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deux fils issus du même père ou de la même mère se rencontrent œil contre œil, rarement deux frères se trouvent réunis sur ces frontières désertes, dans ces tristes régions de Pohja[1]. »

« Commencerons-nous donc à chanter, à entreprendre l’œuvre du chant ? Chanter est la tâche du runoia, la tâche du coucou du printemps, de même que la préparation des couleurs est celle de Sinetär[2], que la fabrication des tissus est celle de Kankahatar[3].

« Les fils des Lapons chantent bien ; les souliers de paille[4] fredonnent gaiement lorsqu’ils mangent la chair sauvage de l’élan, les grossiers morceaux de renne. Pourquoi ne chanterai-je pas, moi aussi, pourquoi nos enfants ne chanteraient-ils pas, en mangeant le pain de seigle, le gâteau de farine ?

« Les fils des Lapons chantent bien, les souliers de paille fredonnent gaiement, lorsqu’ils ont vidé une écuelle d’eau, lorsqu’ils ont mangé le pain d’écorce<[5] Pourquoi ne chanterai-je pas, moi aussi, pourquoi nos enfants ne chanteraient-ils pas, en buvant la bière de seigle, la bière d’orge ?

« Les fils des Lapons chantent bien, les souliers de paille fredonnent gaiement lorsqu’ils sont assis autour des charbons de leur foyer, sous leur tente enfumée. Pourquoi ne chanterais-je pas, moi aussi, pourquoi nos enfants ne chanteraient-ils pas sous cette poutre célèbre[6], sous ce beau toit ?

« Il est bon pour les hommes, il est doux pour les femmes de se rencontrer ici, près de la tonne de bière,

  1. Voir page 2, note 1.
  2. Déesse qui préside à la préparation des couleurs, de Sini, couleur, proprement couleur bleue.
  3. Déesse qui préside à la fabrication des tissus, de Kangas, vadmel, drap.
  4. La runo appelle ainsi les Lapons, parce qu’ils portent des chaussures en tissu de paille.
  5. Voir page 215, note 1.
  6. Voir page 3, note 7.