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un persécuteur outrageux. Mais j’ai obtenu miséricorde, parce que j’agissais dans l’ignorance et l’incrédulité. (Id. 12, 13) Et ailleurs : Après tous les autres, le Seigneur s’est fait voir â moi-même, être misérable, car je suis le plus infirme des apôtres et même je ne suis pas digne d’être appelé apôtre, parce que j’ai persécuté l’Eglise de Dieu. (1Cor. 15,8, 9) Ailleurs encore : J’ai reçu cette grâce, moi qui suis le plus petit d’entre les saints. (Eph. 3,8) Voyez-vous comme il se déclare le plus petit non seulement des apôtres, mais même des fidèles ! J’ai reçu, dit-il, cette grâce, moi qui suis le plus petit d’entre les saints. Ce salut même qu’il a obtenu, il déclare qu’il n’en est point digne : après avoir dit : le Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs et je suis le plus grand pécheur, il nous dit la cause de son salut : Si j’ai reçu miséricorde, c’est afin que je fusse le premier en qui Jésus fit éclater son extrême miséricorde et que j’en devinsse comme un modèle et un exemple ; afin que ceux qui croiront en lui espèrent la vie éternelle. (Id. 16) Voici le sens de ces paroles : ce n’est pas à cause de mon retour au bien que Dieu m’a fait miséricorde, ne le croyez point. C’est afin de préserver du désespoir tous ceux qui ont mal vécu, ceux même qui ont été les ennemis de Jésus-Christ, en leur montrant le dernier des hommes, le plus grand adversaire du Christ, sauvé par sa bonté. Le Christ dit lui-même : C’est un instrument que j’ai choisi pour porter mon nom devant les gentils et les rois. (Act. 9,15) Mais Paul ne s’enorgueillit point de ces louanges ; il est en paix devant Dieu, mais il ne cesse point de déplorer le malheur de ses fautes, il s’appelle le dernier des pécheurs, et déclare qu’il n’a été sauvé qu’afin que le plus criminel des hommes ne désespère point de son salut en voyant la grâce que Dieu lui a faite.
6. Ainsi sans y être contraint, il confesse et divulgue ses fautes chaque jour clans ses lettres, les affichant, les dévoilant aux yeux non seulement de ceux qui vivaient alors, mais aux yeux de tous les hommes à venir ; quant à ses mérites, malgré la nécessité manifeste, il hésite, il recule à les exposer. Ce qui le prouve, c’est qu’il se nomme mille fois imprudent ; ce qui le prouve encore, c’est le long espace de temps qu’il tient secrète sa révélation merveilleuse et céleste : car il n’y avait pas deux ou trois ans qu’il l’avait eue, mais bien davantage. Il en marque l’époque dans ces paroles : Je connais un homme qui fut ravi il y a quatorze ans, au troisième ciel. (2Cor. 12,2) Il veut vous apprendre que, même alors, il n’eût point parlé sans une extrême nécessité. S’il eût voulu faire son propre éloge, il aurait, aussitôt après l’avoir eue, fait connaître sa révélation, ou du moins au bout d’un an, de deux ans, ou trois ans. Mais il garde pendant quatorze ans le silence, sans livrer son secret à personne. Il ne le dévoile enfin qu’aux Corinthiens. Et à quel moment ? Quand il vit les faux apôtres s’élever : encore déclare-t-il qu’il n’aurait point parlé, s’il n’avait vu la contagion gagner ses disciples. Mais nous ne l’imitons point, au contraire : nos fautes en un jour s’effacent de notre mémoire, et si les autres en parlent, nous nous irritons, nous nous indignons, nous crions à l’outrage, nous les accablons d’injures. Mais avons-nous fait le moindre bien, nous en parlons sans cesse ; nous rendons grâce à ceux qui le prônent et les regardons comme nos amis. Cependant le Christ a ordonné le contraire, c’est-à-dire d’oublier le bien qu’on a fait et de ne se souvenir que de ses fautes. Il nous donne manifestement ce précepte quand il dit à ses disciples : Quand vous aurez tout fait, dites-nous sommes des serviteurs inutiles. (Lc. 16,10), ainsi que dans la parabole du pharisien, auquel il préfère le publicain. L’un se souvient de ses fautes, et il est justifié : l’autre se souvient de ses bonnes œuvres, et il est condamné. Dieu fait aux Juifs le même commandement quand il dit : Je suis celui qui efface vos péchés et ne dois point m’en souvenir ; mais vous, gardez-en la mémoire. (Is. 3,25)
7. Telle, fut la conduite des apôtres, des prophètes et de tous les justes. David se souvenait toujours de ses fautes, et jamais de ses bonnes œuvres, à moins d’y être contraint. (1Sa. 5,17) Lorsque les étrangers portèrent la guerre en Judée, et la remplirent de dangers, il était jeune encore et n’avait point vu les combats ; il quitte ses troupeaux, vient à l’armée, et trouve partout la frayeur, l’épouvante, la terreur. Il ne fut plus homme alors : au milieu de son peuple abattu par la crainte, il n’eut point peur. La foi l’éleva au-dessus des choses terrestres, jusqu’au Roi des cieux, et le remplit d’ardeur. Il s’avance vers les soldats, vers ses frères, et leur annonce qu’il va les délivrer du péril qui les menace. Ses frères se moquèrent de ses paroles, car ils ne voyaient