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FIZEAU. — UNE EXPLICATION DES CANAUX.

sous le nom de canaux, d’après leur ressemblance lointaine avec des canaux d’irrigation, mais sans vouloir rien préjuger au sujet de leur véritable nature.

Il semble cependant que les observations les plus récentes permettent d’essayer aujourd’hui de résoudre cette énigme, en s’appuyant sur les considérations suivantes :

Et d’abord, on s’accorde généralement à reconnaître la présence de l’eau à la surface de Mars, et l’on admet que l’eau joue un rôle considérable dans les changements que l’on y observe. On connaît les taches polaires à aspect neigeux, qui s’étendent et diminuent suivant le cours des saisons. On sait, de plus, que l’analyse spectrale de la lumière de Mars a fait reconnaître à M. Janssen la présence de l’eau comme très probable[1].

Les canaux de Mars apparaissent comme des lignes plus obscures que le reste de la surface, de directions rectilignes, souvent parallèles entre elles ou se coupant suivant des angles plus ou moins grands. Le réseau de ces lignes n’a rien de fixe et, à des époques peu éloignées, a présenté des dessins fort différents les uns des autres ; changements qui rappellent ceux des taches plus étendues (appelées continents ou mers), lesquelles paraissent, se modifient et disparaissent parfois dans l’intervalle de quelques mois. Tout récemment, une ligne très nette a été signalée comme traversant, suivant une corde, le cercle de glaces polaires tourné vers la Terre.

Il paraît naturel de rapprocher de ces apparences singulières les phénomènes

  1. M. Janssen n’est pas cité dans les observations spectroscopiques exposées plus haut (1862, p. 182 ; 1867, p. 200 ; 1872, p. 212 ; 1879, p. 326), et en lisant cette assertion de M. Fizeau, nous regrettions de n’avoir pas connu les travaux de M. Janssen sur ce point. Nous lui écrivîmes pour lui demander une information. Voici la réponse de l’éminent directeur de l’Observatoire de Meudon :

    « Mon cher Collègue, Vous voulez bien me demander où j’ai publié mes observations sur Mars au point de vue de la présence, dans son atmosphère, de la vapeur d’eau.

    » L’annonce de la présence de la vapeur d’eau dans l’atmosphère de Mars a été insérée dans les Comptes rendus, t. LXIV, 1867, p. 1304.

    » Les études qui y ont conduit ont été faites à l’Observatoire de Paris avec le télescope Foucault que Le Verrier avait mis à ma disposition en 1863 ; sur l’Etna, où je suis resté trois jours (pour annuler autant que possible l’action de l’atmosphère terrestre), à Palerme où je me suis servi du grand équatorial de l’Observatoire, à Marseille, avec le télescope de Foucault de 0m,80 d’ouverture. Ce n’est qu’après avoir observé dans des conditions aussi variées et surtout après avoir obtenu le spectre pur de la vapeur d’eau à l’usine de La Villette en 1886 que j’ai cru pouvoir annoncer cette présence.

    » Les autres observateurs, même postérieurement, n’ont pu que prononcer sur la présence du spectre tellurique en bloc. »

    Voici le texte des Comptes rendus signalé dans la lettre précédente. On lit en effet, 1867, t. I, p. 1034, le paragraphe suivant terminant une lettre écrite par M. Janssen à M. Charles Sainte-Claire Deville sur l’île Santorin.
    « Je ne veux point terminer cette lettre sans vous dire que je suis monté sur l’Etna pour y faire des observations d’analyse spectrale céleste qui exigeaient une grande altitude, afin d’annuler en majeure partie l’influence de l’atmosphère terrestre. De ces observations et de celles que j’ai faites aux Observatoires de Paris, de Marseille et de Palerme, je crois pouvoir vous annoncer la présence de la vapeur d’eau dans les atmosphères de Mars et de Saturne. »