s’implanter toute âme à qui a été donnée la possibilité de contempler les réalités absolues. C’est qu’une intelligence d’homme est, comme nous dirions, une raison : sa fonction est en effet de réduire la multiplicité sensible à l’unité d’une idée dans laquelle cette multiplicité est rassemblée par un acte de réflexion raisonnée[1]. Mais en faisant cela, nous ne créons pas, nous ne faisons que nous remémorer[2] ces réalités vraies que nous avons pu voir par delà le ciel, quand dans ce ciel nous faisions partie de la suite d’un dieu. C’est de ces réalités, divines en elles-mêmes, que ce qui est dieu tient sa divinité[3], et c’est parce que le philosophe

  1. Il faut, je crois, garder ici le texte des mss. et d’Hermias. Les objections de Thompson et d’autres me semblent peu décisives : ce n’est pas de l’idée que Platon dit qu’elle va de la multiplicité à l’unité, mais bien de « l’acte de comprendre, comme on dit, selon l’Idée » ; pas davantage ce n’est l’idée qui est rassemblée par une réflexion raisonnée, mais c’est l’unité qui apparaît ainsi comme une totalité unifiée ; cf. 250 e et la note. Il n’y a rien d’autre ici que ce qu’on trouve dans Ménon 74 d-75 a, dans Phédon 65 d-66 a, 76 cd, dans la République VII 523 e-525 a ou X 596 ab, dans Théétète 148 d et ailleurs encore.
  2. Sur la réminiscence, cf. Ménon 80 d sqq., Phédon 72 e sqq.
  3. Cf. p. 42, n. 2. — Peut-être y a-t-il dans ce passage de quoi lever les doutes qui se sont élevés sur le sens d’une phrase du Timée (37 c) où Platon appelle le monde « une image produite des dieux éternels ». Dans une intéressante discussion de son commentaire (p. 184-186), A. E. Taylor rejette en effet l’interprétation, qui remonte à Plotin, d’après laquelle ces dieux éternels ce seraient les Idées elles-mêmes. Certes il n’est pas contestable que le Démiurge est un dieu éternel (34 a) ; il ne l’est pas non plus que, si les dieux