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le kalevala

ture hideuse se mit à crier ; elle ne savait plus où aller, où porter ses pas, pour alléger son sein, pour donner le jour à ses petits.

Jumala lui parla du haut des nuages, le Créateur lui dit du haut du ciel :« Tu as là-bas, sur le bord de la mer, dans la sombre Pohjola, dans la nébuleuse Sariola, une maison à trois angles. C’est là que tu dois te rendre pour accoucher, pour alléger ton sein ; on y a besoin de toi, on y attend les enfants que tu dois engendrer. »

La fille noire de Tuoni, la vierge dégradée de Manala se dirigea vers les habitations de Pohjola, vers la maison de bain[1] de Sariola pour y accoucher, pour y alléger son sein.

Louhi, la mère de famille de Pohjola, la vieille édentée de Pohja l’introduisit en secret dans la maison de bain, et sans que le peuple du village l’entendît, sans que la nouvelle en arrivât jusqu’à ses oreilles.

Elle fit aussi mystérieusement et en toute hâte chauffer l’étuve ; puis elle en frotta les portes avec de la bière, les gonds avec de la kalja[2], afin d’empêcher les portes de crier, les gonds de grincer.

Ensuite, elle éleva la voix et elle dit : « Ô vénérable Kave[3], fille de la nature, ô femme d’or, belle femme, toi, la plus ancienne parmi les épouses, la première des mères parmi celles qui sont nées d’elles-mêmes, jette-toi dans la mer jusqu’aux genoux, jusqu’à la taille au milieu des vagues ; et là, prends le suc de la perche, le suc de la lotte, enduis-en le corps de la femme, et délivre-la de ses atroces tortures, des cruelles douleurs de ses entrailles[4] !

  1. Les femmes des Finnois accouchent généralement dans le bain. Voir page 81, note 1, et page 222, note 1.
  2. Voir page 182, note 3.
  3. Voir page 147, note 3.
  4. « Kave eukko, luonnon tyttö,
    « Kave kultainen korea,
    « Jok’olet vanhin vaimoloita,
    « Ensin emä itselöitä !