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trente-neuvième runo

montoire surgit au loin, un misérable village se montra à l’horizon.

Ahti[1] y avait fixé sa demeure, Lemminkäinen y passait sa vie, déplorant son extrême misère, le vide de son aitta[2], le triste sort qui lui était échu en partage. Il taillait les ais d’un nouveau navire, il en charpentait la quille, à l’extrémité de l’aride promontoire[3], dans l’enceinte du misérable village.

Lemminkäinen avait l’oreille fine ; il avait les yeux plus perçants encore. Il jeta les regards du côté de l’occident, il tourna la tête vers le midi, et aperçut dans le lointain un arc, un flocon de nuage.

Mais, ce n’était point un arc, ce n’était point un flocon de nuage, c’était un petit navire qui s’avançait sur les vagues de la mer. Un héros majestueux siégeait au gouvernail, un superbe guerrier présidait à la manœuvre.

Le joyeux Lemminkäinen dit : « Je ne connais pas ce navire, je ne sais quel est ce beau bateau qui arrive à force de rames, des régions de Suomi, des régions de l’orient, la proue tournée vers l’occident. »

Et le jeune héros éleva la voix, il poussa un cri puissant du haut du promontoire, et il demanda par dessus les flots : « À qui appartient ce navire qui vogue sur la mer ? »

Les hommes, les femmes du navire répondirent : « Quel homme es-tu donc, quel guerrier, toi qui habites au milieu de ces bois déserts, pour ne pas connaître le navire de Wäinölä, pour ignorer qui en est le pilote, qui en est le rameur ? »

Le joyeux Lemminkäinen répondit : « Je sais qui est ce pilote, je sais qui est ce rameur : le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen siége au gouvernail, Ilmarinen manœuvre les rames. Où allez-vous donc, ô hommes, où dirigez-vous votre course, ô héros ? »

  1. Voir page 88, note 1.
  2. Voir page 3, note 5.
  3. Voir page 314, note 2.