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sens qu’il répond continuellement par la surface extérieure à différens corps ou à différentes parties de l’espace, on devroit dire par la même raison qu’un corps réellement en repos change continuellement de place.

Par exemple, qu’une tour dans une plaine, ou un rocher au milieu de la mer, sont continuellement en mouvement, ou changent de place, à cause que l’un & l’autre sont perpétuellement enveloppés de nouvel air ou de nouvelle eau.

Pour résoudre cette difficulté, on a eu recours à une infinité d’expédiens. Les Scotistes tiennent que le lieu n’est immobile qu’équivalemment. Ainsi, disent-ils, quand le vent souffle, il est vrai que l’air qui environne la surface de la tour s’en éloigne ; mais tout de suite un autre air semblable & équivalent en prend la place. Les Thomistes aiment mieux déduire l’immobilité du lieu externe, de ce qu’il garde toujours la même distance au centre & aux points cardinaux du monde. Les Nominaux prétendent que l’immobilité du lieu externe consiste dans une correspondance avec certaine partie virtuelle de l’immensité divine. Nous passons légerement sur toutes ces rêveries qui doivent nécessairement trouver leur place dans un ouvrage destiné à l’histoire de l’esprit humain, mais qui ne doivent aussi y occuper que très-peu d’espace.

Les Cartésiens nient absolument que le lieu externe soit une surface environnante ou un corps environné : ils prétendent que c’est seulement la situation d’un corps parmi d’autres corps voisins, considéré comme en repos. Ainsi la tour, disent-ils, sera réputée rester dans le même lieu, quoique l’air environnant soit changé, puisqu’elle conserve toujours la même situation par rapport aux montagnes, aux arbres & aux autres parties de la terre qui sont en repos. Voyez Mouvement.

Il est visible que la question du lieu tient à celle de l’espace. Voyez Espace & Étendue.

Les Cartésiens ont raison, si l’espace & l’étendue ne sont rien de réel & de distingué de la matiere ; mais si l’étendue ou l’espace & la matiere sont deux choses différentes, il faut alors regarder le lieu comme une chose distinguée des corps, & comme une partie immobile & pénétrable de l’espace indéfini : on peut voir aux articles cités la discussion de cette opinion ; il est certain que suivant notre maniere ordinaire de concevoir, & indépendamment de toute subtilité philosophique, il a un espace indéfini que nous regardons comme le lieu général de tous les corps, & que les différentes parties de cet espace, lesquelles sont immobiles, sont le lieu particulier des différens corps qui y répondent. Au reste, comme on l’a remarqué au mot Élémens des Sciences, cette question du lieu est absolument inutile à la théorie du mouvement tel que tous les hommes le conçoivent. Quoi qu’il en soit, c’est de cette idée vulgaire & simple de l’espace & du lieu qu’on doit partir quand on voudra donner une notion simple & claire du mouvement.

C’est aussi d’après cette idée que M. Newton distingue le lieu en lieu absolu & en lieu relatif.

Le lieu absolu est cette partie de l’espace infini & immobile qui est occupée par un corps.

Le lieu relatif est l’espace qu’occupe un corps considéré par rapport aux autres objets qui l’environnent.

M. Locke observe que le lieu se prend aussi pour cette portion de l’espace infini que le monde matériel occupe ; il ajoute cependant que cet espace seroit plus proprement appellé étendue.

La véritable idée du lieu, selon lui, est la position relative d’une chose par rapport à sa distance de certains points fixes ; ainsi nous disons qu’une chose a

ou n’a pas changé de place ou de lieu, quand sa distance n’a point changé par rapport à ces points. Quant à la vision du lieu des corps, Voyez Vision & Visible.

Lieu dans l’optique ou lieu optique, c’est le point auquel l’œil rapporte un objet.

Ainsi les points D, E, (Pl. opt. fig. 68.) auxquels deux spectateurs en d & en e rapportent l’objet C, sont appellés lieux optiques. Voyez Vision.

Si une ligne droite joignant les lieux optiques D, E, est parallele à une ligne droite qui passe par les yeux des spectateurs d, e, la distance des lieux optiques D, E sera à la distance des spectateurs d, e, comme la distance EC est à la distance Ce.

Le lieu optique ou simplement le lieu d’une étoile on d’une planete, est un point dans la surface de la sphere du monde, comme C ou B (Pl. ast. fig. 27.) auquel un spectateur placé en E ou en I, rapporte le centre de l’étoile ou de la planete S. Voyez Étoile, Planete, &c.

Ce lieu se divise en vrai & en apparent. Le lieu vrai est ce point B de la surface de la sphere où un spectateur, placé au centre de la terre, voit le centre de l’étoile ; ce point se détermine par une ligne droite, tirée du centre de la terre par le centre de l’étoile, & terminée à la sphere du monde. Voyez Sphere.

Le lieu apparent, est ce point de la surface de la sphere, où un spectateur placé sur la surface de la terre en E, voit le centre de l’étoile S. Ce point C se trouve par le moyen d’une ligne qui va de l’œil du spectateur à l’étoile, & se termine dans la sphere des étoiles. Voyez Apparent.

La distance entre ces deux lieux optiques, savoir le vrai & l’apparent, fait ce qu’on appelle la parallaxe. Voyez Parallaxe.

Le lieu astronomique du soleil, d’une étoile ou d’une planete, signifie simplement le signe & degré du zodiaque, où se trouve un de ces astres. Voyez Soleil, Étoiles, &c.

Ou bien c’est le degré de l’écliptique, à compter du commencement d’Aries, qui est rencontré par le cercle de longitude de la planete ou de l’étoile, & qui par conséquent indique la longitude du soleil, de la planete ou de l’étoile. Voyez Longitude.

Le sinus de la plus grande déclinaison du soleil, qui est environ 23°. 30′. est au sinus d’une déclinaison quelconque actuelle, donné ou observé, par exemple, 23°. 15′, comme le rayon est au sinus de la longitude ; ce qui donneroit, si la déclinaison étoit septentrionale, le 20°. 52′. des gémeaux ; & si elle étoit méridionale, 20°. 52′. du capricorne pour le lieu du soleil.

Le lieu de la lune est le point de son orbite où elle se trouve en un tems quelconque. Voyez Lune & Orbite.

Le lieu est assez long à calculer à cause des grandes inégalités qui se rencontrent dans les mouvemens de la lune, ce qui exige un grand nombre d’équations & de réductions avant que l’on trouve le lieu vrai. Voyez Équation & Lune.

Le lieu excentrique d’une planete dans son orbite, est le lieu de l’orbite où paroîtroit cette planete, si on la voyoit du soleil. Voyez Excentrique.

Ainsi supposons que NEOR (Pl. ast. fig. 26.) soit le plan de l’écliptique, NPOQ, l’orbite de la planete, le soleil en S, la terre en T, & la planete en P ; la ligne droite SP donne le lieu excentrique dans l’orbite.

Le lieu héliocentrique d’une planete ou son lieu réduit à l’écliptique, ou bien le lieu excentrique dans l’écliptique, est ce point de l’écliptique, auquel on rapporte une planete vue du soleil. Voyez Héliocentrique.