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le kalevala

enferme ma bouche, enferme ma langue dans la maison de l’été, de manière à ce que je ne puisse en sortir de tous mes jours, de toute la durée de ma vie[1]. »

Alors, le joyeux Lemminkäinen abandonna son navire au milieu des glaces, et il poursuivit sa route à pied ; Tiera accompagna l’audacieux héros.

Il s’avança sur la surface solide, sur la plaine unie ; il marcha un jour, il marcha deux jours ; le troisième jour il découvrit au loin le promontoire de Nälkäniemi[2], il aperçut le misérable village.

Et il s’approcha du château du promontoire, et il dit : « Est-il dans ce château de la viande et du poisson, pour rassasier les héros, pour apaiser notre faim ?

Il ne se trouvait point de viande dans le château, ni même une seule queue de poisson.

Le joyeux Lemminkäinen, le beau Kaukomieli dit : « Ô feu dévore ce château, eau balaye ce repaire ! »

Et il se remit en route : et il s’enfonça dans les vastes déserts, au milieu de régions inhabitées, de sentiers inconnus.

Le joyeux Lemminkäinen, le beau Kaukomieli, coupa de la laine sur les pierres, détacha des poils de la surface des rochers[3], et il les roula autour de ses jambes, il les roula autour de ses mains, aux endroits que le froid avait attaqués, que la gelée avait blessés.

Et, en marchant, il examinait où conduisait la route, où menait le sentier : la route conduisait dans un bois, le sentier dans un désert.

Alors, il éleva la voix et il dit : « Ô Tiera, mon cher frère, nous voilà donc destinés à errer pendant tous

  1. Ce long récit concernant le froid forme, chez les bardes finnois populaires, un chant consacré sous le nom de Paroles conjuratrices du froid, Pakkasens Luku.
  2. Promontoire de la faim, de nelkä, faim, et niemi, promontoire.
  3. « Keritst kiveltä villat
    « Katkoi karvat kalliolta. »