Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/530

Cette page n’a pas encore été corrigée

des miracles en foule, s’ils sont divisés entre eux, ils seront la risée des infidèles. Qu’ils n’aient aucun miracle à montrer et qu’ils aient les uns, pour les autres une ardente charité, ils seront pour tout le monde un objet de respect, ils seront toujours invincibles.
Si nous admirons saint Paul, ce n’est point à cause des morts qu’il a ressuscités, ce n’est point à cause des lépreux qu’il a guéris ; c’est parce qu’il a dit : « Quel est l’infirme dont je ne partage pas les infirmités ? Quel est l’homme qui est scandalisé, sans que je ne brûle?. » (2Cor. 11,29) Un millier de signes miraculeux ne valent pas ces simples paroles. Ne disait-il pas lui-même qu’une grande récompense lui avait été réservée ; non pour avoir fait des miracles, mais pour s’être fait infirme avec les infirmes ? Et quelle est cette récompense, poursuit-il ? « C’est de prêcher gratuitement l’Évangile ». (I. Cor. 9,18) Et quand il se préfère aux apôtres, il ne dit pas : J’ai fait plus de miracles qu’eux, mais « J’ai plus travaillé qu’eux ». (1Cor. 15,10) Il allait jusqu’à vouloir mourir de faim, pour sauver ses disciples : « Mieux vaut pour moi mourir », dit-il, « que de souffrir qu’on me fasse perdre cette gloire ». (1Cor. 9,15) Ce n’était pas pour se glorifier qu’il parlait ainsi, c’était pour ne pas avoir l’air de leur faire des reproches. Jamais, en effet ; il ne se glorifie de ses bonnes œuvres, si la circonstance ne l’y porte ; mais alors même qu’il est contraint à le faire, il se donne le nom d’insensé.
Si parfois il se glorifie, c’est des infirmités, des outrages qu’il a dû subir, c’est de sa commisération pour ceux qui souffrent. Témoin ces paroles : « Qui donc est malade, sans que je sois malade avec lui ? » Ces paroles-là en disent plus que les périls affrontés ; aussi c’est par elles qu’il finit, pour donner plus de force à son discours. Comment donc ne pas reconnaître notre indignité, si nous nous comparons à lui, nous qui ne savons ni mépriser les richesses, quand il s’agit de notre intérêt véritable, ni donner notre superflu ? Ah ! saint Paul n’agissait pas ainsi ; il se donnait corps et âme, pour que ceux qui le lapidaient, qui le souffletaient, pussent obtenir le royaume des cieux. C’est le Christ, disait-il, qui m’a appris à aimer ainsi, en léguant aux hommes, dans ses commandements, un nouveau système de charité et, en joignant l’exemple au précepte. Le roi de l’univers, jouissante de la béatitude suprême, ne s’est pas détourné de ces hommes tirés par lui du néant, combles par lui de bienfaits, qui l’abreuvaient d’outrages et qui le conspuaient. C’est pour eux qu’il s’est fait homme, qu’il a conversé avec des courtisanes et des publicains, qu’il a guéri des, démoniaques et qu’il leur a promis le ciel. Pour prix de tous ces bienfaits, les hommes l’ont saisi ; l’ont souffleté, l’ont garrotté, l’ont flagellé, l’ont bafoué et ont fini par le crucifier. N’importe : il ne s’en est pas détourné encore, mais, jusque sur la croix , il a dit « Mon Père, pardonnez-leur ». (Lc. 23,34) Le larron qui venait de l’accuser, il lui a ouvert les portes du paradis. Paul, son persécuteur, i ! en a fait un apôtre ; ses propres disciples, ses disciples fidèles, il les a livrés à la mort, en les sacrifiant aux Juifs qui l’avaient crucifié. Recueillons en notre âme ces exemples donnés par un Dieu, ces exemples donnés par les hommes et tâchons d’imiter ces illustres modèles. Tâchons d’acquérir, cette charité supérieure à tous les dons spirituels, pour être heureux en cette vie et dans l’autre. Puisse ce bonheur devenir notre partage, par la grâce et le bienfait de Notre-Seigneur Jésus-Christ auquel, ainsi qu’au Père et au Saint-Esprit, appartiennent la gloire, la puissance, l’honneur, aujourd’hui et toujours, et dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

HOMÉLIE XXXIII.


{{sc|