L’Encyclopédie/1re édition/BIGAMIE

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 246).
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BIGAMIE, s. f. (Jurisp.) est la possession de deux femmes vivantes en même tems, contractée par le mariage. Voyez Mariage.

Ceux qui étoient convaincus de bigamie chez les Romains, étoient notés d’infamie ; & anciennement ils étoient punis de mort en France. V. Polygamie.

Ce terme, en Droit, s’entend aussi de deux mariages successifs, ou du mariage de celui qui épouse une veuve. Ce sont, selon les canonistes, deux empêchemens de parvenir aux ordres ou à un évêché, à moins qu’on n’en ait dispense. Ce point de discipline est fondé sur ce que dit S. Paul, qu’un évêque n’ait qu’une seule femme, I. Timoth. iij. 2. Apost. const. 17. 18.

Il y a deux sortes de bigamie : la réelle, quand un homme se marie deux fois ; & l’interprétative, quand un homme épouse une veuve ou une femme débauchée, ce qui est regardé comme un second mariage. C’est pourquoi le P. Doucine distingue & remarque qu’Irenée ayant été marié deux fois, doit avoir été en ce sens coupable de bigamie, & qu’il fut évêque de Tyr, contre la disposition expresse des canons. Il montre, avec S. Jérome, que ceux qui épousent deux femmes, après qu’ils ont été baptisés, sont bigames : mais S. Ambroise & S. Augustin disent expressément que celui-là est bigame, qui épouse une femme qui avoit déjà été mariée, soit avant soit après le baptême. Hist. du Nestorianisme.

Les canonistes prétendent même qu’il y a bigamie qui opere l’irrégularité, si un homme, après que sa femme est tombée en adultere, a commerce avec elle, ne fût-ce qu’une fois.

Il y a une autre sorte de bigamie par interprétation, comme quand une personne, qui est dans les ordres sacrés ou qui s’est engagée dans quelque ordre monastique, se marie. Le pape en peut dispenser, du-moins y a-t-il des occasions où il le fait. Il y a aussi une sorte de bigamie spirituelle, comme quand une personne possede deux bénéfices incompatibles, comme deux évêchés, deux cures, deux chanoineries, sub eodem tecto, &c. (H)