Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/442

Cette page n’a pas encore été corrigée

n’ignorons pas ses desseins » (2Cor. 2,11) ; aussi les démons le fuyaient-ils, non seulement au bruit de sa voix, mais d’aussi loin qu’ils apercevaient ses vêtements.
Je voudrais voir la poussière de cette bouche dont s’est servi le Christ pour publier de grands mystères, des mystères plus grands que ceux qu’il révéla par lui-même ; comme le Christ a fait de plus grandes œuvres par ses disciples que par lui-même, ainsi a-t-il fait entendre de plus grandes choses ; je voudrais la voir la poussière de cette bouche dont l’Esprit s’est servi pour communiquer à la terre ces admirables oracles. Quel bien n’a-t-elle pas opéré cette bouche ? Elle exterminait les démons, elle effaçait les péchés, elle réduisait les tyrans au silence, elle enchaînait les langues des philosophes, elle faisait à Dieu l’oblation du monde, elle inspirait la sagesse aux barbares, elle réglait toutes choses sur la terre ; les choses mêmes du ciel, elle les disposait à son gré, liant ceux qu’elle voulait, ou déliant, dans l’autre vie, selon la puissance qui lui avait été donnée. Non, ce n’est pas de cette bouche seulement, mais de ce grand cœur aussi que je voudrais voir la poussière ; on dirait, la vérité, en appelant ce cœur, le cœur de toute la race humaine, la source inépuisable des biens, le principe et l’élément de notre vie. Car c’était l’esprit de vie qui s’en épanchait sur toutes choses, qui, de là, se communiquait aux membres du Christ ; ce n’était pas le jeu des artères qui le distribuait, mais l’impulsion d’une volonté généreuse. Ce cœur était si large qu’il renfermait des cités tout entières, des peuples, des nations ; car, dit-il : « Mon cœur s’est dilaté ». (2Cor. 6,11). Cependant, ce cœur si large, s’est resserré, bien souvent contracté par cet amour même qui le dilatait : « C’était dans une grande affliction », dit-il, « avec un serrement de cœur que je vous écrivais alors ». (Id. 2,4) Je voudrais voir la cendre de ce cœur embrasé d’amour pour chacun des malheureux qui se perdent ; de ce cœur qui ressentait, pour les enfants avortés, toutes les douleurs d’un enfantement nouveau ; de ce cœur qui voit Dieu, car, dit l’Écriture :« Les cœurs purs verront Dieu » (Mt. 5,8) ; de ce cœur devenu victime : « C’est une victime pour Dieu, qu’un esprit contrit » (Ps. 50,15) ; de ce cœur plus élevé que le plus haut des cieux, plus large que la terre, plus resplendissant que les rayons du soleil, plus ardent que le feu, plus solide que le diamant, de ce cœur qui versait des eaux vives : Car, dit l’Écriture : « De son cœur jailliront des fleuves d’eau vive » (Jn. 7,38) ; de ce cœur d’où jaillissait une source qui n’arrosait pas seulement la face de la terre, mais les âmes ; d’où ne sortaient pas des fleuves seulement, mais aussi des larmes coulant jour et nuit ; de ce cœur où palpitait la vie nouvelle, non la vie que nous menons : « Et je vis, ou plutôt ce n’est plus moi qui vis, mais c’est Jésus-Christ », dit-il, « qui vit en moi » (Gal. 2,20) ; oui, le cœur de ce grand Paul, table du Saint-Esprit et livre de la grâce, ce cœur qui tremblait pour les péchés des autres ; en effet, « J’appréhende », dit-il, « que je n’aie peut-être travaillé en vain pour vous ». (Gal. 4,11) « Qu’ainsi que le serpent séduisit Eve. Qu’arrivant vers vous, je ne vous trouve pas tels que je voudrais » (2Cor. 11,3 ; 12,20). Maintenant, pour lui-même, ce cœur éprouvait la crainte et la confiance : Je crains, dit-il, « qu’ayant prêché aux autres, je ne sois réprouvé moi-même » (1Cor. 11,27) ; et : « Je suis assuré que ni les anges, ni les principautés ne pourront nous séparer ». (Rom. 8,38) Je voudrais le voir ce cœur qui mérita d’aimer Jésus-Christ plus que nul antre ne l’aima jamais ; qui méprisait la mort et la géhenne ; qui se fondait dans les larmes répandues sur ses frères. « Que faites-vous », disait-il, « de pleurer ainsi et de broyer mon cœur ? » (Act. 21,13), ce cœur si patient, et qui trouvait le temps si long quand il craignait les défaillances des Thessaloniciens.
4. Je voudrais voir la poussière de ces mains chargées de fers, dont l’imposition donnait l’Esprit ; de ces mains qui écrivaient ces lettres « Voyez quelle lettre je vous ai écrite de ma propre main » (Gal. 6,11) ; et encore : « J’écris cette salutation de ma main, moi Paul » (1Cor. 16,21) ; la poussière de ces mains dont le seul aspect a précipité la vipère dans le feu. Je voudrais voir la poussière de ces yeux frappés d’une cécité bienfaisante, dont les regards embrassèrent ensuite le salut du monde, de ces yeux qui ont eu la gloire de contempler le corps du Christ, de ces yeux qui voyaient les choses de la terre et étui ne les voyaient pas, qui apercevaient ce qu’on ne peut apercevoir, qui ne connaissaient pas le sommeil, qui veillaient au milieu des nuits, qui défiaient les poisons dont nous infectent