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Le Père Perdrix  [1]


PREMIÈRE PARTIE


chapitre iv

Voici : la chose avait été prévue. Les trois enfants, Jacques, François et Marie s’étaient dit : « Un beau matin nous irons tous ensemble voir le Vieux. » Ils s’étaient entendus, ils lui avaient écrit. Marie devait arriver par le courrier avec Jules Passat, son homme, et ne pas emmener ses deux filles parce que le Vieux les connaissait déjà et que le voyage eût fait trop de dépense. François devait venir avec sa femme, Jacques avec la sienne et, comme il était mécanicien, le voyage en chemin de fer ne lui coûterait rien, et il aurait avec lui ses deux enfants.

Le Vieux se préparait à ce jour : « C’est ces deux pauvres petits, surtout, que je voudrais voir. Savoir bien à qui ils ressemblent ! » La Vieille, en ramassant son cresson, ramassait des idées : « Mon Dieu ! je voudrais qu’ils soient arrivés déjà. »

Cette nuit-là, vers les quatre heures, il y eut un orage, et le tonnerre et la pluie se mêlaient et résonnaient l’un et l’autre. Ils avaient sans doute pris une voiture couverte, mais comme les enfants devaient avoir peur ! Bientôt tout se calma et, vers six heures, ce fut un matin de septembre mouillé ; la rue était lavée, le ciel un peu voilé, et la fraîcheur voyageait si délicatement dans l’air qu’on eût dit que les cœurs aussi étaient mouillés.

Jacques et François arrivèrent à sept heures. La voiture était pleine : une pleine voiture de Perdrix ! Elle vint comme cela : on n’ose pas croire que la chose est vraie. François sauta à terre et tint le cheval par la bride pour que les femmes pussent descendre. Les deux enfants se penchaient.

  1. Voir La revue blanche du 1er et du 15 mai 1902.