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« Jusqu’à ce que nous soyons tous parvenus à la maturité, à la plénitude de l’âge. » (Eph. 4,13) C’est comme s’il disait : Dans la vie présente, la création qui nous environne est comme une nourrice qui nous donne son lait ; mais quand le moment sera venu pour nous d’être introduits dans le palais du Seigneur, alors dépouillant ce vêtement périssable pour nous envelopper d’immortalité, nous serons admis à cet autre partage. Le même Testament menace aussi de laisser beaucoup d’hommes sans héritage, s’ils ne savent pas répondre aux conditions formulées. Mais voyons maintenant de quel legs il s’agit : De ce que « l’œil n’a pas vu, l’oreille n’a pas ouï », de « ce qui n’est pas entré dans le cœur de l’homme. » (1Cor. 2,9) Comment donc aurions-nous pu dans cette vie avoir la disposition de choses dont la connaissance même surpasse notre esprit ? Voilà pourquoi elles nous sont gardées comme un dépôt dans l’autre monde. Et voyez quel excès de sollicitude. Nos maux sont circonscrits dans les limites de l’existence actuelle, de telle façon qu’un temps borné en mesure la durée ; au contraire, les biens nous attendent au sein de la vie future, afin que notre rémunération se prolonge sans fin dans l’éternité. C’est ce partage immortel qui est appelé aussi royaume. En effet, cet avenir a beau surpasser notre raison ; Dieu y fait allusion dans un langage approprié à notre faiblesse, tantôt le nommant royaume, ainsi que je l’ai dit plus haut, tantôt noces, tantôt magistrature, afin que ces noms qui rappellent des joies d’ici-bas, nous permettent de pressentir cette gloire éternelle, ce bonheur sans mélange, cette société du Christ, que rien ne saurait égaler. – Mais quelles sont les conditions de l’Église, ou plutôt de l’héritage ? Elles n’ont rien d’onéreux : « Ce que vous voulez que les hommes vous fassent, faites-le leur aussi. » (Mt. 7,12) Vous voyez qu’il n’y a rien là d’exorbitant, rien que la nature n’ait commencé par prescrire elle-même ? Faites au prochain les traitements que vous désirez obtenir de lui. Tu veux être loué : Loue. Tu veux n’être pas dépossédé : Ne dépossède pas. Tu veux être honoré : Honore. Tu veux obtenir miséricorde : Sois miséricordieux. Tu veux être aimé : Aime. Tu veux qu’on ne médise pas de toi : Ne médis pas. Et remarquez la justesse de ce langage. On ne vous dit pas : Ne faites pas à autrui ce que vous ne voulez pas qu’on vous fasse, mais : Faites ce que vous voulez qu’on vous fasse. Entre les deux routes qui mènent à la vertu, l’une, par l’abstention du vice, l’autre, par la pratique de la vertu, Jésus choisit la seconde, en nous indiquant en même temps la première. Il avait d’ailleurs fait allusion à celle-ci, en disant : Ce que tu hais, ne le fais pas à autrui ; quant à la seconde, il nous la montre clairement par ces expressions : « Ce que vous voulez que les hommes vous fassent, faites-le-leur aussi. »
2. Il y a encore une autre condition. Quelle est-elle ? C’est d’aimer son prochain comme soi-même. Et quoi de plus aisé ? Haïr, voilà ce qui est difficile et pénible ; aimer, rien n’est plus facile et plus doux. S’il avait dit Hommes, aimez les bêtes sauvages, le précepte serait rigoureux ; mai-3 il ordonne à des hommes d’aimer les hommes ; une telle prescription, avec le puissant appui que lui prêtent l’identité d’essence, la communauté d’origine, la voix même de la nature, quel obstacle pourrait-elle rencontrer ? Les lions, les loups obéissent à la même loi ; car ils cèdent eux-mêmes à l’attrait de la nature. Comment pourrions-nous donc nous justifier, nous qui apprivoisons les lions et les logeons dans nos demeures, si nous ne savions pas nous concilier nos frères ? Il ne manque pas de gens, vous le savez, qui sont sur la piste des vieillards, afin de capter leur héritage ; de jeunes hommes, pleins de santé qui affrontent toutes les incommodités de la vieillesse, la goutte, la toux, et tant d’autres infirmités, dans leur assiduité à faire le siège d’une succession. Et pourtant, il ne s’agit là que d’argent et d’un espoir mal assuré ; ici, au contraire, il s’agit du ciel, et d’abord de plaire à Dieu. Mais, qu’est-ce donc, que cette héritière dont le titre fait mention : « Pour l’héritière. » C’est l’Église en sa plénitude, l’Église dont Paul a dit : « Je vous ai, fiancée à un époux unique, au Christ, pour vous présenter à lui comme une vierge pure. » (2Cor. 11,2) Et Jean : « Celui qui a l’épouse, est l’époux. » (Jn. 3,29) Mais, l’époux, après les premiers jours, perd la vivacité de son amour ; le nôtre, au contraire, reste constamment fidèle à son affection, et ne fait que redoubler d’ardeur ; aussi Jean emploie-t-il un mot qui désigne le commencement du mariage, époque où la tendresse est, dans toute sa force. Quant au nom d’épouse, (ou plutôt jeune épouse) il lui a été dicté