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Histoire de l’hébreu biblique

ordinaire des Juifs. L’hébreu postexilien le plus altéré est celui de l’Ecclésiaste, d’Esther, d’Esdras et Néhémie, des Chroniques[1].

c Outre les différences dues à l’évolution de la langue au cours des siècles, l’hébreu a sans doute présenté des particularités dialectales dans les diverses régions où il était parlé[2]. Ainsi entre le royaume du nord et celui du sud il aura existé des différences de langage. Mais les éléments dont nous disposons ne nous permettent guère de préciser ces différences et de parler d’un dialecte du nord et d’un dialecte du sud.

Une différence d’un autre ordre et grandement importante en grammaire est celle qui sépare la langue de la poésie de celle de la prose. La poésie hébraïque a des mots assez nombreux qui lui sont propres, et parmi ces mots, chose remarquable, plusieurs se retrouvent en araméen, p. ex. אֱנוֹשׁ homme pour אָדָם, אֹ֫רַח chemin pour דֶּ֫רֶךְ, אָתָה venir pour בּוֹא, מִלָּה parole pour דָּבָר, חָזָה voir pour רָאָה. La poésie, soit par recherche, soit par nécessité métrique, emploie souvent des formes rares, anormales ou archaïques. Ainsi l’on trouve en poésie les formes longues anciennes des prépositions אֱלֵי = אֶל ; עֲדֵי = עַד ; עַלֵי = עַל (§ 103 m) ; les finales ◌ִי, וֹ du nom (§§ 93 l, r) ; les suffixes pronominaux מוֹ, ◌ָמוֹ, ◌ֵמוֹ (§ 61 i). Pour la syntaxe, notamment pour l’emploi des temps, la poésie use d’une grande liberté. On serait même embarrassé de traiter certaines questions de syntaxe uniquement d’après les textes poétiques[3]. C’est sans doute pour des raisons d’esthétique ou de brièveté que la poésie emploie beaucoup moins que la prose l’article, la particule relative אֲשֶׁר, la particule de l’accusatif אֵת.

§ 4. Histoire de la grammaire hébraïque.

a Les premiers travaux de grammaire hébraïque commencent au Xe siècle, sous l’influence de la grammaire arabe, avec le Gaon Saʿadia

  1. L’étudiant ne devra lire ces livres qu’en dernier lieu, après qu’il aura acquis une connaissance suffisante de la bonne prose classique.
  2. Du récit de Jug 12, 6 il ressort que les Éphraïmites prononçaient la sifflante du mot שִׁבֹּ֫לֶת autrement que les gens de Galaad.
  3. La grammaire, et en particulier la syntaxe, est fondée principalement sur les textes de la prose classique, spécialement sur les bons textes narratifs.