Page:Levoyageauparnas00cerv.djvu/261

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 75 —

Bartholomé de Mola et Gabriel Laso, parvinrent à prendre pied sur la montagne.

Don Diego, celui qui porte le nom de Silva, honore aussi de sa présence les hauts sommets du Parnasse, et il s’avance, d’un pas joyeux. Devant son génie, devant son incomparable renom, toute science s’incline obéissante : il s’élève à une telle hauteur qu’il parait un être surhumain.

Petit à petit les ombres grandissent et le jour tombe, tandis que la nuit s’avance dans son manteau noir tout parsemé d’étoiles. Las de son attente, le poétique escadron se livre au sommeil paresseux, excédé de fatigue, en proie à la faim et à la soif. Alors Apollon, dont la lumière se réduit à rien, ne fait qu’un bond et, tombant chez les Antipodes, il poursuit forcément sa course fatale. Mais il congédia auparavant, sur leur demande, les cinq poëtes titrés qui avaient demandé leur congé avec instance, parce qu’ils regardaient l’entreprise comme un jeu ridicule. Apollon donna, sans délai, satisfaction à leurs désirs. L’amant de Daphné est unique pour la courtoisie ; en ce point, il n’est personne dans les deux hémisphères qui le surpasse.

Du sombre recoin de sa triste demeure, le nonchalant Morphée tira son goupillon, avec lequel il a fait tant de victimes et de dupes, et avec l’eau du Léthé qui jaillit de la source de l’oubli, il mouilla les paupières à tout le monde. Le plus affamé resta endormi ; la faim et le sommeil ne vont guère ensemble ; mais c’est un privilége des poëtes de jouir à