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Consonnes

probable qu’autrefois le ח a eu, selon les mots, tantôt la valeur de , tantôt celle de . Mais à l’époque des Naqdanim le ח représentait uniquement le son . Si le signe ח avait eu deux valeurs, les Naqdanim, si attentifs à noter les moindres nuances, comme par exemple la double prononciation des begadkefat (§ o), n’auraient pas négligé de les indiquer. L’existence du son à l’époque où existait le kaf rafé כֿ est très improbable, les deux sons étant trop voisins. Le , en effet, est la palatale spirante sourde qu’on a p. ex. dans le grec moderne χάρις ou dans l’allemand nach en prononciation correcte (par opposition à celle des Suisses). Le détail de la vocalisation suppose le son et exclut le son  ; ainsi le pataḥ furtif, p. ex. dans טָבוּחַ ṭåḇū (cf. طبخ) « égorgé » ; ainsi encore le pataḥ auxiliaire, p. ex. dans le type שָׁלַ֫חַתְּ šålá̦ḥa̦te « tu (fém.) as envoyé » (§ 70 f), car pour prononcer *šåla̦ḫte il n’y aurait pas plus besoin de voyelle auxiliaire que pour prononcer אַל־תֵּשְׁתְּ ʾa̦l tẹšte « ne bois pas ». L’hébreu répugne absolument au redoublement du son (כֿ) ; il en serait de même pour le son analogue . Or le ח, tout en rejetant le redoublement réel, comme toutes les gutturales, admet volontiers le redoublement virtuel (ou redoublement faible) ; il le prend même parfois spontanément (§§ 20 a, c)[1]. Donc le ח suppose le son .

l Le ʿayin ע est une gutturale sonore qui n’existe pas dans nos langues. C’est exactement le son du ع ʿ arabe, dans عَيْن ʿai̯n « œil ». On a comparé ce son à « l’articulation gutturale du chameau que l’on charge de son bât » (Huart, Littérature arabe, p. 139)[2]. Par la comparaison des langues on voit que le signe ע correspond à deux sons sémitiques notablement différents, représentés en arabe par ع ʿ et غ g̣͞h. Cette dernière consonne est une vélaire spirante sonore ; c’est la spirante correspondant à un vélaire (ce étant lui-même la sonore correspondant à la sourde q ק). Il est très probable qu’autrefois le ע a eu, selon les mots, tantôt la valeur de ع , tantôt celle de غ g̣͞h. Mais à l’époque des Naqdanim le ע représentait uniquement le son ʿ.

  1. Même dans des cas où le ח répond à un primitif, p. ex. dans אַחִים frères (cf. ٲَخ ʾaḫ).
  2. L’onomatopée ٲُع ٲُع uʿ uʿ imite le bruit du vomissement ; cf. Wright-Goeje, Arabic Grammar3 1, p. 295.