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Cette vérité reçoit une nouvelle confirmation de la conduite opposée de Judas et de Job ; car Judas n’a pu être sauvé même par le Christ, qui était venu pour racheter le monde ; et Job n’a pu être blessé même par le démon, qui a causé la perte de tant d’hommes. Job, bien qu’il ait eu à souffrir mille maux, a gagné la couronne ; Judas, après avoir vu des miracles, après en avoir fait lui-même, après avoir ranimé les cadavres et chassé les démons (car il avait ce pouvoir, comme les autres apôtres), après avoir entendu Jésus parler tant de fois de. son royaume et de son Père, après avoir participé à la sainte Cène, après avoir été admis à ce terrible repas, après avoir reçu du Maître une aussi grande part de bienveillance et de sollicitude que Pierre, Jacques et Jean… que dis-je ? urge bien plus grande part encore, puisque, outre les soins et les égards que le Christ lui prodiguait, il lui avait confié la garde du trésor des pauvres ; Judas, dis-je, après tant de bienfaits, s’abandonna à sa fureur, laissa, par avarice, le démon entrer dans son cœur, devint traître dans son âme, et, consommant le plus grand des forfaits, vendit trente deniers un sang si précieux et livra son Maître par un baiser perfide. Que d’hommes, penses-tu, n’ont pas été scandalisés par cette trahison d’un disciple ! De même, lorsque l’habitant du désert, le fruit d’une source stérile, le fils de Zacharie, celui qui a été jugé digne de donner le baptême à une tête si sainte et si redoutable et d’être le précurseur de son Maître ; lors, dis-je, que Jean fut décapité et que sa tête fut le prix dont une femme impudique fit payer sa danse, que d’hommes alors, penses-tu, n’ont pas été scandalisés ! Et pourquoi dire : Alors ? Est-ce qu’aujourd’hui encore, après tant de temps écoulé, il n’y a pas des hommes que le récit de ces faits scandalise ? Mais, ai-je besoin de parler de Jean, de sa prison, de son supplice ? ai-je besoin de m’arrêter sur les serviteurs, quand il faut encore revenir au Maître lui-même ?
15. La croix de Jésus, qui a relevé le monde tout entier, détruit l’erreur, mis le ciel sur la terre, coupé les nerfs de la mort, rendu l’enfer inutile ; renversé la citadelle de Satan, fermé la bouche des démons, donné aux hommes la beauté des anges, ruiné les autels et abattu les temples des faux dieux, soufflé par toute la terre un esprit nouveau et inconnu, accordé à tous des biens infinis, les plus grands et les plus précieux des biens, la croix n’a-t-elle pas été pour beaucoup un scandale ? Est-ce que Paul ne répète pas continuellement, sans aucune honte : Pour nous, nous prêchons le Christ crucifié, qui est un scandale aux Juifs et une folie aux Grecs. (1Co. 1,23) Mais quoi donc ! dis-moi : fallait-il que la croix ne parût pas, que ce redoutable sacrifice n’eût pas lieu, que tant de grandes choses ne se fussent pas accomplies, parce que de là naîtrait une occasion de scandale pour beaucoup, dans le présent, dans l’avenir, dans tous les temps ? Quel est l’homme assez insensé, assez égaré, qui l’osera soutenir ? De même donc que, pour cette époque, il ne faut pas tenir compte de ceux qui ont été scandalisés quel que soit leur nombre, mais de ceux qui ont été sauvés, qui ont été vertueux, et qui ont recueilli le fruit d’une telle sagesse (qu’on ne nous dise pas, en effet, qu’on peut leur opposer ceux qui ont été scandalisés, puisque, s’ils l’ont été, ils doivent se l’imputer à eux-mêmes) : ainsi devons-nous faire également pour le temps présent. Le scandale, en effet, nous vient non de la croix, mais de la démence de ceux qui se scandalisent. C’est pourquoi Paul ajoute : Mais pour ceux qui sont appelés, tant Juifs que Grecs, le Christ est la puissance de Dieu et la sagesse de Dieu. (Id. 24) Le soleil lui-même ne blesse-t-il pas les yeux débiles ? Mais quoi ! fallait-il, pour cela, que le soleil ne fût pas créé ? Le miel ne paraît-il pas amer aux malades ? Fallait-il donc, pour cela, nous en priver ? Les apôtres eux-mêmes n’ont-ils pas été pour les uns une odeur mortelle qui leur a donné la mort, et pour les autres une odeur vivifiante qui leur a donné la vie ? (2Co. 2,16) Parce qu’il en est qui sont morts, fallait-il donc que les vivants fussent privés des soins de tels docteurs ? La venue même du Christ, le salut, la source des biens, la vie, le principe de mille admirables bienfaits, pour combien d’hommes n’a-t-elle pas été un fardeau ? à combien n’a-t-elle pas enlevé toute excuse et tout pardon ? N’entends-tu pas ce que le Christ dit des Juifs : Si je n’étais pas venu et que je ne leur eusse pas parlé, ils n’auraient point de péché ; mais maintenant ils n’ont point d’excuse de leur péché. (Jn. 15,22) Quoi donc ! parce que la venue du Christ a rendu leurs crimes sans excuse, fallait-il qu’à cause de ceux qui ont mal usé d’un si grand bien, elle n’eût pas lieu ? Qui l’oserait dire ? Personne assurément, non ; personne, même