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les cervicales, & quelquefois les intercostales supérieures, les carotides enfin, toutes destinées à la tête & aux parties supérieures, participent à l’irritation. Les rameaux supérieurs de l’artere axillaire, qui sont la mammaire externe, les thorachiques supérieures & inférieures, les scapulaires internes & externes & l’humérale, y sont encore plus exposées.

Ce méchanisme explique comment l’inoculation faite aux bras, augmente l’éruption à la tête & les accidens qui l’accompagnent ; il décide par conséquent pour l’inoculation aux jambes, dont l’éloignement de la tête & la nature des parties qui en sont affectées par proximité ou par sympathie, donnent bien de l’avantage. L’expérience le confirme, & c’est elle qui depuis plusieurs années a déterminé M. Tronchin à abandonner l’ancienne méthode, & à inoculer aux jambes. Tout l’effort de l’éruption de Mademoiselle d’Orléans fut aux jambes, & il est très-vraissemblable que sans les larmes qui coulent si facilement à son âge, elle n’en auroit pas eu aux paupieres.

Un autre desavantage de l’inoculation aux bras, c’est qu’elle oblige ordinairement le malade d’être couché sur le dos, & de s’y tenir pendant plusieurs jours ; la chaleur des reins en particulier & de l’épine du dos en général, que les maîtres de l’art craignent tant ; est une raison plus que suffisante pour préférer une méthode qui laisse au corps la liberté de ses mouvemens, & qui maintient dans toutes ses parties une égalité de chaleur, & une température si favorable à l’éruption.

Il est aisé de conclure de ce qui a été dit, qu’il est indifférent pour les adultes que l’inoculation se fasse au moyen des vésicatoires ou par incision, pourvû qu’elle se fasse aux jambes. Il n’en est pas de même des enfans, la méthode la plus facile & la plus douce est non-seulement préférable, mais elle paroît nécessaire. L’application & le pansement des petits vésicatoires est, pour ainsi dire un jeu ; ils n’ont rien qui effraye, & le traitement s’en fait sans douleur : peut-être même que la guérison en est plus prompte, vingt-un jours y suffisent.

Maitland transmit à ses successeurs l’opération de Timoni, telle qu’il l’avoit reçue de son maître ; la préparation lui appartenoit aussi : la complaisance avec laquelle on adopta celle-la, ne se démentit point dans celle-ci. Timoni étoit un maître avantageux, dont la vivacité & la prévention étoient incompatibles avec l’heureuse défiance qui caractérise les bons guides ; il est même possible qu’accoûtumé aux Grecs, dont la vie simple & frugale est un régime, il n’imagina pas que l’inoculation portée chez des peuples dont la vie ordinaire est un excès, exigeroit plus de précautions, & c’étoit aux Anglois sur-tout d’en faire la remarque. Mais qui ne sait que l’exemple séduit aisément la raison, que les plus grands medecins en sont quelquefois les dupes, & que les malades en sont souvent les victimes. On crut qu’il falloit suivre Timoni, & on ne tint compte ni de la différence du climat, ni de celle des mœurs & des alimens. C’est à ce manque d’attention qu’on doit attribuer les premiers accidens de l’inoculation, & ce n’est pas la seule fois qu’on a mis injustement sur le compte de l’art les fautes des artistes. Cette reflexion est si vraie, que nous avons nommé un maître de l’art, qui de mille inoculés n’en a pas perdu un seul. Il n’en faut pas tant pour prouver que de si grands succès de l’inoculation entre les mains des habiles gens, portent avec eux les caracteres de la bénédiction divine.

Ainsi toutes les objections qu’on a élevées contre l’inoculation confiée à des yeux éclairés & à des mains sages, se détruisent par les faits, excepté celles

que la malice, l’ignorance, la jalousie ou l’opiniâtreté, osent imaginer ; on leur donne du prix en y répondant, & c’est le seul qu’elles puissent avoir.

La petite vérole artificielle préserve de la contagion, tout comme la petite vérole naturelle ; & s’il étoit vrai, ce qui n’a pas encore été décidé, qu’il y eût quelques exceptions à cette regle générale, on pourroit tout-au-plus en conclure, que la prudence prend quelquefois des précautions inutiles. L’inoculation ne communique aucune autre maladie, quoique la preuve n’en soit que négative ; qui est-ce qui ne s’en contentera pas ? la chose n’est pas susceptible d’une preuve positive.[1] Trente années d’observations, dont aucune jusqu’à présent ne l’invalide, doivent nous tranquilliser ; où est d’ailleurs le medecin sage qui n’exige qu’on soit attentif sur le choix du pus dont on se sert pour inoculer ? Si après tout ce qui a été dit & écrit sur cette matiere, il étoit besoin d’encouragemens, la petite vérole naturelle nous les donneroit en foule. C’est aux vrais medecins, & le nombre en est bien petit, à apprécier les complimens que les adversaires de l’inoculation leur prodiguent ; ils avoueront tout d’une voix, que dans les grandes épidémies les ressources de l’art sont très-petites, & les billets mortuaires n’en font que trop foi. Que seroit-ce si on ajoûtoit, que peut-être l’art même rend la mortalité plus grande, & que la petite vérole est de toutes les maladies celle qu’on traite le plus mal ? Epargnons au lecteur des réflexions aussi tristes, & aux medecins un compte aussi mortifiant ; chacun peut aisément juger de ce qui se passe sous ses yeux ; car quel est le pays, la ville, le bourg ou le village dont cette cruelle maladie ne décime les habitans ? Montpellier qui passe en France pour être un des sanctuaires de l’art, en a fait de nos jours la triste expérience ; mais tout le monde ne sait pas qu’au Brésil la petite vérole est mortelle pour le plus grand nombre d’habitans, que dans l’Amérique méridionale, elle fait autant de ravage que la peste ; qu’en Barbarie & au Levant, de cent il en meurt plus de trente. Passons sous silence les victimes qu’elle laisse languissantes & privées de la vûe & de l’oüie, mutilées & couvertes de cicatrices. Article de M. Tronchin.

Inoculation, s. f. (Jardinage.) c’est l’action d’enter en bouton, en écusson, dont parlent assez souvent Virgile, Pline, Columelle. Voyez Greffe.

INODORE, substance, (Chimie & mat. med.) on appelle ainsi toute substance qui est naturellement dépourvue de principe aromatique ou odorant. Voyez Odorant principe. (b)

INOFFICIEUX, adj. (Jurispr.) se dit de ce qui nuit aux droits que quelqu’un avoit à espérer. On appelle testament inofficieux le testament dans lequel ceux qui ont droit de légitime, sont exherédés ou passés sous silence.

On appelle donation inofficieuse & dot inofficieuse, celles qui sont si excessives qu’il ne reste pas de quoi fournir les légitimes. Voyez Inofficiosité, Testament, Légitime & Querelle d’inofficiosité. (A)

INOFFICIOSITÉ, s. f. (Jurisprud.) est tout ce qui se fait contre le devoir naturel, quasi contra officium pietatis.

Voyez ci-devant Inofficieux & Plainte d’inofficiosité. (A)

Inofficiosité plainte d’, inofficiosi querela, (Droit Romain.) action accordée chez les Romains aux enfans exherédés, par laquelle action ils faisoient examiner en justice, non si le testateur avoit eu le pouvoir de donner ses biens, pour de justes causes,

  1. La preuve positive n’existoit pas ou n’étoit pas encore devenue publique, quand ce Mémoire a été écrit.