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dix-septième runo

champs sablonneux. Et ils joindront leur force à ma force, leur vigueur à ma vigueur, et ils me soutiendront, et ils m’aideront dans cette œuvre ardue, au milieu de ces lamentables douleurs.

« Et si ce n’est assez, si, malgré ce secours, tu ne cèdes point, lève-toi, ô forêt, avec tes hommes, bois riche d’ombrages avec ton peuple, bois de sapin avec ta race, lac avec tes enfants ; que cent hommes accourent avec leurs glaives, mille héros avec leur armure de fer, pour châtier ce Hiisi, pour écraser ce Juuta[1].

« Et si ce n’est assez, si, malgré ce secours, tu ne cèdes point, lève-toi des profondeurs des ondes, ô mère des ondes[2], lève-toi, femme au bonnet bleu, du sein des flots, femme à la robe finement plissée, des sources bondissantes, visage pur, de la vase humide, lève-toi pour la force du faible héros, pour la vigueur de l’homme débile, afin que je ne sois point dévoré sans cause, que je ne sois point frappé de mort sans maladie !

« Et si ce n’est assez, si, malgré ce secours, le maudit ne cède point, ô Kave[3], fille de la nature, Kave splendide et belle, toi la plus ancienne des femmes, la première mère des êtres qui sont nés d’eux-mêmes, viens reconnaître les plaies, viens éloigner les jours du danger, viens m’alléger de ce fardeau, m’arracher à ce tourment !

« Et si ce n’est assez, si, malgré ce secours, tu ne cèdes point, ô Ukko, nombril du ciel[4], proche voisin des nuages qui portent la foudre, viens ici, car on a besoin de toi, viens ici, car on t’appelle, viens interrompre l’œuvre misérable, viens détruire l’action perverse, avec ton glaive à la pointe de feu, avec ta lame fulgurante !

  1. Voir page 109, note 3.
  2. Déesse des ondes.
  3. Kave a donné lieu à beaucoup d’interprétations. Suivant Castren, ce mot signifie, en général, génie puissant et bienfaisant.
  4. Centre du ciel.