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Génitif et état construit

construit sur le second (§ 92 a). L’état construit est l’expression formelle du rapport génitival[1]. Les deux noms mis en relation génitivale forment un bloc compact, et en principe rien ne doit les séparer[2].

En conséquence, une idée complexe telle que les fils de David et les filles de David, qui dans nos langues s’exprime elliptiquement par les fils et les filles de David, ne peut s’exprimer par *בְּנֵי וּבְנוֹת דָּוִד ; en effet l’état construit בְּנֵי serait séparé de son point d’appui : il serait, pour ainsi dire, construit en porte à faux, il ne reposerait pas sur un point d’appui[3]. On dira donc בְּנֵי דָוִד וּבְנוֹתָיו les fils de David et ses filles. C’est la construction usuelle : Gn 41, 8 les magiciens de l’Égypte et ses sages ; Jug 8, 14 ; 1 R 8, 28 ; 2 R 2, 12. On peut dire aussi tout simplement בְּנֵי דָוִד וְהַבָּנוֹת, construction plus rare : Gn 40, 1 מַשְׁקֵה מֶ֫לֶךְ מִצְרַ֫יִם וְהָֽאֹפֶה l’échanson et le panetier du roi d’Égypte[4]. Enfin, dans certains cas (§ 130) on doit recourir à la circonlocution avec ל : הַבָּנִים וְהַבָּנוֹת (אֲשֶׁר) לְדָוִד les fils et les filles (qui sont) à David, p. ex. Gn 40, 5.

b Mais un nomen regens peut se rapporter à plusieurs génitifs coordonnés ; autrement dit, il n’est pas nécessaire de repéter le nomen regens devant chaque génitif. La répétition ou la non répétition dépend du sens, du style, et aussi de l’usage de chaque époque[5] :

  1. Mais la vocalisation légère de l’état construit déborde le cas de la relation génitivale ; on la trouve parfois dans d’autres cas de liaison étroite (§ r-s). On peut se demander si l’on sentait la relation proprement génitivale dans le cas où le nom était construit sur autre chose qu’un nom, p. ex. sur une préposition.
  2. Bien entendu, l’article du second nom ne crée pas une séparation, ni le åh paragogique (§ 93 d), p. ex. בֵּ֫יתָה יוֹסֵף Gn 43, 17. Mais un suffixe possessif formerait une séparation. Cependant on trouve anormalement Lév 26, 42 אֶת־בְּרִיתִי יַֽעֲקוֹב mon pacte avec Jacob (deux autres ex. ibid. ; Jér 33, 20 אֶת־בְּרִיתִי הַיּוֹם mon pacte avec le jour †). Le second nom, p. ex. יַֽעֲקוֹב, est virtuellement au génitif : le sens est en effet בְּרִית יַֽעֲקוֹב אֲשֶׁר לִי (cf. Dt 4, 31). On ne voit guère pourquoi on n’a pas dit אֶת־בְּרִיתִי אֵת (ou עִם) יַֽעֲקוֹב.
  3. Il y a, probablement, quelques exceptions : Is 11, 2 ; Éz 31, 16 ; Pr 16, 11 ; Dn 1, 4. Dans tous ces exemples les deux noms construits, étant analogues, ont été pris per modum unius.
  4. De même on peut négliger le suffixe après un second verbe (§ 146 i).
  5. À l’époque postérieure on évite volontiers la répétition, p. ex. 1 Ch 18, 10 כְּלֵי זָהָב וָכֶ֫סֶף וּנְח֫שֶׁת (opp. le parall. 2 S 8, 10 כלי כסף וּכלי זהב וּכלי נחשׁת) ; 2 Ch 24, 14 (opp. 2 R 12, 14) ; cf. Kropat, Syntax der Chronik, p. 55.