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Le Père Perdrix  [1]


DEUXIÈME PARTIE


chapitre premier


Ce fut l’année suivante, par un jour d’été, alors que le monde était beau et que la vie avait mûri dans les champs, pareille au blé, pareille au pain, pareille à une chair pleine de bonne santé ; ce fut un de ces jours où l’on se dit : « Ça y est, notre avenir est là, nous n’avons plus qu’à nous asseoir et laisser notre âme s’associer aux saisons. » Pierre Bousset travaillait dans sa boutique et ses deux ouvriers étaient non loin de lui. On ne pouvait certes pas les féliciter de leur courage ; mais, comme ils étaient payés aux pièces, l’existence auprès d’eux était supportable, du moment qu’il n’y avait pas des commandes trop pressées.

Tout à coup. Limousin leva la tête et dit :

— Ah ! le voilà !

Pierre Bousset regarda : Nom de Dieu, c’était Jean ! Il avait un drôle d’air, un air en partie double comme lorsqu’on a fait quelque chose et qu’on ne sait pas encore. Ils pénétrèrent ensemble dans la chambre où la mère époussetait les meubles avec cette minutie quotidienne qui rappelle un examen de conscience. Marguerite, assise auprès de la fenêtre, cousait dès le matin. Il y eut un battement de cœur parce que ce ne sont pas les bonnes nouvelles qui arrivent sans qu’on les attende.

Pierre Bousset dit :

— Comment se fait-il que tu viennes aujourd’hui ?

Jean s’assit avec assez de lenteur et l’on vit autre chose encore s’asseoir dans la maison.

La mère dit :

  1. Voir La revue blanche des 1er  et 15 mai et 1er  juin 1902.