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qu’il est venu afin d’être crucifié pour nous : Descends de la croix, lui disent-ils, et nous croirons en toi. – Vains prétextes d’incrédulité. Car il était beaucoup plus difficile de sortir d’un tombeau scellé par une pierre que de descendre de la croix ; c’était beaucoup plus de tirer du sépulcre Lazare mort depuis quatre jours et enveloppé d’un linceul, que de descendre de la croix. – Ils disaient donc : Si tu es le Fils de Dieu, sauve-toi toi-même; mais il était tout entier au salut de ceux-là même qui le chargeaient d’insultes, et il disait : Pardonnez leur péché, car ils ne savent ce qu’ils font. (Luc. 23,34) Quoi donc ? Les a-t-il absous de leur péché ? Il l’aurait fait s’ils eussent voulu faire pénitence. La preuve, c’est que s’il n’eût pas pardonné leur péché, jamais Paul n’eût été apôtre. S’il n’eût pas pardonné leur péché, on n’en aurait pas vu et trois mille, et cinq mille et plusieurs milliers d’autres venir à la foi. Au sujet de ces milliers de Juifs qui ont cru, écoutez ce que les autres apôtres disent à Paul : Vous voyez, frère, combien de milliers de Juifs ont cru. (Act. 21,20)
Imitons donc le Seigneur et prions pour nos ennemis. Je reviens à la même recommandation et c’est le cinquième jour que je vous entretiens du même sujet, non que je veuille vous accuser de désobéissance, Dieu m’en garde ! mais dans l’espérance que vous vous rendrez à mes avis. S’il y en a parmi vous qui soient durs, colères, rancuniers au point de n’avoir pas tenu compte jusqu’ici de ce que nous avons dit de la prière pour nos ennemis, nous espérons que, touchés du nombre de jours que nous avons employés à ce sujet, ils déposeront leurs inimitiés et leurs haines. Imitez le Seigneur. Il a été crucifié et il a invoqué son Père pour ceux qui le crucifiaient. Mais, direz-vous, comment puis-je imiter le Seigneur ? Vous le pouvez, si vous voulez, car si la chose était au-dessus de vos forces il ne vous aurait pas dit : Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur. (Mat. 11,29) Si la chose était au-dessus de vos forces, saint Paul ne vous crierait pas : Soyez mes imitateurs, comme je suis celui du Christ. (1Co. 11,1) Si vous ne voulez pas imiter le Seigneur, imitez au moins votre semblable, l’apôtre saint Étienne ; car il a imité le Seigneur celui-là ! Et de même que le Christ au milieu de ses bourreaux, oubliant la croix, oubliant ses propres intérêts, priait son Père pour ceux qui le crucifiaient ; ainsi le serviteur, entouré de ceux qui le lapidaient, attaqué de toutes parts, exposé aux pierres sans songer à la douleur dont il était accablé, disait : Seigneur, ne leur imputez pas ce péché. (Act. 7,59) Voyez-vous comment parle le Maître ? comment prie le serviteur ? Le premier dit : Père, pardonnez leur péché, car ils ne savent ce qu’ils font. (Luc. 23,34) Le second, de son côté : Ne leur imputez point ce péché. – Et pour nous convaincre de l’ardeur avec laquelle il prie, il n’est pas debout, quoique accablé de pierres, mais il se tient à genoux, avec componction et une grande compassion. Faut-il vous montrer un autre de vos frères souffrant des tourments encore bien plus graves que celui-là ? Écoutez Paul : Trois fois j’ai été battu de verges par les Juifs, j’ai été lapidé une fois, j’ai passé un jour et une nuit au fond de la mer. (2Co. 11,24-25) Et ensuite : Je souhaitais, continue-t-il, d’être anathème pour mes frères, mes parents selon la chair. (Rom. 9,3) Mais laissons le Nouveau Testament, et passons à l’Ancien. Les exemples qu’il nous fournit sont d’autant plus admirables qu’il n’y était pas ordonné d’aimer ses ennemis, mais qu’il était permis d’appliquer la maxime : Œil pour œil, dent pour dent (Exo. 21,24-25), et ainsi de rendre le mal pour le mal. Nous y trouvons néanmoins une perfection qui égale celle des apôtres. Écoutez Moïse si souvent lapidé et méprisé par les Juifs : Si vous leur pardonnez leur faute, faites-moi miséricorde, mais si vous ne leur pardonnez pas, effacez-moi de votre livre que vous avez écrit. (Exo. 32,31-32) Voyez-vous comment ces justes préfèrent le salut des autres à leur propre salut. Ils n’ont pas péché et ils veulent partager le châtiment de leurs frères, parce que, disent-ils, le malheur des autres ne leur permet pas de jouir de leur prospérité. Ces exemples devraient suffire, mais afin que le grand nombre nous force à nous corriger, j’en produirai un autre qui est dans le même sens. David, cet homme heureux et bon, avait été abandonné par son armée, qui, sous la conduite de son fils Absalon, cherchait à le faire mourir. Le Seigneur, irrité de cet acte de révolte (qu’importe un autre motif?) envoie son ange armé d’un glaive vengeur pour infliger un châtiment céleste, et alors quand David voit ce malheureux succomber, il s’écrie : C’est moi le pasteur qui ai péché, c’est moi qui suis le coupable. Que votre main,