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les canaux des nerfs qu’on imagine leur être ouverts ; en conséquence de laquelle les mouvemens volontaires s’exécutent, & sans laquelle le membre est paralitique.

IRRATIONNEL, adject. (Arithm. & Alg.) les nombres irrationnels sont les mêmes que les nombres sourds ou incommensurables. Voyez Incommensurable, Sourd, & Nombre. (E)

* IRRÉCONCILIABLE, adj. (Gram.) qui ne peut se réconcilier, terme relatif à la haine, à l’envie, à la jalousie, & à d’autres passions odieuses qui divisent les hommes & les animent souvent les uns contre les autres. L’envie est plus irréconciliable que la haine ; il ne faut jamais se réconcilier avec les méchans ; il y a des hommes dans la société contre lesquels il est peut-être sage de ne jamais tirer l’épée ; mais si on l’a fait une fois, il faut brûler le fourreau.

IRRÉDUCTIBLE (Cas), Géom. Voyez Cas irréductible.

Irréductible, (Chimie.) se dit de la partie des vraies chaux métalliques, tellement décomposée par la calcination, qu’il est impossible de la réduire par l’application la plus convenable du phlogistique. Voyez Chaux métalliques, & Réduction. (b)

* IRRÉFORMABLE, adj. (Gram.) qui ne peut être réformé. Lorsque le jugement du public est général, il passe pour infaillible & pour irréformable.

* IRRÉFRAGABLE, adj. (Gram.) qui ne peut être contredit avec avantage : il y a peu de témoins irréfragables ; l’expérience est une preuve irréfragable ; Alexandre de Hales a été surnommé le docteur irréfragable.

* IRRÉGULARITÉ, s. f. (Gram.) défaut contre les regles ; par-tout où il y a un système de regles qu’il importe de suivre, il peut y avoir écart de ces regles, & par conséquent irrégularité.

Il n’y a aucune production humaine qui ne soit susceptible d’irrégularité.

On peut même quelquefois en accuser les ouvrages de la nature ; mais alors il y a deux motifs qui doivent nous rendre très-circonspects ; la nécessité absolue de ses lois, & le peu de connoissance de sa variété & de son opération.

Irrégularité, (Jurisprud.) en matiere canonique, c’est un vice personnel qui empêche d’être promû aux ordres sacrés, ou d’en faire les fonctions, ou d’obtenir ou de conserver des bénéfices.

Le terme d’irrégularité ne se trouve pas dans les anciens canons ; mais il a été formé de ce que dit le neuvieme canon du concile de Nicée, tales regula non admittit.

Tous ceux qui n’ont pas observé les regles prescrites par les canons, pourroient être traités d’irréguliers ; mais on s’est relâché de cette rigueur en marquant certains empêchemens canoniques qui rendent irrégulier.

L’irrégularité n’est jamais encourue que dans les cas exprimés nommément par le droit ; on ne peut pas les étendre, ni argumenter d’un cas à un autre.

Néanmoins dans le doute on doit s’abstenir de l’exercice des ordres, parce qu’il faut toûjours prendre le parti le plus sûr.

L’irrégularité prive toûjours de l’exercice des ordres, & empêche d’acquérir des bénéfices ; mais depuis que l’ordre ne suppose plus nécessairement le bénéfice, on admet contre l’ancienne discipline, que l’irrégularité ne prive du bénéfice déja acquis, que dans les cas où cela est expressément marqué.

Toute irrégularité provient ex defectu, ou ex delicto.

Les irrégularités ex defectu, proviennent de plu-

sieurs causes, savoir defectu natalium, corporis, lenitatis & ex bigamiâ.

Defectus natalium, c’est le vice de la naissance qui se trouve dans les batards.

Defectus corporis, ce sont les difformités du corps ; mais, suivant la discipline présente de l’Eglise, ils ne forment plus une irrégularité, que quand la difformité est telle, que l’ecclésiastique ne puisse faire ses fonctions sans péril & sans scandale ; cela dépend de la prudence de l’évêque.

Defectus lenitatis, c’est lorsqu’un clerc, ou même un laïc, a eû part à un jugement dont l’exécution peut aller jusqu’à effusion de sang : le pape seul peut dispenser de cette irrégularité.

L’irrégularité ex bigamiâ, est lorsqu’un homme avant d’être clerc, a épousé successivement deux femmes, ou qu’il épouse une veuve ; ce qui forme la bigamie interprétative, ou enfin, lorsqu’un homme qui a fait des vœux solemnels, se marie ensuite ; ce qu’on appelle la bigamie similitudinaire, à cause de la similitude qu’il y a entre le mariage charnel & le mariage spirituel, qui se contracte par des vœux de religion.

On appelle irrégularités ex delicto, celles qui procedent de quelque crime grave ; ceux qui font le plus souvent encourir l’irrégularité, sont la simonie, l’hérésie, & l’homicide.

Quand le crime est occulte, c’est-à-dire, qu’il ne peut être prouvé, l’évêque peut dispenser de l’irrégularité, post autem pænitentiam ; mais si le crime a été déféré à la justice, l’évêque n’en peut dispenser qu’après la sentence d’absolution.

Il y a des crimes si graves, qu’on n’accorde point de dispense de l’irrégularité qui en procede, tel que l’homicide volontaire. Voyez Bigamie, Dispense, Hérésie, Homicide, Simonie. Voyez le concile de Trente, sess. 14. in proëm. de reform. Vanespen, de instit. & off. canonic. part. II. cap. ij. (A)

IRRÉGULIER, adj. (Gram.) les mots déclinables dont les variations sont entierement semblables aux variations correspondantes d’un paradigme commun, sont réguliers ; ceux dont les variations n’imitent pas exactement celles du paradigme commun, sont irréguliers : en sorte que la suite des variations du paradigme doit être considérée comme une regle exemplaire, dont l’exacte imitation constitue la régularité, & dont l’altération est ce qu’on nomme irrégularité. Le mot irrégulier est générique, & applicable indistinctement à toutes les especes de mots qui ne suivent pas la marche du paradigme qui leur est propre : il renferme sous soi deux mots spécifiques, qui sont anomal & hétéroclite. Voyez ces mots. On appelle anomal un verbe irrégulier ; & le nom d’hétéroclite est propre aux mots irréguliers, dont les variations se nomment cas ; savoir les noms & les adjectifs.

Ce n’est pas, dit-on, une méthode éclairée & raisonnée qui a formé les langues ; c’est un usage conduit par le sentiment. Cela est vrai sans doute, mais jusqu’à un certain point. Il y a un sentiment aveugle & stupide qui agit sans cause & sans dessein ; il y a un sentiment éclairé, sinon par ses propres lumieres, du-moins par la lumiere universelle que l’on ne sauroit méconnoître dans mille circonstances, où elle se manifeste par l’unanimité des opinions, ou par l’uniformité des procédés les plus libres en apparence. Que la premiere espece de sentiment ait suggéré la partie radicale des mots qui font le corps d’une langue, cela peut être ; & l’on pourroit l’affirmer sans me surprendre. Mais c’est assurément un sentiment de la seconde espece, qui a amené dans cette même langue le système plein d’énergie des inflexions & des terminaisons. Voyez