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Dagesh dirimens. Omission du dagesh

k Dagesh dirimens ou séparant. Ce dagesh euphonique se trouve quelquefois dans une consonne à l’intérieur du mot. Le redoublement, avec le shewa mobile qui en résulte, produit comme une séparation entre les syllabes. Ainsi, au lieu de עִנְבֵי* ʿineḇẹ̄ (avec shewa moyen), qui serait la forme attendue pour le pl. cst. de עֵנָב raisin, on trouve עִנְּבֵי ʿin-ne-ḇẹ̄ (avec shewa mobile) Lév 25, 5 ; Dt 32, 32. De même on a עִקְּבֵי ʿiq-qe-ḇẹ̄, pl. cst. de עָקֵב talon.

Le dagesh dirimens se trouve surtout dans les consonnes liquides ל, מ, נ, dans les sifflantes, et dans la vélaire ק. (Par contre, dans ces mêmes consonnes on omet souvent le dagesh, cf. § m 3). Il est rare dans les begadkefat (où son but peut être d’empêcher la prononciation spirante), p. ex. סֻבְּכוֹ (var. סֻבְכוֹ) Jér 4, 7.

l Omission du dagesh fort. A) Un dagesh fort qui serait demandé par une consonne est omis, si cette consonne est finale. Ainsi dans le verbe סָבַב entourer, on dit au fut. qal יָסֹ֫בּוּ, mais יָסֹב ; au fut. hifil יָסֵ֫בּוּ, mais יָסֵב ; dans le verbe קַל être léger (de la rac. קלל) au fut. qal יֵקַ֫לּוּ, mais יֵקַל ; dans le substantif peuple de la rac. עמם on dit עַמִּי, mais עַם et, avec accent disjonctif, עָם. Une consonne redoublée, c’est-à-dire longue, a besoin d’un appui vocalique[1].

Les voyelles ◌ַ, ◌ֶ (plus brèves que ◌ָֽ, ◌ֵ) qu’on a souvent (surtout ◌ַ) en cette position indiquent au moins une tendance de la consonne au redoublement ou allongement faible (cf. § b). Ainsi s’explique le maintien de la voyelle ◌ַ, ◌ֶ au lieu de ◌ָֽ, ◌ֵ qu’on attendrait, p. ex. dans עַם à côté de עָם (avec accent disjonctif) et הָעָם ; צַו impér. apocopé de צַוֵּה (opp. p. ex. אֵלָיו, עָנָו) ; les mots comme מְעַט (pl. מְעַטִּים) ; בַּת de *bint, § 98 d (opp. p. ex. אָב) ; אֱמֶת de *ʾamint ; כַּרְמֶל, avec suff. כַּרְמִלּוֹ.

m B) Un dagesh fort qui serait demandé par une consonne suivie d’un shewa mobile est souvent omis, sans doute parce que dans certains cas on répugne à appuyer une consonne longue sur un appui voca-

    qultúllọ (pour qult(u) + lọ) « je lui ai dit » ; en français moderne « tu l’as » est souvent prononcé tu ll’as (à l’analogie de il l’a) ; cf. § 35 b N.

  1. Cet appui vocalique peut être un simple shewa, p. ex. dans אַתְּ ʾa̦tte (§ 8 c N), נָתַתְּ nåṯa̦tte.